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18/02/2008 | FRANCE | N°05/21084

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0242, 18 février 2008, 05/21084


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

17ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2008

(no 40 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/21084

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/16242

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD nouvelle dénomination d'AXA ASSURANCES IARD DA venant aux droits de d'AXA COURTAGE IARD SA agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux

26 rue Drouot

75009 PARIS

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée d...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

17ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2008

(no 40 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/21084

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/16242

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD nouvelle dénomination d'AXA ASSURANCES IARD DA venant aux droits de d'AXA COURTAGE IARD SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

26 rue Drouot

75009 PARIS

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me Elodie LASNIER, ( substituant Me Jérôme CHARPENTIER ), avocat au barreau de PARIS, toque : E1216

INTIMEES

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

...

75019 PARIS

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Valérie Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1039

Madame Zvezda A...

...

91420 MORANGIS

non représentée

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE- SEINE prise en la personne de ses représentants légaux

...

92026 NANTERRE CEDEX

représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour

assistée de Me MATHE-GOURGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : D733

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente

Madame Dominique GUEGUEN, Conseillère

Madame Sylvie NEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Myriam BADAOUI

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, président et par Mlle Myriam BADAOUI, greffière présente lors du prononcé.

**********

Le 23 août 1985, en Yougoslavie, le véhicule tracteur de Monsieur Jovan C..., auquel était attelée une remorque non éclairée a été percuté à l'arrière par le véhicule conduit par Monsieur Nikola D... assuré auprès de la Société La Mutuelle Parisienne de Garantie, aux droits de laquelle s'est trouvée la Société UNI EUROPE et aux droits de laquelle se trouve la Société AXA France IARD.

Monsieur D... est décédé au cours de cet accident et Madame Zvezda GACIC, passagère transportée du véhicule conduit par ce dernier a subi des blessures.

Par jugement rendu le 27 avril 1991, le tribunal de première instance de KLADOVO, en Yougoslavie (jugement confirmé en toutes ses dispositions par décision d'appel rendue le 18 février 1992 par le tribunal de grande instance de NEGOTIN) a retenu la responsabilité délictuelle de Monsieur C... en renvoyant les victimes, parmi lesquelles se trouvait Madame A..., devant une juridiction civile "pour réaliser leurs revendications" .

Par ordonnance rendue le 06 avril 1987 le Président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé - saisi par Madame A... d'une demande à l'encontre de Madame veuve D..., de son assureur et de la CPAM des Hauts de Seine qui tendait à obtenir la désignation d'un expert et le versement d'une provision - retenant l'application du droit yougoslave et constatant qu'elle prévoyait, pour la victime, le droit à la réparation intégrale de son préjudice, a fait droit aux demandes de Madame A... .

Statuant sur l'appel de l'ordonnance de référé, la cour d'appel de Paris, par arrêt rendu le 17 novembre 1993, a confirmé l'ordonnance entreprise ; par ailleurs saisie par la CPAM des Hauts de Seine (intimée) et par la CRAMIF ( intervenante volontaire) tendant à obtenir le paiement de leurs créances, elle a dit n'y avoir lieu à référé.

La Société UNI EUROPE qui avait sollicité et obtenu de la CPAM des Hauts de Seine et de la CRAMIF un état de leurs créances respectives a signé avec Madame A... , le 27 septembre 1994, un protocole d'indemnisation transactionnelle portant sur l'entière indemnisation de son préjudice corporel aux termes duquel, notamment, elle indemnisait la victime de son préjudice soumis à recours à hauteur d'une somme de 7.937.320,08 francs " après paiement des créances des organismes sociaux" .

Par acte du 24 septembre 1996, la CPAM des Hauts de Seine et la CRAMIF ont assigné en paiement la Société UNI EUROPE devant le juge du fond mais la radiation de l'affaire a été ordonnée le 06 juin 2000.

Par jugement rendu le 07 juillet 2005 le tribunal de grande instance de Paris, saisi de demandes en paiement présentés par les organismes sociaux, a, avec exécution provisoire :

- dit qu'il convenait d'appliquer la loi française entre les parties dans la présente instance, eu égard à la transaction intervenue le 27 septembre 1994,

- rejeté l'exception de prescription,

- condamné, au visa de l'article L 376-1 du Code de la sécurité sociale, la Société AXA France IARD à rembourser :

*à la CRAMIF ( à la requête de laquelle l'instance a été introduite par acte du 29 septembre 1993), la somme de 445.094,15 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 1987,

* à la CPAM des Hauts de Seine (défenderesse à l'instance), la somme de 392.191,05 euros ainsi que la somme de 192.358,93 euros avec intérêts à compter du 27 mai 2005,

- condamné la Société AXA France IARD à verser à la CRAMIF et à la CPAM des Hauts de Seine une somme de 800 euros au profit de chacune, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à supporter les dépens.

