Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
25ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 18 JANVIER 2008
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/23683
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2005 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 05/043433
APPELANTE
S.A.S. VOLVO TRUCKS FRANCE,
prise en la personne de son représentant légal
55 avenue des Champs Pierreux
92757 NANTERRE CEDEX
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Maître BERNARD Philippe avocat plaidant
Cabinet NGO MIGU
INTIMEE
S.A.R.L. SILOG
prise en la personne de ses représentants légaux
110 rue Achard
33000 BORDEAUX
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Maître TOSI François avocat plaidant au barreau de Bordeaux
SCP TOSI et associés
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 NOVEMBRE 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie Pascale GIROUD, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseiller
Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.
***
Vu le jugement rendu le 12 octobre 2005 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- ordonné à la société Volvo Trucks France de procéder à la livraison à la société Silog des véhicules objet des bons de commande no 9259 et 9260, sous astreinte de 2.000 € par jour de retard courant à compter du jugement et pendant 30 jours, passé lequel délai il serait à nouveau fait droit,
- débouté la société Silog de sa demande en dommages-intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- condamné la société Volvo Trucks France aux dépens et à payer la somme de 10.000 € à la société Silog en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu l'appel relevé par la société Volvo Trucks France et ses dernières conclusions du 8 novembre 2007 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1116 et 1134 du Code civil :
- au principal, de constater les manoeuvres dolosives mises en oeuvre par la société Silog en vue de la signature des bons de commande du 8 septembre 2004, de réformer le jugement, de déclarer nuls les bons de commande et de condamner la société Silog à lui payer la somme de 60.000 € au titre de l'indemnisation des trois véhicules livrés à partir de ces bons de commande et qui ne peuvent être restitués,
- subsidiairement, si la nullité n'était pas prononcée, de constater qu'elle est dans l'impossibilité absolue de livrer les véhicules objet des bons de commande, de débouter la société Silog de sa demande de livraison des véhicules de la gamme FH 13, de condamner la société Volvo Trucks France à des dommages-intérêts pour un montant qui ne saurait excéder 2.180,22 € et de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Silog de sa demande de dommages-intérêts complémentaires,
- en tout état de cause, de condamner la société Silog aux dépens et à lui payer la somme de 25.000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2007 par la société Silog qui demande à la cour de :
- débouter la société Volvo Trucks France de l'ensemble de ses prétentions,
- confirmer le jugement,
- y ajoutant, ordonner la livraison des équivalents actuels des véhicules ayant fait l'objet des bons de commande no 9259 et 9260, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard,
- condamner la société Volvo Trucks France à lui payer la somme de 800.000 € en réparation des préjudices résultant du défaut de délivrance au terme convenu,
- condamner la société Volvo Trucks France aux dépens et à lui payer la somme de 20.000€ par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
SUR CE LA COUR
Considérant que le 8 septembre 2004, la société Silog a signé deux bons de commande avec la société Volvo Trucks France; que le premier no 9259 portait sur 18 tracteurs Volvo de type FH 12 , boîte automatique, au prix unitaire de 72.400 € (plus 6 en option); que le second no 9260 portait sur 18 tracteurs Volvo de même type, boîte mécanique, au prix unitaire de 71.100 € ( plus 6 en option); que le 1er octobre 2004, deux avenants ont été signés, confirmant les deux commandes et diminuant de 1.000 € le prix de chaque véhicule; que la société Silog, qui avait versé un acompte de 18.000 €, a adressé un règlement complémentaire de 9.000 € par lettre du 12 octobre 2004, en sollicitant la confirmation des dates de livraison prévues les semaines 37 et 46 pour les véhicules Schift et les semaines 42 et 50 pour les véhicules VT; qu'elle a demandé, par lettre du 27 octobre 2004, confirmation de la date de livraison des véhicules; que le 18 novembre 2004, la société Silog a passé commande d'un autre véhicule;
Considérant que la société Volvo trucks France, le 26 novembre 2004 a adressé à la société une lettre libellée en ces termes :
" Nous avons pris connaissance de votre courrier du 27 octobre.
Nous vous confirmons cependant ne pouvoir donner suite à vos commandes no 9259 et 9260 du 8 septembre dernier que dans la mesure où vous seriez disposés à vous engager à ne pas revendre les-dits matériels et donc à en conserver la propriété pendant un délai de 6 mois à compter de leur immatriculation.
En effet, nous avons constaté que des matériels livrés à Silog sur l'année 2004 par Volvo Trucks France étaient aussitôt revendus en Espagne.
Cette pratique qui s'apparente à de l'achat/ revente de matériels neufs est une activité réglementée et exclusivement réservée aux membres du réseau Volvo Trucks en Europe.
Nous constatons également que cette activité n'entre pas clairement dans l'objet social déclaré de Silog où il est question , à titre principal, de location de matériels.
Assurés que vous comprenez les raisons de notre démarche, nous vous prions d'agréer, Messieurs, l'expression de nos salutations distinguées.";
Considérant que la société Silog, par lettre du 17 décembre 2004, a répondu que la vente de véhicules neufs entrait bien dans son objet social et que la condition liée à la conservation des véhicules pendant 6 mois n'avait pas été posée lors de la commande du 8 septembre, souhaitant qu'elle n'intervienne que pour les commandes à venir afin de lui permettre de respecter ses engagements vis à vis de ses clients et de réorganiser ses activités en fonction de cette nouvelle contrainte;
Considérant que la société Volvo Trucks France, en janvier 2005, a livré à la société Silog trois véhicules sur la commande du 8 septembre 2004 et un véhicule correspondant à la commande du 18 novembre 2004; mais que par lettre du 10 février 2005, elle a écrit à la société Silog :
" Nous vous confirmons , cependant, maintenir notre position et suspendre toute nouvelle livraison tant que votre situation ne sera pas conforme à nos attentes.
