Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 14 MARS 2008
(no , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/19742
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2005072542
APPELANTE
La S.A.R.L. SMART et CO
(anciennement dénommée WEEKENDESK, KIVALI)
représentée par son Gérant
ayant son siège 1 bis, rue Collange
92300 LEVALLOIS PERRET,
représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour,
assistée de Maître Guillaume TEISSONNIERE, avocat au Barreau de Paris,
INTIMEES
La S.A. 2LO - LE LOISIR OPERATEUR
en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 28, Rue des Petites Ecuries
75010 PARIS
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,
assistée de Maître Maxime CHAMINADE, avocat au Barreau de Paris,
(Cabinet GREFFE) E617.
La SARL MULTIPASS
représentée par son Gérant
dont le siège social est 34, Avenue des Champs Elysées
75008 PARIS
représentée par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour,
assistée de Maître GUILVY, avocat au Barreau de Paris, E296
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2008, en audience publique les parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame REGNIEZ, magistrat, chargé du rapport .
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame REGNIEZ, conseiller,
Monsieur MARCUS, conseiller,
Greffier, lors des débats : L. MALTERRE PAYARD
ARRÊT :
- contradictoire.
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société à responsabilité limitée WEEKENDESK FRANCE, actuellement dénommée SMART et Co à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 13 octobre 2006 par le tribunal de commerce de Paris dans un litige l'opposant aux sociétés 2LO LE LOISIR OPERATEUR SA (ci-après 2LO) et la société MULTIPASS SARL.
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Il convient de rappeler que la société WEEKENDESK FRANCE a commercialisé en France en 2003 des coffrets de chèques cadeaux thématiques, sous licence exclusive de la société de droit belge WEEKENDESK NV, offrant à leurs bénéficiaires l'accès à une sélection de services prédéfinis.
Les sociétés MULTIPASS et 2LO commercialisent des coffrets cadeaux, depuis 2004, dénommés WONDERBOX, pour la première, et, pour la seconde, dénommés PASS CADEAU 2LO.
La société WEEKENDESK FRANCE, estimant que les sociétés MULTIPASS et 2LO ont, ce-faisant, copié ses propres coffrets cadeaux, les a assignées, par acte du 17 octobre 2005, devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins de les voir condamner pour concurrence déloyale et parasitisme.
La société MULTIPASS avait reconventionnellement reproché à la société WEEKENDESK de faire usage de la marque "WONDER BOX" dont elle est titulaire.
Parallèlement aux agissements dénoncés, la société 2LO, titulaire du nom de domaine www.2LO.fr depuis mars 2002, a constaté en décembre 2005 l'achat par la société WEEKENDESK du mot clef 2LO sur le site internet de référencement publicitaire www.miva.fr, lui garantissant l'affichage de son site internet, de son logo et d'une annonce publicitaire de promotion des coffrets cadeaux WEEKENDESK FRANCE, en première place sur ce site de référencement ainsi que sur les sites partenaires, chaque fois qu'un internaute saisirait la requête 2LO.
Après avoir fait dresser deux procès-verbaux de constat en date des 16 et 30 décembre 2005, la société 2LO a assigné, par acte du 24 janvier 2006, la société WEEKENDESK FRANCE aux fins de la voir condamner pour concurrence déloyale et parasitisme.
Les deux procédures ont été jointes par jugement du 28 avril 2006 du tribunal de commerce de Paris.
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Par le jugement entrepris, le tribunal de commerce de Paris, s'est déclaré incompétent sur les demandes formées par la société MULTIPASS à l'encontre de la société WEEKENDESK du fait de l'usage de la marque "WONDER BOX, a renvoyé l'affaire sur ce point devant le tribunal de grande instance de Paris et a :
- débouté la société WEEKENDESK de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale à l'encontre des sociétés 2LO et MULTIPASS,
- condamné la société WEEKENDESK à payer à la société 2LO la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du détournement de sa dénomination sociale, et à la société 2LO d'une part, et à la société MULTIPASS d'autre part, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la société WEEKENDESK FRANCE aux dépens.
