RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B
ARRÊT DU 20 Décembre 2007
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 00815
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2005 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS (3ème Section) RG no 33. 915 / 02
APPELANT
Monsieur Harouna X...
Elisant domicile au Cabinet de Maître BALLANGER
...
75014 PARIS
représenté par Me Marie-Anne BALLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 624
INTIMÉES
SA CAPRON
17 / 19 rue Marius Hué
91370 VERRIERES LE BUISSON
représentée par Me Philippe LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : E. 1983 substitué par Me Virginie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : G725
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS (CPAM 75)
173 / 175, rue de Bercy
75586 PARIS CEDEX 12
représentée par M. PY LEBRUN en vertu d'un pouvoir général
Monsieur Z... Régional des Affaires Sanitaires et Sociales-Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
...
75935 PARIS CEDEX 19
Régulièrement avisé-non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2007, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bertrand FAURE, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Bernard SELTENSPERGER, Conseiller
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller
Greffier : Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par Monsieur Bertrand FAURE, Président
-signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur X... à l'encontre d'un jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS (3ème section) en date du 4 avril 2005 dans un litige l'opposant à la SA CAPRON et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de PARIS ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision à laquelle il est fait expressément référence ; il suffit de rappeler que le 14 août 1998 Monsieur X... a été victime d'un accident du travail sur le chantier de l'Ecole Nationale des Arts et Métiers à Paris, accident provoqué par l'effondrement d'une dalle de béton alors qu'il travaillait pour le compte de Monsieur A... A... B..., lui même sous-traitant de la SA CAPRON, titulaire du lot gros oeuvre sur le chantier ;
Suite à cet accident, qui a fait plusieurs victimes dont deux personnes décédées, une information pénale a été ouverte à l'encontre de la SA CAPRON, son Président Directeur Général, Monsieur C..., et Monsieur D..., chef de chantier ;
Par jugement du 21 décembre 2001 passé en force de chose jugée, la 31ème Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de PARIS a condamné :
- " La SA CAPRON à une amende délictuelle de 130 000 francs et à une amende contraventionnelle de 20 000 francs.
- Alain C... à un emprisonnement de deux mois avec sursis, à une amende délictuelle de 30 000 francs et à une amende contraventionnelle de 5 000 francs pour avoir à PARIS :
1o- en juillet et août 1998, exercé un travail dissimulé en dissimulant l'emploi de trois salariés, au motif que les relations de la SA CAPRON avec Domingo E... et les ouvriers recrutés par ses soins présentent le caractère d'une fausse sous-traitance et doivent être requalifiées en situation de travail salarié ; que les ouvriers non déclarés et en situation irrégulière ont pour véritable employeur la Société CAPRON, pour le compte de laquelle M. E... les a embauchés ;
2o- en juillet et août 1998, pour le même motif, employé deux salariés étrangers sans titre de travail ;
3o- le 14 août 1998, involontairement causé la mort de deux travailleurs par manquement aux obligations de l'article 2 alinéa 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965 ;
4o- le 14 août 1998, involontairement causé à deux autres travailleurs des blessures n'ayant pas entraîné une incapacité supérieure à trois mois par manquement aux mêmes obligations " ;
Le juge pénal a par ailleurs reçu en sa constitution de partie civile Monsieur X... ; il s'est toutefois déclaré " incompétent pour statuer sur ses demandes de dommages et intérêts ", ayant estimé qu'elles relevaient de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ;
Suite à ce jugement, Monsieur X... a saisi la CPAM de PARIS d'une demande d'indemnisation de son préjudice sur la base de la reconnaissance de la faute inexcusable de la SA CAPRON par lettre recommandée en date du 23 mai 2002 ; la caisse ne lui ayant jamais répondu, Monsieur X... a, par requête du 17 octobre 2002, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS d'un recours en vue de la condamnation de la CPAM de PARIS au paiement de diverses sommes sur le fondement de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale (recours enregistré sous le numéro 33. 915 / 02) ;
En cours d'instruction de l'affaire devant ce même Tribunal, le requérant a rempli et adressé à la CPAM de PARIS le 10 février 2004, par l'intermédiaire de son avocat, un imprimé réglementaire de déclaration d'accident du travail ; le 23 avril 2004, ladite Caisse a refusé de prendre en charge l'accident du travail au titre de la législation relative aux risques professionnels en invoquant la prescription biennale de l'action en déclaration d'accident par la victime ;
Monsieur X... a alors contesté la décision de la CPAM de PARIS devant la Commission de Recours Amiable de cette même Caisse qui a, le 16 novembre 2004 rejeté son recours en retenant ce qui suit :
" En application de l'article L431-2 du Code de Sécurité Sociale, la demande de reconnaissance de l'accident et de paiement des prestations prévues par la législation concernant les risques professionnels se prescrit par deux ans à compter de la date de l'accident.
Vous n'avez établi la déclaration de l'accident survenu le 14 août 1998, que le 10 février 2004.
Prescription biennale acquise. "
Monsieur X... a alors saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS d'un recours dirigé contre la décision de ladite Commission en ce qu'elle a refusé de prendre en charge l'accident survenu le 14 août 1998, au titre de la législation sur les risques professionnels (recours enregistré sous le numéro 20500071) ;
C'est dans ces conditions que le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale de PARIS s'est vu saisi de deux procédures distinctes : l'une au titre de la faute inexcusable de l'employeur, suivant requête du 17 octobre 2002, et portant sur la demande d'indemnisation du préjudice subi par Monsieur X... du fait de l'accident et se composant, selon le rapport d'expertise judiciaire du Docteur F... en date du 13 octobre 1998, d'une ITT du 14 août au 28 août 1998 avec consolidation au 8 octobre 1998, d'un pretium doloris de 2 / 7 et d'un préjudice esthétique et d'agrément de 1 / 7 en raison d'une cicatrice sur la jambe gauche ; l'autre ayant trait à la contestation du refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, suivant requête enregistrée le 20 décembre 2004 au motif principalement que l'action pénale diligentée auprès du Tribunal de Grande Instance de PARIS, pour violation des alinéas 2 et 3 de l'article 2 du décret du 8 janvier 1965 par l'employeur, était venue interrompre le cours de la prescription biennale prévue par l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité Sociale ;
Par jugement du 4 avril 2005, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS a statué comme suit :
- " Ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 33. 915 / 02 et 20500071 ;
- Déclare prescrite l'action exercée en son nom personnel par Monsieur Harouna X... en vue d'obtenir de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de PARIS la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont il a été victime le 14 août 1998 ;
- Dit et juge, en conséquence, la demande d'indemnisation formulée par Monsieur X... sur le fondement de la faute inexcusable de son employeur irrecevable ;
- Déboute Monsieur X... de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Monsieur X... a fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions tendant à l'infirmation de cette décision ; il demande à la Cour ;
- " Vu les dispositions de l'article 2244 du Code civil, les dispositions des articles L. 452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, les dispositions des articles L. 434-8, L. 434-10, et L. 452-2 du même code :
- Dire et juger recevable et non prescrite l'action de M. H... G....
- Dire et juger que l'accident du travail dont il a été victime le 14 août 1998 est imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la société CAPRON.
En conséquence :
- Condamner la société CAPRON à lui payer les sommes de :
. 3050 euros en réparation de son ITT,
. 3050 euros en réparation de son pretium doloris,
. 1220 euros en réparation de son préjudice d'esthétique et d'agrément.
Les dites sommes avec intérêts de droit à compter de l'accident.
- Dire et juger que lesdites sommes seront versées directement à Monsieur X... par la CPAM de PARIS qui en récupérera le montant en principal et intérêts auprès de l'employeur conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale.
- Condamner la Société CAPRON à payer à MonsieurH... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC. " ;
Par conclusions déposées et développées oralement par son conseil, la SA CAPRON demande à la Cour :
- " Confirmer le jugement rendu par la 3ème Section du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris le 4 avril 2005.
En conséquence,
- Dire et juger irrecevable l'action exercée par Monsieur X... tendant à obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de la société CAPRON.
- Dire et juger irrecevable Monsieur X... en ses demandes.
- A titre très subsidiaire, si par impossible, la Cour déclarait Monsieur X... recevable en son action devant la juridiction de Sécurité Sociale ;
- Prendre acte de ce que la société concluante s'en rapporte à justice sur le principe de la faute inexcusable.
- Dire et juger que l'appréciation des préjudices personnels allégués par Monsieur X... ne saurait résulter que d'une expertise médicale contradictoire ordonnée par la Cour de céans.
Pour le cas où la Cour s'estimerait suffisamment informée par le rapport d'expertise du Docteur Odile F...,
- Dire et juger que la demande formulée par Monsieur X... au titre de l'Incapacité temporaire Partielle est irrecevable.
