Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
3ème Chambre-Section A
ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2007
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 15347
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2006- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 02 / 09677
APPELANT
Monsieur Claude Pierre Marie Jean-François Y...
né le 18 Janvier 1931 à SEPTEUIL 78
de nationalité française
demeurant ...
75007 PARIS
représenté par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assisté de Me Z...GODEFROY Sophie, avocat au barreau de PARIS, toque : P194
(SCP KRIEF GORDON)
INTIMES
Monsieur Jean-Pierre A...
demeurant ...
75008 PARIS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me B...Alain, avocat au barreau de PARIS, Toque L0130, (CABINET B...AVOCATS)
S. A. ETABLISSEMENTS BELLABY venant aux droits de la SOCIÉTÉ DE GESTION ET DE PARTICIPATIONS COMMERCIALES ET INDUSTRIELLES
ayant son siège ...
75008 PARIS
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me C...Bertrand, avocat au barreau de PARIS, toque : C827
S. A. R. L. JACQUES TOURON et ASSOCIES
ayant son siège 101 rue de Prony
75017 PARIS
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques-Alexandre TREGOUET, avocat au barreau de PARIS, toque : B 905
Monsieur Jacques E...
...
75017 PARIS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me B...Alain, avocat au barreau de PARIS, Toque L0130, (CABINET B...AVOCATS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette CHAGNY, Président
Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du nouveau code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Madame CHAGNY, président et par Madame HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement rendu le 29 / 6 / 2006 par la 5ème chambre du tribunal de grande instance de Paris qui, dans ses dispositions essentielles, a déclaré l'action de M. Claude Y...irrecevable, a débouté Messieurs A...et E..., la société Etablissements Bellaby, la société Jacques E...et associés de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive, a condamné Monsieur Claude Y...à payer à Messieurs A...et E...ainsi qu'à la société Jacques E...et associés la somme de 1. 500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur Claude Y...à l'encontre du dit jugement ;
Vu les conclusions signifiées le 10 / 1 / 2007 par M. Y...qui demande à la cour " d'infirmer le jugement entrepris, de condamner conjointement et solidairement Messieurs A...et E...à (lui) payer d'ores et déjà à titre provisionnel une somme de 1. 250. 000 € à titre de dommages-intérêts correspondant à son préjudice, à savoir la perte de la valorisation normale de ses titres en raison des détournements ci-dessus exposés et le préjudice causé par les manipulations financières fautives ayant entrainé une perte de la valeur des titres depuis 1988 ainsi que par les multiples manoeuvres ayant abouti à faire avaliser par l'appelant des comptes manipulés et des faux bilans, d'ordonner que le jugement à intervenir soit opposable aux sociétés venant aux droits de la société SGPCI (Société de gestion et de participations commerciales et industrielles), d'ordonner... une expertise confiée... à un expert comptable judiciaire... et à un commissaire aux comptes expert aux fins de contrôler dans quelles conditions et moyennant quels versements ou mouvements de fonds, Monsieur A...et Monsieur E...ont souscrit au capital ou acquis ou cédé des titres de la SGPCI ou de ses filiales, d'examiner et dire dans quelle conditions ils ont perçu de la SGPCI ou de ses filiales quelque somme que ce soit à quelque (titre ?) que ce soit, notamment prélèvement ou rémunérations en précisant la cause juridique réelle de ces perceptions et d'une manière générale, de décrire leurs rapports juridiques et financiers avec la société SGPCI et ses filiales et de déterminer le manque à gagner ou les préjudices qui ont pu en résulter pour les autres associés et les sommes dont ils seraient redevables s'il y a lieu pour rétablir dans les comptes l'égalité des associés, de condamner conjointement et solidairement Messieurs A...et E...à (lui) payer une somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile " ;
