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18/03/2008 | FRANCE | N°06/10084

France | France, Cour d'appel de Paris, 18 mars 2008, 06/10084


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B



ARRET DU 18 Mars 2008

(no , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/10084



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2006 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG no 05/01373









APPELANT

Monsieur Kamel X...


...


93600 AULNAY SOUS BOIS

comparant en personne, assisté de Me Pierre AUDOUIN (SCP MICHEL A

UDOIN VERIN GILLET), avocat au barreau de la SEINE SAINT DENIS, toque : PB:172







INTIMÉE

SNC ROCAMAT PIERRE NATURELLE

58 quai de la Marine

93450 L'ILE ST DENIS

représentée par Me Guy-Pierre ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRET DU 18 Mars 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/10084

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2006 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG no 05/01373

APPELANT

Monsieur Kamel X...

...

93600 AULNAY SOUS BOIS

comparant en personne, assisté de Me Pierre AUDOUIN (SCP MICHEL AUDOIN VERIN GILLET), avocat au barreau de la SEINE SAINT DENIS, toque : PB:172

INTIMÉE

SNC ROCAMAT PIERRE NATURELLE

58 quai de la Marine

93450 L'ILE ST DENIS

représentée par Me Guy-Pierre CARON (LAMY LEXEL), avocat au barreau de PARIS, toque : K041, substitué par Me Marion LOMBARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par Kamel X... d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 3 avril 2006 ayant condamné la société ROCAMAT PIERRE NATURELLE à lui verser

3980 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

398 euros au titre des congés payés y afférents

3317 euros au titre de l'indemnité de licenciement

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et l'ayant débouté du surplus de sa demande ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 5 février 2008 de Kamel X... appelant, qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui verser

3996 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

399,60 euros au titre des congés payés y afférents

3938 euros au titre de l'indemnité de licenciement

40000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 5 février 2008 de la société ROCAMAT PIERRE NATURELLE intimée qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à lui restituer la somme de 6931,81 euros et à lui verser 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que Kamel X... a été embauché à compter du 6 juin 1990 par la société OMNIPIERRE par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de dessinateur d'exécution; que son contrat de travail a été transféré le 1er décembre 2001 au sein de la société intimée ; qu'à la date de son licenciement, il percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2036,52 euros et était assujetti à la convention collective des entreprises du bâtiment et des travaux publics ; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés ;

Que l'appelant a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 février 2005 à un entretien le 28 février 2005 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire ; que son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 mars 2005;

Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

« Nous vous informons par la présente lettre que nous vous notifions votre licenciement pour faute grave compte tenu de votre comportement.

Depuis plusieurs mois nous constatons une nette dégradation de votre comportement au travail qui s'est traduite par les faits suivants :

Depuis le mois d'octobre 2004, votre hiérarchie a constaté que le suivi des affaires, qui vous ont été confiées au niveau du dessin, a fait apparaître des temps d'exécution excessivement importants et anormaux. Compte tenu de ces manquements, nous vous avons notifié un avertissement le 24 janvier 2005 et demandé de modifier votre attitude.

Le 4 février, nous avons reçu une lettre recommandée datée du 31 janvier 2005 dans laquelle vous nous informez que nos reproches étaient infondés. Dès réception de votre lettre, votre supérieur hiérarchique vous a reçu vous confirmant votre avertissement et vous a demandé de changer votre comportement et ce dans les plus brefs délais. Une lettre recommandée en A/R en date du 4 février 2005 vous a été adressée en ce sens.

Or, vous n'avez pas modifié votre attitude.

En effet, le 7 février 2005, vous avez remis à Monsieur François B... les documents de croquis de débit pour une de nos affaires à l'export, dossier qui vous avait été donné le 28 janvier 2005 : face à la multitude d'erreurs grossières que vous avez commises, Monsieur François B... a été dans l'obligation, et dans l'urgence de la mise en fabrication pour respecter nos délais vis à vis du client, de faire reprendre la quasi totalité de votre travail par un de nos dessinateurs, Monsieur David C....

