Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
25ème Chambre-Section A
ARRÊT DU 12 FEVRIER 2008
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 03690
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2005- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 02 / 04006
APPELANTES
Mademoiselle Honorine X...
...
75019 PARIS
Association ATFPO ès qualités de curateur de Melle X...
agissant en la personne de son président
...
75013 PARIS
représentées par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour
assistées de Maître Samira Y... avocat toque C0860
INTIMEES
S. A. CETELEM
prise en la personne de ses représentants légaux
...
75016 PARIS
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistée de Maître Z... avocat
GARAGE DU ROND POINT DE PASSY
pris en la personne de ses représentants légaux
...
75016 PARIS
représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assisté de Maître A... avocat et associés,
plaidant : Me B... FARAH
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 novembre 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Pascale GIROUD Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Pascale GIROUD, président
Madame Odile BLUM, conseillère
Madame Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRÊT :
- contradictoire
-rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière..
***
Vu le jugement rendu le 10 novembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- rejeté les fins de non recevoir soulevées par le Garage Rond Point de Passy,
- déclaré nul le contrat de vente du 4 mars 1999 souscrit par Mme X... auprès de ce garage,
- déclaré nul le contrat de prêt du 4 mars 1999 souscrit par Mme X... auprès de la société Cofica, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui Cetelem,
- condamné Mme X... à restituer au Garage Rond Point de Passy la somme de 29. 961 €, valeur du véhicule vendu, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2005,
- condamné le Garage Rond Point de Passy à restituer à Mme X... la somme de 29. 961 €, montant du prix payé, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2003,
- condamné Mme X... à restituer à Cetelem la somme de 23. 357, 14 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2003,
- dit que le règlement de cette somme s'effectuera selon les modalités prévues au plan de surendettement amiable conclu le 2 novembre 2004, la créance de Cetelem étant fixée au montant retenu par le jugement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné Mme X... aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
Vu l'appel relevé par Melle X... et l'association ATFPO, es qualités de curateur de Melle X... qui demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions du 14 novembre 2007, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nuls les contrats de vente et de prêt et l'infirmer en ses autres dispositions,
- à titre principal, dire que le Garage du Rond Point de Passy a commis un abus de faiblesse et des manoeuvres dolosives au préjudice de Mme X..., le condamner à lui payer la somme de 29. 961 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2005 outre celle de 8. 000 € à titre de dommages-intérêts, débouter Cetelem de de sa demande en paiement de la somme de 23. 357, 14 €,
- subsidiairement, condamner le Garage du Rond Point de Passy à rembourser la somme de 23. 357, 14 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2003, dire que cette somme viendra en déduction de celle que le garage lui doit, qu'elle sera versée directement par celui-ci entre les mains de Cetelem, que Cetelem en donnera quittance à Mme X... et que le surplus des fonds restant dus par le Garage du Rond Point de Passy sera versé par celui-ci entre les mains de Mme X...,
- condamner les parties succombantes aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 novembre 2007 par la société Garage du Rond Point de Passy qui demande à la cour :
- au principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nulle la vente du véhicule et, en conséquence, débouter Mme X... de toutes des demandes,
- subsidiairement, si la nullité du contrat de vente était prononcée, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme X... à lui restituer la somme de 29. 961 € correspondant à la valeur du véhicule et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes pour absence de livraison ou manoeuvres dolosives,
- de déclarer Mme X... irrecevable et, subsidiairement, mal fondée en sa demande tendant à la voir condamner à verser à Cetelem les sommes qu'elle devrait en raison de l'annulation du contrat de vente,
- de condamner Mme X... aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 octobre 2007 par la société Cetelem qui demande à la cour de :
- débouter Mme X... de toutes ses prétentions,
- la recevoir en son appel incident, déclarer valable le contrat de prêt,, en tant que de besoin prononcer sa résiliation, et condamner Mme X... à lui payer la somme de 23. 357, 14 € majorée des intérêts au taux contractuel à compter du 12 décembre 2002, date de mise en demeure,
- subsidiairement, en cas de nullité du contrat de prêt, condamner Mme X... à payer à lui payer la somme de 23. 357, 14 € correspondant au capital restant dû, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2000
- très subsidiairement, en cas de résolution judiciaire ou d'annulation du contrat de vente du fait du vendeur, condamner le Garage du Rond Point de Passy à garantir le remboursement du prêt et à lui payer la somme de 29. 361, 95 €, outre celle de 10. 000 €, en réparation de son préjudice,
- condamner Mme X... aux dépens et à lui payer la somme de 2. 000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 22 novembre 2007 ;
Vu les conclusions du 27 novembre 2007 par lesquelles La société Garage du Rond Point de Passy demande, au visa de l'article 15 du Code de procédure civile, que soient écartées des débats les pièces communiquées le 21 novembre 2007 par Melle X... ;
SUR CE LA COUR
Considérant que le 21 novembre 2007, soit la veille du prononcé de la clôture de l'instruction, Melle X... a communiqué quatre nouvelles pièces, numérotées de 29 à 33 ; que ce faisant, elle a placé la société Garage du Rond Point de Passy dans l'impossibilité d'y répondre ; que ces quatre pièces doivent donc être écartées par application des articles 15 et 16 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'il convient de se référer à l'exposé des faits contenu dans le jugement ; qu'il suffit de rappeler que Melle X..., le 4 mars 1999, a passé commande pour l'achat d'un véhicule neuf d'une valeur totale de 240. 000 francs auprès du Garage du Rond Point de Passy ; que le bon de commande prévoyait un acompte de 5. 000 francs, un versement comptant de 55. 000 francs et un crédit de 180. 000 francs ; qu'à la même date, Melle X... a souscrit un prêt de 180. 000 francs auprès de la société Cofica, aux droits de laquelle vient désormais Cetelem ;
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a prononcé la nullité des contrats de vente et de prêt par application de l'article 489 du Code civil, la preuve étant rapportée que Melle X... ne disposait pas de toutes ses facultés mentales et présentait une capacité de jugement gravement altérée lorsqu'elle a signé ces deux contrats ; que le tribunal a justement ordonné la remise des parties en l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion des contrats, étant précisé que Melle X... ne pouvait restituer le véhicule, qui n'était pas en sa possession, mais devait en restituer la valeur ; que c'est en vain que Melle X... soutient que la personne incapable n'est pas tenue de restituer tout ce qu'elle a reçu, mais seulement ce qui a constitué son enrichissement ; qu'en effet, à la date des contrats, elle ne se trouvait pas sous un régime de protection légale, sa mise en curatelle renforcée n'ayant été ordonnée que le 22 novembre 2001 ; qu'elle reste cependant recevable à rechercher la responsabilité de ses cocontractants ;
Considérant que Mme X... expose qu'elle se trouvait sous l'emprise d'un " grand voyant medium ", M. C..., qui l'a convaincue qu'elle devait acheter une voiture d'une certaine marque afin que les numéros gagnants du loto apparaissent au bout de 49 kilomètres ; que pour démontrer l'existence de manoeuvres dolosives de la société Garage du Rond Point de Passy, d'un abus de faiblesse de sa part, ou encore d'un manquement à ses obligations de renseignement et de conseil, elle fait valoir que le bon de commande n'était pas conforme à la réalité, la somme de 5. 000 francs correspondant au prix des accessoires et la somme de 55. 000 francs n'ayant pas été payée par elle, mais par un chèque de 60. 000 francs remis par M. C... et émis par une personne qu'elle ne connaissait pas, Mme D... D... ; qu'elle reproche au Garage du Rond Point de Passy d'avoir remis le bon de livraison et les clés du véhicule, à son insu, à M. C... ; que plus généralement, elle lui reproche de ne pas s'être interrogée sur les anomalies de la situation, à savoir le fait qu'à l'âge de 64 ans, sans être titulaire d'un permis de conduire, elle achetait un véhicule 4 X4 d'un coût élevé et inadapté à ses besoins ;
Mais considérant que la société Garage du Rond Point de Passy réplique à juste raison que Melle X... a été victime des agissements de M. E... E..., lequel a été condamné pour escroquerie à son préjudice ; que cette société justifie que Melle X... a bien payé l'acompte de 5. 000 francs par un chèque émis sur son compte à la Poste ; qu'elle démontre que le chèque de 60. 000 francs, émis par un tierce personne, était un chèque de banque qui offrait donc toute garantie ; que Melle X... ne peut utilement reprocher au garage d'avoir remis le véhicule à M. C... à son insu le 12 mars 1999, alors qu'il ressort des pièces versées aux débats que c'est elle qui a signé la demande d'immatriculation du véhicule le 23 mars 1999 et que la carte grise a été établie à son nom le 25 mars suivant ; que c'est par l'intermédiaire d'un autre garage, le garage Molitor, que le véhicule a ensuite été exporté le 18 mai 1999 ; que même si Melle X... avait 64 ans et n'était pas titulaire du permis lorsqu'elle a acquis le véhicule, il n'incombait pas au vendeur de rechercher ses motivations et, éventuellement, de la conseiller ou de l'informer sur les conséquences que pouvaient avoir une telle acquisition au regard de sa situation personnelle ; qu'en conséquence, toutes les demandes de Melle X... formées à l'encontre de la société Garage du Rond Point de Passy doivent être rejetées ;
Considérant que Melle X..., par ailleurs, reproche à l'organisme de crédit de lui avoir consenti un prêt de façon fautive, sans étudier son âge, son dossier médical et sa capacité de remboursement ; que Cetelem conteste avoir commis la moindre faute lors de l'octroi du prêt, en soulignant que Melle X... a remboursé les échéances jusqu'en octobre 1999 et a attendu d'être assignée en paiement pour déposer plainte avec constitution de partie civile contre M. E... E... ;
Mais considérant que le prêt accordé à Melle X..., d'un montant de 180. 000 francs était remboursable en 72 mensualités de 3. 783, 60 francs chacune ; que Melle X..., qui était adjointe d'enseignement, percevait un salaire de 11. 200 francs ; mais que l'organisme de crédit, qui connaissait son âge, 64 ans, savait que ses revenus allaient nécessairement diminuer à brève échéance, dès sa mise en retraite ; qu'en lui accordant un prêt, sans tenir compte de ses capacités de remboursement, il a commis une faute ; qu'en réparation du préjudice causé à l'emprunteuse qui doit supporter un crédit excessif au regard de ses capacités, Cetelem devra verser à Melle X... la somme de 12. 000 € ; que sa dette se compensera à due concurrence avec celle de Melle X... à son égard ;
Considérant que les parties succombant partiellement en leurs prétentions, chacune d'elles gardera la charge de ses dépens de première instance et d'appel ; que vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, il n'y a pas lieu à indemnité de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les pièces communiquées par Melle X... le 21 novembre 2007,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Melle X... de ses demandes contre la société Cetelem et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,
Condamne la société Cetelem à payer à Melle X... la somme de 12. 000 €, à titre de dommages-intérêts, la compensation s'opérant à due concurrence avec la somme due par Melle X... à la société Cetelem,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Dit que chacune des parties gardera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,