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20/03/2008 | FRANCE | N°06/09787

France | France, Cour d'appel de Paris, 20 mars 2008, 06/09787


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre B



ARRÊT DU 20 Mars 2008

(no 4 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/09787



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 01/08001





APPELANTE



Madame Evelyne X...


...


92110 CLICHY

comparant en personne







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SARL EFAPO

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75006 PARIS

représentée par Me François CHENEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 459







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre B

ARRÊT DU 20 Mars 2008

(no 4 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/09787

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 01/08001

APPELANTE

Madame Evelyne X...

...

92110 CLICHY

comparant en personne

INTIMÉE

SARL EFAPO

...

75006 PARIS

représentée par Me François CHENEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 459

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Thierry PERROT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry PERROT, conseiller, désigné par ordonnance du 26 février 2008, pour présider l'audience,

Madame Edith SUDRE, conseiller

Madame MARTINEZ, conseiller désigné par ordonnance du 26 février 2008

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur Thierry PERROT, conseiller ayant participé aux débats

- signé par, Monsieur Thierry PERROT, conseiller ayant participé aux débats et par Madame Nadine LAVILLE, greffier présent lors du prononcé.

Mme X... était embauchée par la SARL EFAPO, en qualité d'assistante de direction, suivant contrat à durée indéterminée en date du 6 octobre 2000 et à effet du 11 octobre 2000, avec une période d'essai initiale d'un mois, toutefois portée à trois mois, en raison de l'attribution à la salariée du statut cadre, puis renouvelée, sur demande de l'intéressée, formulée par courrier du 23 janvier 2001, jusqu'au 23 avril 2001.

Convoquée, par LRAR du 23 mai 2001, à un entretien préalable pour le 5 juin 2001, Mme X... était licenciée par LRAR du 13 juin 2001.

La salariée saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS, ayant, par jugement du 9 janvier 2006 :

- débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la SARL EFAPO de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Mme X... aux dépens.

Régulièrement appelante de cette décision, Mme X... entend voir :

- infirmer le jugement ;

- condamner la SARL EFAPO à lui payer les sommes suivantes :

* Dommages-intérêts pour rupture abusive (6 mois de salaire) : 14086,29 € ;

* Refus de réintégration après maladie/accident de travail : 28 172,58 € ;

* Salaires entre l'arrêt de travail et la fin du préavis

(du 19 mai 2001 au 14 juillet 2001) : 4 406,48 € ;

* Indemnité compensatrice de congés payés entre l'arrêt de travail

et la fin du préavis (du 19 mai 2001 au 14 juillet 2001) : 650,29 € ;

* Indemnité compensatrice de congés payés sur période payée (différence,

du 11 octobre 2000 au 10 mai 2001) : 311,52 € ;

* Dommages-intérêts pour ennuis dus aux problèmes financiers,

suite à la non-observation de la loi sur le droit de retrait : 8 000 € ;

* Dommages-intérêts pour harcèlement moral : 15 000 € ;

* Article 700 du NCPC : 1 524,49 € ;

- obtenir des lettres d'excuses motivées et circonstanciées de chacun des 7 co-gérants ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal.

La SARL EFAPO demande à la Cour de :

- débouter Mme X... de l'intégralité de ses demandes formulées au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, de l'exercice du droit de retrait, du harcèlement moral et du rappel de salaires et d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- condamner Mme X... à verser à l'EFAPO la somme de 1 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

- la condamner aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites visées le 25 janvier 2008, et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE,

- Sur le licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement, fixant les termes du litige, est ainsi libellée :

"A la suite de notre entretien du 5 juin 2001, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant.

Ainsi que le révèlent vos nombreux écrits, vous avez adopté un comportement qui remet en cause de façon constante et systématique l'organisation de la société ainsi que sa cogérance. Ce parti pris et ce dénigrement se sont aggravés ces dernières semaines, avec, de surcroît, un abandon de poste de plusieurs semaines.

Ces faits mettent gravement en cause la bonne marche de l'entreprise, et les explications recueillies auprès de vous et de votre conseil lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation.

Votre préavis, d'une durée d'un mois, débutera donc à la date de présentation de la présente lettre. Au terme du préavis, vous cesserez donc de faire partie de nos effectifs.

