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26/02/2008 | FRANCE | N°16

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0138, 26 février 2008, 16


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRET DU 26 Février 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/09615

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2006 par le conseil de prud'hommes de MELUN RG no 04/00843

APPELANTE

Mademoiselle Audrey X...

...

77169 ST SIMEON

représentée par Me Louis-Charles HUYGUE, avoué à la Cour,

comparante en personne, assistée de Me Pierre KUTI (SCP KUTI-ROVEZZO), avoca

t au barreau de MEAUX

INTIMÉE

Société VECTOR INDUSTRIE FRANCE

...

Z.I. Ampère

77220 GRETZ ARMAINVILLIERS

représentée par Me Isabelle WASSE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRET DU 26 Février 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/09615

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2006 par le conseil de prud'hommes de MELUN RG no 04/00843

APPELANTE

Mademoiselle Audrey X...

...

77169 ST SIMEON

représentée par Me Louis-Charles HUYGUE, avoué à la Cour,

comparante en personne, assistée de Me Pierre KUTI (SCP KUTI-ROVEZZO), avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE

Société VECTOR INDUSTRIE FRANCE

...

Z.I. Ampère

77220 GRETZ ARMAINVILLIERS

représentée par Me Isabelle WASSELIN (SCPA MALPEL et ASSOCIES), avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

Exposé des faits et de la procédure

Mlle Audrey X..., engagée par la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE à compter du 21 novembre 2002, en qualité de comptable niveau 3 échelon1, au dernier salaire mensuel brut de 2032 euros, a été licenciée par lettre du 7 octobre 2004 énonçant le motif suivant :

"..., non traitement dans des délais acceptables d'une demande de correction de l'URSSAF, de multiples erreurs dans la paie du mois d'août 2004, du retard sur la tenue du dossier comptable, le rapprochement bancaire du compte crédit agricole USD qui n'a pas été fait depuis le mois de juin 2004 , un virement mensuel de 14 798 euros 40 a été mal comptabilisé, l'écriture comptable de la TVA du mois de juillet n'était pas passée le 17 septembre 2004 et le non respect d'un certain nombre de procédures.

Le fait de n'avoir pas envoyé dans les délais la contribution sociale de solidarité, de ne pas avoir respecté le niveau de déclaration obligatoire pour les DEP et enfin la DEB de juillet 2004 comportait des erreurs de déclarations..."

Par jugement du 24 mars 2006, le Conseil de prud'hommes de MELUN, statuant en formation de départage, a condamné la société VECTOR INDUSTRIES FRANCE au paiement de la somme de 934 euros 08 au titre des indemnités kilométriques, mais a débouté Mlle X... de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non respect de la procédure de licenciement, d'indemnité de licenciement, de paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents.

Mlle X... en a relevé appel.

Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 18 janvier 2008.

* *

*

Discussion

Sur la rupture

Argumentation de Mlle X...

Mlle X... fait valoir qu'elle exerçait ses fonctions sous le contrôle de Mme Z..., responsable financière et comptable salariée par la groupe HF COMPANY dont la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE est une filiale. Elle indique avoir donné entière satisfaction et n'avoir jamais fait l'objet de remarques jusqu'à l'avertissement qui a précédé son licenciement et qu'elle a contesté. Elle estime que les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont des prétextes non fondés et qu'en réalité le principe de son licenciement était acquis pour que la comptabilité de la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE soit directement effectuée au sein du groupe HF COMPANY.

Argumentation de la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE

La société VECTOR INDUSTRIE FRANCE soutient que Mlle X... a été licenciée en raison d'erreurs commises dans le cadre de ses fonctions de comptable, constitutives d'une insuffisance professionnelle perturbant la bonne marche de l'entreprise. L'employeur relève en particulier le non traitement d'une demande de L'URSSAF dans des délais acceptables, des erreurs dans la paye du mois d'août 2004, un retard sur la saisie de notes de frais, un défaut de rapprochement bancaire, une mauvaise comptabilisation d'un remboursement en date du 3 septembre 2004, la non passation dans les délais de l'écriture comptable de TVA du mois de juillet 2004, le retard dans l'envoi de la contribution sociale de solidarité et des erreurs dans les DEB ( Déclarations d'échanges de biens).

Position de la Cour

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, en particulier, d'un message émanant de Mme Z..., salariée du groupe HF COMPANY adressé au PDG DE VECTOR INDUSTRIE FRANCE en date du 10 septembre 2004 que le licenciement de Mlle X... était programmé en vue de la reprise de la comptablilité de la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE par le groupe HF COMPANY. Les termes de ce message sont clairs à cet égard : "En vue de la reprise de la comptabilité il faut voir comment nous allons procéder vis à vis de Audrey (licenciement économique- licenciement pour motif personnel pour cause réelle et sérieuse?) Je vais faire trancher la question par Maître WASSELIN.

Pour ma part, ma venue d' hier a été l'occasion de relever quelques fautes (erreur dans la paye avec double paiement d'une augmentation accordée à Joao en août- négligence en terme de délais pour répondre à l'URSSAF sur des problématiques de taux d' Accident du Travail qui datent de mars et qui a été relancé en juin- dossier Générale des Eaux non traité datant d' avril 2004... par ailleurs, nous avons pu constater la délégation de certains dossiers qui sont de sa pleine responsabilité comme le recouvrement client à Nadège, la gestion des intérimaires etc.)

A priori j'ai entendu dire que la distribution de la paye du mois d'août a posé problème; avez-vous eu des échos sur ce point de la part du reste du personnel?

Je ne sais pas si nous nous en servirons mais je pense qu'il faut réunir désormais tous les points la concernant..."

Il résulte par ailleurs des éléments versés aux débats que les qualités professionnelles de Mlle X... n'ont pas fait l'objet de remarque particulière ou d'avertissement entre la période de son embauche en novembre 2002 et l'été 2004 puis, tout s'est précipité entre l'avertissement, qui lui a été notifié le 19 juillet 2004 et qu'elle a contesté point par point de manière précise, et le licenciement notifié le 7 octobre 2004. L'intéressée reconnaît avoir commis quelques erreurs mais celle-ci n'avait pas le statut de cadre et se trouvait sous le contrôle étroit de Mme Z..... Ainsi, en réalité, il apparaît que Mlle X... n'a pas été licenciée en raison de ces faits dénoncés dans la lettre de licenciement mais parce que la décision de se séparer d'elle avait été prise en raison du projet de faire traiter directement la comptabilité de la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE par le groupe HF COMPANY et des motifs ont alors été recherchés pour rompre le contrat de travail, ainsi que cela est établi par le message susvisé du 10 septembre 2004. Dans ces conditions, les griefs invoqués à l'encontre de la salariée ne peuvent être considérés comme suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail pour insuffisance professionnelle et il y a lieu d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes sur ce point.

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Mlle X... a moins de deux ans d'ancienneté au moment du licenciement, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 10 000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L.122-14-5 du code du travail

Sur la demande au titre de l'indemnité de licenciement

En principe, l'ancienneté du salarié dans l'entreprise s'apprécie au jour où l'employeur envoie la lettre recommandée de licenciement, date à laquelle se situe la rupture du contrat de travail. Cependant une convention collective peut prévoir que, pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'ancienneté s'apprécie à la fin du préavis. C'est précisément le cas de l'article 30 de la convention collective des industries métallurgiques applicable aux parties qui prévoit "qu'il sera alloué aux mensuels congédiés avant soixante-cinq ans, sauf pour faute grave de leur part, une indemnité distincte du préavis tenant compte de leur ancienneté dans l'entreprise et fixée comme suit : à partir de deux années d'ancienneté jusqu'à cinq d'ancienneté, un dixième de mois par armée d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise..."

Le texte conventionnel précise que l'ancienneté s'apprécie à la fin du préavis. Or, il n'est pas contesté que la salariée avait plus de deux ans d'ancienneté à la date d'expiration de son préavis. Celle-ci a donc droit à une indemnité calculée sur la base de la moyenne mensuelle de la rémunération de ses douze derniers mois de présence dans l'entreprise dont le montant, qui n'est pas subsidiairement contesté, s'élève à 406,46 euros.

Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point et la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE sera condamné à payer cette somme à la salariée.

Sur la demande au titre du non respect de la procédure de licenciement

Argumentation de Mlle X...

Mlle X... soutient que Mme Z..., qui est une personne étrangère à l'entreprise, a assisté son employeur à l'entretien préalable au licenciement. Elle en conclut que la procédure de licenciement est irrégulière et sollicite la condamnation de la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE à ce titre.

Position de la Cour

Le Conseil de prud'hommes a relevé à juste titre que Mme Z..., qui est salariée de la société HF COMPANY, société à laquelle appartient la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE, fait partie de la direction administrative et financière du groupe qui contrôle notamment la comptabilité qui était effectuée par Mlle X....

Mme Z... fait ainsi partie du groupe auquel appartient l'employeur et n'est pas une personne étrangère à l'entreprise. Dès lors, le fait qu'elle ait assisté à l'entretien préalable pour apporter des éclaircissements techniques sur les griefs et les réponses apportées au cours de l'entretien n'a pas entaché d'irrégularité la procédure de licenciement.

En conséquence, il y a lieu de débouter Mlle X... de sa demande de ce chef et de confirmer sur ce point le jugement entrepris.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Argumentation de Mlle X...

Mlle X... soutient qu'elle a travaillé bien au-delà de ses heures normales de travail pour faire face à une surcharge de travail qui aurait du être absorbée par l'embauche d'autres salariés. Elle fait valoir que sa présence au sein de l'entreprise est incontestablement démontrée par la production de nombreux e-mails qu'elle adressait à partir de son poste de travail à des heures antérieures ou postérieures à son horaire de travail théorique et relève qu'elle travaillait la plupart du temps durant la pose du déjeuner. En conséquence, elle sollicite la somme de 9.778, 11 euros à titre d'heures supplémentaires.

Position de la Cour

Il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Mlle X... établit un décompte précis des heures qu'elle indique avoir effectué entre mars 2003 et septembre 2004. Ce décompte mentionne pour chaque jour son heure d'arrivée qui se situe le plus souvent entre 8 h 30 et 9 heures, son temps de pause déjeuner d'une heure et son heure de départ qui varie entre 16h45 et 21 heures et se situe le plus souvent entre 18 et 19 heures.

Les décomptes produits mentionnent pour chaque jour le total des heures effectuées et le nombre d'heures supplémentaires s'il y a lieu. Le nombre d'heures supplémentaires relevé varie entre 1,25 en août 2004 et 71,75 en janvier 2003.

En tenant compte du salaire de base de Mlle X... et des coefficients de majoration, la totalité des heures supplémentaires représente un montant de 5901,47 euros au titre de l'année 2003 et 3876,64 euros au titre de l'année 2004.

La demande formulée par Mlle X... est donc détaillée, claire, précise et, de plus, confortée par de nombreuses pièces qui démontrent la présence de l'intéressée dans l'entreprise et son activité effective : ainsi Mlle X... produit les supports papiers de nombreux messages électroniques passés à partir de son poste de travail à des heures correspondant aux heures supplémentaires alléguées. Ainsi, nonobstant les allégations de l'employeur, il résulte de l'ensemble des éléments du débats que Mlle X... arrivait et repartait aux heures mentionnées dans le décompte produit aux débats, bénéficiait d'une heure de pause journalière, et a effectivement accompli les heures supplémentaires dont elle sollicite le paiement.

Par ailleurs, son employeur ne pouvait ignorer que l'intéressée accomplissait des heures supplémentaires dans le cadre des tâches qui lui étaient imparties, même s'il n'est pas établi que son employeur lui a expressément demandé de les effectuer et alors même, qu'en l'espèce, elle n'a pas sollicité le paiement de ces heures pendant l'exécution de son contrat de travail.

Il résulte de l'ensemble des éléments versés aux débats que la salariée a effectivement accompli les heures dont elle réclame le paiement et il convient d'y faire droit.

En conséquence, le jugement du Conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point et il sera alloué à la salariée la somme de 9778,11 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre mars 2003 et septembre 2004 et 977,81 euros au titre des congés payés afférents..

Sur la demande au titre des indemnités kilométriques

Position de la Cour

Il n'est pas contesté que Mlle X... a été amenée à effectuer des déplacements pour le compte de l'entreprise avec son véhicule personnel mais l'intéressée ne produit pas de justificatif des frais qu'elle a exposés à cet égard tel que des notes de frais qui ne lui auraient pas été réglées. Elle sera donc déboutée sur ce point. En conséquence, le jugement du Conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de Mlle X....

PAR CES MOTIFS

INFIRME partiellement le jugement,

CONDAMNE la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE à payer à Mlle X... la somme de :

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 406,46 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 9 778,11 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées entre mars 2003 et septembre 2004

- 977,81 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires

DEBOUTE Mlle X... de sa demande au titre des indemnités kilométriques,

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE à payer à Mlle X... la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de la société VECTOR INDUSTRIE FRANCE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0138
Numéro d'arrêt : 16
Date de la décision : 26/02/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Melun, 24 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-02-26;16 ?
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