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18/12/2007 | FRANCE | N°05/8693

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 18 décembre 2007, 05/8693


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 18 Décembre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/08683

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mai 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG no 04/08880

APPELANT

1o - Monsieur Jean Pierre LARROQUE

57 rue Pierre Bezançon

94440 MAROLLES EN BRIE

représenté par Me Iddir AMARA, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB194,
>INTIMEE

2o - S.A. HOTEL RITZ

15 Place Vendôme

75001 PARIS

représentée par la SCP COBLENCE, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 18 Décembre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/08683

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mai 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG no 04/08880

APPELANT

1o - Monsieur Jean Pierre LARROQUE

57 rue Pierre Bezançon

94440 MAROLLES EN BRIE

représenté par Me Iddir AMARA, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB194,

INTIMEE

2o - S.A. HOTEL RITZ

15 Place Vendôme

75001 PARIS

représentée par la SCP COBLENCE, avocats au barreau de PARIS, substituée par Me Elisabeth LAHERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 53,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Octobre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Irène LEBE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président

Mme Irène LEBE, conseiller

Mme Hélène IMERGLIK, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats,

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. J. P. Larroque du jugement rendu le 9 mai 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Paris, section Commerce, chambre 2, auquel il est renvoyé pour l'exposé des éléments du litige à cette date, qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, dirigées contre la société Hôtel Ritz Limited.

Il ressort des éléments de la cause que M. J. P. Larroque a été embauché par contrats de travail à durée déterminée successifs en qualité d'extra, pour assurer les fonctions de "maître d'hôtel, principalement au service "Banquets", et ponctuellement comme chef de rang au Bar Vendôme, par la société Hôtel Ritz Limited, qui exploite l'hôtel de luxe du même nom à Paris, et ce, à compter du 14 octobre 1993. Les relations contractuelles se sont terminées, au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée de l'intéressé, le 31 mai 2005.

Il a perçu en dernier lieu un salaire brut de 1.083,76 Euros pour 13 jours de travail.

Réclamant, sur la base du principe "A travail égal, salaire égal", l'application à son bénéfice de l'accord salarié en vigueur au sein de la société Hôtel Ritz Limited depuis le 6 février 1992, qui prévoyait une grille salariale et un salaire minimum garanti de 2.396,65 Euros, ainsi que la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée, il a saisi le 29 juin 2004 le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement déféré de demandes tendant à la condamnation de la société Hôtel Ritz Limited à lui verser diverses sommes aux titres suivants :

- indemnité de requalification,

- dommages-intérêts pour perte de chance sur la différence de salaire entre contrat de travail à durée déterminée et contrat de travail à durée indéterminée,

- rappel de salaires sur taux horaire et congés payés incidents,

- rappel d'indemnité de 13ème mois et non remise des jours fériés travaillés incidents au rappel de salaires,

- dommages-intérêts pour perte de revenus sur l'intéressement lié au salaire.

- majoration en conséquence des heures supplémentaires effectuées, congés payés incidents et repos compensateur,

- temps d'habillage et de déshabillage,

- prime d'ancienneté,

- congés d'ancienneté,

- participation de l'employeur à la mutuelle non remise,

- dommages-intérêts pour violation de diverses dispositions du Code du Travail sur la durée du travail, notamment des articles L. 212-1 et 7 du Code du Travail, L.221-2, L.226 1et L.226-2 du Code du Travail.

Il demandait également, sur les mêmes bases :

- la remise de bulletins de paie conformes, sous astreinte de 500 Euros par jour de retard, à partir de la 4 ème semaine à compter de la notification du jugement, en demandant au Conseil de Prud'hommes de s'en réserver la liquidation,

- que le Conseil de Prud'hommes enjoigne à la société Hôtel Ritz Limited de fixer sa rémunération à la somme de 2.920,32 Euros pour un travail à temps complet, au 1er janvier 2004, sans préjudice des augmentations à venir, et ce, dans les mêmes conditions d'astreinte,

- d'ordonner à la société Hôtel Ritz Limited de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux sous les mêmes conditions d'astreinte,

et ce, avec intérêts au taux légal et exécution provisoire, en condamnant la société Hôtel Ritz Limited aux entiers dépens.

En cause d'appel, par conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales, M. J. P. Larroque sollicite l'infirmation du jugement déféré, la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée et demande à la Cour de dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Hôtel Ritz Limited à lui verser les différentes sommes suivantes :

* en application des accords salariaux signés par l'employeur :

- 16.305,97 Euros à titre de rappel de salaires sur taux horaire, en tant que maître d'hôtel en contrat de travail à durée indéterminée, chef de rang, pour la période non prescrite de juin 1999 au 31 décembre 2003,- 1.630, 59 Euros au titre des congés payés incidents,

- 4.844,76 Euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er janvier 2004 au 31 mai 2005,

- 484,47 Euros au titre des congés payés incidents,

- 240,74 Euros au titre des majorations des heures supplémentaires effectuées, (25 %),

- 24,07 Euros au titre des congés payés incidents,

- 480,49 Euros au titre des repos compensateurs non pris,

* en application des accords d'entreprise :

- 3.240 Euros au titre du temps d'habillage et de déshabillage (accord sur les 35 h. ),

- 1.350 Euros au titre de la prime d'ancienneté,

- 14.601 Euros au titre du 13 ème mois,

- 1.460 Euros au titre des congés payés incidents au rappel de salaires de 13ème mois,

- 929,18 Euros au titre des congés d'ancienneté,

- 1.868,40 Euros au titre de la participation employeur à la mutuelle non remise,

- 6.637,09 Euros au titre des jours fériés non remis,

- 6.016,44 Euros à titre d'indemnité de préavis,

- 601,64 Euros au titre des congés payés incidents,

- 19.164, 73 Euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes, à l'exception des demandes complémentaires par rapport à celles présentées devant le Conseil de Prud'hommes,

- de condamner la société Hôtel Ritz Limited à lui verser, à titre de dommages- intérêts :

* 8.760 Euros à titre d'indemnité de requalification,

* 54.585,76 Euros à titre de dommages- intérêts pour perte de chance d'obtenir un autre travail que celui qu'il effectuait pour la société Hôtel Ritz Limited,

* 2.932,20 Euros ou 2920,32 Euros comme précisé dans le corps des écritures du salarié, soit un mois de salaire, à titre de dommages- intérêts pour violation des dispositions de l'article L.212-1 alinéa 2 du Code du Travail, (plus de 10 heures de travail par jour),

* 2.932,20 Euros, ou 2920,32 Euros, pour violation des dispositions de l'article L.221-2 du Code du Travail (interdiction d'employer un salarié plus de 6 jours par semaine),

* 2.932,20 Euros, ou 2.920,32 Euros, pour violation des dispositions de l'article L. 212-7 du Code du Travail, (dépassement de la durée maxima absolue du travail hebdomadaire de 48 h),

* 2.932,20 Euros, ou 2.920,32 Euros, pour violation des dispositions de l'article L. 226-1 et L. 226-2 du Code du Travail et des accords d'entreprise de la société Hôtel Ritz Limited (pour non prise de congés payés, exceptionnels et/ ou familiaux),

* 25.000 Euros à titre de dommages-intérêts en contrepartie de la perte de revenus sur le montant de l'intéressement annuel, calculé sur la base du salaire,

*36.098,40 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, demande nouvelle en appel,

et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner à la société Hôtel Ritz Limited de lui remettre des bulletins de paie conformes aux chefs de condamnation susvisés, sous astreinte de 500 Euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 4 semaines suivant la notification de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner à la société Hôtel Ritz Limited de régulariser à ce titre, sous les mêmes conditions d'astreinte et de délai, sa situation à l'égard des organismes sociaux dont les caisses de retraite et de retraite complémentaire, astreinte dont il demande à la Cour de se réserver le droit de la liquider,

- d'ordonner la remise d'une attestation Assedic et d'un certificat de travail conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 500 Euros par jour et par document, à l'expiration d'un délai de 4 semaines à compter de la signification de la décision,

* 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales, la société Hôtel Ritz Limited demande à la Cour :

- de confirmer le jugement déféré,

- vu l'usage dans le secteur de l'hôtellerie de conclure des contrats de travail à durée déterminée, dits "contrats d'extras",

- de constater que M. J. P. Larroque n'a jamais dépassé le plafond conventionnel des 60 jours de travail par trimestre civil, résultant de la convention collective HCR, étendue en décembre 1997,

- de rejeter en conséquence ses demandes tendant à la requalification des relations contractuelles en un contrat de travail à durée indéterminée,

- de constater que la grille salariale du 6 février 1992 à laquelle il fait référence ne visait aucunement les maîtres d'hôtel des banquets qui n'ont jamais été payés au pourcentage,

- de constater que la qualification de maîtres d'hôtel des banquets ne figure pas sur cette grille et qu'il ne peut donc y faire référence, sauf à prouver qu'il serait dans une situation identique à celle des salariés payés sur la base de cette grille,

- de constater que M. J. P. Larroque réclame un salaire correspondant à celui de maîtres d'hôtel travaillant dans d'autres services, effectuant des tâches différentes, ayant des responsabilités différentes, et relevant de qualifications différentes,

- de dire et juger que M. J. P. Larroque, qui n'est pas dans une situation identique à celle de ces salariés ne peut revendiquer une quelconque égalité de traitement avec ces derniers,

- à titre subsidiaire, de dire et juger que M. J. P. Larroque n'est pas dans une situation identique à celle de maître d'hôtel auparavant payé au pourcentage et dont le salaire fixe a pour objet de compenser la perte de sa rémunération variable,

- de constater que M. J. P. Larroque était rémunéré de la même façon que ses collègues de même qualification et travaillant comme lui au service des banquets,

- de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes,

- de le condamner à lui verser la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

SUR CE, LA COUR,

Vu le jugement déféré et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour de plus amples développements.

Sur la demande de requalification des relations contractuelles :

M. J. P. Larroque expose avoir été engagé en qualité de maître d'hôtel "extra", notamment mais pas seulement, dans les fonctions de "maître d'hôtel banquets" par la société Hôtel Ritz Limited à compter du 14 octobre 1993, moyennant un salaire brut de 7.109,02 Francs pour 18, 61 jours de travail, soit 1.083,76 Euros.

Il fait valoir que ses différents contrats de travail à durée déterminée, conclus depuis cette date avec la société Hôtel Ritz Limited étaient irréguliers, au moyen principal que ses premiers contrats ne mentionnaient même pas le motif du recours à ce type de contrats, puis qu'ils faisaient état d'un "surcroît occasionnel de travail" alors qu'il a été ainsi embauché de façon précaire pendant de longues années, depuis 1993 jusqu'au mois de mai 2005.

Il soutient qu'il ne s'agit pas non plus de contrats saisonniers ni temporaires dans la mesure où "la saison" de ce grand hôtel dure en réalité toute l'année et que la société Hôtel Ritz Limited fait appel de façon constante à des extras pour compléter les salariés en contrat de travail à durée indéterminée, notamment à temps partiel ;

M. J. P. Larroque fait en outre valoir qu'il a travaillé 70,47 jours durant le 2ème trimestre civil de l'année 1994 et demande l'application des dispositions de l'article 14-1 de la convention collective applicable des HCR, étendue au Ritz par arrêté du 3 décembre 1997, qui prévoit qu'un salarié engagé comme extra par contrat de travail à durée déterminée plus de 60 jours, peut demander la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée. Il souligne que, dans un courrier du 10 juillet 2002, un responsable de la société Hôtel Ritz Limited qui relevait le nombre important de salariés embauchés en cette même qualité d'extras, envisageait d'en engager deux par contrat de travail à durée indéterminée.

Il sollicite une indemnité de requalification, sur la base d'un salaire mensuel brut de 2.920,32 Euros, salaire de référence de maître d'hôtel le mieux payé au Ritz, en relevant qu'actuellement, ce dernier salaire s'élève à 3.008,20 Euros, suite aux augmentations générales de salaires au sein de la société Hôtel Ritz Limited.

À titre subsidiaire, il fait valoir que le refus de la société Hôtel Ritz Limited de l'embaucher par contrat de travail à durée indéterminée alors qu'elle le faisait pour d'autres salariés était discriminatoire alors qu'il avait travaillé en cette qualité dans les différents services de l'hôtel, et ce pendant de longues années, ce qui témoigne de ses compétences et de sa qualification.

Il souligne qu'il n'a refusé le poste en contrat de travail à durée indéterminée qui lui avait été proposé qu'en raison du fait qu'il s'agissait d'un travail à temps partiel, réduisant dès lors sa rémunération.

La société Hôtel Ritz Limited s'oppose à sa demande en soutenant que le poste de "maîtres d'hôtel banquets" occupé par le salarié correspond à un usage constant de recourir à des contrats de travail à durée déterminée, consacré par l'article 14 de la convention collective applicable dite HCR.

