Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
24ème Chambre - Section A
ARRET DU 2 AVRIL 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/16150
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 3 Septembre 2007 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de PARIS - Section D Cabinet 16
RG no 05/33533
APPELANTE
Madame Caroline X... épouse Y...
demeurant ... SUR SEINE
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Francis Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R 058
INTIME
Monsieur Jean Pierre Y...
demeurant ...
représenté par Maître Michel BLIN, avoué à la Cour
assisté de Maître Francis A..., avocat au barreau de PARIS, toque : R 134
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Février 2008, en audience non publique, devant la Cour composée de :
Madame CHANTEPIE, président
Monsieur CAPCARRERE, conseiller
Madame TAILLANDIER-THOMAS, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame BESSE-COURTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame CHANTEPIE, président
- signé par Madame CHANTEPIE, président et par Madame BESSE-COURTEL, greffier présent lors du prononcé.
M. Jean-Pierre Y..., né le 10 octobre 1940 à Strasbourg (67), et Mme Caroline X..., née le 25 mars 1957 à Boulogne Billancourt (92), se sont mariés le 14 décembre 1978 par devant l'Officier d'Etat Civil de Paris 16ème, après contrat de mariage reçu le 8 novembre 1978 par Maître D..., Notaire à Paris.
De cette union, sont issus deux enfants :
- Elsa, née le 20 février 1985,
- Julie, née le 10 février 1989.
Dûment autorisé par ordonnance de non conciliation du 22 septembre 2005, M. Jean-Pierre Y... a fait assigner son conjoint en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil, par acte du 17 juillet 2006.
Cette ordonnance a notamment attribué la jouissance du logement familial à l'époux, fixé à 2.000 euros la pension alimentaire mensuelle que M. Jean-Pierre Y... devra verser à son épouse au titre du devoir de secours, rappelé que l'exécution provisoire est exercée en commun par les parents sur l'enfant mineur, fixé sa résidence chez le père, organisé le droit de visite et d'hébergement de la mère.
Par arrêt du 11 mai 2005, la Cour d'Appel de Paris a confirmé la décision entreprise en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt, réformé partiellement cette décision sur le montant de la pension due au titre du devoir de secours, dit que M. Jean-Pierre Y... versera à son épouse à ce titre une pension alimentaire mensuelle de 2.500 euros à compter de cet arrêt et rejeté toutes les autres demandes.
A ce jour, Mme Caroline X... est appelante d'un jugement contradictoire, rendu le 3 septembre 2007, par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Paris, qui a :
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de l'épouse, avec toutes les conséquences légales,
- débouté Mme Caroline X... de sa demande de prestation compensatoire,
- donné acte à M. Jean-Pierre Y... de ce que l'enfant Julie, devenue majeure, réside à son domicile,
- dit n'y avoir lieu à contribution de la mère à l'entretien et à l'éducation de cet enfant,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et que les dépens seront supportés par Mme Caroline X....
Cet appel a été interjeté le 19 septembre 2007. M. Jean-Pierre Y... a constitué avoué le 1er octobre 2007.
Vu les conclusions de Mme Caroline X..., en date du 21 janvier 2008, demandant à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
- prononcer le divorce aux torts exclusifs de M. Jean-Pierre Y..., et subsidiairement, aux torts partagés, avec toutes les conséquences légales,
- dire que, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, Mme Caroline X... a droit à la moitié des biens mobiliers et notamment des oeuvres d'article et tableaux ayant garni le domicile conjugal,
- donner acte à Mme Caroline X... de ce qu'elle reprendra l'usage de son nom de jeune fille,
- condamner M. Jean-Pierre Y... à verser à Mme Caroline X... la somme de 500.000 euros à titre de prestation compensatoire nette de CSG et de CRDS,
- le condamner à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions de M. Jean-Pierre Y..., en date du 29 janvier 2008, demandant à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, condamner Mme Caroline X... à payer à M. Jean-Pierre Y... en cause d'appel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
SUR CE LA COUR,
Qui se réfère pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties à leurs écritures et à la décision déférée ;
Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée, que les pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non recevoir susceptible d'être relevée d'office ;
Considérant que l'acte introductif d'instance étant postérieur au 1er janvier 2005, le présent litige est soumis aux dispositions de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce ;
Considérant que l'appelante, Madame X..., sollicite le prononcé du divorce aux torts exclusifs de Monsieur Y... et subsidiairement aux torts partagés ;
Considérant que le mari reproche à son épouse son infidélité ses violences ; qu'il fait valoir, dans l'intérêt des enfants, avoir supporté la liaison de son épouse avec Monsieur R… ; que celui-ci était son meilleur ami et la parrain de sa fille aînée ; que lorsqu'il a été atteint d'un cancer en phase terminale, l'appelante a déserté le domicile conjugal pour vivre au chevet de Monsieur R…jusqu'à son décès ; qu'elle a appris à Julie, alors âgée de 12 ans, qu'elle n'était pas la fille légitime de son père dont elle portait le nom ; que son père biologique était Monsieur R… ;
Considérant que Madame X... soutient qu'elle n'a jamais caché sa relation intime avec Monsieur R… ; que cette relation aurait été acceptée par Monsieur Y... ; que les faits sont anciens et ont perdu tout caractère fautif dans la mesure où il ne les aurait jamais reprochés à son épouse ;
Considérant que la gravité des griefs reprochés est indépendante du temps qui s'est écoulé depuis, même si les conditions dans lesquelles cette liaison a perduré, peuvent laisser présumer qu'il y ait eu une certaine complaisance du mari ; que cependant cette dernière n'est pas démontrée ;
Considérant que l'appelante reproche à son mari un adultère avec Madame B…, de s'être livré à des violences sur elle, d'avoir exercé une pression morale qui l'aurait fragilisée et, enfin, d'avoir résilié le bail du logement familial quinze jours avant l'audience de conciliation ;
Considérant que l'existence d'appels téléphoniques dans les Bouches du Rhône est insuffisante pour établir la réalité d'une liaison adultère ; que le témoignage des enfants est irrecevable ; que les violences et la pression morale exercée par le mari ne sont pas démontrés, l'épouse étant en dépression depuis la disparition de Monsieur R… ; que la résiliation du bail était sans incidence pour l'appelante ;
Considérant en conséquence que le divorce sera prononcé aux torts exclusifs de Madame X... ; que la décision entreprise sera confirmée de ce chef ;
Considérant que Madame X... demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle entend reprendre l'usage de son nom de jeune fille ;
Considérant qu'il n'incombe pas à la cour de donner acte ou de procéder à des constatations non assorties d'effet juridique ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la cour de dire si Madame X... a droit à la moitié des biens mobiliers, cela relevant de la compétence du notaire désigné pour procéder aux opérations de liquidation partage ;
Considérant que l'appelante sollicite la fixation du montant de la prestation compensatoire à la somme de 500000 euro nets de CSG et de CRDS ;
Considérant que le divorce met fin au devoir de secours, mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ;
Que cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment :
-la durée du mariage,
-l'âge et l'état des époux,
-leur qualification et leur situation professionnelles,
-les conséquence des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
-le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,
-leurs droits existants et prévisibles,
-leur situation respective en matière de pension de retraite ;
Que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; que celui-ci décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital, parmi les formes suivantes : versement d'une somme d'argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage ;
Considérant que les époux se sont mariés en 1978 ; qu'ils sont âgés respectivement de 67 ans pour le mari et de 51 ans pour la femme ;
Considérant que les parties ont produit l'attestation sur l'honneur prévue par l'article 271 alinéa 2 du Code civil ;
Considérant que l'intimé, chirurgien dentiste, dispose d'un salaire moyen mensuel de 6564 euro en 2006 ; qu'il a des revenus fonciers de 4723 euro par mois et mobiliers de 253 euro par mois ; qu'il possède en propre deux appartements à Strasbourg, un à Lille et un à Sucy-en-Brie pour une valeur totale de 657000 euro ; qu'il détient des parts dans les SCI ... et 11 place de l'université dans la même ville ; qu'il a un patrimoine immobilier comprenant une assurance vie de 218616 euro ; qu'il fait état d'une épargne salariale de 19308 euro , de meubles pour environ 68000 euro et de meubles dérobés pour une valeur de 140000 euro;
Considérant que l'appelante a cessé de travailler depuis 18 ans ; qu'elle est de santé dépressive et anorexique ; qu'elle fait état d'un patrimoine immobilier d'une valeur totale de 949000 euro comprenant un appartement à Neuilly, 50% de la nue propriété d'un appartement rue Flandrin à Paris, 16% de la nue propriété d'une maison à Sainte Maxime, 25% de la nue propriété d'un appartement à Megève ;
Considérant que les parties invoquent des dépenses courantes conformes à leur train de vie ;
Considérant que l'époux ne fait état d'aucun problème de santé ;
Considérant que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux ; qu'elle doit permettre d'éviter que l'un des époux soit plus atteint que l'autre par le divorce ;
Considérant qu'il apparaît de l'ensemble de ces éléments que le prononcé du divorce crée une disparité entre les conditions de vie respectives des époux, et au détriment de l'épouse, qu'il y a lieu de compenser en lui attribuant une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 240000 euro ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ; que s'agissant d'un litige familial et chaque partie succombant en ses demandes, gardera la charge de ses propres dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt,
L'INFIRME partiellement sur la prestation compensatoire,
Et statuant à nouveau :
CONDAMNE Monsieur Y... à verser 240000 euro à Madame X... en capital à titre de prestation compensatoire,
REJETTE toutes autres demandes,
VU les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leur demande à ce titre,
DIT que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT