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19/12/2007 | FRANCE | N°06/18937

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0089, 19 décembre 2007, 06/18937


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 19 DECEMBRE 2007

No du répertoire général : 06/18937

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Renaud BLANQUART, Conseiller à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête envoyée par lettre recommandée avec accusé

de réception et reçue au greffe le 3 novembre 2006 par Maître Dominique GIACOBI, avocat de Monsieur Eric X..., dem...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 19 DECEMBRE 2007

No du répertoire général : 06/18937

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Renaud BLANQUART, Conseiller à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception et reçue au greffe le 3 novembre 2006 par Maître Dominique GIACOBI, avocat de Monsieur Eric X..., demeurant ... ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du requérant notifiées par lettre recommandée avec avis de réception;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 21 novembre 2007 ;

Vu l'absence de Monsieur Eric X... ;

Ouï Maître Dominique GIACOBI, avocat plaidant pour l'Association d'avocats Dominique GIACOBI et Salim Y..., avocats associés représentant Monsieur Eric X..., Maître Sandrine Z..., avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GÖRGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 21 novembre 2007, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

* *

Monsieur X..., né le 1er avril 1977, a été mis en examen du chef de diffusion d'image à caractère pornographique de mineur, transmission, importation le 18 décembre 2002 et a été placé le 20 décembre 2002 en détention provisoire. Il a été remis en liberté par ordonnance du magistrat instructeur le 28 mars 2003. Il a fait l'objet d'une décision de relaxe par jugement du tribunal correctionnel de CRETEIL du 21 avril 2005, après, donc, une incarcération de 99 jours, cette décision étant définitive.

Monsieur X... n'avait jamais été précédemment détenu.

Par requête déposée le 3 novembre 2006, aux fins de réparation à raison d'une détention, suivie d'un mémoire du 25 juillet 2007, Monsieur X... fait valoir :

- S'agissant de son préjudice économique :

qu'il était le co-gérant, avec Monsieur B..., également placé en détention et relaxé, de la société VIDEOZANA, dont l'activité a commencé le 1er avril 2002 et dont il détenait 20% du capital social ; que la dissolution amiable de cette société est intervenue le 30 novembre 2004 ; qu'après quatre mois de détention de ses seuls associés, la société VIDEOZANA ne pouvait poursuivre son activité et a fait l'objet d'une liquidation amiable; que la totalité du matériel vidéo indispensable à l'activité de cette société a été placée sous scellés, cette mesure n'ayant pris fin que le 27 octobre 2005 ; qu'il a perdu 4 mois de 20% du bénéfice annuel.

Il sollicite à ce titre la somme de 2.604 € ;

qu'il a perdu 4 mois de salaires et réclame, à ce titre, la somme de 4.476 €.

qu'après avoir perçu des allocations de l'ASSEDIC, il a réussi à créer une société le 10 mai 2005 et a obtenu une aide à la création d'entreprise avec effet au 9 mai 2005 ; qu'il est fondé à réclamer l'indemnisation de la perte de chance de pouvoir exploiter la société VIDEOZANA jusqu'à l'âge de 65 ans.

Il réclame, à ce titre, une indemnité de 39.058 €.

- S'agissant de son préjudice moral :

qu'il a donné au magistrat instructeur tous les éléments lui permettant d'ordonner sa mise en liberté, mais n'a été libéré qu'après 4 mois ; qu'il vit chez son ex- beau frère, n'ayant pas les moyens financiers de trouver un logement ; qu'il était âgé de 27 ans au moment de son incarcération et n'avait jamais été condamné ; qu'il a été atteint dans sa vie privée et sa vie familiale, Monsieur B..., avec lequel il était "pacsé" à l'époque, étant incarcéré en même temps que lui ; qu'il a dû exposer des frais importants pour sa défense.

Il réclame une indemnité de 40.000 €, de ce chef.

Il sollicite également la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Dans ses conclusions des 25 avril et 22 août 2007, Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor, estimant la requête recevable, fait valoir :

- S'agissant du préjudice économique invoqué :

que peut être indemnisée la perte de salaire invoquée par le requérant à concurrence de la somme de 3.655, 40 € ; que la demande d'indemnisation pour perte de bénéfices de la société VIDEOZANA doit être rejetée, faute pour le requérant de justifier du fait qu'il était

le co-gérant minoritaire de cette société ; que le dossier pénal fait apparaître que le requérant déclarait percevoir la somme de 1.119 € en tant que secrétaire de cette société, Monsieur B... affirmant que ce dernier ne percevait aucune rémunération en tant que gérant minoritaire ; que, compte tenu de l'âge du requérant, sa demande d'indemnisation d'une perte de chance de trouver un emploi jusqu'à l'âge de la retraite ne saurait prospérer, d'autant qu'il a créé un commerce en 2005 ; que la preuve d'un lien de causalité entre la

détention du requérant et la liquidation amiable de la société VIDEOZANA n'est pas rapportée, cette liquidation étant sans doute imputable au placement sous scellé du matériel de cette société.

- S'agissant du préjudice moral :

qu'il doit être tenu compte de l'âge du requérant au moment de son incarcération, de la durée de sa détention et du fait qu'il s'agissait d'une première incarcération,

Il estime que ce préjudice peut être réparé par l'allocation de la somme de 5.000 €.

Monsieur le Procureur Général fait valoir, estimant la requête recevable,

- S'agissant du préjudice matériel :

qu'il y a lieu de faire droit à la demande de réparation d'une perte de salaires formée par le requérant, mais pas à ses autres demandes

- S'agissant du préjudice moral :

qu'il doit être tenu compte du fait que le requérant était âgé de 25 ans au moment de son incarcération, qu'il était "pacsé" avec Monsieur B..., lui-même incarcéré ; que cette double incarcération a certainement contribué à l'isolement du requérant, à défaut de permis de visite délivré à son ami et qu'il s'agissait d'une première incarcération.

SUR QUOI,

Sur la requête

Attendu que la présente requête est recevable au regard des dispositions des articles 149 à 149-2 du Code de procédure pénale ;

Sur le préjudice matériel

Attendu que le requérant produit, à l'appui de sa demande de réparation d'un préjudice économique, les bulletins de salaire de l'année 2002 justifiant de ce qu'il percevait un salaire de 1.120, 68 € avant d'être placé en détention ; qu'il y a lieu de faire droit à sa demande au titre d'une perte de salaire pendant 99 jours, à concurrence de 3.698, 24 € ;

Que Monsieur X... ne justifie pas avoir perçu une quelconque rémunération complémentaire en qualité de co-gérant minoritaire de la SARL VIDEOZANA ; qu'il n'y a lieu de faire droit à sa demande, de ce chef ;

Que s'il n'est pas contesté que le matériel de la SARL VIDEOZANA a été saisi dans le cadre de la procédure pendant laquelle le requérant a été détenu et justifié du fait que cette société dont l'exploitation a commencé le 1er avril 2002, a fait l'objet d'une décision de liquidation amiable le 30 novembre 2004, il n'est pas démontré que la détention de Monsieur X... pendant 99 jours, qui doit être distinguée des mesures d'enquête prises dans le cadre de la procédure pénale, ait été la cause de cette liquidation ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter la demande formée par le requérant au titre de la perte de chance de pouvoir exploiter la société VIDEOZANA jusqu'à l'âge de 65 ans ;

Que le requérant évoque les frais qu'il a dû exposer au titre des honoraires de son Conseil, mais ne les chiffre pas et ne produit aucune pièce à ce sujet ;

Sur le préjudice moral

Attendu que le choc carcéral incontestable qu'a subi Monsieur X..., du fait de sa détention, doit donner lieu à réparation ;

Que les éléments donnés ou non par le requérant au magistrat instructeur, comme les conditions dans lesquelles le Juge des libertés et de la détention a décidé de son placement en détention ne peuvent être pris en considération dans le cadre de la présente procédure;

Que le requérant était âgé de 25 ans lorsqu'il a été placé en détention pour une durée de 99 jours à raison de la présente affaire ; qu'il doit être tenu compte, pour fixer le montant de cette réparation, des circonstances d'aggravation du préjudice considéré et, plus particulièrement, du fait qu'au moment de son incarcération, il était lié par un pacte civil de solidarité depuis 4 ans, a été séparé de son compagnon et des membres de sa famille et n'avait jamais été incarcéré ;

Qu'il y a lieu de faire droit à sa demande, de ce chef, en lui allouant la somme de 7.920 €;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... les frais irrépétibles qu'il a exposés pour la présente instance ; qu'il lui sera alloué, de ce chef, la somme de 1.500 € ;

PAR CES MOTIFS

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

Disons la requête recevable,

Allouons à Monsieur X... :

- une indemnité de 3.698, 24 €, en réparation de sa perte de revenus,

- une indemnité de 7.920 €, en réparation de son préjudice moral,

- la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du NCPC.

Rejetons ses autres demandes.

Décision rendue le 19 décembre 2007 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0089
Numéro d'arrêt : 06/18937
Date de la décision : 19/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Créteil, 21 avril 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-19;06.18937 ?
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