Elle fait valoir que le Président de la Fédération Nationale de l'Industrie Hôtelière en atteste et conteste tout dépassement de la limite de 60 jours, conventionnellement prévue depuis l'extension de la convention collective en décembre 1997, en faisant valoir que M. J. P. Larroque calcule à tort le nombre de ses vacations par rapport à ses bulletins de paie alors que ceux-ci couvrent une période dite "glissante" et ne correspondent dès lors pas à un trimestre civil. En outre, la société Hôtel Ritz Limited fait valoir que les bulletins de paie de l'intéressé mentionnent le nombre de jours travaillés et non le nombre d'heures.

L'employeur souligne que le salarié ne peut invoquer un éventuel dépassement de la durée de travail journalière conventionnelle, soit 10 heures, qui n'est pas sanctionnée par la requalification par la convention collective applicable.

Il fait en outre valoir que l'activité de "maître d'hôtel banquets" est par nature imprévisible et variable et donc temporaire, et n'a aucun rôle d'encadrement, au contraire d'autres postes de maîtres d'hôtel comme ceux de la restauration, le niveau de qualification de "maître d'hôtel banquets", soit N3E1, correspondant à celui de chef de rang dans les autres départements de l'hôtel.

Il souligne enfin qu'un poste en contrat de travail à durée indéterminée dans la même qualité de "maître d'hôtel banquets" a été proposé par affichage en septembre 2003 aux salaires régulièrement alloués à ce type de poste, mais que le salarié n'a pas postulé de même qu'il en avait refusé un en 1996.

Mais c'est en vain que le salarié prétend que les contrats à durée déterminée conclus avec la SA Ritz étaient irréguliers comme ne comportant pas le motif de recours à ce type de contrat alors que l'ensemble de ses contrats de travail précisaient qu'il s'agissait de "contrat à durée déterminée d'extra ", précisant en outre l'emploi en cause, à savoir maître d'hôtel banquets.

Dès lors, quand bien même certains de ceux -ci mentionnaient en outre qu'ils étaient conclus pour un "SOT" c'est à dire pour un surcroît occasionnel de travail, la seule circonstance qu'ils étaient précisés comme relevant des contrats d'extra permet à l'employeur de rapporter la preuve qu'il s'agissait d'un contrat dit d'usage, conclu en application des dispositions de l'article L.122-1-1 3o du Code du travail ainsi que de l'existence d'un usage au sein de la profession de pourvoir de tels postes en ne recourant pas à un contrat à durée indéterminée.

Or, d'une part, il n'est pas contesté que l'activité de la société Hôtel Ritz Limited relève des activités d'hôtellerie, figurant sur la liste de l'article D 121-2 du Code du Travail comme pouvant donner lieu à conclusion de contrat de travail à durée déterminée dits d'usage, tels que prévus par l'article L.122-1-1 3o du Code du Travail.

Il revient en conséquence à l'employeur de rapporter la preuve qu'il existe un usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail à durée déterminée pour pourvoir aux emplois non seulement de maître d'hôtel, mais plus spécialement de "maître d'hôtel banquets", poste occupé par le salarié .

D'une part, l'existence de l'usage invoqué par l'employeur ressort de l'article 14 de la convention collective applicable, selon lequel pour l'emploi d'extra qui est par nature temporaire, le salarié est engagé "pour la durée nécessaire à la réalisation des missions".

Ce texte précise en outre que si le salarié engagé en extra "se voit confier des missions pendant plus de 60 jours dans un trimestre, il pourra demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée..." ce qui démontre par là même l'existence d'un usage constant de recourir à un contrat à durée déterminée pour pourvoir aux emplois d'extras.

En outre, le salarié ne contredit pas utilement l'employeur qui affirme que tous les maîtres d'hôtel banquets, employés dans l'établissement dont s'agit étaient engagés en contrat à durée déterminée, quand bien même des propositions d'embauche sous contrat à durée indéterminée lui ont été faites en 1996 ou ont été affichées en 2003.

Enfin, le caractère temporaire de cette fonction n'est pas utilement contesté, dans la mesure où la fréquence exacte des banquets ne peut être déterminée à l'avance, comme le montre la différence entre les prévisions communiquées par la société Hôtel Ritz Limited sur cette activité et le chiffre d'affaires effectivement réalisé.

