RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre B
ARRET DU 6 MARS 2008
(no 2 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/08992
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Mars 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 04/16186
APPELANTE
S.A.R.L. HANDI TRANSPORT
118/130, avenue Jean Jaurès
75019 PARIS
représentée par Me Josette MINORET-GIBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E328 substitué par Me Edwige TEIRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E328
INTIME
Monsieur Khemais Y...
...
75019 PARIS
représenté par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : D.1173
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Mary VEILLE, Conseiller faisant fonction de Président, désigné par ordonnance en date du 11 octobre 2007 de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de PARIS, chargé d'instruire l'affaire , chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Mary VEILLE, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Thierry PERROT, conseiller
Madame Edith SUDRE, conseiller
Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Thierry PERROT, conseiller ayant participé aux débats
- signé par, Monsieur Thierry PERROT, conseiller ayant participé aux débats et par Madame Nadine LAVILLE, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur Khemais Y..., travailleur handicapé classification B par la COTOREP, a été engagé par la société HANDI-TRANSPORT à compter du 5 novembre 2001en qualité de conducteur scolaire, suivant contrat de travail écrit intermittent à durée indéterminée avec détermination des périodes de travail de septembre à juin et une durée de travail hebdomadaire de 20 heures réparties sur 5 jours.
Monsieur Y... a été convoqué le 6 septembre 2004 à un entretien préalable au licenciement pour motif personnel le 17 septembre 2004.
Par lettre recommandée du 23 septembre 2004 la société procédait au licenciement de Monsieur Y... en le dispensant d'effectuer un préavis de 2 mois qui sera rémunéré par une indemnité compensatrice.
Par jugement du 1er mars 2006 le Conseil de Prud'hommes de PARIS, saisi le 16 décembre 2004 a :
- Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la SARL HANDI TRANSPORT à payer à Monsieur Y... les sommes suivantes :
- 4.176,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ainsi qu'aux intérêts légaux de cette somme à compter de la date de prononcé du présent jugement,
- 501,04 eurosà titre de rappel de salaire correspondant au prélèvement effectué sur le dernier bulletin de paie en deniers ou quittance,
- 50,10 eurosà titre de congés payés afférents en deniers ou quittance,
- 250,47 eurosà titre de solde congés payés,
- 410,70 eurosà titre de complément de salaire correspondant au mois de septembre 2004,
- 41,07 eurosà titre de congés payés afférents,
ainsi qu'aux intérêts légaux de ces sommes à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
- Pris acte de ce que la SARL HANDI TRANSPORT reconnaît à la barre devoir à Monsieur Y... les sommes suivantes :
- 696,75 eurosà titre de préavis,
- 69,67 eurosà titre de congés payés afférents,
sommes assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
- Condamné la SARL HANDI TRANSPORT à payer à Monsieur Y... la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Ordonné à la SARL HANDI TRANSPORT de mettre à Monsieur Y... les documents sociaux suivants :
* une attestation ASSEDIC conforme au présent jugement,
* un certificat de travail conforme au présent jugement,
* un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent jugement,
- Débouté Monsieur Y... du surplus de ses demandes,
- Débouté la SARL HANDI TRANSPORT de sa demande reconventionnelle,
- Condamné la SARL HANDI TRANSPORT, aux dépens de la présente instance.
La société régulièrement appelante demande :
- En conséquence de :
- Réformer le jugement entrepris,
- Débouter Monsieur Y... de l'ensemble de ses demandes,
- Le condamner à restituer l'intégralité des fonds perçus au titre de l'exécution provisoire,
- Dire que cette condamnation portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
- Condamner Monsieur Y... au paiement d'une somme de 1.500 € au tire de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Le condamner aux entiers dépens de l'instance.
Monsieur Y... appelant incident, demande de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de Monsieur Y... dépourvu de motif réel et sérieux, en ce qu'il a alloué à Monsieur Y... un mois de préavis supplémentaire, en ce qu'il a ordonné le remboursement de sommes indûment prélevées sur le solde de tout compte, en ce qu'il a condamné la société à verser un complément d'indemnité compensatrice de congés payés, et par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- L'infirmer quant aux quantum des sommes allouées à Monsieur Y... de ces différents chefs de demande.
