Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE - Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 26 MARS 2008
No du répertoire général : 06/17267
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée au greffe le 6 octobre 2006 par Maître Flavie X..., avocat substituant Maître Patrick MAISONNEUVE, avocat de Madame Joséphine Y... née Z..., demeurant ... ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 19 décembre 2007 à 9 heures 30 ;
Vu que l'affaire a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 27 février 2008 à
9 heures 30 ;
Vu l'absence de Madame Joséphine Y... ;
Ouï, Maître Nadège A..., avocat plaidant pour Maître Patrick MAISONNEUVE, avocat représentant Madame Joséphine Y..., Maître Marie B..., avocat plaidant pour la SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT ET ASSOCIES, avocats associés représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 27 février 2008, le conseil de la requérante ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Madame Joséphine Y... née Z..., poursuivie pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, a été placée sous mandat de dépôt le 28 mai 2002 et a été mise en liberté sous contrôle judiciaire le 29 juillet 2002 ;
Qu'elle a été acquittée le 18 mars 2005 par la cour d'assises de Paris ; que cette décision est définitive à la suite du désistement d'appel du procureur général en date du 6 juillet 2006 ;
Qu'elle a ainsi été incarcérée pendant 2 mois et 6 jours ;
Attendu que Madame Joséphine Y... née Z... sollicite une indemnité de 30.000 € au titre de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que l'Agent judiciaire du Trésor nous demande de limiter à 5.000 € la réparation de ce préjudice ;
Attendu que la demande de Madame Joséphine Y... née Z..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;
Considérant que Madame Y... née Z..., étant sans profession, ne prétend à aucun préjudice matériel ;
Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Attendu que Madame Joséphine Y..., née le 17 octobre 1944, était âgée de 57 ans lors de sa mise en détention ; qu'elle était veuve, mère de trois enfants majeurs âgés de 40, 37 et 36 ans et grand-mère ;
Que les conditions de sa détention ont été rendues plus difficiles en raison de la nature des faits reprochés (mise en examen dans le cadre de l'attentat contre la gendarmerie de Borgo en Corse) et de l'éloignement de sa famille puisqu'elle a été incarcérée à Fleury-Mérogis alors que ses enfants et petits-enfants vivent en Corse comme elle ;
Qu'en outre, les problèmes de santé importants que Madame Y... née Z... connaissait depuis le décès de son mari, se sont aggravés durant la détention au cours de laquelle la requérante a fait plusieurs tentatives de suicide ;
Que son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation et qu'il s'agissait d'une première incarcération ;
Attendu que la détention qu'elle a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance du choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 6.750 €;
Attendu que l'article 700 du code de procédure civile est applicable aux demandes de réparation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de faire droit à l'indemnité de 1.000 € sollicitée au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS,
ALLOUONS à Madame Joséphine Y... née Z... une indemnité de SIX MILLE SEPT CENT CINQUANTE EUROS (6.750 €) en réparation de son préjudice moral outre la somme de MILLE EUROS (1.000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Décision rendue le 26 mars 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE