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13/12/2007 | FRANCE | N°05/22390

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 13 décembre 2007, 05/22390


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 13 DECEMBRE 2007

(no 07/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/22390

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 1996 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 93/9363

APPELANTE

Madame Dorette X... Y...

demeurant ...

94000 VILLEJUIF

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me

Catherine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : A 751

INTIMEE

S.A. SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU CAMEROUN prise en la personne de ses r...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 13 DECEMBRE 2007

(no 07/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/22390

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 1996 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 93/9363

APPELANTE

Madame Dorette X... Y...

demeurant ...

94000 VILLEJUIF

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Catherine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : A 751

INTIMEE

S.A. SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU CAMEROUN prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège ...

DOUALA (CAMEROUN)

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Manuel A... B..., avocat au barreau de PARIS, toque :P548, substituant la SELARL REVASSARD GUEDJ, avocats au barreau de l'Essonne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président

Madame Claire DAVID, Conseiller

Monsieur Louis DABOSVILLE, conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du nouveau Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président, et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte notarié signé à Douala au Cameroun le 17 janvier1986, la Société Générale de Banque au Cameroun a consenti à Mme Dorette X... Y..., résidant en France, un prêt immobilier d'un montant de 25 000 000 francs CFA en vue de l'acquisition d'une résidence secondaire à Douala.

La Société Générale de Banque au Cameroun a pris une hypothèque sur le bien dont le prêt finançait l'acquisition.

Le 22 avril1991, la banque a prononcé la déchéance du terme et a mis Mme Bebey Y... en demeure de régler l'intégralité du prêt.

Mme Bebey Y... a introduit différentes instances au Cameroun.

Saisi d'une demande en paiement de la banque, le tribunal de grande instance de Créteil a, par jugement du 28 mai 1996, condamné Mme Bebey Y... à payer à la Société Générale de Banque au Cameroun la somme de 18 695 661 francs CFA ou leur contre valeur en francs français avec intérêts au taux contractuel de 13,60% à compter du 10 avril1995 et la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Bebey Y... a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 29 juin 2000, l'affaire a été retirée du rôle à la demande des deux parties.

Elle a été remise au rôle le 12 septembre 2002 et a été à nouveau retirée du rôle à la demande des parties par arrêt du 15 octobre 2004.

Elle a été remise au rôle de la Cour le 17 novembre 2005.

Par arrêt du 25 mai 2007, la Cour a :

- sursis à statuer,

- enjoint à la Société Générale de Banque au Cameroun de produire aux débats la convention internationale liant les Etats français et camerounais ou à défaut la loi camerounaise sur la prescription,

- invité les parties à formuler leurs observations sur l'application de ces textes.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le18 octobre 2007, Mme Bebey Y... demande à la Cour de :

- infirmer le jugement,

Statuant à nouveau :

- débouter la Société Générale de Banque au Cameroun de toutes ses demandes,

Subsidiairement,

- surseoir à statuer et ordonner une mesure d'instruction ou désigner tel huissier qu'il appartiendra pour mission de faire les comptes entre les parties et obligation pour la Société Générale de Banque au Cameroun de communiquer un décompte détaillé:

- des sommes dues en vertu du prêt en principal, intérêts et frais,

- des sommes qui lui sont dues en exécution des décisions rendues au Cameroun,

- des pertes de loyers ou indemnités d'occupation qui lui sont dues depuis février 1996 à charge pour celle-ci de justifier la valeur locative de la maison.

Très subsidiairement,

- constater que la Société Générale de Banque au Cameroun renonce à demander l'application du taux conventionnel lequel est à taux variable,

- déclarer nulle la clause d'intérêts conventionnels du prêt sous-seing privé du 17 janvier 1986,

- dire que le prêt du 17 janvier 1986 est assorti du taux d'intérêt légal,

- ordonner la restitution des intérêts trop-perçus par la Société Générale de Banque au Cameroun par imputation de plein droit sur les intérêts échus et, subsidiairement, sur le capital de la créance,

- ordonner la compensation desdites sommes avec celles que l'appelante doit par application de l'article 1289 du Code civil,

Infiniment subsidiairement,

- confirmer la décision dont appel,

- condamner la Société Générale de Banque au Cameroun à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 19 octobre 2007, la Société Générale de Banque au Cameroun demande à la Cour de :

- constater que par son arrêt du 25 mai 2007, la Cour a rejeté l'exception de litispendance et la demande de sursis à statuer de Mme Bebey Y... et écarté l'application de la Convention de Rome et dit que la loi applicable au litige est la loi camerounaise,

- déclarer en tant que de besoin Mme Bebey Y... irrecevable en son exception d'incompétence et de litispendance,

- la déclarer en tant que besoin irrecevable en sa demande de sursis à statuer et en sa demande de mesure d'instruction,

- constater qu'elle verse aux débats le traité portant convention judiciaire entre la France et le Cameroun,

- constater que ledit traité ne comporte pas de dispositions relatives à la prescription,

- constater que la Société Générale de Banque au Cameroun verse aux débats l'article 18 de l'Acte uniforme sur le droit commercial OHADA régissant la prescription en droit camerounais entre commerçants et non commerçants,

- dire et juger irrecevables comme prescrites les demandes de Mme Bebey Y... en nullité du taux d'intérêts dont est assorti le prêt du 17 janvier 1986,

- constater qu'elle verse aux débats l'arrêté no131/MINFI/CE portant conditions de banque,

- constater que celui-ci ne comporte aucune disposition équivalente à celles de l'article L. 313-2 du Code de la consommation français,

- dire que Mme Bebey Y... sur qui pèse le fardeau de la preuve n'établit ni la teneur des dispositions dont elle entendrait se prévaloir, ni leur prétendue violation par la Société Générale de Banque au Cameroun,

- débouter Mme Bebey Y... de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à dire que le montant de la condamnation prononcée contre Mme Bebey Y... le sera en deniers ou quittances et à hauteur de 114.563,28 € selon décompte arrêté au 31 janvier 1993,

- dire que les intérêts sont dus au taux de 13,6 % à compter du 1er février 1993,

- dire que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

- condamner Mme Bebey Y... à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions de procédure du 23 octobre 2007, la Société Générale de Banque au Cameroun demande à la Cour de rejeter des débats les conclusions signifiées par Mme Bebey Y... le 18 octobre 2007.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR,

Sur la procédure

Considérant que la clôture initialement prévue au 12 octobre 2007 a été reportée à la demande des parties, une 1ère fois au 19 octobre et une seconde fois au 26 octobre 2007 ; qu'elle a été rendue le 26 octobre 2007 ;

Considérant que la Société Générale de Banque au Cameroun n'indique pas les raisons pour lesquelles elle n'a pas pu prendre connaissance avant le 26 octobre des conclusions signifiées le 18 octobre par Mme Bebey Y... ; que la violation du principe du contradictoire n'étant pas établie, il ne convient pas de rejeter des débats les conclusions signifiées 8 jours avant la clôture, ce délai étant suffisant pour permettre à la banque d'y répondre ;

Sur l'exception de litispendance

Considérant que Mme Bebey Y... demande à la Cour de se dessaisir au profit de la juridiction camerounaise ;

Mais considérant qu'elle indique que toutes les procédures engagées au Cameroun sont terminées ; que la demande doit donc être rejetée ;

Sur la demande de sursis à statuer assortie d'une mesure d'instruction

Considérant que Mme Bebey Y... demande à la Cour, avant toute décision au fond, de surseoir à statuer et d'ordonner une mesure d'instruction aux fins de déterminer le montant de la créance de la banque ;

Mais considérant qu'il ne peut être pallié à une carence de la Société Générale de Banque au Cameroun par une mesure d'expertise, qui ne pourra en tout état de cause être ordonnée que si la Cour l'estime utile après avoir statué sur le fond du litige ;

Sur la loi applicable

Considérant que la Société Générale de Banque au Cameroun demande l'application de la loi camerounaise, au motif que la loi applicable est la loi de nationalité du banquier prêteur et que les dispositions relevant de l'ordre public français sont applicables aux seuls crédits réalisés en France, ce à quoi Mme Bebey Y... répond que la Cour doit appliquer la loi française du 13 juillet 1979 sur le crédit immobilier, en tant que loi de police, s'imposant comme telle aux parties, comme le prévoit expressément la Convention de Rome ;

Mais considérant que la Convention de Rome, entrée en vigueur le 1er avril 1991, n'est pas applicable au contrat souscrit le 17 janvier 1986 ;

Considérant que le prêt consenti à Douala par une banque camerounaise et destiné à l'acquisition d'un immeuble situé au Cameroun est soumis à la loi camerounaise, dès lors que l'obligation principale se situe au Cameroun ;

Considérant enfin qu'il n'est pas démontré que la loi camerounaise serait incompatible avec l'ordre public français ;