Vu les conclusions signifiées le 29 / 3 / 2007 par Monsieur Jean-Pierre A...et Monsieur Jacques E..., intimés et appelants incidents qui, à titre principal concluent à la confirmation du jugement déféré, à titre subsidiaire, demandent à la cour soit de déclarer l'action prescrite, soit de débouter M. Y...de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire " de désigner un expert qui aura pour mission de déterminer dans quelles conditions (M. Y...) a administré la société SGPCI et de contrôler dans quelles conditions et moyennant quels versements ou mouvements de fonds il a souscrit au capital ou acquis ou cédé des titres de la SGPCI ou de ses filiales, d'examiner et de dire dans quelles conditions il a perçu de la SGPCI ou de ses filiales quelque somme que ce soit en précisant la cause juridique de ces perceptions et le cas échéant de déterminer le manque à gagner ou les préjudices qui ont pu en résulter pour les autres associés et les sommes dont ils seraient redevables s'il y avait lieu pour rétablir l'égalité des associés, en toute hypothèse d'infirmer le jugement en ce qu'ils les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, de condamner M. Y...à ce titre au paiement de la somme de 40. 000 € à M. A..., 30. 000 € à M. E..., et de le condamner également à payer à chacun la somme de 15. 000 € HT sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 29 / 3 / 2007 par les Etablissements Bellaby, venant aux droits de la société SGPCI, qui sollicitent de la cour qu'elle confirme le jugement déféré, à défaut qu'elle déclare l'action prescrite, à titre subsidiaire qu'elle déboute l'appelant de ses demandes, si une expertise était ordonnée que mission soit donnée à l'expert " de déterminer dans quelles conditions M. Y...a administré la société SGPCI notamment en ce qui concerne les faits allégués dans son assignation, de contrôler dans quelles conditions et moyennant quels versements ou mouvements de fonds M. Y...a souscrit au capital ou acquis ou cédé des titres de la SGPCI ou de ses filiales, d'examiner et dire dans quelles conditions il a perçu de la SGPCI ou de ses filiales quelque somme que ce soit en précisant la cause juridique de ces perceptions et le cas échéant de déterminer le manque à gagner ou les préjudices qui ont pu en résulter pour les autres associés et les sommes dont ils seraient redevables s'il y avait lieu pour rétablir dans les comptes l'égalité des associés ", qu'elle infirme le jugement entrepris et condamne M. Y...à payer la somme de 30. 000 € pour procédure abusive ainsi que celle de 20. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 27 / 3 / 2007 par la société Jacques E...et associés, intimée, qui conclut à la confirmation de la décision entreprise, demande sa mise hors de cause et la condamnation de M. Y...au paiement de la somme de 5. 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant que Messieurs Gilbert F...et Jean Pierre A..., promoteurs spécialisés dans la construction et la commercialisation de grands centres commerciaux et de services annexes en Europe et aux Etats Unis, ont créé en octobre 1983 une société dénommée Société de gestion et de participations commerciales et industrielles (SGPCI) dont ils détenaient 86 % du capital ; qu'en janvier 1988, Monsieur Y...a investi dans cette société, qui est devenue une société anonyme, une somme de 2. 400. 000 FF ;
Considérant que M. F...est décédé à la fin de l'année 2000 ; que sa veuve et ses héritiers ont manifesté la volonté de liquider les sociétés et opérations de promotion qu'il animait ; que le gendre de M. F..., M. de G..., a été nommé PDG de la société avec pour mission de mettre un terme à l'activité du groupe, de procéder à la dissolution des sociétés concernées ou la cession à des tiers de leurs droits sociaux ; que les associés, plutôt que de procéder à une dissolution, ont privilégié la proposition d'une société spécialisée qui envisageait d'acquérir la totalité des titres pour un prix global se chiffrant à 95 % du solde d'actif ; que cette cession de titres supposait préalablement l'acceptation des comptes et du bilan de l'exercice 2000 de la société SGPCI et la signature d'une garantie de passif et d'actif en faveur du cessionnaire ; que seul M. Y...a refusé de participer à l'assemblée convoquée et à la cession projetée ; qu'il a cédé ses titres à M. de G...en décembre 2001 ;
