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13/12/2007 | FRANCE | N°05/18048

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 13 décembre 2007, 05/18048


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 13 DECEMBRE 2007

(no07/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/18048

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 09 - RG no 02/06695

APPELANTE

Société anonyme de droit espagnol DEUTSCHE BANK ESPANOLA prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège Diagonal 446

08006 BARCELONE (

ESPAGNE)

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me X... Y..., de la SELARL W S

INTIMES

Maîtr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 13 DECEMBRE 2007

(no07/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/18048

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 09 - RG no 02/06695

APPELANTE

Société anonyme de droit espagnol DEUTSCHE BANK ESPANOLA prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège Diagonal 446

08006 BARCELONE (ESPAGNE)

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me X... Y..., de la SELARL W S

INTIMES

Maître Marie-José Z... prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de Mme Anne-Marie A...

demeurant ...

75001 PARIS

représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assisté de Me Sandra B..., avocat au barreau de PARIS, toque : R183, de la SCP CATALA - THEVENET, substituant la SCP CATALA MARTIN ESPARBIE

S.A. CREDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège ...

ayant son siège central ...

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Bruno C..., avocat au barreau de PARIS, toque : P 462

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président

Madame Claire DAVID, Conseiller

Monsieur Louis DABOSVILLE, conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du nouveau Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président, et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Mme A... a été victime d'une escroquerie de la part de M. D..., résidant en Espagne, qui proposait à des ressortissants français de leur consentir des prêts.

C'est ainsi que le 19 septembre 1995, Mme A... a conclu avec la société European Financial Corporation (EFC, société de droit américain), représentée par la société de courtage en opérations de crédit Consulting Financiero Europeo (CFE, société de droit espagnol), un contrat de prêt de 1 800 000 francs, en contrepartie d'un chèque de "déposit" de 216 000 francs que Mme A... a émis le 30 mai 1995 au profit de la société European Financial Corporation, tiré sur le Crédit Lyonnais.

Chacune des sociétés disposait d'un compte ouvert dans les livres de la Deutsch Bank Espanola, fonctionnant sous la signature exclusive de M. D... (résidant en Espagne). Le chèque de 216 000 francs a été endossé par M. D... au profit de la société CFE puis remis à l'encaissement auprès de la Deutsche Bank Espanola. Le Crédit Lyonnais, banquier tiré, a procédé à son règlement.

Le 13 décembre 1995, M. D... a été arrêté dans le cadre d'un mandat d'arrêt et la procédure pénale s'est terminée par un arrêt du 25 mars 2004 de la cour d'appel de Toulouse qui l'a condamné pour escroqueries et a alloué des dommages et intérêts à Mme A....

Parallèlement, Mme A... a assigné le Crédit Lyonnais estimant qu'il avait commis une faute en ne vérifiant pas la régularité de l'endos du chèque.

Par jugement du 20 septembre 1999, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de Mme A... et désigné Maître Z... en qualité de mandataire liquidateur. Le Crédit Lyonnais a régulièrement déclaré ses créances au titre de prêts consentis à Mme A... ainsi que du solde débiteur de ses comptes courants.

Afin d'obtenir la condamnation du Crédit Lyonnais au paiement d'une somme égale au montant du chèque de "déposit" à titre de dommages et intérêts, Me E..., ès-qualités, a repris la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris. Le Crédit Lyonnais a appelé en intervention forcée la Deutsche Bank Espanola prise en qualité de banque présentatrice.