Vous pourrez vous présenter le jour de l'expiration de votre contrat de travail auprès des co-gérants pour percevoir votre solde de tout compte et retirer votre certificat de travail ainsi que votre attestation ASSEDIC..." ;

Considérant que Mme X... se voir ainsi reprocher, au soutien de son licenciement, un comportement de dénigrement par remise en cause constante et systématique de l'organisation et de la co-gérance de l'entreprise, outre un abandon de poste pendant plusieurs semaines ;

* Sur le motif pris de l'abandon de poste :

Considérant que l'intéressée ne saurait utilement exciper, pour tenter de justifier de son absence, -en tant que telle incontestée-, sur son poste, avoir prétendument exercé son droit de retrait, en l'absence de tout motif raisonnable susceptible de justifier la mise en oeuvre d'un tel droit, hors tout dommage grave et imminent pour sa vie ou sa santé, au sens de l'article L 231-8-1 du code du travail ;

Qu'en effet, c'est seulement par courrier du 16 mai 2001 que Mme X... faisait part à son employeur de ce qu'elle ne sollicitait pas de nouvel arrêt de travail mais entendait faire usage de ce droit de retrait, en indiquant qu'elle ne reprendrait son activité qu'une fois "une situation normale rétablie" ;

Que la salariée exprimait ainsi clairement à la SARL EFAPO que la reprise de son travail était subordonnée à l'entérinement de ses idées, passant par l'éviction de Mme Y..., en poursuivant son courrier par de multiples attaques dirigées à l'encontre de celle-ci, en lui imputant une incompétence caractérisée et en lui faisant précisément grief de ne pas valider ses idées sur l'organisation et la gestion de la société ;

Que, dans ces conditions, il est constant que Mme X... n'a pu, aux termes de ce courrier du 16 mai 2001, soit près d'une semaine après avoir abandonné son poste, valablement invoquer, en prétendant faire usage d'un quelconque droit de retrait, que sa vie ou sa santé serait susceptible d'être mise en danger sur son lieu de travail ;

Qu'il suit de là, l'usage de ce droit de retrait étant en l'occurrence illégitime, que ce premier grief, pris de l'abandon de son poste par la salariée, réel et sérieux, est dûment fondé et sera donc, comme tel, retenu, et la salariée par là-même être déboutée de sa demande de dommages-intérêts tendant à obtenir réparation de son prétendu préjudice financier, en imputant à tort à l'employeur l'inobservation de la loi lui ménageant un tel droit ;

* Sur le motif pris du dénigrement :

Considérant que Mme X... se réclame à cet égard du droit, voire, en l'espèce, du devoir, de critiquer l'entreprise et ses co-gérants ;

Que, pour autant, même s'il est vrai que les salariés disposent certes d'un droit d'expression directe et collective, qu'il tirent de l'article L 461-1 du code du travail, sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail, ayant pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer les conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise, ils ne sauraient être toutefois admis à en abuser jusqu'à tenir des propos injurieux, diffamatoires ou manifestement excessifs ;

Que tout salarié est en effet tenu d'une obligation de loyauté et de réserve envers son employeur, et d'autant plus quand il a, comme Mme Z..., le statut de cadre, sa liberté d'expression trouvant ainsi et d'autant plus sûrement une limite dans la teneur et, surtout, le ton des propos employés ;

Or considérant qu'il résulte à l'évidence de l'ensemble des productions que la salariée a tôt fait de multiplier de vives critiques à l'encontre de l'organisation de la société, en s'exprimant sur un ton de plus en plus agressif et menaçant, comme la SARL EFAPO le souligne à juste titre ;

Que l'intimée relève ainsi, parmi les nombreux courriers ou e-mails rédigés par Mme X..., les extraits suivants :

"Comme je vous l'ai dit, j'ai des idées très précises et concrètes sur la façon de vous doter d'une administration rigoureuse et efficace, mais comme Joëlle s'est mis dans la tête de la diriger cette administration, et qu'elle semble y tenir beaucoup, je ne sais pas pour vous quelle sera la meilleure solution : la laisser faire et les conséquences risquent d'être désastreuses (mais ce sera sans moi), ou me faire confiance et me donner les moyens d'assurer

une gestion saine" (e-mail du 29 novembre 2000) ;

"Je ne vois pas pourquoi elle ne s'en tient pas à son poste de Présidente, c'est déjà très "honorifique" et peut prendre pas mal de temps, si les fonctions sont exercées de façon très suivie...", "Je m'aperçois de plus qu'elle a un côté velléitaire important : elle dit qu'elle va faire et, au final, c'est moi qui fait, et, quand un dossier l'ennuie, elle essaie de me le "refiler", "elle a l'habitude typique de quelqu'un de débordé par ses fonctions et cela a toujours un effet désastreux sur le plan humain, surtout pour les subalternes" (e-mail du 3 décembre 2000) ;

"... elle voulait avoir le pouvoir et c'est moi qui devais assurer derrière. C'est le phénomène bien connu de vampirisation", "Elle a voulu rester dans la superficialité, ou même l'irréel, s'accrochant à cette idée qu'elle a découverte avec le concept de "lien de subordination" dans le cas de formateurs sur projet, et que ce pouvoir sur autrui, elle allait pouvoir l'exercer sur moi, à titre d'expérience", "J'ai des connaissances que Joëlle ne pourra pas avoir parce qu'elles résultent d'années d'études et de pratique. Elle veut s'en emparer à travers moi, sans vouloir reconnaître qu'elles sont miennes, d'où le malaise ambiant", "Il faut comprendre aussi que Joëlle, avec sa méconnaissance de l'activité réelle de l'administration, est plus une charge pour moi, qu'une aide" (courrier du 1er mai 2001) ;

