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28/02/2008 | FRANCE | N°06/13848

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 28 février 2008, 06/13848


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 28 FEVRIER 2008

(no08/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/13848

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2005052939

APPELANTE

SA BANQUE BIA anciennement dénommée BANQUE INTERCONTINENTALE ARABE prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège 67 avenue Franklin Roosevelt
>75008 PARIS

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Arslan BEN KRITLY, avocat au barr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 28 FEVRIER 2008

(no08/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/13848

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2005052939

APPELANTE

SA BANQUE BIA anciennement dénommée BANQUE INTERCONTINENTALE ARABE prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège 67 avenue Franklin Roosevelt

75008 PARIS

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Arslan BEN KRITLY, avocat au barreau de PARIS, toque : E 401

INTIMÉE

SA MICROLIFE AG (AKTIENGESELLSCHAFT- AG) prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège Max Schmidheiny - Strasse 201

9435 HEERBRUGG (SUISSE)

représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Joelle MOUCHART, avocat au barreau de PARIS, toque : P509

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président

Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseiller

Madame Evelyne DELBES, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président, et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

En janvier 2003 la société suisse Microlife a vendu des appareils médicaux à la société algérienne Expensimed pour une somme de 94.058€. Le 4 février 2003 d'ordre de la société Microlife, la banque suisse UBS a adressé à la banque algérienne Union Bank un ordre d'encaissement des documents contre paiement à vue de la somme due. Après avoir acquis les devises algériennes imposées par le contrôle des changes algérien, l'Union Bank a donné par telex du samedi 14 juin 2003, mais daté du 16 par la BIA, l'ordre à cette banque, ex Banque Intercontinentale Arabe, de payer la somme due à la société Microlife. Parallèlement, la Société Générale a viré la somme en question le vendredi 13 juin 2003 mais la BIA a reçu les fonds de la Banque d'Algérie sans mention du nom du bénéficiaire. En réponse à sa demande, la Banque d'Algérie lui a précisé le 17 juin 2003 que le destinataire était l'Union Bank. Le 17 juin la banque BIA a porté la somme au compte de l'Union Bank avec le 13 juin pour date de valeur. Mais en raison d'un solde insuffisant du compte courant la société Microlife n'a pas reçu les fonds. Le règlement judiciaire en date du 14 octobre 2003 de la banque Union Bank a été converti en faillite par jugement du tribunal d'Alger du 13 juillet 2004.

Par jugement du 27 juin 2006, assorti de l'exécution provisoire à charge pour la société Microlife de fournir une caution bancaire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la BIA à verser à la société Microlife la somme de 94.068€ avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2003 et celle de 7000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La déclaration d'appel de la Banque BIA a été remise au greffe de la Cour le 24 juillet 2006.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 9 janvier 2008 la Banque BIA demande de :

- déclarer la société Microlife irrecevable pour défaut de qualité à agir en l'absence de lien contractuel

Subsidiairement,

- la débouter en l'absence de provision suffisante au compte d'Union Bank, dans les livres de la BIA le 16 juin 2003 et les jours suivants

- condamner la société Microlife à lui verser la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 9000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 10 janvier 2008 la société Microlife demande de confirmer le jugement et de condamner la Banque BIA à lui verser la somme de 7000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR,

- sur la recevabilité

Considérant que la banque BIA oppose l'irrecevabilité à agir de la société Microlife en l'absence de fondement contractuel de son action ; qu'elle ajoute que l'ordre de virement litigieux ne concerne que l'Union Bank et elle-même et rappelle les principes d'absence d'effet de la convention sur le tiers et d'absence de stipulation pour autrui au travers d'un virement ainsi que la règle du non cumul des responsabilités ; qu'elle admet toutefois qu'il faudrait que le tiers prouve un manquement du cocontractant à un devoir extra contractuel pour que l'action soit recevable ;

Mais considérant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que ce dommage est affirmé par la société Microlife en l'absence de reversement de l'ordre donné par la société Expensimed ; que l'action délictuelle de la société Microlife, certes discutée dans son fondement, est recevable ;

- sur le principe d'unicité du compte

Considérant que la banque BIA expose que la convention de compte courant conclue le 10 décembre 2002 avec l'Union Bank comportait un compte principal en euros et un sous-compte en dollars américains et disposait que : "ce compte courant, d'une portée générale, englobe tous les rapports juridiques qui existent ou existeront entre la banque et le client, et produira les effets juridiques attachés à une telle convention, transformant toutes les opérations en simples articles de débit ou de crédit générateurs, à tout moment et lors de la clôture, d'un solde unique qui fera seul apparaître une créance ou une dette exigible" ;

Considérant que l'existence d'un sous-compte ne remet pas en cause ce principe d'unicité de compte ; que la banque BIA en déduit que l'instruction de l'Union Bank reçue le 16 juin 2003 était irréalisable dès lors que le solde fusionné dégageait un montant débiteur de 40.998,38€ avant de recevoir les fonds ;

Mais considérant que l'article 4.1 de la convention relatif à l'unicité et à la généralité du compte courant dispose dans un alinéa 4 qu'il "en est ainsi même si les opérations sont comptabilisées dans des sous-comptes différents.... Il n'en sera différemment que lorsque les opérations portées à chacun de ces sous-comptes seront, par exception ou en raison de la nature de la créance (notamment lorsque les créances seront affectées d'une garantie particulière) exclues du compte" ;

Considérant que le relevé du sous-compte tenu en USD mentionne au 22 avril 2003 un débit de 200.000$ et de 945,39$ pour un "prêt PCT" ; qu'à juste titre la société Microlife analyse cette opération comme une exception au sens du texte cité, le prêt n'étant pas -par nature- exigible avant son échéance ; que le solde fusionné ne peut tenir compte d'une somme non encore exigible ;

Considérant que la société Microlife fait aussi valoir que le relevé de compte de la société Union Bank ne porte que sur le compte en euros, que le compte en USD ne porte pas intérêts sur ce compte en euros mais sur son propre compte et que les mouvements du compte en euros sont effectués sans égard au débit du compte en dollars ;

Mais considérant que les pratiques ainsi observées ne suffisent pas à modifier la règle de fonctionnement du compte courant rappelée dans le contrat ; qu'ainsi, hormis les sommes relatives au prêt à court terme, les mentions du sous-compte en dollars américains participent du solde fusionné, le compte courant ne se réduisant pas aux écritures en euros ;

- sur l'existence de découverts autorisés

Considérant que la banque BIA fait état de facilités ponctuelles accordées sans avoir été obligée de les poursuivre ; qu'ainsi les soldes débiteurs consentis en juin 2003, notamment du 16 au 24 juin 2003, à Union Bank, nonobstant un solde fusionné insuffisant, ne constituaient pas une ouverture de crédit ;

Considérant que l'article 4.7 de la convention stipule qu'une facilité de caisse temporaire ne saurait être considérée comme constitutive d'un crédit ;

Considérant qu'aucune preuve de découverts autorisés opposables à la banque n'est rapportée ;

- sur la date à laquelle le virement litigieux devait avoir lieu

Considérant que le 16 juin 2003 la BIA a reçu les fonds de la Société Générale et a obtenu le 17 juin les précisions nécessaires sur leur destination ;

Considérant que le relevé de compte mentionne au 17 juin 2003 un solde créditeur de 104.999,68€ ; mais que la BIA indique avoir dû procéder à l'exécution d'ordres antérieurs ;

Considérant que, sauf convention contraire des parties non alléguée en l'espèce, un établissement de crédit n'est tenu d'exécuter un ordre de virement que si, à la date de cet ordre, il existe sur le compte des fonds disponibles, soit en raison de l'état créditeur du compte, soit en raison de l'existence d'un découvert autorisé ; que l'article 4.8 de la convention, relatif aux relevés de compte, appliquant ce principe, dispose que "les opérations, effectuées par le client, figurent dans l'ordre chronologique où elles sont effectivement présentées à la banque" ; que cette effectivité de la présentation désigne les ordres pour lesquels le paiement est possible ;

Considérant que la société Microlife, sans nier le devoir d'une banque d'exécuter un ordre de virement si, à la date de cet ordre, il existe sur le compte des fonds disponibles et d'opérer les paiements dans l'ordre de leur date de réception, conteste les opérations effectuées par la BIA du 16 au 20 juin et soutient que des opérations ont été privilégiées ; qu'elle cite le virement de 200.000€ à la Dubaï Islamic Bank et le remboursement d'un crédit documentaire de 10.281,20€ cependant exigible le 18 juin et non le 5 juin ; qu'ainsi, selon la société Microlife l'ordre chronologique n'a pas été respecté ; que la société Microlife a établi dans ses écritures un tableau reprenant tous les ordres traités, les classant dans l'ordre de leur arrivée à la BIA quel que soit leur montant ; qu'elle conclut que le virement litigieux aurait dû être exécuté le 27 juin, le compte étant alors créditeur de la somme de 139.528,97€ ; qu'en toute hypothèse, la provision était suffisante le 17 juin ;

Considérant que la banque BIA rappelle que le solde sur le relevé de compte était de 48.042,28€ le 16 juin et de 104.999,68€ le 17 juin 2003, que trois virements reçus le 10 et le 12 (de 30.150€, 47.165,93€ et 6884,30€) et deux crédits documentaires devaient être payés avant l'ordre litigieux ; qu'un débit de 200.000€ daté du 12 juin ne pouvait être remis en cause et qu'elle a ainsi payé les virements en fonction de la provision disponible ; qu'elle ajoute que même si la somme de 83.892,62€ n'avait pas été débitée le 27 juin, le solde du compte était insuffisant ;

Considérant qu'il ressort de leurs explications que les deux parties appliquent différemment la règle du traitement chronologique des opérations ; que la société Microlife estime que la BIA devait procéder aux paiements en respectant rigoureusement la chronologie et mettre en attente tous les paiements à effectuer dès lors que la provision ne suffisait pas à régler le plus ancien ; que la banque BIA a payé les virements en attente dans l'ordre de leur arrivée mais au fur et à mesure des possibilités qu'offraient la provision du compte plutôt que de les mettre tous en attente ; qu'ainsi le virement litigieux a été mis en attente au profit de virements de moindre montant parvenus après ;

Considérant que la société Microlife doit démontrer une faute qu'aurait commise la banque BIA à l'égard de la partie contractante -l'Union Bank- dont elle est fondée à se réclamer au titre de son action délictuelle ; que la question revient à rechercher si la société BIA a agit dans un sens contraire à l'intérêt de l'Union Bank en l'absence d'instructions particulières données par celle-ci ;

Considérant que la provision du compte courant n'est pas une condition de licéité ni de validité d'un ordre de virement ; que l'ordre donné sans contrepartie disponible est seulement suspendu par la banque dans l'attente de la provision ; que la banque a aussi l'obligation d'exécuter promptement les ordres qui lui sont adressés et de les payer si le compte présente un débit suffisant ; que l'exécution de ces obligations a conduit la BIA à payer des ordres de virement en fonction des disponibilités du compte sans agir dans un sens contraire aux intérêts de l'Union Bank ;

Considérant que l'article 4.8 précité de la convention, précisant que les opérations effectuées figurent au relevé de compte dans l'ordre chronologique de leur présentation effective, ne permet pas de déduire une règle contraire à la pratique suivie par la BIA dans la mesure où une opération suspendue ne devient effective que lorsque la provision du compte est suffisante pour la réaliser ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que la BIA ait commis une faute dans l'application de ces règles dont la société Microlife soit fondée à se plaindre, notamment qu'elle ait privilégié des bénéficiaires de règlements, dont la Dubaï Islamic Bank, bénéficiaire d'un virement de 200.000€ effectué le 13 juin soit avant même la réception de l'ordre litigieux et dont elle-même, bénéficiaire d'un crédit documentaire de 10.281,20€ dont la date de débit au 18 juin 2003 était convenue avec l'Union Bank depuis le 5 juin 2003 ;

Considérant que le jugement est infirmé ; qu'il s'en déduit que la procédure de la société Microlife n'était pas abusive ; qu'il est équitable de laisser à la charge de la société Microlife ses frais non répétibles ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré

statuant à nouveau

Déclare la société Microlife recevable à agir

La déboute de ses demandes

Rejette toutes autres demandes

Condamne la société Microlife aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 06/13848
Date de la décision : 28/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Paris, 27 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-02-28;06.13848 ?
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