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12/02/2008 | FRANCE | N°07/02721

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0115, 12 février 2008, 07/02721


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 12 février 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/02721

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section activités diverses RG no 04/00622

APPELANTE

SA SOCIETE GLEM

105, avenue Raymond Pointcaré

75116 PARIS

représentée par Me Thibault GUILLEMIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0133, Me Hubert FLICHY, a

vocat au barreau de PARIS, toque : P 0461

INTIMEE

Madame Marie Y...

Ayant élu domicile au Cabinet de Me Jérémie ASSOUS avocat au barre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 12 février 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/02721

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section activités diverses RG no 04/00622

APPELANTE

SA SOCIETE GLEM

105, avenue Raymond Pointcaré

75116 PARIS

représentée par Me Thibault GUILLEMIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0133, Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0461

INTIMEE

Madame Marie Y...

Ayant élu domicile au Cabinet de Me Jérémie ASSOUS avocat au barreau de Paris

...

75007 PARIS

représentée par Me Thierry LEVY, avocat au barreau de PARIS, Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : E785, Me Hayat DJABEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : G78

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, président

Mme Michèle BRONGNIART, conseiller

Mme Michèle MARTINEZ, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Statuant sur l'appel par la Société GLEM du jugement rendu le 30 novembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Paris - section des activités diverses - qui, constatant une relation de travail subordonné entre elle-même et Mme Y... a requalifié en contrat de travail à durée déterminée le règlement dit de "participants" auquel cette dernière a adhéré pour son implication du 14 au 28 mars 2003 dans l'émission de télévision "L'île de la tentation", dit que la somme nette de 1 525 euros versée à l'intéressée par l'entreprise de production l'avait été à titre de salaire, condamné la Société GLEM à payer avec intérêts de droit à la demanderesse les sommes de 152,50 euros à titre de prime nette de précarité, 167,75 euros à titre de congés payés incidents sur salaire et prime, rejeté la demande au titre du travail dissimulé, condamné la défenderesse au paiement de la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et ordonné la remise par celle-ci d'un certificat de travail, d'un bulletin de salaire et d'une attestation pour l'ASSEDIC conformes,

Vu les dernières conclusions du 4 décembre 2007 au soutien de ses observations orales à l'audience de la Société GLEM qui demande à la cour par réformation partielle du jugement déféré, de débouter Mme Y... de ses demandes fondées sur une relation à durée déterminée de travail subordonné, le rejet de sa prétention au titre d'un travail dissimulé étant de surcroît confirmé, de condamner en tout état de cause l'intimée au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les conclusions du 4 décembre 2007 au soutien de ses observations orales à l'audience de Mme Y... qui demande à la Cour, par réformation du jugement déféré, de re-qualifier "le règlement participants" en cause en un contrat de travail à durée indéterminée et en conséquence, condamner la Société GLEM à lui payer les sommes de 4 748,52 euros à titre de rappel de salaires, 474,85 euros au titre de l'incidence des congés payés,

8 176,56 euros à titre d'indemnité d'heures supplémentaires, 817,65 euros au titre de l'incidence des congés payés, 7 461, 96 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier, 1 695,30 euros à titre d'indemnité de préavis, 169,59 euros au titre de incidence des congés payés, 7 461,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 44 771, 76 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé, ordonner à la Société GLEM de lui remettre un certificat de travail conforme à ses fonctions d'artiste interprète, des bulletins de paie et une attestation ASSEDIC conformes à ses demandes, et condamner la Société GLEM à lui payer une somme totale concernant également deux autres intimés de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Considérant que suivant acte intitulé "règlement participants", Mme Y... a consenti à participer du 14 au 28 mars 2003 dans un hôtel thaïlandais situé sur une île du golfe du SIAM au tournage de l'émission "Ile de la tentation = saison 2003" produite pour TF1 par la Société GLEM selon un concept ainsi défini :

"Quatre couples non mariés et non pacsés, sans enfant, testent leurs sentiments mutuels lors d'un séjour d'une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien, notamment pendant les activités (plongée, équitation, ski nautique, voile, etc...) qu'ils partagent avec des célibataires de sexes opposés", étant entendu qu'"à l'issue de ce séjour, les Participants font le point sur leurs sentiments envers leur partenaire" et "qu'il n'y a ni gagnant ni prix";

Que Mme Y... en vertu de cet acte "acceptait expressément d'être filmée de jour ou de nuit au moyen de caméras munies d'amplificateurs de lumière et autorisait toute diffusion et exploitation de toutes séquences filmées pendant ce tournage ainsi que lors des tournages de portraits" en s'engageant, notamment, à ne conclure aucun accord de promotion, sponsoring, mécénat lié au programme ;

Que Mme Y... autorisait la Société GLEM à exploiter son image et ses noms et prénoms "pour le programme" à titre gratuit pendant cinq ans, sous licence avec la Société TF1 Entreprise ;

Que la Société GLEM pour sa part devait prendre en charge la réservation et le paiement du billet aller-retour entre Paris et le lieu de tournage, les frais de visas, le logement et les repas pendant le tournage et verser à l'intéressée la somme de 1 525 euros constituant un "minimum garanti non remboursable définitivement acquis ... à valoir sur les royalties à percevoir sur les exploitations en merchandising et/ou promotionnelles associant son image, son nom, son pseudonyme ou sa signature tel que prévu dans le contrat de licence", la remise de cette somme devant être effectuée par chèque dans les huit jours suivant la fin de tournage ;

Qu'estimant avoir en réalité exécuté un travail subordonné et rémunéré, Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification du règlement litigieux en un contrat à durée indéterminée, application à son bénéfice de la convention collective des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévisions, paiement de rappel de salaires et heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles, rupture irrégulière et abusive, travail dissimulé ;

Considérant que Mme Y... qui exerce la profession comptable ne peut se prévaloir de la présomption de contrat de travail définie à l'article L. 762-1 du Code du travail, même si l'exécution de la relation contractuelle a eu pour objet sa participation à l'élaboration programmée d'une émission télévisée ;

Que le lien contractuel doit s'apprécier en conséquence au regard des conditions de droit commun ;

Considérant que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination de la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de la personne concernée ; d'où il suit qu'en l'espèce la dénomination contractuelle énoncée, à savoir un règlement "participants" au programme "Ile de la Tentation 2003" ne permet pas en soi d'exclure l'existence d'une relation contractuelle de travail subordonné ;

Que la qualification de contrat de travail implique qu'un personnel (le salarié) accepte de fournir une prestation de travail au profit d'une autre personne (l'employeur) en se plaçant dans un état de subordination juridique vis à vis de cette dernière, moyennant une rémunération ;

Que d'abord sur la prestation de travail, la Société GLEM soutient que le concept de l'émission, qui consiste en un questionnement de chacun des participants sur ses sentiments à l'égard de son partenaire après des activités agréables comme la navigation (catamaran et jet ski), le saut à l'élastique, la baignade, les balades à cheval, la pêche, les séances de massage, la participation à des soirées festives, des dîners en tête à tête, dans un cadre exotique et splendide en compagnie de célibataires, n'induit que le divertissement exclusif de tout travail manuel, artistique ou intellectuel, qu'en contre-partie les participants ne doivent suivre que quelques règles simples à savoir, selon la directrice de production,

Mme Angela B..., " accepter d'être filmés dans les moments ludiques, répondre aux interviews pour pouvoir faire partager leur ressenti et respecter les rituels de l'émission qui , sans quoi, ne pourrait se faire", qu'ils ne doivent ni réciter un texte, ni se plier à un scénario, ni interpréter un rôle, ni même improviser mais simplement rester eux-mêmes, que Mme Y... qui a volontairement suspendu son activité professionnelle le temps du tournage a poursuivi un objectif personnel, non professionnel, conformément aux termes mêmes du "règlement participants" puisqu'elle a pu déclarer souhaiter "connaître le profond d'Anthony (son partenaire) car (croyant) que chacun a un petit jardin secret que l'on ne déroule pas forcément même après plusieurs années de vie commune", qu'ensuite du tournage elle a pu déclarer que "l'expérience avait été bien menée, dans un contexte paradisiaque" ;

Mais considérant que l'immixtion de caméras dans la vie privée, même consentie, ne relève pas d'un simple divertissement ; qu'elle n'est pas comme en l'espèce, exclusive de contrainte, au contraire, dès lors que l'action consiste à isoler le sujet dans un contexte relationnel de nature à éprouver ses sentiments et partant sa personnalité ; qu'un cadre dépaysant et beau, des activités ludiques ne sont que des contreparties dont l'objet de surcroît est aussi de fournir un décor et un spectacle agréables au téléspectateur ;

Que cette mise à l'épreuve de la personne relève bien de la définition avancée par l'appelante, selon laquelle le travail est une "activité humaine exigeant un effort soutenu, qui vise à la modification des éléments naturels, à la création et /ou à la production de nouvelles choses, de nouvelles idées", soit en l'espèce la mise à l'épreuve pendant plusieurs jour et nuits de sentiments en vue de leur évolution, la modification de relations

interpersonnelles aux fins de soumission des réactions des sujets, notamment au cours de séances obligées appelées "feux de camp", à l'examen du téléspectateur ;

Que la prestation d'un travail est consacrée d'ailleurs par "le règlement" liant les parties ; que celui-ci impose en effet une disponibilité permanente du "participant" pour le tournage, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, pendant plusieurs jours et nuits tant que dure le tournage, "le participant" ne pouvant interrompre sa collaboration qu'au motif de circonstances exceptionnelles ou avec l'accord préalable de la société de production ;

Qu'ensuite sur la nature subordonnée de la prestation de travail, qu'est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son collaborateur, le lien de subordination ;

Qu'en l'espèce l'article 3.3.2 du règlement contractuel dispose que le séjour de

Mme Y... pendant le tournage comme ses conditions de vie sont déterminées exclusivement par la production ; que de fait les responsables du tournage fixaient les heures auxquelles elle devait se réveiller le matin, son emploi du temps pour participer aux activités de l'équipe telles organisées par la production ;

Que l'article 3.8.1 du règlement contractuel porte engagement du "participant" à suivre les instructions de la production liées au planning du tournage et à la règle du programme, et obligation pour lui de "participer légalement aux différentes activités et aux réunions" ; que Mme Y... était donc sous l'autorité du producteur et devait suivre les règles du programme définies par ce producteur (article 8.2 du règlement) ;

Que l'article 8.1 du règlement contractuel par ailleurs reconnaît le droit au producteur de sanctionner par la rupture unilatérale du contrat le non-respect par le "participant" de "l'une quelconque des obligations mentionnées dans ledit règlement" ;

Que la possibilité donnée au "participant", au demeurant limitée dès lors que même le moment du sommeil après la fin des activités était déterminé par l'équipe de tournage qui pouvait d'ailleurs rester présente, "de s'isoler de temps en temps" ne vient pas contredire la réalité du pouvoir disciplinaire du producteur ; que celui-ci était même en droit d'interdire au "participant" toute relation avec les membres de sa famille ou ses proches ; que le producteur se reconnaît contractuellement un pouvoir de mise en garde et l'article 3.7.5 du règlement prévoit même une sanction pécuniaire en cas de violation de l'obligation de sécurité, à savoir non seulement le remboursement des sommes qui lui auront été versées mais également une amende de 15 000 euros pour chaque "infraction constatée" ;

Que l'exécution d'un travail subordonné par Mme Y... est donc caractérisée tant pas les dispositions contractuelles que les conditions de travail dans un site clos et sous la direction de l'équipe de tournage ;

Qu'enfin sur la rémunération, il est avéré que Mme Y..., en échange de sa prestation, a bénéficié d'avantages en nature consistant dans la prise en charge par la société GLEM du prix d'un billet aller et retour en avion pour la Thaïlande, du visa nécessaire, de son hébergement, ses repas, ses activités sportives et autres ; qu'elle a perçu également une somme de 1 525 euros ;

Que certes ce versement s'apparente à l'exécution de l'article 6 du règlement "participants" prévoyant un minimum garanti du même montant sur "royalties" à percevoir sur exploitations "merchandising et/ou promotionnelles" telles que prévues dans un contrat de licence distinct mais il constitue en réalité un salaire venant en contrepartie du travail

ci-dessus décrit dès lors que, d'un montant fixe défini par avance, il n'a été effectué qu'une seule fois au terme de la relation de travail, sans être remboursable et que postérieurement le contrat de licence signé ne devait jamais entraîner paiement de royalties ; que la cause de ce versement est le travail subordonné qui a été exécuté ;

Qu'en conséquence de l'ensemble des motifs qui précèdent l'appel de la société GLEM n'est pas fondé ;

Considérant sur l'appel incident, d'abord sur la durée contractuelle, qu'en l'absence dans l'acte contractuel d'un motif légal de recours au contrat de travail à durée déterminée, la relation de travail est réputée à durée indéterminée en vertu de l'article L.122-3-1 du Code de travail, avec toutes conséquence de droit quant à l'exécution du contrat et sa rupture ;