Le 7 février 2005, nous recevions une lettre du Cabinet d'avocats "Michel et Associés" nous indiquant notamment que vous souhaitiez "que ce différend connaisse un règlement amiable" et que enfin "vous étiez ouvert à toute discussion".

Je vous ai immédiatement convoqué pour entendre vos explications quant à la nature de la lettre de votre conseil. Sans détour, vous m'avez déclaré "en avoir raz le bol de Rocamat" et souhaiter être licencié, car il n'était pas dans votre intention de démissionner. Vous m'avez alors clairement indiqué que dans l'hypothèse où vous n'auriez pas satisfaction vous nous donneriez l'occasion de vous licencier.

Je vous ai alors confirmé par lettre recommandée du 7 février dernier le caractère insupportable de votre démarche et de vos propos en vous demandant rapidement d'assurer les missions pour lesquelles vous êtes rémunéré par notre société au meilleur intérêt de nos clients internes et externes et ce dans le respect de la qualité et des délais.

Vous nous avez adressé un nouveau courrier reçu le 14 février 2005 contestant avec une mauvaise foi évidente les propos échangés lors de notre entrevue du 7 février dernier.

En réponse à votre courrier je vous ai adressé en recommandé le 14 février 2005 une mise en demeure en vous demandant de nouveau de changer radicalement de comportement.

C'est dans ce contexte que le 16 février 2005 à 17 heures vous avez informé Monsieur François B..., votre responsable hiérarchique, que vous refusiez catégoriquement de finir la réalisation qu'il vous avait donnée le 14 février 2005 d'un travail de dessin d'escalier suivant les plans d'architecte pour un de nos clients.

Sur ce même dossier, vous poussiez déjà la provocation en mettant deux jours, les 14 et 15 février 2005, pour recopier la vue en plan du dessin d'architecte, travail réalisable normalement par un dessinateur de votre expérience en 4 heures. Votre responsable hiérarchique a en grande partie repris votre travail nécessitant de nombreuses corrections.

La dégradation subite depuis quelques mois de votre travail et de votre comportement est préjudiciable à l'entreprise. Cette situation n'a pas manqué de générer des dysfonctionnements au sein de votre service entraînant inévitablement pour vos collègues une charge de travail supplémentaire, ce qui est inadmissible.

Vos manquements énumérés ci-dessus allant jusqu'au refus de réaliser un travail relevant de vos compétences ne sont pas acceptables de la part d'un professionnel de 14 années d'expérience dans notre entreprise.

Leurs persistances, malgré nos mises en demeure, démontrent qu'il n'a été nullement dans votre intention de modifier votre attitude et que ceci n'a pour seul but de nous faire supporter l'initiative d'une rupture».

Que l'appelant a saisi le Conseil de Prud'hommes le 17 mars 2005 en vue de contester la légitimité du licenciement ;

Considérant que Kamel X... expose que son employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire à l'égard de la plupart des griefs énoncés dans la lettre de licenciement en lui infligeant un avertissement le 24 janvier réitéré le 14 février 2005 ; que ne subsiste qu'un seul grief consistant en un prétendu refus de finir la réalisation d'un travail de dessins d'escalier ; que ce grief n'est ni réel ni sérieux ; que son employeur lui a confié une tache exceptionnelle étrangère à sa pratique ; que le travail était irréalisable et ne présentait aucune urgence ; que l'appelant n'a jamais été remplacé, son poste étant supprimé ; qu'il a subi un grave préjudice économique et moral ;

Considérant que la société ROCAMAT PIERRE NATURELLE soutient que la faute reprochée à l'appelant est caractérisée ; qu'il a adopté une attitude inadmissible ; qu'il a refusé d'exécuter son travail ; qu'il ne démontré pas la réalité d'un préjudice ;

Considérant que les faits relatifs au comportement de l'appelant au cours de l'année 2004 ont donné lieu à un avertissement infligé le 24 janvier 2005 ;

Considérant que les propos susceptibles d'avoir été tenus le 7 février 2005 par l'appelant ainsi que sa démarche tendant à provoquer son licenciement à la suite de la transmission de la correspondance de son conseil en date du 31 janvier 2005 ne sont étayés par aucun élément objectif et ne résultent que du seul courrier de l'intimée en date du 7 février 2005 ; qu'ils ne peuvent donc constituer un grief admissible ;