A cet égard, il convient de relever que si M. J. P. Larroque a été engagé à plusieurs reprises par contrat de travail à durée déterminée pour exercer ces fonctions de "maître d'hôtel banquets extra ", c'était pour de courtes durées, entre lesquelles il pouvait travailler pour d'autres employeurs. Ainsi, en 1993, il a conclu, le plus souvent pour une journée, 23 contrats de travail à durée déterminée à compter du mois d'octobre, 142 en 1994, 110 en 1995, 133 en 1996, 154 en 1997, 149 en 1998, 171 en 1999, 174 en 2000, dont 61 entre septembre et novembre 2000, 170 en 2001, 158 en 2002, 134 en 2003, 139 en 2004- 2005.

Enfin, le salarié ne démontre pas qu'il ait dépassé effectivement la limite conventionnelle de travail de 60 jours par trimestre civil, applicable depuis le 6 août 1997, date de l'arrêté d'extension de la convention collective HCR, qui lui permettait de bénéficier d'une requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée.

En effet, il ne contredit pas utilement l'employeur qui fait valoir que le salarié ne peut calculer le nombre de ses vacations en seule référence avec ses bulletins de paie dans la mesure où ceux -ci couvrent une période plus large qu'un trimestre civil.

Il y a en conséquence lieu de le débouter de sa demande de requalification ainsi que de sa demande incidente d'indemnité de ce chef.

En l'absence de requalification, les demandes formées par M. J.P. Larroque au titre de la rupture de son contrat de travail doivent être rejetées dans la mesure où la rupture est en conséquence intervenue au terme de son dernier contrat à durée déterminée.

Il y a également lieu de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance du fait de la précarité de sa situation, étant en outre observé qu'il ne justifie pas avoir subi un préjudice lorsqu'il était en contrat de travail à durée déterminée du fait de périodes de travail effectuées sans temps complet, aucun élément probant n'établissant qu'il aurait accepté de travailler à temps complet en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur les autres demandes de rappels de salaires et demandes afférentes :

M. J. P. Larroque sollicite un rappel de salaires sur la période, non prescrite, de juin 1999 au 31 décembre 2003 et demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré qui l'a débouté de ses demandes.

Il expose qu'engagé par contrats successifs de travail à durée déterminée à compter du 14 octobre 1993, il a été victime d'une discrimination salariale par rapport aux salariés embauchés par contrat de travail à durée indéterminée dans la mesure où il n'a jamais perçu le même salaire que ces derniers.

Se fondant sur le principe "A travail égal, salaire égal", en application des dispositions des articles L.133-5-4ème alinéa, L.136-2-8ème alinéa et L.140-2 du Code du Travail, il fait valoir que, titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée, sa rémunération aurait dû être calculée en application de la grille salariale adoptée au sein de l'entreprise par l'accord du 6 février 1992, et être en conséquence identique à celle des salariés alors engagés par contrat de travail à durée indéterminée et bénéficier en outre des augmentations générales de salaires.

S'appuyant sur les bulletins de paie de collègues de travail relevant de la même catégorie professionnelle et invoquant une jurisprudence de la Cour de Cassation du 25 mai 2005, il souligne que si la grille salariale du 6 février 1992 n'a pas fait l'objet d'une signature par les partenaires sociaux, n'étant qu'une annexe à cet accord du 6 février 1992, elle a été néanmoins appliquée par l'employeur et doit en conséquence lui bénéficier également, en l'absence d'éléments objectifs justifiant une différence de traitement salarial, et ce quand bien même il était engagé sous le régime de contrats de travail à durée déterminée, conformément aux dispositions de l'article L.122-3-3 alinéa 2 du Code du Travail.

Il soutient que la grille salariale litigieuse constitue un engagement unilatéral de la part de l'employeur qui doit lui être appliqué, en vertu du principe "A travail égal, salaire égal", sans distinguer selon la date d'embauche, et que la rémunération au pourcentage ne saurait être considérée comme un avantage individuel acquis dans la mesure où il s'agit d'un système de rémunération collective, qui n'a pas été modifié par l'accord ultérieur du 22 septembre 1994.

Il sollicite en conséquence un rappel de salaires sur la base de la rémunération accordée à un salarié de même qualification que lui et exerçant les mêmes fonctions au sein du service Banquets".

Il conteste toute prise en compte d'une ancienneté différente, en faisant valoir que les salariés de la société Hôtel Ritz Limited bénéficiaient déjà des avantages à ce titre, et notamment une prime.