- Dire le licenciement de Monsieur Y... nul sur le fondement des dispositions d'ordre public de l'article L.122-45 du code du travail et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Porter le montant des sommes allouées aux sommes suivantes:
- 821,53 €à titre de complément d'indemnité de préavis,
- 82,15 €au titre des congés payés afférents,
- 8.000,00 €à titre d'indemnité pour licenciement nul et à tout le moins pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 433,25 ۈ titre de rappel de salaire pour le mois de septembre 2004,
- 43,32 €au titre des congés payés afférents,
- 1.341,36 €à titre de rappel de salaire correspondant à la somme indûment prélevée du solde de tout compte de Monsieur Y...,
- 134,13 €au titre des congés payés afférents,
- 443,68 €à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés.
- Condamner la SARL HANDI TRANSPORTS à verser à Monsieur Y... la somme de 4.929,18 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, par application des dispositions de l'article L 324-11-1 du code du travail.
- Ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC conforme, d'un bulletin de paie récapitulatif conforme et d'un certificat de travail conforme, sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard à compter de la notification à intervenir.
- Dire que la Cour se réservera le droit de liquider l'astreinte.
- Condamner la société HANDI TRANPORTS à verser à Monsieur Y... la somme de 2.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en cause d'appel.
- Condamner la société HANDI TRANSPORTS aux entiers dépens.
- Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour se réfère aux conclusions écrites visées par le greffier le 21 décembre 2007 et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE,
- Sur le licenciement
Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est libellée ainsi qu'il suit :
"...Vous êtes employé en qualité de chauffeur à temps partiel depuis le 1er octobre 2001. Votre travail consiste à transporter des enfants handicapés de leur domicile à l'école qu'ils fréquentent et de les ramener.
Vous aviez été affecté depuis plusieurs mois sur la tournée de l'école CELEM. Le contrat que nous avions signé avec cet établissement n'a pas été reconduit pour l'année scolaire 2004/2005. Nous vous avons donc informé de cette situation, en vous indiquant votre nouvelle affectation pour la rentrée 2004/2005 : il s'agit de la tournée du Lycée Vaucresson. Vous ne l'avez pas accepté, car vous soutenez qu'elle est plus difficile et plus longue car plus éloignée de votre domicile. Nous vous avons rappelé que votre contrat de travail précise que vous pouviez être affecté aux différentes tournées honorées par la société.
En conséquence, le refus de vos nouvelles conditions de travail à compter du 1er septembre 2004 constitue un manquement à vos obligations contractuelles. Nous ne pouvons pas nous permettre de garder au sein de notre effectif un chauffeur qui n'effectue aucune mission. Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation. C'est pourquoi, nous sommes dans l'obligation de procéder à votre licenciement..."
Considérant qu'il résulte des pièces et de la procédure que pour l'année 2003/2004, 3 tournées de transport d'enfants étaient assurées auprès du centre CELEM ;
Que Monsieur Y... était chargé du transport de 4 enfants résidant à ST DENIS et dans le nord de PARIS, Monsieur Z... était chargé du transport pour le secteur Sud de PARIS, Monsieur A... était chargé du secteur de MEAUX-MELUN ;
Que pour l'année 2004/2005 une tournée du centre CELEM a été supprimée ainsi qu'il ressort de l'attestation du Directeur de ce centre ;
Que début septembre 2004 Monsieur Y... a été affecté sur la tournée du Lycée de VAUCRESSON devenue libre à la suite de la démission de Monsieur B... ; qu'après une semaine d'activité Monsieur Y..., aidé bénévolement par Monsieur B... pour la reconnaissance de la tournée, a décidé de poursuivre ainsi qu'il ressort de l'attestation précise et circonstanciée de Monsieur B... ;
Que eu égard aux termes du contrat de travail selon lequel Monsieur Y... était chargé de "ramassage et desserte des établissements scolaires" et que Monsieur Y... pouvait être muté dans les zones géographiques où la société exerçait son activité le changement de tournée constituait une simple modification des conditions de travail ;
Qu'il n'est pas établi que la modification de la tournée augmentait de façon substantielle le temps de travail de Monsieur Y... ;
Que l'argument de Monsieur Y... suivant lequel son état de santé était incompatible avec le changement d'affectation ne saurait prospérer dans la mesure où le certificat médical produit par Monsieur Y... relatant que son état cardio-vasculaire contre-indique tout type d'effort tel que le port de charges lourdes de plus de 15 kilos et la station debout prolongée est daté du 23 mai 2005 soit très postérieurement au refus de Monsieur Y... de poursuivre sa tournée ;
