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12/12/2007 | FRANCE | N°7

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0133, 12 décembre 2007, 7


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre A

ARRET DU 12 Décembre 2007

(no 7 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/08756

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2005 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section Commerce RG no 03/00783

APPELANTE

YUSEN AIR et SEA SERVICE (FRANCE)

Village Fret - Bât.3447

7 rue du Té, Fret 4

93290 TREMBLAY EN FRANCE

représentée par Me Denis DUPONCHEL, avocat au barreau

de PARIS, toque : J 111

INTIME

Monsieur Jean-Michel X...

...

75013 PARIS

représenté par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre A

ARRET DU 12 Décembre 2007

(no 7 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/08756

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2005 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section Commerce RG no 03/00783

APPELANTE

YUSEN AIR et SEA SERVICE (FRANCE)

Village Fret - Bât.3447

7 rue du Té, Fret 4

93290 TREMBLAY EN FRANCE

représentée par Me Denis DUPONCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : J 111

INTIME

Monsieur Jean-Michel X...

...

75013 PARIS

représenté par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 99

PARTIE INTERVENANTE :

LA HAUTE AUTORITE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'EGALITE (HALDE)

11 rue Saint Georges

75009 PARIS, représentée par Me Marc DESMICHELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 078

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Alain CHAUVET, Président

Monsieur Bernard SCHNEIDER, Conseiller

Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur Alain CHAUVET, Président

- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Evelyne MUDRY, greffier présent lors du prononcé.

**

FAITS PROCEDURE et MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 4 avril 2005 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY a :

- condamné la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE à verser à M. Jean-Michel X...

• 7 274,09 € en paiement d'heures supplémentaires pour les années 2001/2002

• 727,14 € à titre de dommages-intérêts pour non octroi des repos compensateurs

• 200 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

La Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe le 19 septembre 2005 ;

Aux termes de ses conclusions déposées le 15 octobre 2007 dont il a requis oralement l'adjudication et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE appelante au principal et intimée incidemment, demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et d'ordonner le remboursement par M. X... des sommes qu'il a perçues en exécution du jugement

- de dire qu'il n'a pas fait l'objet de mesures discriminatoires pendant l'exécution de son contrat de travail

- de dire que son licenciement ne procède pas d'un motif discriminatoire lié à son appartenance syndicale et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- de débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

Par des écritures déposées le 15 octobre 2007 dont il a été requis oralement l'adjudication et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, M. Jean-Michel X... demande :

- la confirmation du jugement et le débouté de la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE sur la question des heures supplémentaires

- le prononcé de la nullité de son licenciement et la condamnation de la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE à le réintégrer dans son emploi à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard pendant 60 jours passé lequel délai il devra être à nouveau statué, la Cour se réservant la connaissance des suites de son arrêt

- la condamnation de la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICEà lui payer l'ensemble des salaires et accessoires qu'il aurait perçus s'il n'avait pas été licencié, avec les bulletins de paye correspondants ;

- la condamnation de la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE à lui payer une somme de

30 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi résultant des mesures discriminatoires dont il a fait l'objet pendant l'exécution de son contrat de travail et à l'occasion de la rupture de celui-ci ;

- le paiement de 2 500 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par des écritures déposées le 15 octobre 2007 dont il a été requis oralement l'adjudication et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments la HALDE, intervenant volontairement à la procédure, demande à la Cour, au visa des textes qui la régissent, de :

- la déclarer recevable dans ses observations

- faire droit à ses conclusions notifiées aux parties dans la délibération no 2007-188 en date du 2 juillet 2007, considérant que l'intimé a fait l'objet d'une discrimination liée à des activités syndicales de la part de la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE son employeur ;

MOTIFS

Considérant, en ce qui concerne le litige initial relatif au refus de payer les heures supplémentaires qui lui étaient demandées, que l'appelante expose sans être précisément démentie, qu'en raison de ses difficultés financières elle a fait en sorte de limiter le plus possible les heures excédant les 35 heures légales entrant en vigueur le 29 janvier 2001 par une gestion du temps de présence, ainsi qu'il suit :

- contrôle par badges, avec autonomie dans le temps de travail et création d'un horaire variable de travail ;

- paiement d'heures supplémentaires n'intervenant qu'exceptionnellement, sur demande préalable du chef de service, après accord de la direction,

- formulaire individuel devant être transmis au Responsable du service tous les lundis, pour la semaine écoulée, faisant le relevé exhaustif des heures supplémentaires ;