La Société Anonyme AXA France IARD a relevé appel de ce jugement et par dernières conclusions signifiées le 30 novembre 2007, elle demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- à titre principal :

* de dire que le droit yougoslave est applicable au présent litige,

* de dire que les demandes de la CPAM des Hauts de Seine et de la CRAMIF sont prescrites en regard du droit yougoslave,

* à défaut, qu'en toute hypothèse les demandes en remboursement ne peuvent excéder la limite de 11.052,55 euros (soit: 5.000.000 de dinars), plafond fixé par la loi yougoslave,

- subsidiairement, s'il devait être fait application de la loi française :

* au visa des articles 2270-1 et 2244 du Code Civil, de juger prescrite l'action de la CPAM des Hauts de Seine,

* à défaut et au visa de l'article L 376-1 du Code de la sécurité sociale invoqué par les "demanderesses", de débouter la CRAMIF et la CPAM des Hauts-de-Seine de toutes leurs prétentions,

- en toute hypothèse, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2007, la Caisse Régionale d'Assurance Maladie de l'Ile de France (CRAMIF) demande à la cour, au visa des articles 2270-1 et 2248 du Code Civil ainsi que des articles L 376-1 et L 376-3 du Code de la Sécurité Sociale :

- de déclarer la Société AXA France IARD mal fondée en son appel, de la débouter en ses entières prétentions et de confirmer le jugement entrepris,

- de condamner la Société AXA à lui rembourser la somme de 307.642,56 euros représentant les arrérages échus de la pension d'invalidité de 3ème catégorie versés à la victime du 1er décembre 1987 au 30 septembre 2007, ainsi que les arrérages à échoir à compter du 1er octobre 2007 à moins qu'elle ne préfère s'en libérer par le versement d'un capital représentatif s'élevant à la somme de 171.197,57 euros,

- de condamner l'assureur au paiement des intérêts "de droit" à compter du 20 octobre 1987 et d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de condamner l'assureur à lui verser une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions signifiées le 04 décembre 2007, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts de Seine (CPAM) demande à la cour, sur ce même fondement juridique et eu égard aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 modifiant l'article L 376-1 du Code de la sécurité sociale :

- de déclarer la Société AXA France IARD mal fondée en son appel,

- de fixer :

* à la somme de 190.394 euros le poste "dépenses de santé actuelles" du préjudice à caractère patrimonial subi par Madame A...,

* à la somme de 192.358,93 euros le poste "dépenses de santé futures" du préjudice à caractère patrimonial subi par Madame A...,

* à la somme de 9.438,12 euros le poste "pertes de gains professionnels actuels" du préjudice à caractère patrimonial subi par Madame A... du 24 août 1984 au 30 novembre 1987,

- au visa de l'article 462 du Nouveau Code de Procédure Civile, de condamner la Société AXA France IARD à lui rembourser la somme de 392.191,05 euros au titre des prestations par elle versées pour le compte de Madame A... en raison de l'accident, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2004,

- de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ,

- de condamner l'appelante à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Sur la loi applicable

Considérant qu'aux termes de l'article 2 alinéa 6 de la Convention de La Haye du 04 mai 1971 sur la loi applicable en matière de circulation routière à laquelle la France et la Yougoslavie sont parties " La présente convention ne s'applique pas (...) aux actions et recours exercés par ou contre les organismes de Sécurité Sociale, d'Assurance Sociale ou autres institutions analogues et les fonds publics de garantie automobile, ainsi qu'aux cas d'exclusion de responsabilité prévus par la loi dont relèvent ces organismes " ;

Que la Société AXA France IARD, qui s'abstient de débattre de cette exclusion au principe général, est dès lors mal fondée à revendiquer l'application de la loi yougoslave sur le seul fondement des articles 3 et 8 de cette même Convention qui posent, en effet, un principe général en matière d'accident de la circulation en désignant comme loi applicable la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est intervenu et qui a vocation à déterminer les modalités et l'étendue de la réparation ;