Que le 3 novembre 2003 dans le cadre de la visite annuelle le médecin du travail a déclaré Monsieur Y... apte à ses fonctions ; qu'il n'est pas établi qu'en septembre 2004 Monsieur Y... a signalé à son employeur un problème médical de nature à remettre en cause l'exécution de son contrat de travail ;
Que selon un courrier précis et circonstancié dont il n'y a pas lieu de remettre en cause le caractère en probant c'est la même de l'enfant C... Jenny qui procédait à son transfert du fauteuil à la voiture ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Y... n'était pas fondé à refuser ses nouvelles conditions de travail et que ce refus constitue un manque ment à ses obligations contractuelles justifiant le licenciement ;
Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement, de déclarer fondé le licenciement et de constater que la nullité du licenciement ne peut être retenue ; que Monsieur Y... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
- Sur le complément d'indemnité compensatrice de préavis
Considérant qu'en application de l'article L 323-7 du code du travail, Monsieur Y... qui est travailleur handicapé est fondé à obtenir le paiement d'un troisième mois au titre de la durée du délai-congé soit une somme de 821,53 € outre les congés payés afférents étant souligné que pour 2 mois de préavis la société a versé 1.643,06 € ainsi qu'il ressort des bulletins de salaires ;
- Sur le rappel de salaire de septembre 2004
Considérant qu'il ressort des attestations précises, circonstanciées et concordantes de Messieurs D... et B... que Monsieur Y... a effectivement cessé son travail le 10 septembre 2004 et sa tournée a été reprise le 13 septembre 2004 par Monsieur B... ; que dès lors Monsieur Y... n'est fondé à prétendre au versement d'un salaire jusqu'au 25 septembre étant précisé qu'il n'est pas établi qu'il ait accompli une prestation de travail jusqu'à cette date ;
Que le jugement sera infirmé sur ce point et Monsieur Y... débouté de ce chef de demande ;
- Sur le rappel de congés payés
Considérant qu'il ressort des bulletins de salaires que pour la période de mai 2003 à juin 2004 Monsieur Y... a perçu 8.227,23 € de salaires ;
Qu'en application de la règle du 1/10e le montant des congés payés s'élève à 822,72 € ;
Que selon les bulletins de salaire il a perçu 610,22 € et 93,47 € soit 703,69 € ;
Que les indemnité de préavis versées pour un montant de 1.643,06 € ne sont pas assorties des congés payés dus soit 164,30 € ;
Que dès lors Monsieur Y... aurait du percevoir 822,72 + 164,30 = 987,02 € ; que n'ayant perçu que 703,69 €, il y a lieu d'allouer à Monsieur Y... 987,02 - 703,69 soit 283,33 € étant rappelé que les congés payés sur le complément de préavis lui ont été précédemment alloués ;
Que le jugement sera réformé en ce sens ;
- Sur le rappel de salaire correspondant aux sommes indûment prélevées du salaire de Monsieur Y... improprement qualifiées de remboursement d'acompte et indemnité pour travail dissimulé
Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur Y... effectuait hors la tournée CELEM d'autres courses pour transporter des enfants ;
Que la preuve du paiement de ces courses est rapportée par la confrontation des carnets de Monsieur Y... et des heures de travail mentionnées sur les bulletins de salaires et rémunérées ; que ces heures constituaient des heures complémentaires et non pas des heures supplémentaires ;
Que les versements réguliers d'acompte figurant sur les bulletins de salaires n'ont aucun rapport avec les heures improprement qualifiées de supplémentaires par Monsieur E... ;
Qu'il ressort des pièces comptables produites et des bulletins de paie que la somme de 1.043,41 € retenue sur le solde de tout compte de Monsieur Y... correspond à un trop payé sous forme d'acompte pour la période de juillet 2003 à septembre 2004 ;
Que dès lors le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué une somme de 501,04 € en deniers ou quittance à Monsieur Y... ;
Que Monsieur Y... sera débouté de sa demande de 1.341,36 € brut avec congés payés afférents ;
Qu'en l'absence de travail dissimulé, les heures effectivement effectuées figurant sur les bulletins de salaire Monsieur Y... sera débouté de sa demande d'indemnité pou travail dissimulé ;
- Sur la demande de remise de documents conformes
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à cette de demande sans que toutefois une astreinte soit nécessaire ;
- Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel ;
Que Monsieur Y... sui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile.
Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Condamne la SARL HANDI TRANSPORT à payer à Monsieur Y... :
- 821,53 € à titre de complément d'indemnité de préavis,
- 82,15 €à titre de congés payés afférents,
- 283,33 €à titre de rappel de congés payés.
Ordonne la remise des documents conformes au présent arrêt.
Déboute Monsieur Y... de ses autres demandes.
Dit que Monsieur Y... devra rembourser la différence entre les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement et celles allouées au titre du présent arrêt.
Déboute la Société HANDI TRANSPORT de ses autres demandes.
Condamne Monsieur Y... aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT