18ème Chambre B
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 00452 / BF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mars 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG no 20400800MN
APPELANTE S. A. VETRA 4 rue du Puyfourcat 77670 VERNOU LA CELLE SUR SEINE représentée par Me Khéops LARA, Avocat au Barreau de MELUN
INTIMES Monsieur Angelo X... Y...... 77250 VILLECERF représenté par Me Anne GUEZENNEC FASSIN, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77) Rubelles 77951 MAINCY CEDEX représentée par Melle LANGLOIS en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales-Région d'Ile-de-France (DRASSIF) 58-62, rue de Mouzaia 75935 PARIS CEDEX 19 Régulièrement avisé-non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2008, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bertrand FAURE, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Bertrand FAURE, Président Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller
Greffier : Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, lors des débats
ARRÊT :
-CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
-signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la SA VETRA d'un jugement rendu le 21 Mars 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale de MELUN dans un litige l'opposant à Angelo X... Y... avec mise en cause de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Seine et Marne ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que le 11 Décembre 1998, Angelo X... Y..., employé de la Société VETRA en qualité de maçon a été victime d'un accident du travail sur un chantier situé à la Centrale EDF de MONTEREAU ; alors qu'il procédait à la vérification du réservoir d'un rouleau compresseur DYNAPAC et se trouvait placé devant l'engin, celui-ci a commencé à se mouvoir, le levier de vitesse étant passé, seul, du point mort à la position marche avant, de fait de la vibration du moteur ; il est alors tombé et la première bille est passée sur le corps ; suite à cet accident Angelo X... Y... a présenté des lésions et blessures graves, en l'espèce un traumatisme du bassin associant une disjonction interpubienne sans atteinte sacro-iliaque, une fracture de la grosse tubérosité du calcanéum gauche, et une fracture de la tête du péroné gauche ; la consolidation a été acquise le 18 Octobre 1999 ; par notification du 15 mars 2000 une rente a été attribuée à Angelo Y... X... sur la base du taux d'IPP de 25 %.
Par jugement devenu définitif du 6 Novembre 2003, le Tribunal Correctionnel de FONTAINEBLEAU a condamné Bénito A... représentant la Société VETRA en sa qualité de chef d'entreprise pour blessures involontaires dans le cadre du travail et infractions aux règles relatives à l'hygiène et à la sécurité du travail ; par courrier du 27 Novembre 2003 Angelo Y... X... a saisi la CPAM de Seine et Marne d'une demande de conciliation tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; cette demande n'ayant pas abouti il a par requête en date du 12 Octobre 2004 saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la Société VETRA et obtenir la majoration de rente au taux maximum ainsi que l'indemnisation de ses préjudices complémentaires ;
Par le jugement déféré les premiers juges ont statué comme suit :
" Rejette l'exception de prescription soulevée par la Société VETRA ; Dit que l'accident de travail de Monsieur X... Y..., en date du 11 Décembre 1998, est la conséquence de la faute inexcusable de la Société VETRA ;
Fixe au maximum la majoration de la rente dû à Monsieur Angelo X... Y..., en application de l'article L. 452-2 du Code de la Sécurité Sociale et dit que la majoration tiendra compte de l'évolution éventuelle ultérieure de son taux d'incapacité ;
Avant dire droit ;
Ordonne une expertise médicale...
... (avec pour l'expert mission d'usage en la matière) ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne la Société VETRA à payer à Monsieur Angelo X... Y... la somme de 800 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile " ;
La Société VETRA fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions où il est demandé à la Cour :
" Vu les articles L. 432-1 et L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
...
Infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau ;
Dire et juger que le délai de deux ans visé par l'article L431-2 du Code de la Sécurité Sociale était expiré lorsque Monsieur Angelo X... Y... a saisi la CPAM de Seine et Marne ;
Subsidiairement ;
Constater l'absence de faute inexcusable de la Société VETRA à l'occasion de l'accident du 11 Décembre 1998 ;
En tout état de cause ;
Condamner Monsieur Angelo X... Y... à payer à la Société VETRA la somme de 1000, 00 € au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamner Monsieur Y... ANGELO X... aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître BLIN conformément à l'article 699 du NCPC "... ultime prétention à laquelle il ne saurait en tout état de cause être fait droit devant la juridiction de céans ;
Angelo X... Y... fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions où il est sollicité ce qui suit :
" Dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la Société VETRA du jugement rendu le 21 mars 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN ;
En conséquence, confirmer la décision en toutes ses dispositions, déboutant la Société VETRA de ses contestations ;
Evoquant sur la demande de Monsieur X... Anicito liée à l'indemnisation de son préjudice corporel ;
Vu le rapport d'expertise du Docteur C... déposé le 19 Octobre 2006 ;
Condamner la Société VETRA à lui payer la somme de 28. 000 €, en réparation de son préjudice corporel ;
Débouter la Société VETRA de sa demande fondée sur l'article 700 ;
La condamner au contraire à payer à Monsieur X... Y... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Anne GUEZENNEC-FASSIN, avocat, et dont recouvrement selon les termes de l'article 699 du NCPC " ;
Par conclusions déposées et développées oralement par son représentant la CPAM de Seine et Marne déclare s'en rapporter à Justice en précisant qu'elle a réglé la majoration de rente à hauteur de 14 492, 22 € ;
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties à l'appui de leurs prétentions ; il suffit d'ajouter que le Docteur C... a rempli sa mission et déposé son rapport ;
Sur quoi la Cour :
Considérant que par de justes motifs que la Cour adopte les premiers juges ont dit non prescrite l'action introduite par Angelo X... Y... le 11 Octobre 2004 devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN ; qu'il suffit de souligner au regard de l'argumentaire développé par la Société VETRA que le procès verbal recueillant la plainte d'une victime, en l'espèce dressé en date du 23 Mars 1999, constitue bien un acte interruptif de la prescription ;
Considérant sur le fond qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Considérant qu'au regard de cette définition les premiers juges ont par des motifs également exacts et pertinents statué ainsi qu'il a dit ; qu'il suffit de préciser que si dans son rapport adressé le 11 Décembre 1998 au Parquet de FONTAINEBLEAU l'Inspecteur du Travail suggère aussi des poursuites à l'encontre tant de la Société DYNAPAC fabricant de la machine, non conforme aux règles de conception, qu'à l'encontre de son vendeur, la Société PAYEN, il n'en reste pas moins qu'il relève à l'encontre de la Société VETRA cinq infractions qu'il considère comme étant " en lien direct " voire " à l'origine " de l'accident en cause ; que de même le rapport de vérification établi le 19 Février 1999 par l'APAVE constate des non conformités techniques relevant non pas seulement de la conception mais aussi de l'utilisation ; que la procédure pénale n'a fait que confirmer les mêmes manquements aux règles de sécurité ; que de fait, par son jugement rendu le 6 Novembre 2003, le Tribunal Correctionnel de FONTAINEBLEAU a condamné Bénito A..., dirigeant de l'entreprise, pour n'avoir pas établi de consigne particulière détaillant les mesures à prendre pour supprimer les risques pendant la phase de contrôle visuel du dispositif d'aspersion des rouleaux, pour n'avoir pas procédé à la vérification générale périodique prévue par l'article 2 de l'arrêté du 5 Mars 1993 et répondant aux spécifications particulières de l'article 3 du même arrêté, ainsi que pour avoir mis à disposition de ses salariés un rouleau compresseur DYNAPAC CC 102 alors même que cet équipement de travail ne répondait pas aux prescriptions techniques définies à l'annexe I du décret 92-767 du 29 Juillet 1992, codifié R. 233-84 du Code du Travail ; que la condamnation ainsi infligée par le juge répressif à la fois pour infractions aux règles relatives à l'hygiène et à la sécurité du travail et pour blessures involontaires dans le cadre du travail établit le lien de causalité entre l'accident et les manquements reprochés et caractérise la conscience de l'employeur d'exposer son salarié à un risque ; que de surcroît un autre salarié de la Société VETRA Monsieur D... E...a attesté que quelques jours auparavant un problème similaire s'était produit, le système de sécurité du rouleau étant resté bloqué ; qu'ainsi, indépendamment même des vérifications régulières non effectuées il appartenait de plus fort à l'employeur d'arrêter l'utilisation de l'engin ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments on ne voit pas à quel titre ce dernier peut comme il le fait suggérer que l'accident en cause serait survenu dans les circonstances " indéterminées " ni davantage prétendre que la responsabilité en incomberait au fabricant ou au vendeur, la non conformité n'étant pas son fait ; qu'en tant que de besoin la Cour ajoutera qu'il est indifférent que la faute inexcusable de l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire alors même que d'autres fautes auraient concouru à la réalisation du dommage pour que sa responsabilité soit engagée ;
Considérant qu'en conséquence il convient de confirmer la décision déférée, et, afin de faire bénéficier la Société VETRA, qui le sollicite expressément, de la garantie offerte par le double degré de juridiction, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN pour la procédure y suivre son cours sur l'indemnisation des préjudices complémentaires ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il ne parait pas équitable de faire bénéficier la Société VETRA, partie succombant en son appel, des dispositions de l'article 700 du CPC ; que par contre l'équité commande une nouvelle application desdites dispositions au profit d'Angelo X... Y... ; qu'ainsi la Cour décide de lui allouer la somme de 1500 € qu'il sollicite à titre d'indemnisation de ses frais irrepétibles d'intervention en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Déclare la SA VETRA recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris ;
Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN pour la procédure y suivre son cours ;
Condamne la SA VETRA à payer à Angelo X... Y... la somme de 1500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute en tant que de besoin les parties de toutes autres demandes fins ou conclusions déclarées contraires, inutiles ou mal fondées ;
Dit n'y avoir lieu à application du droit d'appel prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale.
Le Greffier, Le Président,