"Je crains et je sais que Mme Y... n'en est pas à son coup d'essai en la matière et qu'elle a déjà à son actif plusieurs victimes", "je crains fort que Mme Y... ne sait plus ce qu'elle dit, décide, écrit et signe... et encore plus, ce qu'elle fait en général" (e-mail du 12 mai 2001) ;

Qu'il résulte de ces quelques extraits de ses multiples écrits que Mme X... n'a ainsi eu de cesse que de péremptoirement asséner son point de vue sur ce qu'il convenait de faire en termes d'organisation ou de gestion de l'entreprise, étant au surplus patent que, ce faisant, elle s'en prenait surtout, et avec une virulence accrue, à Mme Y..., co-gérante de la SARL EFAPO, en procédant directement par voie d'attaques personnelles à son encontre ;

Que la manifestation par Mme X... d'idées aussi arrêtées, et toujours empreintes d'une contestation nourrie des choix opérés par la co-gérance, moyennant une remise en cause systématique des directives qui lui étaient données, excède amplement les limites du droit d'expression dont le salarié et cadre qu'elle était pouvait être admise à se prévaloir ;

Qu'il s'ensuit, la réalité et la pertinence de ce second motif étant aussi avérées que pour le précédent, que le licenciement repose définitivement sur une cause réelle et sérieuse ;

- Sur le harcèlement moral :

Considérant que Mme X... soutient encore avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, notamment pris en la personne de Mme Y... ;

Qu'il s'évince suffisamment de ce qui précède qu'il est dûment établi que la salariée devait elle-même, en outrepassant ainsi largement les limites de son droit d'expression, vivement reprocher aux co-gérants d'être dépassés par leurs fonctions, jusqu'à stigmatiser, ensemble, leurs laxisme, lacunes, incompétence, et autres problèmes existentiels ;

Que force est en revanche de constater que Mme X... n'établit en rien, au regard des prescriptions de l'article L 122-52 du code du travail, la matérialité de faits entrant dans les prévisions de l'article L 122-49 du même code, permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de son employeur, alors même que celui-ci a tout au contraire fait preuve de compréhension devant une telle situation, pour le moins conflictuelle, amplement initiée puis entretenue par l'intransigeance manifestée par l'intéressée ;

Que la salariée sera donc également déboutée de ses prétentions indemnitaires émises de ce chef, ainsi, partant, que de sa demande tendant à obtenir de chacun des co-gérants des lettres d'excuses motivées et circonstanciées, n'ayant pas davantage lieu d'être ;

- Sur le rappel de salaires :

Considérant que l'appelante réitère sa demande de rappel de salaires sur la période courant du 19 mai 2001 au 14 juillet 2001, terme de son préavis, outre d'indemnité compensatrice de congés payés, tant sur cette période qu'au titre d'un prétendu solde à lui revenir en sus de celle qui lui a été réglée ;

Que Mme X... a toutefois cessé de se présenter à son poste de travail à partir du 18 mai 2001, ayant clairement exprimé n'avoir l'intention de reprendre son activité qu'après l'éviction de Mme Y... ;

Qu'en raison de son abandon de poste sans aucun motif valable, car ayant fait, pour les motifs sus-énoncés, du droit de retrait par elle invoqué un usage totalement illégitime, elle ne saurait donc prétendre au règlement de ses salaires pendant la durée de son absence injustifiée, constituant au demeurant l'un des deux motifs justement énoncés et d'ailleurs ensemble ci-dessus retenus au soutien de son licenciement ;

Que la salariée, ayant été payée de son salaire du 1er au 10 mai 2001, outre, au vu de son bulletin de paie établi pour la période du 1er au 15 juillet 2001, de l'indemnité compensatrice de congés payés à lui revenir, à hauteur de 12 882,69 F, et ne démontrant pas qu'un solde lui resterait dû sur cette dernière, n'établit pas en quoi la SARL EFAPO aurait failli à ses obligations ;

Que Mme X... sera donc déboutée de ses prétentions émises de ce chef, ainsi, partant, que de l'ensemble de ses demandes, le jugement étant dès lors confirmé en ses entières dispositions ;

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties ne commandent toutefois pas de faire application de l'article 700 du NCPC au profit de la SARL EFAPO, même si Mme X..., succombant en l'ensemble des fins de sa voie de recours, doit être tenue des entiers dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ses entières dispositions ;

Déboute en conséquence Mme X... de l'ensemble des fins, infondées, de sa voie de recours ;

Dit n'y avoir toutefois lieu à application de l'article 700 du NCPC au profit de la SARL EFAPO ;

Condamne enfin Mme X... aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/09787
Date de la décision : 20/03/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-20;06.09787 ?
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