Que le moyen de la société GLEM tiré de l'usage n'est donc pas fondé ; que ce producteur s'étant soustrait au droit du travail sans faire en conséquence référence dans l'acte contractuel à un contrat d'usage spécifique son appartenance à un secteur réglementaire d'usage n'emporte pas caractère à durée déterminée du contrat ; que peu importe de même le connaissance par le cocontractant de la durée limitée du tournage au regard des dispositions d'ordre public ci-dessus visées ; qu'en demeurant, d'autres tournages de l'émission ont été réalisés ;

Qu'ensuite sur l'application de la convention collective de travail des artistes-interprètes engagés dans des émissions de télévisions, Mme Y... n'exerce pas une profession d'artiste-interprète ; que si elle a subi une pré-sélection en terme de castings, a dû présenter ses motivations, a été retenue au regard de ses qualités notamment physiques et sa réactivité, elle n'a pas été engagée en qualité d'artiste dramatique, lyrique, chorégraphique ou de variété, chansonnier, cascadeur, marionnettiste, artiste de choeur et ne relève pas en conséquence à de tels titres de la convention précitée qui en son article 1.1 ne prend en compte que ces artistes, à l'exclusion d'ailleurs des artistes dits "de complément" même s'ils sont appelés à réciter ou à chanter collectivement un texte connu, des silhouettes inscrites dans le champs de la caméra, des chefs de file doublures lumière, artistes musiciens ; que si Mme Y... a été impliquée dans des jeux de scène guidées par le producteur comme le révèlent les débats, elle n'a pas eu à interpréter une oeuvre littéraire ou artistique pour la réalisation du programme de télé-réalité à laquelle elle a participé ; que si elle a participé à la réalisation d'une oeuvre télévisée elle n'a pas joué un rôle, étant impliquée personnellement, même si elle a pu parfois pour satisfaire au concept de l'émission être orientée dans l'analyse de sa conduite et répéter certaines scènes filmées afin de valoriser quelques moments essentiels ; que si elle a consenti à la cession des droits qu'elle pourrait détenir sur ses nom, prénom, image et son intervention, elle n'a pas accompli une prestation d'interprétation, sa participation consistant simplement à exprimer ses propres sentiments et à s'impliquer dans des relations interpersonnelles générées naturellement par une vie communautaire entre couples et célibataires ;

Que si la réalité vécue n'était plus du fait d'un contexte et de circonstances formatés celle de la vie courante, pour autant la création d'une oeuvre de fiction n'est pas effective ;

Qu'enfin le fait d'être filmé, même au cours de relations cadrées, n'implique pas une activité d'artiste-interprète ; que la catégorie d'interprète d'oeuvre d'improvisation filmée n'existe pas dans la convention précitée ;

Que seul en conséquence le salaire contractuel constitue l'assiette de calcul des sommes dues à Mme Y..., soit 1 525 euros pour douze jours et donc 127,08 euros par jour, et au regard de la durée hebdomadaire légale de 35 heures de travail sur sept jours,

25,41 euros par heure soit 127,08x7/35 en l'absence de forfait d'heures :

Qu'en conséquence, Mme Y... n'est pas fondée à demander le paiement d'un solde de salaires au titre des minima conventionnels ;

Qu'ensuite sur les heures supplémentaires, Mme Y... rappelle que si l'article 3.3.1 du contrat la liant à la société GLEM stipule que les participants ne font pas l'objet d'un enregistrement permanent, les caméras disposées sur le site permettaient de compter tous ses faits et gestes et enregistrer ses paroles à tout instant, que l'article 3.3.1 du contrat précise en effet que des moyens techniques importants devaient être mis en place afin d'enregistrer et diffuser les activités et la vie des participants sur le site et notamment que plusieurs équipes devaient circuler pour filmer les participants par caméras traditionnelles ou avec amplificateur de lumière, que des caméras fixes devaient être installées en outre sur les parties communes ; que le concept même de l'émission conduisait en outre les équipes de tournage à suivre les participants en permanence, y compris dans leur chambre à coucher nonobstant la prohibition définie au contrat, qu'un cameraman et un assistant-son étaient affectés à chacun des participants afin de le suivre et le filmer à tout instant, qu'elle était de ce fait en permanence à la disposition de l'employeur de jour comme de nuit, même lors de ses trajets en avion au cours desquels elle a été filmée ;

