Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRET DU 23 JANVIER 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/22872
Sur renvoi après cassation, par arrêt prononcé le 28 juin 2006 par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (pourvoi no K 05-11.897), d'un arrêt prononcé le 25 novembre 2004 par la 2ème chambre, section B de la Cour d'Appel de Paris, (RG : 2003/15601) sur appel d'un jugement rendu le 1er juillet 2003 par le Tribunal de Grande Instance de Paris (2ème chambre - 1ère section) - RG 2001/19896
APPELANTS et INTIMES
Monsieur Laurent X...
...
75004 PARIS
Madame Corinne Y... épouse X...
...
75004 PARIS
représentés par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistés de Me François DE CASTRO, avocat au barreau de Paris, toque C 1537
INTIME et APPELANT
Monsieur Jean-Loup A...
...
91240 SAINT MICHEL SUR ORGE
représenté par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assisté de Me Charles B..., avocat au barreau de Paris, toque : P 0176
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue, rapport a été fait conformément à l'article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l'article 785 du nouveau code de procédure civile, le 5 décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président
Madame Isabelle LACABARATS, Conseiller
Madame Dominique REYGNER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle C...
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Marie-France MEGNIEN, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire
Suivant acte sous signature privée du 20 juillet 2001, Monsieur A... a vendu aux époux X..., qui l'ont accepté, une maison d'habitation sise à Marsanne (Drôme) moyennant le prix de 145 588,81 euros, outre 6 860,21 euros pour les meubles.
Cette vente était consentie sous la condition suspensive d'obtention par les acquéreurs d'un ou plusieurs prêts avant le 21 septembre 2001, la signature de l'acte authentique devant intervenir au plus tard le 29 septembre suivant.
En garantie de leurs engagements, les acquéreurs ont versé entre les mains de Maître D..., notaire à Saint Marcellin (Isère), une somme de 15 244,90 euros.
Le 23 octobre 2001 Maître D... a informé Maître E..., notaire de Monsieur A..., que les époux F... pas obtenu le prêt sollicité et demandaient la restitution du dépôt de garantie.
Monsieur A... ayant refusé la restitution, a été assigné le 27 novembre 2001 par les époux X... devant le juge des référés, lequel a considéré que la demande se heurtait à une contestation sérieuse.
C'est en ces circonstances que par acte du 12 décembre 2001, Monsieur A... a assigné les époux X... devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir dire qu'ils ont manqué à leur obligation d'exécution de bonne foi du compromis du 20 juillet 2001 et de les voir condamner à lui payer la somme de 15 244,90 euros consignée entre les mains du notaire.
Par jugement rendu le 1er juillet 2003, ce tribunal a :
- dit que la condition suspensive d'obtention du prêt est réputée accomplie,
- condamné les époux X... à payer à Monsieur A... la somme de 15 244,90 euros actuellement consignée entre les mains de Maître D..., notaire à Saint Marcellin, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2001 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- condamné les époux X... à payer à Monsieur A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné les époux X... aux dépens.
Par arrêt rendu le 25 novembre 2004, la cour d'appel de Paris, 2 ème chambre - section B, a :
- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
- dit l'acte de vente sous seing privé du 20 juillet 2001 nul, à défaut d'enregistrement dans les dix jours de son acceptation,
- condamné Monsieur A... à restituer aux époux X... la somme de 15 244,90 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2001,
- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 28 novembre 2003,
- autorisé Maître D..., notaire, à remettre aux époux X... la somme de 15 244,90 euros séquestrée entre ses mains, sur simple présentation d'une copie exécutoire de l'arrêt,
- rejeté toute autre demande,
- condamné Monsieur A... aux dépens de première instance et d'appel.
Sur pourvoi de Monsieur A..., la cour de cassation, par arrêt rendu le 28 juin 2006, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt précité et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, les époux X... étant condamnés aux dépens et au paiement d'une somme de 2000 euros à Monsieur A... au visa de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les époux X... ont saisi la cour de renvoi le 7 décembre 2006 et Monsieur A... le 17 janvier 2007. Les deux instances ont été jointes le 22 mai 2007.
