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22/01/2008 | FRANCE | N°9

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0138, 22 janvier 2008, 9


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRÊT DU 22 Janvier 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00963

Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 7 décembre 2005 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 14 février 2003 par la cour d'appel de VERSAILLES (5ème chambre B), sur appel d'un jugement rendu le 7 mai 2002 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE.

APPELANTE

So

ciété CALYON venant aux droits de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX - CAIC

9 Quai du Président Paul Doumer

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRÊT DU 22 Janvier 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00963

Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 7 décembre 2005 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 14 février 2003 par la cour d'appel de VERSAILLES (5ème chambre B), sur appel d'un jugement rendu le 7 mai 2002 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE.

APPELANTE

Société CALYON venant aux droits de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX - CAIC

9 Quai du Président Paul Doumer

92920 PARIS LA DEFENSE CEDEX

représentée par Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS, toque : A 161

INTIMÉ

Monsieur Didier Y...

Elisant domicile au Cabinet de Me Jacques VALLUIS

...

75017 PARIS

comparant en personne, assisté de Me Jacques VALLUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R 195

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Considérant que par jugement contradictoire en date du 7 mai 2002 le Conseil des Prud'hommes de Nanterre a débouté la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX de ses demandes, l'a condamnée à payer à Didier Y... :

- 42 417€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 4241 € au titre des congés payés

- 81 655,50 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

et débouté le salarié du surplus de sa demande ;

Que sur appel formé par la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX, la cour d'appel de Versailles par arrêt en date du 14 février 2003 a réformé le jugement, sursis à statuer sur la demandes de Didier Y... relatives à son licenciement jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours, ordonné la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, confirmé pour le surplus la décision entreprise et, y ajoutant, débouté Didier Y... de sa demande en paiement d'une amende civile et les parties de leur demande d'indemnité de procédure ;

Que sur pourvoi formé par les parties, la Cour de Cassation, par arrêt en date du 7 décembre 2005, a cassé l'arrêt mais seulement en ce qu'il a débouté la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX de sa demande en répétition de l'indu, au motif que la Cour avait omis de rechercher si par suite de la révélation des agissements de Didier Y..., les sommes versées à celui-ci, durant les années 1998 et 1999, au titre de sa rémunération variable n'étaient pas devenues indues, alors que par ailleurs elle avait constaté qu'un rapport d'expert faisait mention des dits agissements et concluait à la restitution à douze clients d'une partie des marges encaissées par l'employeur ;

Vu la désignation de la cour d'appel de Paris comme juridiction de renvoi et sa saisine dans les quatre mois conformément à l'article 1034 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 11 décembre 2007 de la société CALYON venant aux droits de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX appelante, qui conclut à l'infirmation du jugement du Conseil des prud'hommes de Nanterre, au remboursement de la somme de 7.540.448 € augmentée des intérêts de droit avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil et à la condamnation de l'intimé à lui verser 30 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 11 décembre 2007 de Didier Y... intimé qui conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation complémentaire de la société appelante à lui verser :

- 200 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

- 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- 23 920 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant que Didier Y... a été embauché par contrat de travail en date du 3 mai 1996 en qualité de commis de société de bourse, avec la qualification de cadre ; qu'il était affecté à la salle des marchés actions et exerçait les fonctions de responsable de la vente des produits dérivés à destination de la clientèle institutionnelle ; qu'il percevait une rémunération annuelle brute fixe de 1.100.000 francs augmenté d'un bonus commercial garanti ; qu'en mars 2000 une contestation sur le montant d'une commission jugée trop élevée par la Caisse de Retraite des Artisans (CANCAVA), client de la société, a conduit à la saisine du juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de désignation d'un expert puis de la Commission des Opérations de Bourse ; que par ailleurs, le service du Contrôle interne de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX a procédé à une analyse des transactions effectuées durant l'année 1999 et jusqu'en janvier 2000 avec les quatre plus gros clients traités par l'équipe de l'intimé ; qu'à la suite des conclusions du rapport établi par ce service, la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX a procédé au licenciement pour faute grave de Didier Y... le 18 mai 2000 ; qu'en outre à la suite des informations communiquées par la société et de l'enquête diligentée, le Conseil des Marchés Financiers a prononcé à l'encontre de l'intimé le 26 septembre 2001 une sanction pécuniaire de 3.719.756 € ainsi que le retrait de sa carte professionnelle pour une durée de cinq années, par une décision devenue définitive à la suite du rejet par le Conseil d'Etat le 19 mars 2003 de la requête en annulation ; que par ailleurs, entre le 23 août 2000 et le 4 octobre 2001, la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX a conclu avec douze clients des protocoles transactionnels conduisant au versement à ceux-ci de la somme totale de 111.648.548 € en contrepartie de la renonciation à toute action ;