Dans ses dernières conclusions du 29 novembre 2007, la société SMART et Co, appelante, invite la cour à :
- infirmer le jugement entrepris,
- constater que les sociétés 2LO et MULTIPASS se sont rendues coupables d'agissements constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire,
- prendre acte de l'abandon par la société 2LO de l'une des caractéristiques essentielles du conditionnement des chèques cadeaux de SMARTet Co en 2006,
- prendre acte de la modification par la société 2LO de la charte graphique de son coffret "ZEN" en 2006,
-faire injonction à la société MULTIPASS de modifier le conditionnement de ses chèques cadeaux afin de ne plus reprendre de manière cumulative les éléments caractéristiques des chèques cadeaux de SMART et Co en :
* un coffret cartonné au format CD/DVD,
* avec une charte graphique déclinable par thèmes,
* incluant un guide détaillé des prestations,
dans un délai de soixante jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par infraction constatée,
- condamner la société MULTIPASS à verser à la société SMART et Co la somme de 200.000 euros et la société 2LO à verser celle de 35 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait des agissements déloyaux et parasitaires,
- constater que le mot clé "2LO" acquis pour le compte de SMART et Co n'a généré que six clics entre août 2005 et janvier 2006,
- limiter la condamnation de ce fait de la société SMART AND CO à la somme maximum de 330 euros,
- condamner les sociétés MULTIPASS et 2LO à verser au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, respectivement celle de 20 000 euros et de 5000 euros,
- condamner solidairement les sociétés 2LO et MULTIPASS aux entiers dépens et autoriser la SCP GERIGNY-FRENEAUX à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 13 décembre 2007, la société MULTIPASS, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner la société SMART AND CO, à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusivement engagée et maintenue et de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont ceux d'appel pourront être recouvrés par la SCP VERDUN SEVENO par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions en date du 5 juillet 2007, la société 2LO, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société WEEKENDESK de son action en concurrence déloyale,
- faisant droit à sa demande reconventionnelle, condamner cette société à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire et juger que la société WEEKENDESK FRANCE, nouvellement dénommée KIVALI puis SMART AND CO, s'est livrée à des agissements de concurrence déloyale, et la condamner en conséquence à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux, au choix de la société 2LO et aux frais de la société SMART AND CO correspondant au coût de 5 000 euros hors taxe pour chacune des publications.
- la condamner à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître TEYTAUD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la société SMART et Co soutient avoir mis au point un nouveau conditionnement de chèque cadeau dont les éléments caractéristiques seraient repris par les deux sociétés concurrentes intimées ; qu'à ce titre, elle indique qu'il n'était nullement nécessaire à ces sociétés de présenter leurs chèques cadeaux dans un conditionnement reprenant l'ensemble des éléments caractéristiques des siens c'est à dire dans "un coffret cartonné au format CD/DVD avec une charte graphique déclinable par thèmes incluant un guide détaillé des prestations", les chèques en cause présentant en outre les mêmes caractéristiques : pas de valeur faciale, le prix n'est pas connu du bénéficiaire, celui-ci a le choix de la date et du lieu en fonction des activités visées par le thème déterminé par l'acheteur ; qu'elle souligne qu'avant le lancement de ce produit en France en 2003, à la suite d'un contrat de licence exclusive conclu avec la société WEEKENDESK Belgique à l'origine de ce concept, il n'existait pas de produit de ce type ;
Qu'elle ajoute que le caractère novateur des coffrets cadeaux n'a pas été apprécié à sa juste mesure par le tribunal de commerce et que la reprise cumulative des éléments qui caractérisent ces coffrets cadeaux induit un risque de confusion évident, ce d'autant plus que la société MULTIPASS a appliqué pour ses coffrets, et pour les mêmes thèmes, des prix, ou identiques, ou proches des siens et que la société 2LO a commercialisé un coffret "ZEN" en 2005 qui présentait des ressemblances "frappantes" avec celui qu'elle commercialisait sous le nom "BIEN ETRE" par la "reprise d'une photographie représentant une femme assise, dénudée, de dos, ayant les cheveux ramassés, la similitude de tons violets pastel, contrastant avec du blanc, et l'inscription du nom du coffret cadeau dans la partie supérieure" avec des tarifs très proches ;
Considérant, cela exposé, que l'adoption par un opérateur économique, pour la mise sur le marché de son produit, d'un conditionnement reprenant les éléments perçus par le consommateur comme dotés de caractéristiques significatives d'un produit concurrent, constitue une faute, même si ce conditionnement n'est pas couvert par un droit privatif ;
Que, toutefois, en l'espèce, il ne saurait être reproché aux sociétés intimées de reprendre l'idée du chèque cadeau sans valeur faciale "à thème" avec une possibilité de choix du lieu et de la date, pour le bénéficiaire dès lors qu'auparavant, il était déjà connu de faire des choix entre divers thèmes selon un système de carte (carte KOURO notamment) mais avec un principe identique et que par ailleurs, les chèques cadeaux, y compris sans valeur faciale, étaient également connus (tels RELAIS et CHATEAUX, depuis 1989) ; que la société SMART et Co invoque, en outre, la reprise de sa charte graphique mais ne définit pas quelles en sont les caractéristiques ;
Qu'il subsiste que les produits incriminés qui déclinent des thèmes d'activités de loisirs tout comme ceux de la société appelante se présentent dans un coffret cartonné ; qu'il résulte de la comparaison de ces coffrets cadeaux que leurs formats diffèrent de ceux de la société SMART et Co ; qu'en effet, ces derniers ont un format carré de dimension 13x13 alors que ceux des sociétés sont rectangulaires et de dimensions nettement plus importantes, 19x13; que le fait d'inclure un guide détaillé des prestations ne saurait, sans reprise d'une même présentation, ce qui n'est pas prétendu, caractériser des actes de concurrence déloyale, le seul point commun étant la présentation du chèque cadeau dans un coffret sur des thèmes communs, ce qui est un concept de libre parcours ;