Dans leurs uniques conclusions du 25 septembre 2007, les époux X... demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
En conséquence
- dire que la condition suspensive d'obtention d'un prêt ne s'est pas réalisée,
- débouter Monsieur A... de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
Déclarant ne pas entendre revenir sur la qualification juridique du compromis de vente, ils exposent que les conditions de l'article 1178 du code civil ne sont pas réunies et que Monsieur A..., auquel incombe la charge de la preuve conformément à l'article 1315 du code civil, ne démontre pas qu'ils ont empêché l'accomplissement de la condition suspensive, alors qu'ils établissent avoir déposé une demande de prêt auprès de la SNVB pour la somme de 1 000 000 francs conforme aux stipulations contractuelles, dans les délais fixés au compromis, et obtenu une réponse négative de leur banquier, avec lequel ils dénient toute collusion frauduleuse.
Dans ses uniques conclusions du 6 mars 2007, Monsieur A... demande à la cour de :
- dire ce que de droit sur la recevabilité de l'appel des époux X...,
- au fond, le déclarer injustifié,
- dire et juger que l'acte du 20 juillet 2001 constitue une promesse synallagmatique de vente et d'achat,
- dire et juger que les époux X... n'ont pas satisfait aux obligations qu'ils avaient librement contractées le 20 juillet 2001,
- en conséquence, confirmer la décision entreprise,
- condamner les époux X... à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.
Soutenant que l'avant-contrat du 20 juillet 2001 est synallagmatique comme comportant un engagement réciproque d'acheter et de vendre, la clause de substitution y figurant étant sans influence sur la qualification de l'acte, il fait valoir que les époux X... ne rapportent pas la preuve qu'ils ont effectué toutes les démarches utiles pour l'obtention d'un prêt, et notamment qu'ils ont déposé une demande conforme aux prévisions contractuelles, le refus de la SNVB apparaissant surprenant. Il souligne qu'il ressort des simulations de prêt produites qu'il n'a été tenu aucun compte de l'apport personnel de 500 000 francs contractuellement fixé et que la demande de prêt a été faite par les acquéreurs à un taux moindre que celui prévu dans la promesse.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que l'acte du 20 juillet 2001 qualifié par les parties de "compromis de vente", qui comporte engagement réciproque, Monsieur A... de vendre son immeuble aux époux X..., ceux-ci acceptant de l'acquérir, moyennant un prix définitivement fixé, constitue une promesse synallagmatique de vente, la faculté de substitution stipulée à l'acte étant sans effet sur son caractère unilatéral ou synallagmatique ;
Considérant que selon l'article L. 312-16 du code de la consommation, d'ordre public, lorsqu'un acte emportant acquisition d'un immeuble indique que le prix est payé, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement ; que lorsque la condition suspensive n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit ; que cette somme est productive d'intérêt au taux légal majoré de moitié à compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement ;
Considérant en l'espèce qu'aux termes du compromis du 20 juillet 2001, la vente était soumise à la condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur, au plus tard le 21 septembre 2001, d'un ou plusieurs prêts, sous les conditions suivantes :
- montant maximum de 152 449,01 euros
- durée de 15 ans
- taux d'intérêt maximum (hors assurance) de 6,30 %
- apport personnel de 76 224,51 euros ;
Que l'acquéreur s'obligeait à faire toutes les démarches utiles à l'obtention du ou des prêts, et à déposer son ou ses dossiers de demande de prêt au plus tard le 15 août 2001 ;
Qu'il était prévu que si la condition suspensive n'était pas réalisée dans le délai prévu, l'avant-contrat serait réputé nul et non avenu, sans indemnité de part ni d'autre, les parties étant alors déliées de tout engagement ;
Qu'il était par ailleurs stipulé que si une ou plusieurs conditions suspensives ne se réalisaient pas dans les délais impartis, cette somme devrait être restituée à l'acquéreur, à charge pour ce dernier d'apporter la preuve que cette non réalisation ne proviendrait pas de son fait, de sa faute ou de sa négligence ;