Sur le fond

Considérant que Mme Bebey Y... demande à la Cour de déclarer nulle la clause d'intérêt conventionnel, pour absence de mention du TEG applicable au contrat au mépris des dispositions de l'article L 313-1 du Code de la consommation français ; qu'elle expose également que le taux pratiqué est usuraire ;

Considérant que la banque soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription de 5 ans à compter de l'acte de prêt ;

Mais considérant que la Société Générale de Banque au Cameroun ne produit pas, malgré la demande de la Cour, la loi traitant de la prescription en vigueur lors de la souscription du contrat ; que dans ces conditions, il convient de statuer sur la demande en paiement ;

Considérant qu'il est acquis aux débats qu'il n'existe aucune disposition camerounaise traitant du TEG ; que l'arrêté du Ministre des Finances du 8 janvier 1983 "portant conditions de banque" définit les différents taux d'intérêts applicables aux contrats entre banques et particuliers et permet à la Cour de vérifier qu'aucune disposition équivalente à celle de l'article L. 313-2 du Code de la consommation français n'y est prévue ; que dans ces conditions la clause contractuelle est valable ;

Considérant enfin que si Mme Bebey Y... soutient que le taux pratiqué est usuraire, elle ne l'établit pas et se contente d'indiquer les taux usuraires produits par la Banque de France ; qu'il ne peut donc pas être fait droit à sa demande ;

Considérant que, pour justifier du montant de sa créance, la Société Générale de Banque au Cameroun produit différents relevés de compte ; que le dernier relevé de compte porte sur la somme de 53 746 337 francs CFA ; que de ce montant doivent être déduits "les honoraires et frais de procédure engagés d'avril 1993 à février 1995" qui ne concernent pas la présente instance ; qu'ainsi, il reste dû par Mme Bebey Y... la somme de 48 895 861 francs CFA ;

Considérant que si les premiers juges ont déduit de ce montant la somme de 30 000 000 francs CFA représentant la somme que la banque a obtenue sur le prix de vente de l'immeuble de Mme Bebey Doualla au Cameroun, la Société Générale de Banque au Cameroun demande à la Cour de ne pas tenir compte de ce prix de vente, dès lors qu'en l'état des décisions camerounaises, elle peut être amenée à le restituer à l'acquéreur ;

Considérant que si la cour d'appel de Douala a, par arrêt du 21 mars 2003, confirmé le jugement qui prononçait la nullité de la vente de l'immeuble appartenant à Mme Bebey Y..., cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation de la part de la Société Générale de Banque au Cameroun ;

Considérant qu'en l'état de cette décision non irrévocable, la Cour ne peut pas déduire le prix de vente de l'immeuble par la banque ; que la condamnation au paiement de la somme de 48 895 861 francs CFA doit en conséquence être prononcée en deniers ou quittance, comme le demande la Société Générale de Banque au Cameroun ;

Considérant que les intérêts courront au taux de 13,6 % à compter du 1er février 1995, date du dernier décompte ; que la capitalisation des intérêts est de droit ;

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme Bebey Y...

Considérant que Mme Bebey Y... demande à la banque réparation du préjudice qu'elle subit du fait que la Société Générale de Banque au Cameroun conserve le prix de vente de l'immeuble, alors qu'elle aurait dû restituer cette somme à l'acquéreur à la suite de la décision de justice ayant prononcé la nullité de la vente ;

Mais considérant que ce litige concerne la Société Générale de Banque au Cameroun et l'acquéreur du bien immobilier ; que la demande portant sur le paiement des loyers que Mme Bebey Y... n'a plus perçus depuis juillet 1996 devra être formée devant les juridictions camerounaises, dès lors qu'elle fait suite aux décisions rendues au Cameroun et qu'elle porte sur les loyers dus à l'occupation de l'immeuble situé au Cameroun ;

Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé, à l'exception du quantum de la somme due par Mme Bebey Y... ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la Société Générale de Banque au Cameroun les frais qu'elle a pu engager ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception du quantum de la créance de la Société Générale de Banque au Cameroun,

Et statuant à nouveau quant à ce,

Condamne Mme Bebey Y... à payer en deniers ou quittance à la Société Générale de Banque au Cameroun la somme de 48 895 861 francs CFA ou leur contrevaleur en euros, avec intérêts au taux de 13,60 % à compter du 1er février 1995,

Ordonne la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

Rejette les autres demandes,

Condamne Mme Bebey Y... aux dépens, avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 05/22390
Date de la décision : 13/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Créteil, 28 mai 1996


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-13;05.22390 ?
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