Qu'ajoutant aux termes précis des dispositions de l'article 2 alinéa 6 sus-rappelé, la Société AXA France IARD ne peut valablement prétendre à l'application aux tiers payeurs de la règle de conflit tirée des articles 3 et 8 de la Convention au motif que la dette du responsable constitue l'assiette de leur recours ;

Que la Société AXA France IARD ne peut davantage tirer argument de la décision rendue le 17 novembre 1993 par la cour d'appel de Paris statuant sur appel d'une ordonnance de référé dès lors qu'il est constant qu'une telle décision n'a pas autorité de chose jugée au principal ;

Que l'assureur est, par conséquent, mal fondé à solliciter l'application de loi sur le territoire duquel l'accident est survenu que prévoit l'article 3 de la Convention de La Haye;

Considérant, s'agissant de la loi applicable aux faits de la cause, qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du Code Civil que l'organisme social est en droit d'obtenir le remboursement de ses débours lorsque la victime, en raison de sa résidence habituelle en France, est restée soumise au régime français de sécurité sociale, peu important à cet égard le lieu de l'accident et la législation applicable en ce qui concerne les responsabilités ;

Que la perception, par Madame A..., de prestations servies par des organismes sociaux français, en raison de sa résidence en France, ne fait pas l'objet de contestation ;

Que l'argument que tire, par ailleurs, l'assureur du caractère inopposable aux organismes sociaux de la transaction intervenue entre la victime et lui-même - reprenant, pour ce faire, un moyen de la CPAM et la CRAMIF - afin d'affirmer qu'elles ne peuvent se prévaloir de cette transaction qui aurait, selon elles, appliqué la législation française doit être considéré comme surabondant ;

Qu'il en résulte qu'à bon droit, les premiers juges ont considéré que la loi française devait trouver application ; que la Société AXA France IARD ne peut, de ce fait, opposer aux organismes sociaux intimés des délais de prescription ( de 3 ou de 5 ans à compter de l'accident) ou un plafonnement d'indemnisation ( soit : 5.000.000 de dinars ou 11.052,55 euros) ressortant de la loi yougoslave ;

Sur la prescription

Considérant que la Société AXA France IARD oppose, subsidiairement, aux intimées une fin de non recevoir tirée de la prescription en se fondant sur les dispositions de l'article 2270-1 alinéa 1 du Code Civil (applicables au 06 juillet 1985) selon lesquelles " les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation" ;

Qu'elle en déduit que l'accident s'étant produit le 23 août 1985, la prescription était acquise le 23 août 1995, estimant, en outre, qu'aucun acte interruptif au sens de l'article 2244 de ce même code n'est venu l'interrompre ;

Mais considérant qu'en ce qui concerne le point de départ de la prescription décennale applicable aux faits de la cause, il ne saurait être fixé au jour de l'accident puisqu'en matière de réparation du préjudice corporel, c'est la date de consolidation qui fait courir le délai de prescription de l'article 2270-1 du Code Civil ;

Que l'état de Madame A... ayant été consolidé à la date du 30 novembre 1987, selon les éléments fournis par les organismes sociaux, la prescription n'a pu être acquise qu'à la date du 30 novembre 1997 ;

Que c'est, cependant, à juste titre que la Société AXA France IARD se prévaut du caractère limitatif de la liste des actes interruptifs de prescription telle que résultant de l'article 2244 du Code Civil, ce qui exclut les courriers simples adressés depuis 1987 à l'assureur par les organismes sociaux tout comme la lettre recommandée adressée le 25 avril 1994 par la CRAMIF à l'assureur ;

Que, de la même façon, les "citations en justice, même en référé" introduites à l'encontre "de celui qu'on veut empêcher de prescrire" visées par ce dernier texte - s'agissant, en l'espèce, de la procédure introduite en 1987 par Madame A... dans une instance où les organismes sociaux ont réclamé paiement de leur créance et qui a trouvé son terme par le prononcé de l'arrêt du 17 novembre 1993 - ne peuvent, non plus, être considérés comme des actes interruptifs de prescription dans la mesure où le juge des référés a rejeté leur demande en raison du défaut de la condition tenant à l'existence d'une obligation non sérieusement contestable et qu'il s'agit là d'une décision sur le fond-même du référé qui, par sa solution, rend l'interruption de la prescription non avenue ;

