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15/01/2008 | FRANCE | N°06/08129

France | France, Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2008, 06/08129


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B



ARRET DU 15 Janvier 2008

(no , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/08129



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2006 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU RG no 02/01355







APPELANTE

Société COCREATE SOFTWARE & CO KG

POSENER STRASSE

SINDELFINGEN

71065 ALLEMAGNE

représentée par Me Pierre-Hen

ri D'ORNANO, avocat au barreau de PARIS, toque : L305 substitué par Me Christophe CASADO BOLIVAR, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ

Monsieur Philippe Z...


...


92150 SURESNES

représenté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRET DU 15 Janvier 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/08129

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2006 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU RG no 02/01355

APPELANTE

Société COCREATE SOFTWARE & CO KG

POSENER STRASSE

SINDELFINGEN

71065 ALLEMAGNE

représentée par Me Pierre-Henri D'ORNANO, avocat au barreau de PARIS, toque : L305 substitué par Me Christophe CASADO BOLIVAR, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur Philippe Z...

...

92150 SURESNES

représenté par Me Véronique FODOR, avocat au barreau de PARIS, toque : A 238

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par la société COCREATE SOFTWARE GMBH d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Longjumeau en formation de départage en date du 10 février 2006 l'ayant condamnée à verser à Philippe Z... 55 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit

40 000 euros après compensation avec la somme de 15 000 euros dont le salarié était redevable envers la société et 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 20 novembre 2007 de la société COCREATE SOFTWARE & CO KG appelante venant aux droits de la société COCREATE SOFTWARE GMBH, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimé à lui restituer la somme de 41 000 euros, à lui verser 15 000 euros en remboursement du prêt consenti, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 20 novembre 2007 de Philippe Z... intimé qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui verser :

- 34 127,90 euros à titre de rappel de salaire

- 78 236 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 31 294,40 euros en réparation du préjudice moral

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que Philippe Z... a été embauché à compter du 2 mai 2000 par la société appelante par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ingénieur d'affaires grands comptes ; qu'à la date de la rupture de son contrat de travail il percevait une rémunération mensuelle brute de 7 780 euros en qualité de Western Union Country manager et était assujetti à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés ;

Que l'intimé a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 juin 2002 à un entretien le 13 juin 2002 en vue de son licenciement ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement pour motif économique lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juillet 2002 ;

Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors l'entretien précité du 13 juin 2002, à savoir la suppression de votre poste en raison de difficultés économiques et financières graves de la société.

Le groupe CoCreate développe, distribue et assure la maintenance de logiciels informatiques dans les domaines de la conception mécanique 2D et 3D et dans le monde de l'ingénierie collaborative.

En France, l'activité de CoCreate s'exerce par le biais d'une succursale de la société allemande CoCreate Software Gmbh & Co KG, qui assure la vente en France des produits CoCreate, ainsi qu'une partie de la maintenance de ces produits.

Le groupe CoCreate connaît depuis plusieurs années des difficultés financières, puisqu'il a notamment enregistré des pertes importantes au titre des exercices 2000 et 2001 (2,7 millions d'euros en 2000 ; 60,1 millions d'euros en 2001).

Les difficultés économiques de CoCreate sont liées en particulier :

- au ralentissement de l'économie mondiale, qui a notamment un impact sur le marché des logiciels informatiques, ainsi que sur le marché de l'électronique, qui constitue l'un des principaux marchés de CoCreate ;

- au niveau très élevé de la dette (remboursement d'emprunt et intérêts) contractée par CoCreate Holding Gmbh (environ 17 millions d'euros par an).

En 2001, le groupe CoCreate a réalisé un chiffres d'affaires d'environ 87 millions d'euros, alors que le business plan pour cette même année prévoyait un chiffre de plus 110 millions, soit une différence d'environ 23 millions d'euros par rapport aux prévisions. Pour l'année 2000, la différence entre le business plan et le réalisé était de 500.000 euros environ.

La situation du groupe a nécessité un apport de fonds pour assurer sa survie, et la mise en oeuvre d'une réorganisation pour adapter ses structures à sa situation économique et financière.

Le groupe CoCreate a donc mis en oeuvre une réorganisation de ses activités en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en France, aux Etats-Unis et au Japon.

En France, la succursale de CoCreate Software Gmbh & Co KG était déficitaire en 2000 et 2001, en ce qui concerne son activité de vente directe.

En effet, le total des ventes directes de produits et services CoCreate en France pour 2001 représentait 385.438 euros, alors que le coût d'exploitation lié au réseau de vente directe de la succursale était de plus de 700.000 euros. Pour la même année, le montant des ventes indirectes était de plus de 1,5 millions d'euros, et les coûts associés à cette partie de l'activité (environ 1 million d'euros) ont permis à celle-ci d'être en situation bénéficiaire.

Compte tenu des faibles revenus de la vente directe par rapport à la vente indirecte, et du coût très élevé lié au réseau de vente directe, la société a dans un premier temps pris la décision de réorganiser son activité en France en abandonnant le système de vente directe, et en conservant uniquement son réseau de vente indirecte, qui génère un volume de ventes plus important plus important, sans imposer les mêmes coûts de structure que la vente directe.

La société projetait ainsi d'assurer le développement des ventes indirectes, par des structures peu coûteuses, afin de permettre à la succursale française de CoCreate de poursuivre son activité à l'équilibre.

Au mois d'avril 2001, la cessation de l'activité de vente directe en France a entraîné la suppression de tous les postes existant dans l'entreprise, à l'exception de votre poste de Directeur Générale, chargé de poursuivre l'activité de CoCreate en France, par le biais du réseau de vente indirecte.

Cependant, la société a été contrainte de revoir à la baisse son budget prévisionnel pour l'année 2002, compte tenu du chiffres d'affaires réalisé au cours des premiers mois de l'année.

De plus, il apparaît aujourd'hui nécessaire de centraliser la gestion du réseau de ventes indirectes, assurée jusqu'à présent dans chacun des pays européens. En effet, cette gestion décentralisée génère des coûts trop élevés liés aux structures présentes dans chaque pays, et entraîne des incohérences dans la mise en oeuvre de la politique commerciale de la société, ce qui est particulièrement préjudiciable à la société dans le cadre de la vente indirecte, étant entendu que certains clients ont une activité internationale et traitent avec CoCreate dans plusieurs pays.

De ce fait, la société a pris la décision de centraliser en Allemagne la gestion de tous ses partenaires en Europe, ce qui entraîne la cessation totale d'activité de la succursale française, mais également des succursales anglaises et italiennes.

Cette nouvelle réorganisation est indispensable pour assurer la survie de la société CoCreate Software Gmbh & Co KG, compte tenu de ses difficultés financières et des engagements pris à l'égard de ses investisseurs.

La cessation totale d'activité de notre succursale française entraîne la suppression de votre poste de Directeur Général de cette succursale.

Nous vous informons qu'il n'existe à ce jour aucun poste de reclassement disponible susceptible de vous être proposé au sein des autres entités du groupe CoCreate ».

Que l'intimé a saisi le Conseil de Prud'hommes le 29 novembre 2002 en vue de contester la légitimité du licenciement ;

Considérant que la société COCREATE SOFTWARE & CO KG expose que le licenciement de l'intimé est bien fondé sur un motif économique ; que les difficultés économiques tant de la société que du groupe dans son ensemble sont incontestables ; que la poursuite de l'activité de la société n'est pas incompatible avec la suppression du poste ; que la société a respecté l'obligation de reclassement à laquelle elle était tenue ; que l'intimé n'a subi aucun préjudice spécifique ; qu'il est bien débiteur de la somme de 15000 euros correspondant à un prêt consenti par la société ;

Considérant que Philippe Z... soutient que son employeur n'a pas respecté l'obligation de reclassement ; que son licenciement n'était pas consécutif à des difficultés économiques mais s'inscrivait dans le cadre d'une stratégie financière ; qu'il a subi un préjudice important ; que les sommes figurant sur les bulletins de salaire intitulées "Vica" n'ont jamais été payées ; qu'il n'avait aucune connaissance du plan d'intéressement susceptible de régir le versement de ces sommes ; que la société a commis un abus de droit ; qu'il n'est pas redevable de la somme de 15000 euros qui lui a été versée en compensation d'une perte de revenus supportée à la suite de la modification de son plan de commissionnement ; que l'appelante avait renoncé au paiement de cette somme lors de l'établissement du solde de tout compte ;

Considérant en application de l'article L321-1 du code du travail que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque, dans le cadre de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel la société appartient, il n'a pas pu être procédé à son reclassement sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que l'obligation de reclassement qui doit être exécutée loyalement ;