Considérant que l'appelante ajoute que le système ainsi mis en place a été respecté par les salariés, après approbation du comité d'entreprise et des délégués du personnel le 10 janvier 2001 dont il n'est pas établi qu'ils aient formulé des réserves ;

Considérant enfin qu'elle produit aux débats des "fiches d'heures supplémentaires" en provenance de différents services à titre d'éléments de comparaison ;

Considérant que les fiches de pointage établies par l'intimé à compter du 1er janvier 2001 ne permettent pas à elles seules, au regard de ce dispositif, de constater qu'il a effectué des heures supplémentaires demandées et acceptées par son chef de service, conformément au règlement intérieur, pour la période considérée par lui de manière globale pour 2001-2002;

Considérant qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement, étant observé en dernier lieu que la non admission du pourvoi en cassation formé par la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE contre un jugement similaire du Conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 4 avril 2005 ayant fait droit à une demande d'heures supplémentaires, prononcé en ces termes par la Haute Juridiction le 8 mars 2007 n'est pas sérieusement de nature, en l'espèce, à conforter la demande ;

Considérant, par voie de conséquence, qu'il convient d'infirmer le jugement pour avoir fait droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires et d'accessoires ;

Sur la nullité du licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement en date du 3 mai 2006 qui fixe les limites du litige au regard des griefs allégués par l'employeur, est rédigée dans les termes suivants :

"Vos responsables hiérarchiques ont déjà eu l'occasion de vous rappeler verbalement, et à plusieurs reprises, que nous ne pouvions tolérer vos agissements consistant à vous absenter de votre poste de travail, sans prévenir, pour des conversations téléphoniques personnelles passées de votre portable durant des "pauses" anormalement longues et, en tout état de cause, d'une durée supérieure aux dix minutes prévues matin et après-midi par notre règlement intérieur ;

Par ailleurs, votre journal de pointage du 20 février au 19 mars 2006 mentionne respectivement en date du 22 février 2006 et du 27 février 2006 des pointages à 11 h 54 et 10 h 38, soit en dehors des plages horaires autorisées. A aucune de ces occasions, vous n'avez jugé bon de prévenir vos responsables de ces absences qui, comme vous l'avez confirmé par la suite, étaient déjà programmées.

En outre, votre manque de sociabilité a entraîné le rejet de votre entourage personnel et a conduit, par là-même, à la dégradation de l'ambiance de travail au sein du service. Ce comportement et son influence néfaste sur vos collègue sont préjudiciables aux conditions de travail et à la bonne marche du service, compte tenu des frictions qu'il génère.

A l'énoncé de ce troisième grief, à 11 h 20, vous vous êtes levé en déclarant vouloir quitter l'entretien. Vous avez eu une attitude agressive et inquiétante parfaitement inadmissible, vous déplaçant et brandissant votre bras gauche vers moi dans un geste menaçant, ce qui m'a conduit à vous demander de cesser immédiatement. Cette attitude ne fait hélas que confirmer le caractère peu sociable et parfois menaçant de votre comportement, à la limite de l'insubordination.

Toujours à un niveau relationnel, nous retenons contre vous des propos désobligeants et diffamants à l'encontre de nos collaborateurs, tenus à maintes occasions, que ce soit verbalement lors de réunions du Comité d'entreprise, ou par écrit, comme en atteste votre courrier du 18 novembre 2005 à en-tête du syndicat CFE-CGC auquel vous apparteniez. Ce même syndicat vous a d'ailleurs reproché ce courrier, interdit l'utilisation de son en-tête sans son accord express et vous a donné des instructions de lui soumettre au préalable tous documents ou sujets. En dépit de notre réponse du 24 novembre 2005, nous sommes encore à ce jour dans l'attente d'éléments additionnels de votre part pour mener nos investigations plus en avant.

Enfin, et outre les difficultés comportementales, nous déplorons votre lenteur dans le traitement des dossiers qui vous sont confiés. Comme en attestent nos statistiques, vous mettez deux à trois fois plus de temps que tout autre agent de transit à traiter un dossier, ce qui est préjudiciable au rendement du service export aérien auquel vous appartenez. Ceci confirme aussi votre manque d'implication dans l'exécution de vos tâches."