Vous comprendrez qu'il n'est pas raisonnable , pour Volvo Trucks en France, de maintenir des relations contractuelles qui ont pour conséquence d'opérer une concurrence directe avec notre réseau de distribution européen.
Il est évident que si nous avions su, au moment de notre engagement pour les commandes no 9259 et 9260 du 8 septembre 2004, que la grande majorité des véhicules vendus à Silog était destinée à la revente immédiate en Espagne, nous n'aurions pas manqué de prendre les mesures propres à assurer la protection de notre réseau et, notamment, nous aurions conditionné , au préalable, ces ventes au délai de conservation de 6 mois mis en place, à ce titre, au sein du Groupe Volvo en Europe.";
Considérant que la société VolvoTrucks France, appelante du jugement qui l'a condamnée à livrer à la société Silog les véhicules objet des bons de commande no 9259 et 9260, invoque la nullité des bons de commande; qu'elle reproche à la société Silog des manoeuvres frauduleuses ayant consisté à se présenter comme professionnelle de la location, alors qu'elle n'avait pour seule intention que de revendre immédiatement les véhicules, et à obtenir la complicité d'un responsable commercial de Volvo, M.Granclerc, fondateur et associé de la société Silog, qui a présenté cette société à Volvo Trucks France; qu'elle fait état de son système de distribution consistant à commercialiser ses véhicules directement auprès des utilisateurs sans recours à des revendeurs; qu'elle souligne que les trois associés fondateurs de la société Silog sont d'anciens cadres de la société Volvo Aquitaine, qui était le concessionnaire bordelais de la marque Volvo Trucks avant sa reprise par la société Volvo Trucks France en 2003 pour une exploitation directe; qu'elle ajoute que c'est parce qu'ils étaient parfaitement informés de sa politique commerciale qu'ils ont immatriculé la société Silog comme société de location et ont dissimulé la réalité de son activité; qu'elle soutient que, sans ces manoeuvres dolosives, elle ne se serait pas engagée;
Mais considérant que la société Silog a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux le 8 janvier 2004 avec pour activité la location de matériels de transport et de tout autre matériel industriel, accessoirement l'achat, la vente et la réparation de ces matériels; que la société Volvo Trucks France ne démontre pas que la société Silog se serait présentée à elle seulement comme une société de location et qu'elle lui aurait dissimulé son activité consistant à revendre des véhicules notamment en Espagne; que la société Volvo Trucks France, lors de la signature des bons de commande du 8 septembre 2004, n'a soumis la livraison des véhicules commandés par la société Silog à aucune condition tenant à un délai de conservation de 6 mois avant leur revente; que ce n'est que postérieurement, soit le 27 novembre 2004, qu'elle a voulu imposer cette condition à sa cocontractante; qu'elle ne peut lui opposer une pratique commerciale générale à laquelle il n'a été fait aucune référence lors de la conclusion du contrat; que les demandes de l'appelante tendant à voir prononcer la nullité des bons de commande et à obtenir des dommages-intérêts d'un montant de 60.000 € pour véhicules "illégalement" revendus doivent donc être rejetées;
Considérant, cependant, que l'exécution en nature demandée par l'intimée ne peut être ordonnée; qu'en effet la société Volvo Trucks France ne fabrique plus de véhicules de type FH 12 suite à l'entrée en vigueur de nouvelles normes européennes en matière de protection de l'environnement; que la société Silog est mal fondée en sa demande de livraison, aux lieu et place des véhicules commandés, de modèles de la gamme FH 13 équipés d'un nouveau moteur, lesquels ont des caractéristiques différentes et un prix en moyenne supérieur de 5.500 €; qu'en conséquence, l'obligation de faire de la société Volvo Trucks France se résout en dommages-intérêts; que la société Silog, en raison de l'inexécution par la société Volvo Z... France de son obligation de livraison, s'est trouvée privée de la marge qu'elle devait réaliser sur les véhicules commandés de façon ferme, soit une somme de l'ordre de 83.000 €; qu'elle a également perdu la marge qu'elle aurait pu réaliser sur les 12 véhicules en option; qu'elle se trouve confrontée à une demande d'indemnisation de la part de ses clients espagnols auxquels elle n'a pu fournir les véhicules; qu'elle subit un préjudice commercial et d'image; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de condamner la société Volvo Trucks France à lui payer la somme de 200.000 € à titre de dommages-intérêts;
Considérant, vu les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer la somme globale de 15.000 € à la société Silog pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et de rejeter la demande de la société Volvo Trucks France de ce chef;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et, statuant à nouveau :
Condamne la société Volvo Trucks France à payer à la société Silog :
- la somme de 200.000 € à titre de dommages-intérêts,
- la somme de 15.000 € en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Déboute la société Silog du surplus de ses demandes,
Déboute la société Volvo Trucks France de toutes ses demandes,
Condamne la société Volvo Trucks France aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,