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30/01/2008 | FRANCE | N°06/02538

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0089, 30 janvier 2008, 06/02538


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 30 JANVIER 2008

No du répertoire général : 06/02538 et 06/02539

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur les requêtes dép

osées au greffe le 10 février 2006 par Maître Gesche LE FUR, avocat substituant Maître Thierry HERZOG, avocat de Monsie...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 30 JANVIER 2008

No du répertoire général : 06/02538 et 06/02539

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur les requêtes déposées au greffe le 10 février 2006 par Maître Gesche LE FUR, avocat substituant Maître Thierry HERZOG, avocat de Monsieur Samir Y..., demeurant chez Madame Saliha Z..., ... ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 19 décembre 2007 à 9 heures 30 ;

Vu l'absence de Monsieur Samir Y... ;

Ouï, Maître Gesche LE FUR, avocat substituant Maître Thierry HERZOG, avocat représentant Monsieur Samir Y..., Maître Delphine A..., avocat plaidant pour la SCP NORMAND ET ASSOCIES, avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 19 décembre 2007, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

Attendu que Monsieur Samir Y..., poursuivi pour complicité d'assassinat, a été interpellé le 8 mars 2002 sur mandat d'arrêt international décerné contre lui le 6 mars 2002 et placé le même jour sous écrou extraditionnel en Espagne jusqu'au 12 mars 2004, date de son extradition ; qu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure coercitive à son arrivée de la part du juge d'instruction du tribunal de BOBIGNY ; qu'il a bénéficié, le 4 avril 2005, d'une décision définitive de non-lieu ;

Que, poursuivi pour association de malfaiteurs, vol en bande organisée avec menace d'armes, séquestration de personnes, tentative d'homicide volontaire contre un fonctionnaire de l'administration pénitentiaire, tentative de concours à évasion par fourniture d'armes et détention d'armes, Monsieur Samir Y..., s'est vu notifier en Espagne, le 27 août 2003, le mandat d'arrêt international décerné à son encontre le 13 mars 2002 par le juge d'instruction de CRÉTEIL et a été détenu jusqu'au 12 mars 2004, date de son extradition ; qu'il a été placé sous mandat de dépôt le 16 mars 2004, a été mis en liberté sous contrôle judiciaire le 15 septembre 2004 et a bénéficié, le 12 août 2005, d'une décision définitive de non-lieu ;

Attendu qu'au titre de la détention provisoire de 17 mois et 20 jours -du 8 mars 2002 au 26 août 2003- accomplie dans le dossier de BOBIGNY, Monsieur Y... sollicite une indemnité globale de 78.895 € (12.895 € au titre de son préjudice matériel et 66.000€ au titre de son préjudice moral) ainsi qu'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (requête enrôlée sous le no RG 06/2538);

Qu'au titre de la détention provisoire de 12 mois et 19 jours -du 27 août 2003 au 15 septembre 2004- accomplie dans le dossier de CRÉTEIL, Monsieur Y... sollicite une indemnité globale de 54.250 € (9.250 € au titre de son préjudice matériel et 45.000 € au titre de son préjudice moral) ainsi qu'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (requête enrôlée sous le no RG 06/2539);

Que l'Agent judiciaire du Trésor dénie à Monsieur Samir Y... le droit à l'indemnisation de son préjudice matériel et nous demande, aux termes de ses dernières écritures, de limiter à 25.000 € (dossier no RG 06/2538) et à 17.000 € (dossier no RG 06/2539) la réparation de son préjudice moral ;

Attendu que les périodes de détention provisoire accomplies en exécution des mandats d'arrêt internationaux décernés dans les deux dossiers s'étant chevauchées du 27 août 2003 au 12 mars 2004, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les requêtes enrôlées sous les numéros 06/2538 et 06/2539 du répertoire général ;

Que Monsieur Samir Y... a ainsi été incarcéré pendant une durée totale de 30 mois et 9 jours dès lors qu'il n'y a pas lieu de retrancher la période du 25 mars au 1er juin 2004 correspondant à l'exécution d'un autre mandat d'arrêt dont la notification a été annulée ainsi qu'il ressort du jugement rendu le 1er juin 2004 par le tribunal de grande instance de PARIS et de la note du procureur de la République près ledit tribunal en date du 4 octobre 2007 ;

Attendu que la demande de Monsieur Samir Y... (dossier no RG 06/2539), déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ; qu'elle l'est également dans l'autre dossier, le requérant n'ayant pas été avisé, lors de la notification de l'ordonnance de non-lieu, de son droit de solliciter la réparation du fait de la détention provisoire subie ;

Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que si Monsieur Samir Y... ne justifiait d'aucune recherche d'emploi lorsqu'il a été interpellé en Espagne, il convient toutefois de relever qu'étant âgé seulement de 19 ans et venant d'avoir un enfant, il se trouvait dans les conditions pour commencer à travailler ;

Qu'ainsi, eu égard à sa durée totale, la détention provisoire lui a nécessairement occasionné une perte de chance de trouver un emploi, justifiant que lui soit alloué une somme forfaitaire de 7.500 € à ce titre ;

Attendu qu'il ressort de la facture de l'avocat chargé de sa défense en Espagne que les honoraires demandés par ce dernier à Monsieur Y... en rapport avec sa période de détention provisoire se sont élevés à la somme de 9.176 € ;

Qu'il y a donc lieu de lui verser la somme précitée à ce titre ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;

Attendu que Monsieur Samir Y..., né le 19 juin 1982, était âgé de 19 ans lors de sa mise en détention ; qu'il vivait en concubinage et venait d'avoir un enfant, né le 22 février 2002 ;

Que, durant la période de détention effectuée en Espagne, les conditions de détention ont été rendues difficiles par le fait qu'il ne parle pas la langue espagnole ;

Qu'il a, durant la détention effectuée en France, été placé à l'isolement, en raison de la nature des faits reprochés dans l'affaire de la tentative d'évasion de la prison de Fresnes instruite à CRÉTEIL ;

Qu'enfin, l'une comme l'autre de ces détentions provisoires l'ont été dans le cadre de procédures criminelles laissant présager une incarcération de très longue durée ;

Que, par ailleurs, si son casier judiciaire porte trace de deux condamnations dont l'une, antérieure avec détention, il convient d'observer qu'il s'était agi d'une peine de nature correctionnelle dont la partie privative de liberté avait été de courte durée et qui avait été exécutée six ans auparavant alors qu'il était mineur ;

Attendu que la détention qu'il a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance de ce nouveau choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 51.000 € ;

Attendu que l'article 700 du nouveau code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de fixer l'indemnité due au titre des frais irrépétibles à la somme de 1.500 € ;

PAR CES MOTIFS,

ORDONNONS la jonction des instances enrôlées sous les numéros 06/2538 et 06/2539 du répertoire général ;

ALLOUONS à Monsieur Samir Y... une indemnité de SOIXANTE SEPT MILLE SIX CENT SOIXANTE-SEIZE EUROS (67.676 €) en réparation de son préjudice matériel et moral outre la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Décision rendue le 30 janvier 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0089
Numéro d'arrêt : 06/02538
Date de la décision : 30/01/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-01-30;06.02538 ?
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