Que la société a saisi dès le 2 novembre 2000 le Conseil des prud'hommes afin d'obtenir le versement par l'intimé de la somme de 7.540.448 € au titre de la répétition de l'indu ;

Considérant que la société CALYON expose que l'intimé n'a pas été la seule personne licenciée ; qu'une convention en date du 29 juin 1998 définissait le mode de calcul par seuils du bonus attribué à l'équipe de l'intimé ; qu'en outre un accord particulier, venant préciser les modalités d'application de la convention, a été conclu le 23 mars 1999 ; que la somme dont elle sollicite la répétition correspond à la différence entre le bonus qui lui a été versé et celui auquel il pouvait prétendre compte tenu des restitutions effectuées par la société à la suite des manoeuvres déloyales commises, minorant d'autant le chiffre d'affaire réel retraité pour l'année 1999 ; que cette répétition ne peut s'analyser en une sanction car elle ne résulte que de la modification de l'assiette de calcul d'un élément de la rémunération, à savoir le chiffre d'affaires réalisé par l'équipe produits dérivés ; que cette assiette n'a pu être connue de l'employeur qu'à la suite de différents rapports d'expertise établis postérieurement au versement du bonus ; que l'intimé doit être tenu à la restitution de l'entier capital, sauf à solliciter ultérieurement auprès de l'administration fiscale des dégrèvements ;

Considérant que Didier Y... soutient que les écritures de la société CALYON sont contradictoires et approximatives ; qu'il n'avait pas la charge des déclarations des opérations de marché ; que les dirigeants de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX communiquaient des informations confidentielles à leurs clients dont la CANCAVA ; que le cahier d'horodatage n'est pas communiqué ; que les valorisations prétendument erronées ont été effectuées par un autre salarié, aujourd'hui licencié ; que les sommes remboursées aux clients ne lui sont pas opposables ; que le bonus qui lui était attribué était discrétionnaire ; que la convention du 29 juin 1998 ne prévoyait pas de seuil ; qu'il était alloué une enveloppe globale répartie ensuite entre les douze personnes composant l'équipe ; que cette convention a été modifiée par de nouvelles stipulations en date du 23 mars 1999 selon lesquelles les enveloppes dégagées feraient l'objet d'une répartition discrétionnaire à l'initiative du président de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX ; que l'amende infligée par le C.M.F.a été calculée proportionnellement au profit qu'il aurait réalisé et donc sur l'assiette initiale de calcul de son bonus ; que ce bonus lui a été versé discrétionnairement par son employeur en pleine connaissance de cause ; que l'intimé a subi depuis huit ans un harcèlement lui occasionnant un grave préjudice ;

Considérant qu'en application de l'article 1235 du code civil ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ;

Considérant que le litige déféré à la Cour est circonscrit à la seule répétition de la somme versée par la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX à Didier Y... en mars 2000 au titre du bonus pour l'exercice 1999 ;

