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26/03/2008 | FRANCE | N°07/01764

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0089, 26 mars 2008, 07/01764


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 26 MARS 2008

No du répertoire général : 07/01764

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée au greffe l

e 7 février 2007 par Maître Henri de BEAUREGARD, avocat de Monsieur Kamel X..., élisant domicile au cabinet de son avoca...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 26 MARS 2008

No du répertoire général : 07/01764

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée au greffe le 7 février 2007 par Maître Henri de BEAUREGARD, avocat de Monsieur Kamel X..., élisant domicile au cabinet de son avocat ... ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du requérant déposées le 12 décembre 2007 ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 27 février 2008 à 9 heures 30 ;

Vu la présence de Monsieur Kamel X... ;

Ouï, Monsieur Kamel X..., Maître Henri DE BEAUREGARD, avocat assistant Monsieur Kamel X..., Maître Marie Y..., avocat plaidant pour la SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT ET ASSOCIES, avocats associés représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 27 février 2008, le requérant ayant eu la parole en dernier;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

Attendu que Monsieur Kamel X..., poursuivi pour viol en réunion sur personne vulnérable, a été placé sous mandat de dépôt le 30 janvier 2004 ;

Qu'il a été acquitté le 24 octobre 2006 par la cour d'assises de Paris ; que cette décision est définitive ;

Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 2 ans 8 mois et 26 jours ;

Attendu que, dans ses dernières écritures, Monsieur Kamel X... sollicite une indemnité globale de 46.200 €, subsidiairement 41.391,24 € ou très subsidiairement 27.742,57 €, au titre de son préjudice matériel et de 150.000 € au titre de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 3.000 € en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Que l'Agent judiciaire du Trésor dénie à Monsieur Kamel X... le droit à l'indemnisation de son préjudice professionnel ou de la perte de chance de percevoir le RMI invoqués, nous demande de réduire la somme réclamée au titre de la perte de chance de trouver un emploi et de limiter à 40.000 € la réparation de son préjudice moral et propose de lui allouer la somme de 3.000 € au titre du préjudice psychologique ;

Attendu que la demande de Monsieur Kamel X..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;

Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que, dès lors que, pour l'essentiel, Monsieur Kamel X... travaillait au noir sans déclarer ses revenus avant son incarcération, il ne peut solliciter l'indemnisation d'une perte de revenus ;

Que, ne percevant pas le RMI au moment de son placement en détention, il ne peut pas davantage réclamer l'indemnisation de la perte de chance de percevoir cette prestation ;

Qu'il est en revanche démontré, par les pièces produites, que le requérant exerçait parfois un emploi déclaré de peintre et cherchait à obtenir un emploi fixe ; que, compte tenu de son âge et de la durée particulièrement longue de sa détention, il est certain que cette dernière lui a fait perdre une chance d'exercer une activité professionnelle légale ;

Qu'en conséquence, Monsieur X... établit l'existence d'un préjudice matériel directement imputable à sa détention provisoire, justifiant qu'il lui soit versé une somme de 30.000 € à ce titre ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;

Attendu que Monsieur Kamel X..., né le 1er décembre 1975, était âgé de 28 ans lors de sa mise en détention ; qu'il était marié avec une femme, mère d'un enfant en bas âge qui vivait avec eux ; que son épouse, qui était enceinte, a interrompu volontairement sa grossesse et a entamé une procédure de divorce, laquelle est toujours en cours ; que les lettres adressées par son épouse démontrent que ces deux événements douloureux pour Monsieur X... sont, pour l'essentiel, liés à son incarcération plutôt qu'à la "trahison" ressentie par son épouse du fait de la relation sexuelle consentie avec la victime, à l'origine de la plainte ;

Qu'en outre, Monsieur X... n'a pu se rendre aux obsèques de son père, décédé en Tunisie le 30 mai 2004 ;

Que, par ailleurs, les conditions de détention ont été rendues plus difficiles par le comportement des co-détenus en raison de la nature des faits reprochés, le requérant ayant notamment été agressé, par le fait qu'il a reçu très peu de visites, les liens avec sa famille s'étant distendus avec son incarcération, et qu'il ne disposait d'aucun moyen de cantiner ni ne recevait d'aide matérielle ;

Que Monsieur X... est asthmatique, affection que l'Agent judiciaire du Trésor minimise à tort et sans motif et cette période d'incarcération, longue et difficile, a provoqué chez lui d'importants problèmes psychiatriques et psychologiques ; que le requérant a tenté de mettre fin à ses jours ;

Qu'enfin, son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation et qu'il s'agissait d'une première incarcération malgré les allégations en sens contraire de l'Agent judiciaire du Trésor qui se retranche derrière des déclarations de Madame X... qui ne sont pourtant étayées par aucun élément ;

Attendu que la détention subie par Monsieur X... lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance du choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 100.000 € toutes causes confondues ;

Attendu que l'article 700 du code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande, en requalifiant la demande présentée par le requérant sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, de fixer l'indemnité due au titre des frais irrépétibles à la somme de 2.500 € ;

PAR CES MOTIFS,

ALLOUONS à Monsieur Kamel X... une indemnité de CENT TRENTE MILLE EUROS (130.000€) en réparation de son préjudice matériel et moral outre la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETONS le surplus des prétentions de Monsieur Kamel X....

Décision rendue le 26 mars 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0089
Numéro d'arrêt : 07/01764
Date de la décision : 26/03/2008

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises de Paris, 24 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-03-26;07.01764 ?
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