Outre un rappel de salaires, il sollicite le paiement des différents rappels y afférents, y compris heures supplémentaires et différentes primes comme d'habillage, ainsi que précisé dans ses demandes, celles ci étant étroitement liées à sa demande de rappel de salaires.

Il fait également valoir que l'intéressement qu'il a perçu a été diminué d'autant et sollicite en conséquence des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perception d'un salaire inférieur à celui auquel il avait droit.

La société Hôtel Ritz Limited s'oppose à ses demandes en soutenant que la grille dite "des 15%" sur laquelle se fonde le salarié, ne constituait nullement un barème de salaires minima applicables à l'ensemble des salariés de la société ni un engagement unilatéral de sa part, mais une simple proposition, reprise par avenant individuel, pour les seuls salariés payés selon la rémunération au pourcentage jusqu'en novembre 1991.

L'employeur fait valoir que, dans ces conditions particulières, les salariés embauchés avant 1991 et présents à cette date percevaient une indemnité différentielle pour compenser la perte de rémunération variable qu'ils subissaient du fait de l'abandon de ce système de rémunération à cette date par la dénonciation des accords du 28 février 1985 et 11 janvier 1990 qui l'avaient institué, abandon qui ne pouvait leur faire perdre leurs avantages individuels acquis.

Soulignant que tel n'était pas le cas de l'intéressé, la société Hôtel Ritz Limited soutient que la situation du salarié justifiait en conséquence une rémunération différente.

L'employeur conteste également tout engagement unilatéral de sa part d'appliquer cette grille aux salariés nouvellement embauchés, après la dénonciation desdits accords, en soulignant que l'intéressé a toujours été rémunéré au-dessus du salaire minimum contractuellement garanti aux salariés payés au pourcentage.

Sur la grille salariale, l'employeur relève d'une part qu'elle ne prévoit aucun salaire minimum et se borne à faire apparaître l'ancien salaire minimum prévu par le contrat de travail des salariés payés au pourcentage avant 1992.

D'autre part, il fait valoir que cette grille ne constituait qu'une annexe au procès-verbal de négociation et ne vaut en conséquence pas engagement unilatéral d'appliquer des salaires minima, ce qui est en outre corroboré par le fait que les salariés bénéficiaires ont bénéficié, par avenant individuel, de l'indemnité différentielle compensant leur perte de salaire, et ce en raison de l'échec de la négociation faisant suite à la dénonciation des accords collectifs précédents ;

La société Hôtel Ritz Limited s'oppose également à la réclamation du salarié de percevoir le même salaire que le salarié que l'intéressé prend pour référence sur la base du principe "A travail égal, salaire égal" en faisant valoir que M. J. P. Larroque n'était pas dans une situation identique, en particulier quant à son niveau de qualification, relevant du niveau N3 E1 alors que le salarié avec lequel il se compare relevait du niveau N4 E1.

Il lui conteste de même toute comparaison avec les maîtres d'hôtel du restaurant gastronomique de l'hôtel ou de ceux du "Room Service".

À titre subsidiaire, l'employeur conteste le quantum des sommes sollicitées par le salarié aux titres de rappel de salaires, ainsi qu'au. titre du 13 ème mois, en faisant en outre valoir qu'il ne peut se prévaloir de pertes d'avantages par rapport à l'accord d'intéressement dans la mesure où, compte tenu du mode de répartition de ce dernier, le rappel de salaires qu'il sollicite n'a pas d'impact.

La société Hôtel Ritz Limited estime enfin non fondée la demande formée par le salarié de remise de bulletins de paie rectifiés en faisant valoir qu'en tout état de cause, les bulletins de paie qui seraient émis en cas de condamnation ne sauraient se substituer à ceux émis lors du versement du salaire de l'intéressé, le rappel de salaires éventuel devant être traité comme une somme isolée donnant lieu à cotisations sociales ;

La Cour rappelle que si, aux termes des articles L.140-2, L.133-5-4o et L.136-2-8o du Code du Travail, et du principe "A travail égal, salaire égal", il doit être versé la même rémunération pour les salariés exerçant les même fonctions, qu'ils soient engagés par contrat de travail à durée déterminée ou contrat de travail à durée indéterminée, c'est à la condition qu'ils soient placés dans une situation identique.

M. J.P. Larroque a perçu en dernier lieu un salaire mensuel brut de 1.083, 76 Euros pour un contrat à durée déterminée prévoyant 13 jours de travail dans le cadre de ses contrats de travail à durée déterminée d'extras dont sa demande de requalification a été rejetée. .