Par jugement du 8 juin 2005, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné le Crédit Lyonnais à payer à Me Z..., ès-qualités, la somme de 32.928, 99 € outre intérêts légaux à compter du 15 septembre 1998,

- fixé la créance du Crédit Lyonnais à l'encontre de Maître Z... ès-qualités aux sommes de :

- 4.575, 85 € outre intérêts au taux de 12, 44% à compter du 31 décembre 1998,

- 1.262, 92 € outre intérêts au taux de 14, 55% à compter du 15 février 1999,

- 38.472, 08 € outre intérêts au taux du prêt majoré de trois points à compter du 15 février 1999,

- 928, 02 € outre intérêts au taux de 17, 08% à compter du 15 février 1999,

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 21 septembre 1999,

- ordonné la compensation entre les créances respectives du Crédit Lyonnais et de Maître Z... ès qualités,

- condamné la Deutsche Bank Espanola à garantir le Crédit Lyonnais dans la limite des 2/3 de la somme de 32.928, 99 € outre intérêts à compter du 15 septembre 1998,

- condamné le Crédit Lyonnais à payer à Maître Z... ès qualités la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 25 août 2005, la société Deutsche Bank Espanola a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 10 mai 2007, la Cour d'appel de Paris a sursis à statuer et invité les parties à formuler leurs observations sur l'application de la convention de Genève et sur la loi applicable au regard de cette convention, dans leurs relations avec la Deutsche Bank Espanola.

Dans des dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 6 juillet 2007, la S.A. Deutsche Bank Espanola demande à la Cour :

- dire que le droit espagnol est applicable à l'action en responsabilité engagée contre elle,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à garantir le Crédit Lyonnais dans la limite des 2/3 de la somme de 32.928, 99 € outre intérêts légaux à compter du 15 septembre 1998,

- de condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 31 juillet 2007, le Crédit Lyonnais demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa créance sur Maître Z... ès-qualités et ordonné la capitalisation des intérêts,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au profit de Me Z...,

A titre subsidiaire :

- de condamner la Deutsche Bank Espanola à le garantir de l'intégralité des condamnations éventuelles prononcées à son encontre,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la compensation entre les créances respectives du Crédit Lyonnais et de Me Z...,

- de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 4 octobre 2007, Maître Z... es-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme A... demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 32.928, 99 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 1998,

- de condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 7.622, 45 € en réparation du préjudice moral,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli la demande reconventionnelle du Crédit Lyonnais sur le prêt d'équipement,

- de dire que le Crédit Lyonnais a commis une faute dans l'octroi du crédit d'équipement de 43.447, 97 € et, en conséquence, de le condamner à lui payer la somme de 38.472, 09 € pour le préjudice subi,

- d'ordonner la compensation judiciaire avec les sommes qui peuvent être dues par Mme A... au Crédit Lyonnais,

- de condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR,

Sur la loi applicable

Considérant que l'action en responsabilité bancaire est soumise aux dispositions de la Convention de Genève ; que l'action dirigée contre la Deutsche Bank Espanola est une action en responsabilité délictuelle, dont le fait générateur s'est réalisé en Espagne ;

Qu'il s'ensuit qu'elle est soumise à la loi espagnole ;

Sur la mise en cause de la responsabilité du Crédit Lyonnais

Considérant que le Crédit Lyonnais, en qualité de banque tirée, avait l'obligation, en application de l'article L.131-45 du Code monétaire et financier, de vérifier que le chèque, stipulé non endossable, était endossé au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé ;

Considérant que l'examen du verso du chèque montre que celui-ci, ayant été initialement libellé à l'ordre de l'European Financial Corporation (EFC), avait été endossé au profit de la société Consulting Financiero Europeo (CFE) ;

Considérant que le Crédit Lyonnais ne prétend pas que la société CFE était un établissement bancaire ; qu'il ne peut pas, en sa qualité de banquier tenu à des obligations précises, soutenir qu'il ne savait pas que la société CFE n'était pas une banque, alors qu'il lui appartenait d'obtenir tous renseignements utiles sur ce point ;

Qu'il a donc commis une faute en procédant au paiement d'un chèque endossé au profit d'une société commerciale ;

Sur la mise en cause de la responsabilité de la Deutsche Bank Espanola

Considérant que l'article 141 de la loi espagnole no19/1985 du 16 juillet 1985 impose au banquier tiré de vérifier la régularité de la chaîne des endossements ;

Considérant que le chèque barré et stipulé non endossable n'existe pas en Espagne ; qu'il n'appartient donc pas à la banque présentatrice espagnole de vérifier que l'endossement figurant au dos du chèque remplissait les conditions prévues à l'article L. 131-45 du Code monétaire et financier français ;

Que la Deutsche Bank Espanola doit donc être mise hors de cause ;

Sur le préjudice subi par Mme A...