Qu'il en est de même, par application des dispositions combinées des articles 383 et 386 du Nouveau Code de Procédure Civile et 2247 du Code Civil, de l'action au fond introduite le 24 septembre 1996 par la CRAMIF , l'interruption de la prescription opérée par l'acte introductif d'instance devant être "regardée comme non avenue" , eu égard à l'issue de cette instance ;

Qu'en revanche, la CPAM des Hauts de Seine et la CRAMIF sont fondées à se prévaloir de l'effet interruptif de la prescription du protocole transactionnel intervenu le 27 septembre 1994 entre la victime subrogeante et l'assureur ;

Qu'en effet, par cet acte, équivalent juridictionnel sous le rapport de son effet, l'assureur qui se prévaut aujourd'hui de l'absence de responsabilité de son assuré conducteur dans la survenance de l'accident (pour renvoyer les Caisses à agir contre le responsable), n'en a pas moins reconnu un entier droit à indemnisation de la passagère que son assuré transportait ; que cette reconnaissance est de nature à interrompre la prescription par application de l'article 2248 du Code Civil selon lequel "la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur (...) fait du droit de celui contre lequel il prescrivait" ;

Que, s'agissant des effets de cet acte à l'égard des organismes sociaux, il est constant que la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait (en l'espèce, Madame A...) entraîne un effet interruptif pour la totalité de la créance qui ne peut se fractionner ;

Qu'au surplus, les termes de ce protocole d'indemnisation transactionnelle versé aux débats conduisent à considérer que la Société UNI EUROPE, aux droits de laquelle vient la Société AXA France IARD, sollicitée par de multiples courriers adressés par les organismes sociaux depuis, respectivement, le 20 octobre 1987 et le 12 avril 1990 (selon les courriers simples versés aux débats) et qui leur a demandé de lui faire connaître l'état de leurs prestations, a admis l'existence d'une dette à l'encontre des organismes sociaux subrogés dans les droits de la victime dont elle a déduit le montant (en présentant, d'ailleurs, leur créance comme payée) pour procéder à l'indemnisation de Madame A... ;

Qu'il s'en induit qu'à retenir même la date du 25 août 1995, présentée par l'assureur comme la date à laquelle la prescription décennale s'est trouvée acquise, la prescription a été interrompue à l'égard des organismes sociaux à la date du 27 septembre 1994, faisant courir un nouveau délai décennal de prescription ;

Qu'ainsi, l'action au fond introduite le 29 septembre 2003 par la CRAMIF à l'encontre de l'assureur, de la victime et de la CPAM des Hauts de Seine permet de considérer que la Société AXA France IARD n'est pas fondée à opposer aux organismes sociaux une fin de non recevoir tirée de la prescription ;

Sur le recours subrogatoire des Caisses

Considérant qu'il est constant que les Caisses intimées n'ont pas été invitées à participer au protocole transactionnel et que celui-ci ne leur a pas été dénoncé, conformément aux dispositions de l'article L 376-3 du Code de la sécurité sociale; qu'en outre, en dépit des termes de cet acte, l'assureur, mis en demeure de payer, n'a procédé à aucun versement entre les mains des organismes sociaux en amont de la présente procédure ;

Que, pour statuer sur leurs demandes en remboursement, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale, d'application immédiate, venue modifier les dispositions de l'article L 376-1 du Code de la sécurité sociale selon lequel " les recours subrogatoires des Caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel", le texte précisant que la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante et que si le tiers payeur entend exercer un recours sur un poste à caractère personnel il lui appartient d'établir qu'il l'a fait "effectivement et préalablement" et que la prestation versée indemnise de manière incontestable un poste de préjudice personnel ;

Qu'il n'est, dès lors, pas nécessaire de recourir, comme le demande infiniment subsidiairement l'assureur, à la reconstitution préalable "en droit commun" du préjudice de la victime ;

Qu'en l'absence de production aux débats du rapport établi par le docteur E..., expert missionné par les juridictions civiles française, il convient de s'en référer aux termes de la décision rendue le 27 avril 1991 par la juridiction yougoslave et versée aux débats sans contestation des parties sur sa teneur quant au préjudice des victimes de l'accident ;

Qu'il en ressort que Madame A... a subi, du fait de l'accident, "une blessure légère avec la déchirure au visage de la partie chevelure, une déchirure de la partie gauche du visage, une fracture de la colonne vertébrale à la hauteur du "cc" avec paralysie des extrémités supérieures et des extrémités inférieures" ;

Qu'aux termes du protocole d'accord qui vise en préambule le rapport du docteur E..., la victime reste atteinte d'une IPP de 90 % ;

1) préjudice patrimonial

- dépenses de santé actuelles prises en charge par la CPAM

La CPAM des Hauts de Seine produit un décompte daté du 02 novembre 2005 par lequel elle justifie du versement de prestations à ce titre pour un montant total de 190.394 euros.

Ces dépenses, exposées et prises en charge consécutivement à l'accident et qui comprennent des frais médicaux, pharmaceutiques, de transport, d'appareillage et d'hospitalisation en milieu hospitalier puis à domicile figuraient sous cette rubrique dans le protocole d'accord pour un montant de 1.276.195,87 francs (soit: 194.554,80 euros ).

L'assureur ne débat pas du quantum de la somme réclamée.

Il convient, dans ces conditions, d'accueillir la demande de l'organisme social et de condamner l'assureur à lui verser la somme de 190.394 euros en principal..

- dépenses de santé futures prises en charge par la CPAM

Cette dernière justifie devoir verser pour le compte de la victime, en raison de l'accident litigieux, des frais futurs médicaux, pharmaceutiques, de soins infirmiers, de transport et de kinésithérapie pour un montant capitalisé à la somme de 192.358,93 euros selon décompte daté du 02 novembre 2005 .

Ce poste de préjudice était porté pour mémoire dans le protocole d'accord.

L'assureur ne débat pas du quantum de la somme réclamée.

Il convient, par conséquent, de faire droit à la demande de la CPAM des Hauts de Seine et de condamner l'assureur à lui verser la somme de 192.358,93 euros en principal..

- pertes de gains professionnels actuels et incidence professionnelle

Les indemnités journalières et la rente versée à la victime respectivement par la CPAM (pour un montant de 9.438,12 euros) et par la CRAMIF ( soit : 307.642,56 euros représentant les arrérages échus au 30 septembre 2007 pour un capital représentatif de 171.191,57 euros) indemnisent les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité.

La rente doit s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle.

En l'absence d'indemnisation de la victime sur l'un ou l'autre de ces postes de préjudice, les organismes sociaux ne peuvent exercer leur action récursoire.

Elles doivent donc être déboutées de ce chef.

2) préjudices à caractère personnel

Si la CRAMIF estime que la rente qu'elle a versée indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer un recours sur un tel poste - la victime s'étant, notamment, vu attribuer, dans le cadre de la transaction, une somme de 2.250.000 francs (soit : 343.010,29 euros) au titre du déficit fonctionnel permanent - il appartient à l'organisme social d'établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel, ce dont elle s'abstient.

Sa demande en paiement sera donc rejetée.

Considérant, par conséquent, que le jugement argué d'erreur matérielle sera infirmé en ses dispositions relatives aux condamnations en paiement prononcées à l'encontre de l'assureur ;

Que la Société AXA France IARD sera condamnée à verser à la CPAM des Hauts de Seine, en deniers ou quittances, provisions ou sommes versées en exécution du jugement non déduites, une somme totale de 382.752,93 euros ; que cette somme portera intérêts à compter de la demande formée par conclusions du 25 mars 2004 ;

Que la CRAMIF sera déboutée de ses demandes ;

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Considérant que l'équité conduit à condamner l'assureur à verser à la CPAM des Hauts de Seine la somme complémentaire de 1.500 euros sur ce fondement ;

Que les demandes formées à ce titre tant par la CRAMIF que par la Société AXA France IARD seront rejetées ;

Que la Société AXA France IARD qui succombe supportera les entiers dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives au droit applicable et aux condamnations portant sur la créance des organismes sociaux ;

Et, statuant à nouveau dans cette limite :

Dit que la loi française a vocation à s'appliquer au présent litige par application de la Convention de La Haye du 04 mai 1971 ;

Condamne la Société AXA France IARD à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts de Seine:

- une somme totale de 382.752,93 euros outre intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2004, au titre de son entière créance, et ceci en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en exécution du jugement non déduites,

- une somme complémentaire de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Déboute la Caisse Régionale d'Assurance Maladie d'Ile de France de sa demande principale et de sa demande au titre de ses frais non répétibles ;

Rejette les entières prétentions de la Société AXA France IARD ;

Condamne la Société AXA France IARD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0242
Numéro d'arrêt : 05/21084
Date de la décision : 18/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 07 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-02-18;05.21084 ?
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