Considérant qu'il est établi par une attestation de la SNVB du 5 octobre 2001 que les époux G..., qui n'avaient pas l'obligation contractuelle de s'adresser à plusieurs organismes financiers, ont déposé le 27 juillet 2001 auprès de cette banque un dossier de demande de prêt immobilier de 152 449,01 euros pour l'acquisition d'une maison à Marsanne ;
Que la réalité du dépôt de la demande de prêt, qui n'est soumise à aucune formalisme particulier, est confirmée par les télécopies que la SNVB a adressées aux intéressés le 25 juillet 2001 pour leur demander certains documents (avis d'imposition ou justificatifs des revenus de l'année en cours ou année précédente, 3 derniers bulletins de paie, dernière déclaration des revenus fonciers) et le 27 juillet suivant pour confirmer les éléments à lui faire parvenir pour compléter leur dossier, à savoir déclaration des revenus fonciers 2000, 3 dernières années de déclaration 2035 pour Madame, pour le poste clients de la société Elso, nombre de clients, leurs noms et leurs délais de paiement ; que la SNVB précisait dans cette seconde télécopie que comme convenu, elle envoyait par courrier 3 simulations en fonction des durées suivantes : 10, 12 et 15 ans ; que l'une de ces simulations concerne effectivement un prêt d'une durée de 180 mois, au taux d'intérêt de 5,35 % ;
Que par lettre du 22 octobre 2001, la SNVB a fait savoir aux époux X... que suite à leur demande de financement immobilier portant sur
- nature de l'opération : acquisition d'une maison située à Marsanne
- montant à financer : 152 449,01 euros
- compromis de vente du : 20 juillet 2001,
elle était au regret de leur faire savoir qu'elle ne souhaitait pas donner une suite favorable à leur projet ;
Que dans une lettre du 12 décembre 2003, la SNVB confirme que les époux X... l'ont sollicitée le 27 juillet 2001 en vue de l'obtention d'un prêt d'un montant maximum de 152 449,01 euros pour acquérir une maison située à Marsanne, qu'à cet effet ils ont déposé un dossier complet (une copie du compromis de vente signé le 20 juillet 2001, leur déclaration de revenus etc...) mais qu'après étude du dossier, il lui est apparu impossible de leur consentir le financement demandé, ce dont elle les a informés le 22 octobre 2001 ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments concordants que les acquéreurs ont effectué les démarches nécessaires à l'obtention du prêt en déposant une demande dans le délai prévu au compromis au vente, conforme aux caractéristiques convenues ;
Qu'à cet égard il ne saurait leur être reproché d'avoir sollicité un taux d'intérêt inférieur à celui stipulé à l'avant-contrat, qui constituait un maximum, le taux de 5,35 % étant celui proposé par la banque elle-même, et de ne pas avoir fait état de l'apport personnel de 76 224,51 euros qu'ils devaient effectuer, ce que la SNVB savait et dont elle a nécessairement tenu compte dans sa décision puisqu'elle s'était fait remettre une copie du compromis de vente ;
Que par ailleurs les époux X... n'ont pas à justifier des raisons pour lesquelles la SNVB a refusé de leur accorder le prêt sollicité, mais seulement du refus qui leur a été opposé ; qu'il suffit de relever à cet égard que Monsieur A..., qui s'étonne de ce refus, ne rapporte aucune preuve de la collusion entre les époux X... et leur banque qu'il sous-entend ;
Considérant qu'il n'est donc pas démontré que les acquéreurs ont empêché par leur faute ou leur négligence l'accomplissement de la condition suspensive ;
Que cette condition ne s'étant pas réalisée dans le délai contractuellement prévu, le compromis de vente est devenu caduc et non avenu, de sorte que la somme de 15 244,90 euros qu'ils avaient versée en garantie de leurs engagements devait leur être restituée ;
Qu'il s'ensuit que Monsieur A... est mal fondé en sa demande tendant à obtenir le versement à son profit de la somme consignée par les époux H... entre les mains de Maître D... et de toutes demandes subséquentes ;
Que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en équité, à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Que Monsieur A..., qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau
Dit que la condition suspensive d'obtention de prêt ne s'est pas réalisée,
En conséquence, déboute Monsieur A... de ses demandes,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Monsieur A... aux dépens de première instance et des deux procédures d'appel, que la SCP d'avoué BERNABE CHARDIN CHEVILLER pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,