Considérant que l'enveloppe de rémunération variable globale, constituant le bonus auquel pouvait prétendre l'ensemble du service de la vente des produits dérivés dirigé par Didier Y... pour les années 1998 et 1999, a été définie dans un courrier en date du 29 juin 1998 rédigé par l'intimé et auquel la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX, représentée par Jean de Courcel, son dirigeant, a donné son accord ; que selon cet engagement, elle était établie sur le montant annuel des commissions et courtages perçu par la société du fait du travail de l'équipe ; que la rémunération globale était en outre proportionnelle à l'atteinte de différents paliers ; que le solde était obtenu après déduction de différentes sommes correspondant aux coûts de fonctionnement du service ; qu'à l'occasion du versement du bonus au titre de l'exercice 1998, il a été conclu, le 23 mars 1999, un accord particulier intéressant la seule rémunération variable due à l'intimé ; que cet avenant qui contient une clause pénale à la charge de l'intimé en cas de démission de ses fonctions entre le 31 mars 1999 et le 31 décembre 2000, arrête également le montant de la rémunération variable qui lui est allouée ; que cette rémunération, qui est fixée discrétionnairement à la somme de 71.324.000 francs pour l'exercice 1998, correspond à plus de 80 % de l'enveloppe globale ; qu'elle est destinée à constituer la contrepartie tant de l'engagement exprès de l'intimé de ne pas démissionner avant le 31 décembre 2000 que de sa contribution au titre de l'année de référence ; que cet engagement devait régir également la rémunération variable due pour l'exercice 1999, comme le démontre le courrier en date du 31 décembre 1999 de Jean de Courcel, annonçant à l'intimé sa nomination au poste de directeur général adjoint le 1er janvier 2000 et la modification du système de rémunération variable à compter du seul exercice 2000 ; qu'il apparaît donc que la détermination du montant de cette rémunération due à l'intimé pour l'exercice 1999 en cause était conditionnée par le chiffre d'affaires réalisé par l'équipe, l'employeur répartissant ensuite de façon discrétionnaire le bonus dégagé entre les membres de celle-ci ; que le courrier de protestation de Didier Y... en date du 6 avril 2000 démontre bien que sa rémunération variable était dépendante du chiffre d'affaires réalisé ; qu'en effet ces protestations sont consécutives au fait qu'en mars 2000 il n'avait perçu qu'une somme presque identique à celle qui lui avait été allouée l'année précédente, soit 71.222.000 francs alors que le bonus susceptible de lui être attribué, compte tenu du chiffre d'affaires généré par l'activité de l'ensemble de l'équipe, en application tant de la convention du 29 juin 1998 que de l'accord du 23 mars 1999, était estimé à la somme de 147.732.000 francs ; qu'à la suite du courrier de son employeur lui indiquant que la rémunération variable versée était susceptible de ne constituer qu'un acompte, le solde étant différé jusqu'à l'issue des procédures judiciaires en cours à la suite des contestations de la CANCAVA, l'intimé s'est à nouveau fondé sur la convention du 29 juin 1998 précitée pour contester cette mesure ; qu'il résulte de la décision du Conseil des Marchés Financiers en date du 26 septembre 2001 que les commissions d'intermédiation prélevées par l'équipe de l'intimé étaient abusives ; qu'ayant généré de ce fait un chiffre d'affaire injustifié, l'assiette de calcul de la rémunération variable de l'intimé était donc erronée et justifie l'action en répétition de l'indu ; que la Commission des Marchés Financiers, en sachant qu'une action avait été engagée à l'encontre de l'intimé en vue de la répétition d'une partie de la rémunération variable qui lui avait été versée, a néanmoins infligé à celui-ci une sanction pécuniaire de 3.719.756 € ; qu'elle a ainsi entendu sanctionner les responsabilités qu'elle lui a attribuées dans les différentes irrégularités imputées au service qu'il dirigeait sans se fonder sur le seul profit personnel réalisé par ce dernier ; que la répétition des sommes versées indûment ne constitue pas une sanction mais la simple application du principe rappelé par l'article 1235 du code civil selon lequel tout paiement suppose une dette ;

Considérant que la somme dont la société CALYON sollicite la répétition n'est pas le produit de la simple différence entre le bonus qui a été alloué à l'intimé au titre de la rémunération variable pour l'année 1999 et celui auquel ce dernier pouvait prétendre après déduction des sommes restituées aux clients, correspondant aux seules marges litigieuses, et application d'un barème progressif et d'une clé de répartition de cette rémunération entre tous les membres de l'équipe convertibles et produits dérivés, conformément à la convention du 29 juin 1998, constituant la loi des parties pour le calcul de l'enveloppe variable ; que la société appelante a ajouté au marges irrégulières restituées les sommes qu'elle a également versées aux douze clients en exécution des accords transactionnels conclus et qui correspondent à l'indemnisation de frais et à des intérêts supplémentaires en vue d'un désistement d'action ; que compte tenu des engagements souscrits, seul le montant des marges litigieuses correspondant aux opérations effectuées en 1999 et précisés dans les accords transactionnels doit venir en déduction pour le calcul de la rémunération variable due à l'intimé ; qu'il correspond à la seule somme de 93.470.795 € et non à celle de 116.648.548 € ; qu'en conséquence compte tenu du chiffre d'affaires de 143.149.627 € réalisé en 1999, l'enveloppe de rémunération variable doit être évaluée à la somme de 9.293.369 € et la part qui devait être allouée à l'intimé à la somme de 7.527.629 € conformément à l'accord en date du 23 mars 1999; que Didier Y... ayant reçu la somme de 10.873.273 €, la somme dont il est redevable, objet de répétition, doit être évaluée à 3.345.644 € ; que la restitution devant comprendre l'entier capital et non la somme effectivement versée après déduction des différentes retenues fiscales et sociales, il convient de condamner Didier Y... à la répétition de cette somme ;

Considérant qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que l'intimé ait subi un préjudice résultant de faits dommageables imputables à la société appelante ; que la procédure engagée par celle-ci ne présente aucun caractère abusif ; qu'il convient de le débouter de ses demandes ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont dû exposer tant devant le conseil des prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris,

ORDONNE la répétition par Didier Y... de la somme de 3.345.644 € au profit de la société CALYON venant aux droits de la société CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

DEBOUTE Didier Y... de sa demande reconventionnelle,

LE CONDAMNE aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0138
Numéro d'arrêt : 9
Date de la décision : 22/01/2008

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 février 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-01-22;9 ?
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