Considérant que les erreurs grossières imputées à l'appelant dans l'exécution de croquis constatée le 7 février 2005 ne constituent que de simples allégations ; qu'en effet le courrier établi le 21 février 2005 par François B... ne permet pas d'évaluer l'importance des erreurs susceptibles d'avoir été commises par l'appelant ; qu'en outre il apparaît que les vérifications ayant été effectuées par le témoin le 15 février et non le 7 février, celui-ci n'a pu reprendre ce travail car il était chargé de la réalisation d'un dessin d'escalier ; que ce grief n'est pas davantage caractérisé ;

Considérant, s'agissant du dernier grief, que selon le rapport rédigé le 21 février 2005 par François B..., supérieur hiérarchique de l'appelant, celui-ci a été chargé d'effectuer des travaux de dessin d'un escalier le 14 février 2005 ; que selon l'auteur du rapport, la première phase de ce travail a été réalisée en deux jours ; que l'appelant a alors été chargé de la réalisation de la seconde phase ; qu'il a débuté ce dernier travail mais n'est pas arrivé à le terminer ; qu'il a expliqué à cette occasion au témoin qu'il ne savait pas réaliser un tel travail ; que l'insubordination alléguée par l'intimé ne résulte pas du rapport établi par le témoin quelques jours après les faits mais d'une attestation rédigée plusieurs mois après, alors que le Conseil de prud'hommes avait déjà été saisi, et donc sujette à caution ; qu'en réalité l'intimée a déduit un tel refus d'un appel téléphonique du conjoint de l'appelant le lendemain l'avisant que celui-ci était malade et ne reprendrait le travail que le 14 mars 2005 ; que toutefois la réalité de l'arrêt de travail n'est pas contestée ; que le certificat de travail particulièrement précis, établi le 16 février 2005, fait apparaître que l'appelant souffrait d'un grave syndrome dépressif accompagné d'idées de suicide ; qu'en outre l'appelant s'étant rendu au service des urgences dès le 16 février 2005, il ne peut avoir réalisé en deux jours, comme le prétend le témoin, la première phase de travaux de dessin ; que les faits allégués à l'appui du dernier grief ne peuvent donc consister qu'en de simples insuffisances professionnelles ; que selon la description de l'emploi de dessinateur d'exécution occupé par l'appelant, figurant dans la convention collective, celui-ci devait établir les plans courants d'exécution, les calepins équivalents et les détails des sous-ensembles en utilisant au besoin des documents existants ou en prenant des mesures sur place ; que le travail qui lui avait été confié n'excédait pas les compétences attachées à sa qualification d'autant qu'il pouvait se prévaloir d'une expérience de près de quinze années ; que le défaut de réalisation dans les délais du travail qui lui avait été confié par son employeur alors que l'appelant avait fait l'objet d'un avertissement récent le 24 janvier 2005 pour des faits similaires, à savoir des temps d'exécution excessivement importants et anormaux, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant que la faute grave étant écartée, l'intimée est nécessairement débitrice de l'indemnité compensatrice de préavis sans qu'il y ait lieu de vérifier si l'appelant pouvait ou non l'exécuter dès lors que l'inexécution du préavis résulte de la décision de la société de le priver de délai congé ; que l'indemnité compensatrice de préavis est au moins égale à la somme sollicitée par l'appelant ; qu'il convient donc de l'évaluer à la somme de 3996 euros et l'indemnité de congés payés à la somme de 399,60 euros ; que l'indemnité conventionnelle de licenciement calculée en application des dispositions de la convention collective doit être évaluée à la somme de 3648,75 euros ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

REFORME le jugement entrepris,

CONDAMNE la société ROCAMAT PIERRE NATURELLE à verser à Kamel X... :

- 3 996 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 399,60 euros au titre des congés payés

- 3 648,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

FAIT MASSE des dépens,

DIT qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/10084
Date de la décision : 18/03/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bobigny


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-18;06.10084 ?
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