Considérant que si Mme A... a subi un préjudice, c'est à la suite des agissements de M. D... à son égard, comme l'a relevé la cour d'appel de Toulouse dans son arrêt du 25 mars 2004 ;

Considérant que l'endossement irrégulier du chèque n'entraîne pas la nullité de celui-ci ; que si la société EFC a endossé le chèque à l'ordre de la société CFE, cette opération a été sans influence sur le fait que M. D..., dirigeant des deux sociétés CFE et EFC, en a touché le montant, dans le cadre de l'escroquerie qu'il a mise en place au préjudice de Mme A... ; qu'ainsi, le chèque n'a pas été payé à un tiers, son montant étant resté entre les mains de M. D... ;

Considérant que Mme A..., qui avait régulièrement émis le chèque au profit de la société EFC, aurait donc vu de toute manière son compte bancaire débité de son montant, même si le Crédit Lyonnais n'avait pas commis de faute et l'avait payé au profit de la société EFC ; qu'ainsi la faute de la banque n'a pas contribué à concourir à l'escroquerie ;

Considérant que le lien de causalité entre la faute commise par le Crédit Lyonnais et le préjudice subi par Mme A... n'est donc pas établi ; que cette dernière doit donc être déboutée de sa demande en dommages et intérêts dirigée contre le Crédit Lyonnais ;

Sur la faute reprochée au Crédit Lyonnais dans l'octroi du crédit d'équipement

Considérant que Me Z..., ès-qualités, reproche au Crédit Lyonnais d'avoir commis une faute en allouant à Mme A... le 23 février 1996 un "crédit de restructuration" pour un montant de 285 000 francs, dans le cadre d'un "prêt d'équipement à long terme", alors qu'elle savait que l'objet de ce crédit était de combler le découvert occasionné par la perte des sommes détournées par M. D... ; qu'elle en conclut que la banque, ayant connaissance de la situation financière délicate dans laquelle se trouvait sa cliente, n'aurait pas dû lui conseiller de recourir à l'emprunt afin de substituer un crédit à un découvert bancaire ;

Mais considérant que Me Z..., ès-qualités, ne produit ni les relevés de compte de Mme A... à la date de souscription de l'emprunt ni l'état de ses revenus et charges, privant ainsi la Cour de la possibilité d'apprécier les capacités financières de cette dernière et par là-même l'étendue du devoir de mise en garde de la banque ;

Que la demande de dommages et intérêts ne peut donc pas prospérer ;

Sur la créance du Crédit Lyonnais

Considérant que Me Z..., ès-qualités, ne conteste pas le quantum des sommes allouées au Crédit Lyonnais par les premiers juges ;

Considérant en conséquence que le jugement doit être partiellement confirmé ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge du Crédit Lyonnais et la Deutsche Bank Espanola les frais qu'ils ont pu engager, Me Z..., ès-qualités, qui succombe en ses prétentions étant condamnée aux dépens de 1ère instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions portant fixation de la créance du Crédit Lyonnais à l'encontre de Me Z..., ès-qualités,

Le réforme en ce qu'il a condamné le Crédit Lyonnais au paiement de dommages et intérêts et d'une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné la Deutsche Bank Espanola à garantir le Crédit Lyonnais,

Et statuant à nouveau,

Déboute Me Z..., ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de Mme A..., de ses demandes de dommages et intérêts,

Rejette les autres demandes,

Condamne Me Z..., ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de Mme A..., aux dépens de 1ère instance et d'appel, avec distraction au profit des avoués concernés dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 05/18048
Date de la décision : 13/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 08 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-13;05.18048 ?
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