En application des dispositions de l'article 1315 du code civil, il lui appartient d'établir des éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité de rémunération alléguée.

M. Larroque compare sa situation salariale avec celle d'un maître d'hôtel, dont il ne précise au demeurant pas l'identité, qui percevait en octobre 2004 un salaire mensuel brut de 2910,56 Euros, qu'il considère comme devant être de 2.920,32 Euros en 2005, compte tenu des augmentations générales intervenues dans la profession.

Cependant, il convient de relever que M. J.P. Larroque n'a été embauché par la société Hôtel Ritz Limited dans son premier contrat à durée déterminée que le 14 octobre 1993, soit postérieurement à l'abandon du système de rémunération au pourcentage et n'a donc pas bénéficié de ce type de rémunération, issu des accords du 28 février 1985 et 11 janvier 1990, en application dans la société Hôtel Ritz Limited jusqu'au mois de novembre 1991.

Quelle que soit la valeur de la grille salariale établie le 6 février 1992, celle-ci ayant été appliquée par l'employeur dans les avenants conclus avec les salariés concernés par l'abandon du système de rémunération au pourcentage, à la suite de l'échec des négociations menées en vue de l'adoption d'un accord de substitution aux accords précités sur la rémunération au pourcentage, il convient de relever que la SA Ritz a fait bénéficier les salariés embauchés avant cette date et ayant bénéficié de la rémunération au pourcentage d'une indemnité différentielle, ayant pour objet de compenser la baisse de rémunération que ceux-ci connaissaient ;

Dès lors, cette indemnité différentielle, ayant un objet licite, à savoir réparer le préjudice résultant pour les salariés précédemment bénéficiaires de la rémunération au pourcentage de l'abandon de ce type de rémunération, constitue un élément objectif, justifiant la différence de traitement salarial adopté par la société Hôtel Ritz Limited envers M. J.P. Larroque.

Compte tenu de l'ensemble de ces constatations, M. J.P. Larroque sera débouté de l'ensemble de ses demandes, étroitement liées à sa demande initiale de rappel de salaires sur le principe " A travail égal, salaire égal ", telles majorations des heures supplémentaires et repos compensateur, primes diverses, congés d'ancienneté, 13 ème mois, participation à la mutuelle, jours fériés, perte d'avantage lié à l'intéressement.

De même, si ses contrats de travail à durée déterminée comprenaient une clause selon laquelle il certifiait n'avoir pas d'engagement en contrat de travail à durée indéterminée à coté de ceux -ci, aucun élément probant n'établit qu'il a subi un préjudice de ce fait, cette clause n'ayant qu'un caractère informatif de l'employeur sur son temps de travail au regard des limites légales.

Sur les demandes de dommages- intérêts pour violation de la durée maximale de travail, non-respect du repos obligatoire :

Les relations contractuelles étant jugées passées sous le régime de contrats à durée déterminée distincts, M. J.P. Larroque ne démontre pas avoir dépassé la durée maximale de temps de travail hebdomadaire prévue tant par le Code du travail que par les accords d'entreprise, ni pu bénéficier du temps de repos légalement prévu, ni n'avoir pu bénéficier de jours de remise pour événements familiaux et congés exceptionnels.

Cependant, il ressort de certains de ses bulletins de paie, qu'il cite à bon droit dans ses écritures auxquelles il est renvoyé, qu'il a travaillé certains jours plus de dix heures dans la journée, dépassant ainsi manifestement la durée maxima de dix heures par jour autorisée par l'article L.212-1 alinéa 2 du Code du travail.

Ce faisant, l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles envers l'intéressé, lui causant un préjudice que la Cour estime suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 2.000 Euros à titre de dommages- intérêts.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé de ce chef mais confirmé pour le surplus.

Les circonstances de la cause et l'équité ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement déféré, à l'exception du rejet de la demande de dommages- intérêts pour violation de l'article L.212-1 du Code du travail,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SA Ritz Limited à verser à M. J.P. Larroque la somme de 2.000 Euros (DEUX MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts de ce chef,

Déboute M. J.P. Larroque du surplus de ses demandes ainsi que la SA Ritz Limited de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne M. J.P. +Larroque aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 05/8693
Date de la décision : 18/12/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 09 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-18;05.8693 ?
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