Considérant que l'intimé a été embauché par la succursale française de la société de droit allemand CoCreate Software Gmbh ; qu'elle était étroitement dépendante de la société mère dont elle assurait en France la vente des produits ainsi que leur maintenance ; que la suppression du poste de l'intimé est le résultat d'une décision prise par la société mère de réorganiser ses activités dans les différents pays dans lesquels elle était implantée, à savoir outre la France, les Etats Unis, la Grande Bretagne l'Italie et le Japon ; que selon la lettre de licenciement, le secteur de la vente indirecte relevant de la compétence de l'intimé à compter du mois d'avril 2001 n'a pas disparu mais a été centralisé ; qu'à la date du licenciement la société mère disposait encore de succursales aux Etats Unis, en Suisse, au Japon, à Singapour, à Taiwan et en Corée et poursuivait son activité en Allemagne ; qu'en Italie la société avait également créé en 1996 une succursale dirigée par le responsable de la société française, qui continuait de subsister postérieurement à la cessation d'activité de celle-ci ; que l'appelante ne démontre pas avoir effectué la moindre recherche de reclassement dans ces différentes succursales, se bornant à affirmer qu'aucun poste ne pouvait être proposé à l'intimé ; que l'obligation de reclassement ayant ainsi été violée, le licenciement de l'intimé est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant que l'intimé ne démontre pas ne pas avoir retrouvé d'emploi ni avoir été contraint de solliciter le bénéfice d'allocations de chômage ; qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 46 680 euros sur le fondement de l'article L122-14-4 du code du travail ; que l'existence d'un préjudice distinct n'est pas rapportée ;

Considérant que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte manifestant de façon claire et non équivoque la volonté de renoncer ;

Considérant que le 26 novembre 2001 l'appelante a consenti à l'intimé un prêt d'un montant de 15 000 euros ; que les termes du contrat démontrent que celui-ci devait être remboursé le 30 novembre 2002 et qu'en cas de défaut de paiement à cette date il pouvait faire l'objet d'une compensation sur les salaires dûs ; qu'aucune disposition de nature à dispenser l'intimé du paiement n'y figurait ; que l'apposition de la mention "libre de tout engagement" sur le certificat de travail délivré à l'intimé ne démontre pas que la société appelante ait entendu renoncer de façon non équivoque à sa créance ; que la somme de 15 000 euros est donc bien due par l'intimé ;

Considérant que l'intimé ne pouvait ignorer ni l'existence ni les mécanismes du système d'intéressement constitué par le compte CoCreate virtuel puisqu'il se traduisait par le versement d'une somme virtuelle correspondant à 2,5 % de son salaire mensuel brut figurant sur son bulletin de paye ; que cette somme ne constituait pas un salaire mais un crédit susceptible d'être transformé en actions lors de la future introduction en bourse de la société Cocreate ; qu'en l'absence d'une telle introduction en Bourse à la date du 31 décembre 2003, le solde créditeur accumulé n'était dû que si son bénéficiaire était salarié de la société à cette date ; que toutefois, il était également convenu qu'en cas de rupture de la relation de travail antérieurement à cette date, pour des motifs autres qu'un licenciement pour un juste motif ou la démission du salarié, celui-ci devait recevoir le solde de son compte virtuel à la date de la cessation de la relation de travail ; que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ne peut être assimilé à un licenciement pour juste motif ; que l'intimé est donc en droit de recevoir le solde de son compte virtuel, de la date qu'il a retenue soit de mai 2001 jusqu'au 1er juillet 2002 date de la cessation effective de la relation de travail, soit la somme de 30 852,76 euros ;

Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

REFORME le jugement entrepris,

CONDAMNE la société COCREATE SOFTWARE & CO KG à verser à Philippe Z... :

- 46 680 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 30 852,76 € au titre du système d'intéressement CoCreate VICA

CONDAMNE Philippe Z... à rembourser à la société COCREATE SOFTWARE & CO KG 15 000 euros en remboursement du prêt consenti,

DIT qu'il pourra être procédé par compensation pour le paiement des sommes dues par les parties,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

CONDAMNE la société COCREATE SOFTWARE & CO KG à verser à Philippe Z... 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/08129
Date de la décision : 15/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Longjumeau


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-15;06.08129 ?
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