Considérant, qu'aux termes de ses conclusions, M. X... soutient que ces griefs ne sont pas constitués et que la lettre de licenciement est "en partie motivée par des griefs qui se rattachent à l'exercice des mandats de membre du comité d'entreprise en 2005 ou de délégué syndical en 2006, caractéristiques d'une discrimination syndicale"

Considérant qu'il demande en conséquence à la Cour de constater la nullité de ce licenciement par application des articles L 412-2 et L 122-45 du code du travail lesquels interdisent à l'employeur de prendre en considération l'appartenance ou l'activité syndicale d'un salarié pour arrêter une décision ;

Considérant que la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE s'oppose à cette demande au motif principal que la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical n'a pas entraîné de sa part une contestation de cette désignation mais une inquiétude devant les difficultés créées dans l'entreprise par le comportement de l'intéressé et les relations conflictuelles dont il était à l'origine, que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement traduisent objectivement des insuffisances personnelles de l'intéressé dans l'exécution de son travail, rappellent un emploi abusif du papier à en-tête du syndicat pour une intervention personnelle, une production insuffisante dans l'exécution de son travail et un comportement négatif à l'égard de ses collègues ;

Considérant que la HALDE qui intervient de façon régulière à la procédure, conformément à son statut, aux textes qui la régissent, et à sa délibération du 2 juillet 2007,les échanges d'écritures entre les parties, devant la présente juridiction, ayant par la suite achevé le caractère contradictoire de son rapport, rapporte la preuve que l'employeur a multiplié auprès du Syndicat SNAT-CFE-CGC, qui avait mandaté M. X..., des correspondances n'ayant d'autre objet que de faire écarter ce syndicaliste par son propre syndicat ;

Considérant ainsi que 8 jours après la désignation de M. X... comme délégué syndical, le 27 avril 2005, la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE, - M. DE Y... écrit au SNAT dans ces termes afin de lui faire part de ce que son choix est malvenu : "M. X... fait aujourd'hui l'objet d'un regrettable mais bien réel rejet de l'ensemble des collaborateurs"..

Considérant que le 23 juin 2005 elle adresse un document de nature à établir "l'absence de crédibilité de celui-ci envers le personnel" ;

Considérant que le 7 juillet 2005 la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE adresse un autre long courrier se terminant par une menace de ne plus animer le C.E. si "l'ambiance doit perdurer" ;

Considérant que force est de constater ultérieurement que le "dé-mandatement" de M. X..., par son syndicat le 12 avril 2006, moins d'un an après sa désignation, le 19 avril 2005, a rendu possible le licenciement sans autorisation administrative de l'intéressé, faisant aboutir ainsi la volonté de l'employeur d'écarter M. X... des fonctions de délégué syndical ;

Considérant dès lors que sans qu'il y ait lieu d'examiner plus précisément les griefs articulés dans la lettre de licenciement il se déduit de ces lettres que l'employeur est intervenu de multiples fois, à répétition, directement auprès de son salarié, ou indirectement auprès de son syndicat, pour rendre possible un licenciement qu'il estimait souhaitable afin de contrecarrer son activité dans l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte par conséquent de l'ensemble des faits qui précèdent que, en infraction avec les dispositions des articles L 412-2 et L 122-45 du code du travail M. X... a été l'objet d'une discrimination pour avoir été licencié le 25 avril 2006 en raison notamment de son appartenance syndicale ;

Considérant qu'en application de l'article L 122-45 du code du travail le licenciement prononcé en violation des règles qu'il édicte est nul et que M. X... est fondé à demander la réparation de ce licenciement ;

Considérant qu'il convient, conformément à sa demande, d'ordonner sa réintégration sous astreinte et de lui allouer à titre de dommages-intérêts la somme de 24 000 € représentant un an de salaire sur la base indiquée par lui de 2010 € par mois, calculée sur une moyenne de 13 mois, indépendamment de son activité professionnelle depuis son licenciement pour lequel il n'est pas fourni de renseignement ;

Considérant qui'il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 4 avril 2005;

Déclare régulière l'intervention volontaire de la HALDE ;

Dit que sa demande est régulière à l'issue d'un échange contradictoire de moyens entre les parties ;

Annule le licenciement de M. X... par application des dispositions des articles L 412-2 et L 122-45 du code du travail ;

Ordonne la réintégration de M. X... dans son poste de travail ou tout poste équivalent dans les locaux de la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE dans les trois mois de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il devra être à nouveau fait droit ;

Dit que le contrôle éventuel de cette mesure relèvera du Juge de l'exécution ;

Condamne la Sté YUSEN AIR et SEA SERVICE à payer à M. X... la somme de 24 000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0133
Numéro d'arrêt : 7
Date de la décision : 12/12/2007

Références :

ARRET du 02 juin 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juin 2010, 08-40.628, Publié au bulletin

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 04 avril 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-12;7 ?
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