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27/02/2008 | FRANCE | N°07/00044

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0089, 27 février 2008, 07/00044


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 27 FEVRIER 2008

No du répertoire général : 07/00044

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Renaud BLANQUART, Conseiller à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée au greffe le 8 janvier 2007 par Maît

re Roger BISALU, avocat de Monsieur Mama X..., demeurant ... 93400 SAINT OUEN;

Vu les pièces jointes à cette requ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 27 FEVRIER 2008

No du répertoire général : 07/00044

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Renaud BLANQUART, Conseiller à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée au greffe le 8 janvier 2007 par Maître Roger BISALU, avocat de Monsieur Mama X..., demeurant ... 93400 SAINT OUEN;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du requérant notifiées par lettre recommandée avec avis de réception;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 30 janvier 2008 ;

Vu la présence de Monsieur Mama X... ;

Ouï, Monsieur Mama X..., Maître Roger BISALU, avocat assistant Monsieur Mama X..., Maître Jean-Marc Y..., avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GÖRGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 30 janvier 2008, le requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

* *

Monsieur X..., né le 1er janvier 1956, a été mis en examen du chef de viol commis en réunion. Il a été placé en détention provisoire le 10 février 2000, a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le 14 février 2001. Renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'agression sexuelle commise en réunion, il a fait l'objet d'une décision de relaxe par jugement du 6 juillet 2006, après, donc, une incarcération de 371 jours, cette décision étant définitive.

Par requête déposée le 8 janvier 2007, aux fins de réparation à raison d'une détention, suivie de conclusions du 8 octobre 2007, Monsieur X... fait valoir :

- S'agissant de son préjudice économique :

que, lors de son placement en détention, il était marchand ambulant, avec des revenus supérieurs au SMIC, puisque de 1.269,47 €, alors qu'il perçoit actuellement le revenu minimum d'insertion ; qu'il a perdu ses biens et sa marchandise du fait de sa détention ; que, pour une période de 84 mois, de la date de son incarcération à la date de son jugement, il a perdu la différence entre le salaire qui était le sien et le montant du RMI.

Il réclame, à ce titre, une indemnité de 75.190,08 €.

- S'agissant des honoraires d'avocat :

qu'il a été contraint de faire face à des frais d'avocat pour assurer sa défense.

- S'agissant de son préjudice moral :

qu'il a subi un préjudice moral du fait de sa détention, qu'ayant été placé sous contrôle judiciaire, sa liberté a été restreinte pendant 5 années et 5 mois ; que, pendant 5 années, il vivait dans l'angoisse d'être à nouveau incarcéré à tort ; qu'il n'avait jamais été condamné; que le choc psychologique qu'il a subi a été accru par l'importance de la peine qu'il savait encourir ; qu'il a perdu une chance de garder son activité commerciale.

Il réclame, à ce titre, une indemnité de 200.000 €.

Il ajoute que tout argument tiré de l'évocation des faits précédant sa relaxe est contraire à l'autorité de la chose jugée, le juge de l'indemnisation ne pouvant prendre en considération de tels faits déjà examinés par jugement définitif ; que la détention a porté atteinte à sa vie privée et familiale ; qu'il a été privé de sa femme et de ses enfants, de ses activités privées et d'agrément et séparé de son environnement amical et familial ; qu'apprécié par ses voisins et amis, il fait l'objet des conversations de son entourage et doit d'expliquer sur sa détention ; qu'il fait encore des cauchemars lui faisant revivre sa détention.

Dans ses conclusions du 5 septembre 2007, Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor, estimant la requête recevable, après avoir rappelé les circonstances pénales de l'affaire ayant donné lieu à la détention ici en cause, fait valoir :

- S'agissant du préjudice économique invoqué :

que les pièces produites ne permettent pas de connaître les revenus qui étaient ceux de Monsieur X... avant son placement en détention ; qu'il n'est pas possible, de ce fait, d'allouer une indemnité au titre du préjudice économique,

- S'agissant du préjudice moral :

que ce dernier est incontestable ; qu'il doit être tenu compte du fait que le requérant était, lors de sa détention, père de 7 enfants et qu'il n'avait jamais été détenu. Il propose que ce préjudice soit indemnisé par l'allocation de la somme de 15.000 €.

Monsieur le Procureur Général fait valoir, estimant la requête recevable,

- S'agissant du préjudice matériel :

que le requérant ne produit aucune document de nature à justifier de la réalité et du quantum de ce préjudice.

- S'agissant du préjudice moral :

que doivent être pris en compte la durée de sa détention, le fait que, lors de son placement en détention, il était âgé de 44 ans, était marié, avait 6 enfants, n'avait jamais été détenu, a vécu dans une atmosphère carcérale que l'on sait hostile aux prévenus du chef d'agression sexuelle.

SUR QUOI,

Sur la requête

Attendu que la présente requête est recevable au regard des dispositions des articles 149 à 149-2 du Code de procédure pénale ;

Sur l'évocation des circonstances pénales préalables à la relaxe dont le requérant a fait l'objet

Attendu que par la décision définitive de relaxe dont a bénéficié le requérant, le tribunal a estimé que le fait poursuivi ne constituait pas une infraction à la loi pénale, que le fait n'était pas établi ou qu'il n'était pas imputable à Monsieur X... ;

Qu'à l'exception du chef de mise en examen de ce dernier, en ce qu'il peut avoir eu une incidence sur les conditions de sa détention provisoire, c'est à juste titre que le requérant critique l'évocation, par Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor, des charges retenues contre lui, dès lors qu'elle est indifférente aux conditions d'indemnisation de cette détention et que les circonstances dans lesquelles une telle détention a été ordonnée ne relèvent pas de la présente procédure ;

Sur le préjudice matériel

Attendu que le requérant produit, à l'appui de sa demande de réparation d'un préjudice économique, divers documents dont il résulte qu'il exerce depuis 1974, une activité de marchand d'objets d'arts africains, sur le mode de l'exploitation directe et qu'il a perçu, le revenu minimum d'insertion pour le mois de septembre 2005 ; que les attestations qu'il produit confirment la réalité de cette activité professionnelle avant que le requérant soit incarcéré ;

Que la présente procédure visant à indemniser exclusivement la détention de Monsieur X..., il n'y a lieu de prendre en considération les circonstances ayant suivi sa libération, y compris s'il a fait l'objet de contraintes inhérentes à un contrôle judiciaire ;

Qu'il n'y a lieu, en conséquence, d'indemniser la différence ayant pu exister entre ses revenus passés, tirés de son activité professionnelle, et le revenu minimum d'insertion qu'il a perçu après avoir été libéré ;

Que l'arrêt, par Monsieur X..., de son activité professionnelle, pendant le temps de sa détention aurait pu, en revanche, donner lieu à indemnisation ; qu'une telle indemnisation ne peut, cependant, être ordonnée dans la mesure où le requérant ne produit aucun document permettant de connaître le montant, fut-ce moyen, de ses revenus, préalablement à sa détention ; que, de même, la démonstration, par le requérant, d'une perte de ses biens mobiliers et de sa marchandise, imputable à sa détention, est insuffisante ;

Qu'il ne peut être fait droit, dans ces conditions, à la demande de réparation de ce préjudice;

Sur le préjudice moral

Attendu que le choc carcéral incontestable qu'a subi Monsieur A..., du fait de sa détention, doit donner lieu à réparation ;

Que le requérant était âgé de 33 ans lorsqu'il a été placé en détention pour une durée de 371 jours à raison de la présente affaire ; qu'il doit être tenu compte, pour fixer le montant de cette réparation, des circonstances d'aggravation du préjudice considéré et, plus particulièrement, du fait que le requérant était marié, avait 6 enfants nés entre 1980 et 1994, qu'il a été séparé des membres de sa famille pendant plus d'une année, alors qu'il n'avait jamais été précédemment détenu ;

Que la détention a, donc, porté gravement atteinte à sa vie privée et familiale ;

Que c'est pertinemment que Monsieur le Procureur Général souligne, en outre, qu'il doit être également tenu compte du fait que le requérant a vécu une atmosphère carcérale que l'on sait hostile aux prévenus du chef d'agression sexuelle ;

Qu'il y a lieu de faire droit à la demande du requérant, de ce chef, en lui allouant la somme de 21.000 € ;

PAR CES MOTIFS

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

Disons la requête recevable,

Allouons à Monsieur X... :

- une indemnité de 21.000 €, en réparation de son préjudice moral,

Rejetons les autres demandes.

Décision rendue le 27 février 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0089
Numéro d'arrêt : 07/00044
Date de la décision : 27/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Paris, 06 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-02-27;07.00044 ?
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