Qu'en réponse, la société GLEM oppose que Mme Y... n'a accompli aucune heure supplémentaire, ne justifie pas de ses horaires et de demandes de réalisation d'heures supplémentaires par l'équipe de tournage, que les participants bénéficiaient de nombreuses heures de détente sans être donc constamment à la disposition de l'équipe de tournage, que les participants selon les attestations qu'elle produit concervaient une totale liberté dans leurs faits et gestes et pouvaient se soustraire à l'oeil des caméras ;

Que toutefois les conditions d'exécution de la prestation de Mme Y... ,qui d'abord a dû effectuer un voyage de 10 heures environ à l'aller, de même au retour, qui n'a pu ensuite quitter le site, révélent qu'elle devait rester constamment en relation avec les autres participants au tournage, participer à des activités avec eux, peu important leur caractère sportif ou ludique, prendre ses repas avec eux, tout cela en étant filmée sans répit et emportent la conviction de la cour, au sens de l'article 212-1-1 du Code du travail, que la salariée a accompli des heures supplémentaires ;

Qu'en vu des éléments produits, compte tenu du fait que l'intéressée invoque à tort le seuil conventionnel de 9 heures par jour non applicable au lieu du seuil légal de 35 heures par semaines et du fait qu' elle est restée 14 jours à disposition de l'employeur, notamment de nuit sans au regard de la prestation accomplie avoir pu vraiment dormir hors la présence des caméras, il doit être fait droit à la demande chiffrée d'un montant très inférieur nonobstant l'assiette horaire qu'elle a prise en compte (soit 37,68 euros au lieu de

25,41 euros), à ce qui lui est dû au regard des seuils légaux hebdomadaires, des heures de nuit, des temps du week-end, en l'absence de convention d'un forfait d'heures ;

Qu'il doit être fait droit à la demande en ses montants relatifs aux heures supplémentaires avec l'incidence des congés payés selon la règle du dixième ;

Qu'ensuite sur les demandes au titre de la rupture, la cessation de la relation de travail au terme du voyage de retour de la salariée sans procédure préalable au licenciement et énonciation de motif réels et sérieux alors que la relation était à durée indéterminée constitue un licenciement irrégulier et abusif ;

Qu'en application de l'article L.122-14-5 du Code du travail il doit être alloué à l'intéressée, au vu des éléments de préjudice en la cause, la somme de 500 euros en réparation du préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure et 1 500 euros au titre de la rupture sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'enfin sur le travail dissimulé, la proposition de signature par la société GLEM d'un "règlement participant" au lieu d'un contrat de travail, l'absence de déclaration d'embauche et paiement de cotisations sociales, d'établissement de bulletins de salaire, notamment, caractérisent l'intention de la société de production de dissimuler au sens de l'article

L.324-10 du Code du travail l'engagement d'un salarié dont le travail est, de surcroît, accompli à l'étranger ;

Que la demande d'application du fait de la rupture de la sanction de l'article L.324-11-1 du Code du travail doit être accueillie ;

Que le montant de cette sanction doit être fixé à 16 012,08 euros (soit 127,08 euros par jour sur 21 jours ouvrables mensuels sur six mois) ;

Que sur l'indemnité de préavis, Mme Y... ne démontre pas d'un délai congé d'usage dans le secteur de la production audiovisuelle après exécution d'un contrat de travail pendant 14 jours ;

Considérant que Mme Y... ne demande plus le paiement d'une indemnité de précarité ;

Considérant que la demande de remise d'un certificat de travail portant la mention de la qualité d'artiste-interprète ne peut pour les motifs ci-dessus prospérer ;

Que la demande de remise de bulletins de salaires et d'une attestation pour l'ASSEDIC conformes au présent arrêt est au contraire justifiée ;

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré,

Condamne la société GLEM à payer à Mme Y... avec intérêts de droit les sommes de :

- 8 176,56 euros (huit mille cent soixante-seize euros et cinquante-six centimes) à titre de salaire pour heures supplémentaires,

- 817,65 euros (huit cent dix-sept euros et soixante-cinq centimes) au titre de l'incidence des congés payés,

- 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

- 1 500 euros (mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 16 012,08 euros (seize mille douze euros et huit centimes) à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Ordonne à la société GLEM de remettre à Mme Y... des bulletins de salaire et une attestation ASSEDIC conformes,

Déboute Mme Y... de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et congés payés incidents,

La déboute de sa demande de remise d'un certificat de travail portant la qualification d'artiste-interprète,

Condamne la société GLEM aux dépens,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes à ce titre.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0115
Numéro d'arrêt : 07/02721
Date de la décision : 12/02/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 30 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-02-12;07.02721 ?
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