- Dire et juger que les demandes formulées par Monsieur X... au titre du pretium doloris, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément ne sont pas fondées.
- Condamner Monsieur X... en tous les dépens " ;
Par observations simplement orales de son représentant, la CPAM de PARIS conclu à confirmation pure et simple ;
Il est fait référence aux écritures déposées par Monsieur X... et par la SA CAPRON pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par ceux-ci à l'appui de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR
Considérant que par des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont statué ainsi qu'il a été dit ; qu'en effet la Cour ne peut que constater à son tour que " l'action pénale qui a été engagée à la requête du Ministère Public contre la SA Entreprise CAPRON et Monsieur C... " n'était " susceptible d'interrompre que la prescription opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire ainsi que le prévoient expressément l'article L. 431-2 alinéa 5 du Code de la Sécurité Sociale " ; que " l'éventuel doute sur l'identité de l'employeur ne faisait pas obstacle à ce que Monsieur X... avertisse la CPAM de PARIS, Caisse territorialement compétente, de ce que l'accident dont s'agit s'était produit au temps et au lieu d'un travail exécuté dans un lien de subordination " ; qu'enfin " la carence de l'employeur " dans la déclaration de l'accident du travail n'était " pas opposable à la Caisse Primaire ", l'article L. 441-2 autorisant de manière explicite " la victime à pallier la défaillance de l'employeur en effectuant elle même la déclaration qui s'impose, dans le délai de deux ans " ; qu'en tant que de besoin la Cour ajoutera qu'exception faite de l'alinéa 5 de l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité Sociale, relatif à la prescription de deux ans opposable uniquement aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants du même Code, et pour laquelle la loi no2001-1246 du 21 décembre 2001 prévoit expressément son interruption par l'exercice d'une action pénale engagée pour les même faits, la prescription visée aux trois alinéas précédents de ce même article est soumise aux règles de droit commun ; que les causes d'interruptions ou de suspension du cours de la prescription sont prévues aux articles 2242 et suivants du Code Civil ; que si l'article 2244 prévoit limitativement qu'une " citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ", il n'en reste pas moins que l'action pénale engagée en l'espèce à l'encontre de la SA CAPRON pour violation de l'article 2 alinéa 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965, et ayant eu comme telle un objet totalement différent de celle tendant à la prise en charge de l'accident par la CPAM, n'était pas de nature à interrompre le cours de la prescription de deux ans attachée aux droits aux prestations et indemnités de la victime d'un accident du travail ; qu'en outre si la défaillance de l'employeur dans la déclaration de l'accident survenu à son salarié auprès de la CPAM a entraîné un refus de la part de cette dernière de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les accidents du travail en raison de la prescription, l'intéressé peut obtenir, sur le terrain du droit commun, réparation du préjudice résultant de la faute commise par son employeur de par son omission de déclarer l'accident dans le délai légal, et ce alors même qu'il n'a pas fait usage dans ce même délai, de la faculté qui lui est offerte d'effectuer lui même la déclaration à la caisse ; que dans ces conditions la prescription de deux ans était acquise lors de l'envoi de l'imprimé réglementaire de déclaration d'accident du travail de MonsieurH... le 10 février 2004 ; que par ailleurs la demande d'indemnisation prévue à l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, indemnisations procédant de la reconnaissance préalable de la faute inexcusable commise par l'employeur, est une demande complémentaire qui ne peut être prise en compte que dans la mesure où l'accident a été effectivement et préalablement déclaré et pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les accidents du travail, cette prise en charge ouvrant droit à la victime au bénéfice des prestations et indemnités prévues par l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en l'espèce Monsieur X..., puisque n'ayant pas procédé à la déclaration de l'accident du travail dans le délai de deux ans qui lui était imparti, et dès lors exclu du bénéfice de ces prestations et indemnités auxquelles il n'ouvre pas droit, ne peut prétendre aux indemnisations complémentaires prévues par les articles L. 452-1 et suivants du même code ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce l'équité ne commande pas de faire bénéficier à Monsieur X..., partie succombant à l'instance, des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour ;
Déclare Monsieur X... recevable mais mal fondée en son appel ; l'en déboute ainsi que de l'ensemble de ses demandes ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dispense l'appelant du paiement du droit d'appel de l'article R. 144-10 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale.
Le Greffier, Le Président,