Considérant, cependant, qu'un des coffrets-cadeaux diffusé par la société 2LO sous le terme "ZEN" reprend sur un même thème (celui du bien-être) une présentation de couverture très proche de celle adoptée par la société SMART et Co pour son coffret "BIEN ETRE" en raison de la photographie d'une femme assise, vue de dos, avec des cheveux "ramassés" et de couleurs dans les mêmes tons violet pastel formant contraste avec le blanc ; que ces éléments ne sont nullement nécessaires pour traiter ce thème et sont perçus par le consommateur comme dotés de caractéristiques significatives de telle sorte qu'il risque de confondre les produits ; que par là-même, la société 2LO a commis une faute constitutive de concurrence déloyale ; que le jugement sera sur ce point réformé ;
Considérant qu'en ce qui concerne la société MULTIPASS dont les produits, comme il a été dit ci-dessus, dans leur forme et leur présentation, se distinguent suffisamment de ceux de la société SMART et Co, il ne peut lui être fait grief de présenter des produits à des prix très proches des siens ; qu'en effet, la société MULTIPASS fait valoir à juste titre que contrairement à ce qui est prétendu, certains de ces produits étaient en vente antérieurement à ceux de la société SMART et Co et que le contenu des prestations proposées n'est pas identique, de telle sorte que l'acquéreur se détermine au regard du contenu et non exclusivement au regard du prix ; qu'aucun élément ainsi ne démontre que la société MULTIPASS aurait eu un comportement déloyal et parasitaire ; que le jugement qui a débouté la société SMART et Co sera confirmé de ce chef ;
Considérant sur les mesures réparatrices que la société 2LO a, depuis l'assignation, modifié la présentation du coffret cadeau "ZEN" ; que cette nouvelle présentation évite tout risque de confusion ; qu'en conséquence, les actes fautifs n'ont été commis que durant un laps de temps limité ; que les chiffres d'affaires de la société 2LO mis en avant par la société SMART concernent la totalité de l'activité de la société 2LO et non seulement celui relatif au coffret cadeau "ZEN" ; que compte tenu de ces circonstances, la cour estime avoir des éléments suffisants pour fixer à la somme de 10 000 euros le montant des dommages et intérêts réparant le préjudice subi par la société SMART et Co ;
Considérant que les mesures de publication sollicitées ne sont pas en l'espèce nécessaires ;
Considérant que la société 2LO fait valoir que le tribunal a, à tort, écarté l'existence d'actes de dénigrement alors que les propos émanant du Président de la société WEEKENDESK rapportés dans le journal "L'EXPANSION" de juillet-août 2005 et le journal "LES ECHOS" du 24 mai 2005" doivent être qualifiés de dénigrants ;
Considérant, cependant, que les propos incriminés sont tenus par des journalistes sans qu'il soit établi que le président de la société WEEKENDESK aurait accepté la publication de ces informations ; que la faute de la société n'étant pas prouvée, le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé ;
Considérant que la société appelante ne conteste pas avoir fait usage du mot clef 2LO à son profit mais soutient que les dommages et intérêts alloués à la société 2LO sont excessifs dès lors qu'il résulte du décompte des clics générés par le site www.miva.com que seuls 10 clics ont eu lieu pour la période du 29 août 2005 au 5 janvier 2006 et qu'à supposer que chaque clic ait généré un achat, le préjudice ainsi subi ne saurait être supérieur à la somme de 330 euros ; que pour sa part, la société 2LO estime au contraire que son préjudice n'a pas été suffisamment réparé;
Considérant, toutefois, qu'aucun élément nouveau en appel ne permet de modifier l'exacte appréciation faite par les premiers juges du préjudice subi du fait de l'usage du terme "2LO" par la société SMART et Co alors que ce terme était la dénomination sociale d'une société concurrente ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que les sociétés intimées réclament paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que, néanmoins, il n'est pas démontré que la procédure engagée par la société SMART et Co puis poursuivie par elle en appel l'aurait été de manière fautive ; que ces demandes seront rejetées ;
Considérant que des raisons d'équité commandent de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'appel non compris dans les dépens, le jugement étant sur ce point uniquement confirmé en ce qui concerne la somme allouée à ce titre à la société MULTIPASS ;
Considérant que les dépens relatifs à la mise en cause de la société MULTIPASS seront supportés par la société SMART et Co et que l'appelante ainsi que la société 2LO qui succombent chacune dans leur demande supporteront la charge de leurs propres dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a estimé que la société 2LO LE LOISIR OPERATEUR n'avait commis aucun acte de concurrence déloyale et en ce qu'il a condamné la société SMART et Co à payer à cette société la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Infirmant de ces chefs et statuant à nouveau,
Condamne la société 2LO LE LOISIR OPERATEUR à payer à la société SMART et Co la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale consistant dans la commercialisation d'un coffret chèque cadeau présentant une couverture avec une photographie et des couleurs trop proches de celles figurant sur son coffret "BIEN ETRE" ;
Donne acte de l'abandon par la société 2LO de la présentation du coffret ZEN critiquée en 2006 ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société SMART et Co aux dépens relatifs à la mise en cause de la société MULTIPASS ;
Autorise la SCP VERDUN SEVENO, avoué, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Dit que les sociétés SMART et Co et 2LO LE LOISIR OPERATEUR supporteront la charge de leurs propres dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT