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13/03/2008 | FRANCE | N°07/01618

France | France, Cour d'appel de Paris, 13 mars 2008, 07/01618


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre C



Audience solennelle



ARRET DU 13 Mars 2008



(no 6, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/01618



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2003 par le conseil de prud'hommes de Chartres RG no 02/00116







APPELANTE

S.A. SOINS DES ARBRES EN MILIEU URBAIN (SAMU)

...


78000 VERSAILLES

représentée p

ar Me Guillaume CHAMPENOIS, avocat au barreau de VERSAILLES







INTIMÉ

Monsieur Philippe X...


...


28170 SERAZEREUX

représenté par Me Philippe MERY, avocat au barreau de CHARTRES substitué par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre C

Audience solennelle

ARRET DU 13 Mars 2008

(no 6, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/01618

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2003 par le conseil de prud'hommes de Chartres RG no 02/00116

APPELANTE

S.A. SOINS DES ARBRES EN MILIEU URBAIN (SAMU)

...

78000 VERSAILLES

représentée par Me Guillaume CHAMPENOIS, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉ

Monsieur Philippe X...

...

28170 SERAZEREUX

représenté par Me Philippe MERY, avocat au barreau de CHARTRES substitué par Me Maxence Y..., avocat au barreau de CHARTRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine MÉTADIEU, Conseillère

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline Z..., lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline Z..., Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

M. Philippe X... a été engagé le 20 avril 1998 par la S.A. SAMU en contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d'élagueur position II niveau II.

Le 25 octobre 1999, il a été victime d'un accident du travail étant tombé d'un arbre et il a été en arrêt de travail consécutivement à cet accident jusqu'au 18 décembre 2000. Le 10 août 2000, le médecin du travail examinait le salarié lors d'une visite de pré-reprise du travail et alors qu'il était toujours en arrêt de travail, convenait de le revoir à la reprise et de prévoir des aménagements de poste.

Le 26 octobre 2000, la COTOREP lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé catégorie B pour une durée de 5 ans.

Le médecin du travail a examiné M. X... le 4 décembre 2000, l'a déclaré "actuellement inapte au poste d'élagueur", indiqué que les possibilités d'aménagement de poste étaient à étudier avec l'employeur et a décidé de le revoir le 18 décembre. Lors de cette seconde visite, il a émis l'avis suivant : "inapte au poste d'élagueur, serait apte à un poste de travail sans port de charges (maximum 5 kilos avec le bras droit) et sans conduite de véhicules sur de longs trajets."

Le 3 janvier 2001, la société proposait à M. X... un poste à temps partiel de 75 heures par mois comme employé d'entretien de locaux et de véhicules que le salarié a refusé le 10 janvier car cette proposition amputait sa rémunération de 50%.

Après entretien préalable tenu le 1er février 2001, M. X... était licencié par lettre du 20 février 2001 pour les motifs suivants : "Nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisageons à votre égard une mesure de licenciement compte-tenu de votre décision de ne pas accepter la modification de votre contrat que nous vous avions proposée suite à l'avis d'inaptitude totale à votre poste émis par la Médecine du Travail."

Contestant son licenciement, il a saisi au fond le conseil de prud'hommes de CHARTRES et demandé que son licenciement soit déclaré nul et son employeur condamné à lui verser des indemnités à ce titre, un solde d'indemnité de préavis, un solde d'indemnité de licenciement, une somme au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, la délivrance de bulletins de salaires sous astreinte.

Par jugement du 11 février 2003, le conseil de prud'hommes de CHARTRES s'est déclaré territorialement compétent, a prononcé la nullité du licenciement de M. X... et condamné la société SAMU à lui payer les sommes suivantes :

- 20.880,00 € à titre de dommages et intérêts pour un licenciement nul,

- 2.256,30 € à titre de solde d'indemnité de préavis,

- 389,02 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 1.500,00 € au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

La société SAMU ayant formé appel à l'encontre de ce jugement, la Cour d'Appel de VERSAILLES a, par arrêt du 28 avril 2004, confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de CHARTRES en date du 11/02/2003 sur la compétence territoriale, le solde de l'indemnité de licenciement, l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, la fixation de la moyenne des 3 derniers mois de salaire et les dépens mais l'a réformé pour le surplus et dit que le licenciement de M. Philippe X... est régulier, qu'il n'y a pas lieu à versement d'un troisième mois de préavis, a ordonné le remboursement par M. Philippe X... à la société SAMU de la somme de 2.537,76 € au titre des trois mois de préavis, débouté M. Philippe X... et la société SAMU de leurs autres demandes ;

Sur pourvoi de Philippe X..., la Cour de cassation a, par arrêt du 21 juin 2006, cassé et annulé, mais seulement en ses dispositions réformant le jugement entrepris, l'arrêt rendu le 28 avril 2004, dans les termes suivants :

" Attendu, cependant, que la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur" ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le salarié soutenait que la société SAMU fait partie d'un groupe comprenant deux autres sociétés : S3V et Artel et qu'il résultait de ses constatations que la recherche de reclassement effectuée par la société n'était pas étendue à ces sociétés, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que pour statuer M. X... de sa demande au titre de l'article L.323-7 du code du travail en doublement du préavis dans la limite de trois mois et le condamner à restituer le montant trop perçu au titre du 3ème mois de préavis, la Cour d'appel a énoncé que cet article s'applique à des travailleurs reconnus handicapés par la Cotorep qui ont bénéficié d'une obligation d'emploi" ;

qu'en statuant ainsi, en posant une condition que le texte ne prévoit pas, la Cour d'Appel a violé le texte susvisé ;

La Cour d'appel de PARIS a été désignée comme juridiction de renvoi.

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 7 février 2008 de la société SAMU, appelante, qui demande à la Cour de la dire recevable en son appel, et d'infirmer le jugement entrepris, sur la question de la régularité du licenciement et du reversement du mois de préavis perçu indûment, de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, que la société SAMU ne fait pas partie d'un groupe d'entreprise et donc de dire et juger qu'elle a rempli son obligation de reclassement, de condamner Monsieur X... à lui reverser la somme de 2.256,30 euros au titre du mois de préavis perçu indûment, de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 7 février 2008 de Philippe X..., intimée, qui demande à la Cour de déclarer la société SAMU irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel, de confirmer le jugement entrepris sur les dommages et intérêts pour rupture abusive et le solde de l'indemnité de préavis et de condamner la société SAMU à lui payer à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux dépens ;

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité

Considérant que Philippe X... fait valoir, au soutien de son exception que la société SAMU n'a pas saisi la Cour de renvoi dans le délai prévu à l'article 1034 du Nouveau code de procédure civile puisqu'elle a saisi la Cour le 9 mars 2007 alors que l'arrêt de la Cour de Cassation a été notifié aux parties le 10 juillet 2006 ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'accusé de réception de l'envoi de cet arrêt à la société SAMU est revenu au greffe de la Cour sans que soit précisée la date de présentation et de distribution du courrier et qu'au surplus, l'adresse de la société portée sur celui-ci comporte une erreur ; que dans ces conditions, quand bien même le tampon de retour de l'accusé de réception émanant des services postaux de VERSAILLES serait daté du 10 juillet 2006, force est de constater qu'il existe un doute sérieux sur la régularité de la notification de l'arrêt à la société SAMU ; qu'il convient, en conséquence, de juger qu'en l'espèce, les délais de l'article 1034 du Nouveau code de procédure civile n'ont pu courir à l'encontre de l'appelante et qu'elle est donc recevable en son appel ;

Sur le fond

Considérant que Philippe X... soutient que son employeur ne justifie pas de l'impossibilité de le reclasser au sein du groupe que constitue la société SAMU avec la société Valorisation Verte, la SCI "des grands bois", la SCI "des petits bois" et la SCI Chennevières et que son refus d'accepter un poste d'employé d'entretien des locaux et des véhicules étant fondé sur le fait que cet emploi était à mi-temps, il ne peut constituer un motif de licenciement ;

que la société SAMU conteste l'existence d'un groupe de nature à permettre un reclassement du salarié en l'absence de permutabilité possible entre salariés ; qu'elle précise que la société VALVERT et la SCI Chennevières ont été créées après le licenciement de l'intimé et soutient avoir satisfait à son obligation de reclassement en proposant à son salarié le seul poste disponible et correspondant aux aptitudes de celui-ci ;

Considérant qu'en application de l'article L.122-32-5 du code du travail, lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait préalablement, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;

qu'en l'espèce, la société SAMU a proposé à l'intimé un poste d'employé d'entretien à mi-temps qui a été refusé par celui-ci, compte tenu de l'importante modification de son contrat de travail en terme de rémunération ; que néanmoins, Philippe X... soutient que son reclassement était possible au sein du groupe dont fait partie la société SAMU ;

Considérant que selon les affirmations de l'intimé ce groupe serait constitué de la société VALVERT, de la SCI les Chennevières, de la SCI du grand bois et de la SCI du petit bois ;

que cependant, il résulte des pièces du dossier que lors du licenciement de l'intimé, la société Valorisation Verte (Valvert) et la SCI Chennevières n'existaient pas, n'ayant été créées qu'en 2003 et 2007 ; qu'en ce qui concerne les deux autres SCI citées, si elles ont, toutes deux le même gérant que la société SAMU, ce seul élément ne saurait suffire à caractériser un groupe avec la société SAMU, aucun lien capitalistique ni communauté d'objet et de personnel n'étant démontrés ; qu'au surplus, aucun élément ne permet de conclure que ces deux SCI disposaient de personnel salarié, si bien qu'il n'apparaît pas qu'il y ait eu, en l'espèce, possibilité de reclassement en leur sein ; qu'il doit en être déduit que le reclassement était possible qu'à l'intérieur de l'entreprise, elle-même ; que la société SAMU prouve par la production de son registre du personnel et son organigramme qu'il n'existait aucun poste pouvant correspondre aux aptitudes du salarié puisque seuls sont employés des élagueurs, des hommes de pied, des chauffeurs et des ouvriers paysagistes ; qu'en conséquence, le seul poste disponible était celui proposé d'employé d'entretien ;

Considérant que l'intimé soutient, par ailleurs, que son licenciement ne pouvait intervenir sans que les délégués du personnel aient été consultés et que le procès-verbal de carence fourni par l'appelante et daté de novembre 1999 a été établi pour les besoins de la cause, la société l'ayant communiqué tardivement et aucune preuve de sa date n'étant rapportée en l'espèce ;

que l'appelante soutient que si les délégués du personnel n'ont pas été consultés, c'est en raison de leur inexistence ainsi que le démontre le procès verbal de carence dressé en 1999 et envoyé à l'inspecteur du travail en décembre 1999 ;

Considérant que la consultation des délégués du personnel est obligatoirement requise avant toute décision de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ; que s'il n'existe pas de délégué du personnel en raison d'une carence aux élections, l'employeur doit prouver qu'il a bien dressé un procès-verbal de carence et a adressé celui-ci à l'inspecteur du travail ;

Considérant qu'en l'espèce, il y a lieu de relever qu'en première instance, la société SAMU avait tout d'abord, communiqué un tel procès-verbal pour les élections de février 2002 et que ce n'est qu'en cours de délibéré qu'a été versé, en copie, le document daté du 16 novembre 1999 ; que pour justifier de sa date, la société SAMU produit un avis de réception d'un courrier recommandé adressé au Ministère de l'emploi à Saint-Quentin-en-Yvelines et distribué le 28 décembre 1999 ;

Considérant cependant que cet avis de réception ne permet pas de connaître le contenu du courrier en cause, que force est de constater qu'il est daté de la fin du mois de décembre alors que le procès-verbal aurait été établi le 19 novembre et devait être transmis à l'inspecteur du travail dans le délai de quinze jours en application de l'article L.423-18 du code du travail, que la société SAMU ne produit pas une copie du courrier de transmission qui devait, à l'évidence, accompagné ce document et qu'elle ne verse qu'une copie de mauvaise qualité de ce prétendu procès-verbal qui ne comporte aucune référence ;

qu'en conséquence, il y a lieu de considérer que le document produit est dénué de toute force probante et ne peut être considéré comme établissant l'existence d'un procès verbal de carence relatif aux élections de délégués du personnel ; que l'impossibilité de consulter les délégués du personnel n'est, dès lors, pas établie, ce qui entraîne, par voie de conséquence, l'irrégularité du licenciement de l'intimé ;

Qu'il convient, dès lors, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 20.880 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.122-32-7 du code du travail ;

Considérant que sur le solde de l'indemnité compensatrice de préavis, l'article L.323-7 du code du travail prévoit qu'en cas de licenciement, la durée du délai congé déterminée par l'article L.122-6 du code du travail est doublée pour les travailleurs reconnus handicapés par la COTOREP, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée du délai-congé ;

que la société SAMU soutient que cette disposition n'est pas applicable aux salariés licenciés en raison d'une inaptitude suite à un accident du travail pour lesquels seules trouvent applications les dispositions de l'article L.122-32-6 du code du travail ;

Mais considérant que l'article L.323-7 du code du travail ne prévoit aucune restriction à son application en ce qui concerne les salariés victimes d'un accident du travail reconnu handicapé de catégorie B par la COTOREP et que ceux-ci peuvent ainsi prétendre au doublement de leur indemnité de délai-congé dans les limites posées ; qu'il convient, dès lors, également, de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;

Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit de Philippe X... à hauteur de la somme de 3.000 euros ;

que la société SAMU qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SAMU à payer à Philippe X... les sommes de 20.880 € (vingt mille huit cent quatre vingt euros) à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.122-32-7 du code du travail et de 2.256,30 € (deux mille deux cent cinquante six euros et trente centimes) à titre de solde d'indemnité de préavis ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société SAMU à payer à Philippe X... la somme de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 07/01618
Date de la décision : 13/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-13;07.01618 ?
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