Considérant que par actes des 30 / 5 / 2002 et 27 / 6 / 2002, M. Y...a assigné M. E..., M. A..., la SGPCI aux fins d'obtenir une provision et une expertise ; qu'il a sollicité le versement d'une somme de 1. 250. 000 € correspondant à son préjudice " à savoir la perte de la valorisation normale de ses titres en raison des détournements et le préjudice causé par les manipulations financières fautives ayant entraîné une perte de la valeur des titres depuis 1988 ainsi que par les multiples manoeuvres ayant abouti à lui faire avaliser des comptes manipulés et des faux bilans " ; qu'il a exposé que la société SGPCI avait acquis pour près de 93 millions de francs, par l'intermédiaire de deux sociétés néerlandaises contrôlées par Messieurs A...et E..., des terrains et des droits à construire à Valence (Espagne) pour édifier des supermarchés, des locaux commerciaux et des immeubles d'habitation alors que les terrains étaient inconstructibles ;
Considérant que M. Y...a également évoqué " d'autres prélèvements apparemment abusifs correspondant à d'autres opérations (qui) ont été relevés dans les comptes et justifieraient un contrôle expertal pour déterminer les autres abus éventuels effectués au préjudice de leurs autres associés " ;
Considérant que par le jugement déféré, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré l'action de M. Y...irrecevable au motif qu'il exerçait une action sociale alors qu'il n'était plus actionnaire par suite de la cession opérée le 22 / 12 / 2001 ;
Considérant que devant la cour, M. Y...précise qu'il exerce l'action individuelle de l'associé qui se plaint d'avoir subi un préjudice personnel distinct de celui supporté par la société, ce préjudice étant " à la fois un préjudice économique par la dépréciation de ses titres et un préjudice politique par le non respect de son droit à l'information " ; qu'en l'état son action doit être déclarée recevable ; que le jugement sera donc infirmé ;
Considérant que les intimés soutiennent que l'action exercée est prescrite aux termes de l'article L225-254 du code de commerce qui prévoit que l'action en responsabilité contre les administrateurs se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé de sa révélation ; que l'appelant n'a pas répondu en temps utile à leurs conclusions ; qu'il s'est également abstenu de préciser le fondement juridique des demandes dirigées contre " Messieurs A..., E..., associés et administrateurs et en ce qui concerne M. E..., également expert comptable de la société SGPCI " ; qu'il a intimé la SGPCI et la société Jacques E..., dont il est constant qu'elles n'ont jamais été administrateurs, tout comme M. E...d'ailleurs ; que dès lors la cour se doit d'examiner l'affaire au fond dans la mesure où il n'est pas exclu que M. Y...invoque la responsabilité délictuelle de droit commun et donc les règles de la prescription trentenaire et qu'il soutient qu'il a eu la révélation en 2000 de faits qui lui avaient été jusque là dissimulés et qui constitueraient une faute de gestion de la part de M. A...qui a été administrateur ;
Considérant qu'il convient d'emblée de dire que l'examen de la cour sera limité à l'opération immobilière prévue sur les terrains de Valence, les autres faits dommageables invoqués par M. Y...pour justifier " un contrôle expertal pour déterminer les autres abus éventuels effectués au préjudice de leurs autres associés " étant, en l'absence de précision, dépourvus de consistance et purement hypothétiques ;
Considérant que M. Y...prétend qu'il a appris en 2000, en prenant connaissance du cahier des charges et d'une procédure d'adjudication de droits concernant une société Sofhaci, société faisant partie du groupe SGPCI, " que depuis 1988 il était notoire que l'opération projetée à Valence (construction de supermarchés et de locaux commerciaux et d'habitation représentant une surface totale à construire de 184. 109 m2) n'était pas réalisable puisque l'administration espagnole avait pris une décision de classement des terrains en zone rurale interdisant tous projets de construction et d'urbanisation " ; qu'il a ainsi découvert que " les associés majoritaires de la société avaient monté de toute pièce une affaire frauduleuse, leur ayant permis de soustraire des sommes considérables au préjudice des sociétés qu'ils contrôlaient et des associés minoritaires qui ont été dupés... M. E...se gardant bien d'établir tout rapport et en particulier tel que prévu par les textes légaux sur les obligations des associés ou dirigeants des sociétés impliqués dans les contrats avec la dite société " ; que, selon lui " l'opération (était) probablement fictive, les dirigeants sachant dès le début qu'elle était irréalisable " ; qu'il souligne le rôle majeur joué par Messieurs E...et A...dans le cadre de la société SGPCI et de ses filiales, qui sous couvert des sociétés hollandaises qu'ils contrôlaient (Bowood BV et Marquina BV qui détenaient la totalité des actions d'une société de droit espagnol, H...Marina de Valencia elle-même propriétaire des terrains et des droits), ont cédé en 1990 pour le prix de 92. 999. 953 FF à la société SGPCI le contrôle d'une opération immobilière et commerciale en Espagne qui n'a pu se réaliser, les terrains étant inconstructibles ; que M. Y...précise que " les fautes extrêmement graves ci-dessus décrites " ont causé un préjudice direct et considérable puisque sur cette opération litigieuse " la société aurait du voir apparaître en 2001 un actif net majoré des sommes détournées de la somme de 92. 999. 953 FF valeur 1990 " ; qu'il ajoute que son préjudice est aussi constitué par le fait qu'il a subi de la part des associés majoritaires des abus de majorité par lesquels, pour dissimuler des manoeuvres frauduleuses et des infractions à la législation sur les sociétés, ces derniers ont présenté des comptes rendus de gestion faussés, que M. E..., en sa qualité d'expert comptable et par le biais de son cabinet de commissaire aux comptes, a certifié des comptes pour abuser les actionnaires et dissimuler les opérations frauduleuses dont l'ensemble des intimés étaient bénéficiaires ;
Considérant que M. Claude Y...est notaire, associé dans la SCP Claude Y..., Gilles Oury, Hubert Lebaron, Louis Thézé, Philippe Narbey, dont il n'est pas contesté qu'elle a conseillé la SGPCI et rédigé les actes de ventes immobilières de la société et de son groupe ; que cette étude notariale a également vendu aux enchères les actifs de la société Sofhaci qui portait l'opération espagnole et rédigé le cahier des charges dont la lecture est censée avoir révélé les malversations commises par Messieurs A...et E...;
Considérant que M. Y...a été porteur de parts de la SGPCI depuis sa création le 27 / 10 / 1983 et d'autres sociétés contrôlées par M. F...; qu'en 1988, ce dernier lui a cédé 17 actions ; qu'en 1999, il en détenait 1620 ;
Considérant qu'il est devenu administrateur de la société le 8 / 2 / 1988, à la demande de M. F...qui lui avait également proposé d'être son exécuteur testamentaire ; qu'il a démissionné de son mandat le 17 / 11 / 1995 pour des raisons personnelles ; qu'à cette occasion, il a écrit qu'il avait été " très touché de la nomination à ce poste... et (avait) apprécié la bonne entente qui existait au sein du conseil " ;
Considérant que M. E...n'a été qu'un actionnaire de la société ; que M. A..., qui était un administrateur, a démissionné de ses fonctions le 8 / 1 / 1996 estimant " ne pas être suffisamment informé sur la marche des affaires de la société " ;
Considérant que M. Y...est intervenu très activement dans l'acquisition critiquée dont il connaissait dès l'origine tous les détails ; que les décisions prises par les autorités espagnoles relativement à la constructibilité des terrains n'ont fait l'objet d'aucune dissimulation, ainsi que cela ressort des pièces versées aux débats ;
Considérant tout d'abord, ainsi que cela résulte du procès-verbal du conseil d'administration de la société SGPCI du 5 / 11 / 1990, que M. Y...a signé en qualité d'administrateur aux côtés du président de séance M. F..., qu'il a donné son accord pour que la société (et non pas M. E...et A...) procède à l'acquisition des deux sociétés de droit néerlandais pour un montant maximum de 93 millions de francs ; qu'il a insisté, " compte tenu de l'importance des décisions prises et bien qu'elles entrent dans les pouvoirs normaux du conseil d'administration " pour que le projet soit soumis aux actionnaires ; qu'il a par la suite lui-même rédigé et signé le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale du 30 / 11 / 1990 ; qu'il a assisté à cette assemblée qui a approuvé cette acquisition et présidé l'assemblée générale ordinaire du 27 / 6 / 1991 dont un des objets était l'approbation des comptes de l'exercice 1990 et donc de l'opération d'acquisitions des terrains espagnols, via les sociétés néerlandaises ; que lors du conseil d'administration du 20 / 4 / 1995, auquel il a participé en sa qualité d'administrateur, la décision a été prise de constituer d'importantes provisions en raison " notamment de la réduction prudente des surfaces constructibles " et de reporter à nouveau la perte ; que l'assemblée générale ordinaire du 28 / 6 / 1995, à laquelle il a assisté en qualité de scrutateur, a approuvé ces comptes ;
Considérant d'autre part qu'il n'est nullement établi que Messieurs E...et A..., dont l'appelant ne caractérise pas le rôle spécifique qu'ils sont censés avoir joué dans cette opération, aient su dès l'origine que les terrains acquis étaient inconstructibles, ni que l'ayant appris ils aient dissimulé cette réalité aux autres associés ;
Considérant au contraire qu'il résulte des pièces produites, et qui, pour celles qui sont essentielles, figurent dans le cahier des charges constitué en 2000, que le 28 / 12 / 1988, les autorités espagnoles avaient autorisé l'urbanisation ; qu'au moment de leur acquisition, les terrains étaient donc constructibles ; que les 22 et 28 / 6 / 1993, des sentences ont partiellement annulé la décision prise en 1988 ; que dès 1995, des provisions ont été passées ; qu'elles ont été expressément justifiées par le risque de perte de valeur des terrains compte tenu de la diminution des surfaces constructibles ; qu'une assemblée générale de la société SGPCI s'est tenue le 30 / 10 / 1997 ; qu'elle était appelée à statuer sur le projet de fusion par absorption des sociétés Reficc et Sofhaci qui a été différé compte tenu de " la plus grande incertitude (existant) quant à la valeur des terrains de Valence " ; qu'il résulte du procès-verbal de cette assemblée et du rapport des commissaires à la fusion que ces derniers se sont rendus sur les lieux et ont appris le classement définitif le 5 / 9 / 1997, après rejet du recours, des terrains en zone non urbanisable ;
Considérant que les allégations de M. Y...sur le caractère anormal de l'opération et sur les dissimulations intervenues sont en outre d'autant plus sujettes à caution que non seulement jusqu'en 2002 il n'a émis aucune critique, mais qu'il a acquis aux enchères en 2000 deux lots de la société Sofhaci qui portait l'opération espagnole par intermédiaire d'une société American Shopping Developpement après avoir demandé à M. F...si celui-ci l'y autorisait ;
Considérant qu'aucune faute ne peut être reprochée à quiconque et notamment pas à MM. E...et A...; que les compétences, les pouvoirs et les fonctions qu'il exerçait tant au sein de l'entreprise que dans son étude ont permis à M. Y...d'avoir une connaissance exacte de la situation en temps réel, d'autant qu'aucune manoeuvre dolosive n'a été perpétrée ni par les administrateurs ni par les associés majoritaires ni par l'expert comptable ou le commissaire aux comptes qui ont agi en toute transparence ; que M. Y...ne peut non plus sérieusement soutenir que la cession de ses titres a été effectuée à perte à cause des agissements des intimés alors qu'il est établi qu'il a cédé ses actions directement à un prix supérieur à celui des autres associés et sans garantie de passif, donc dans des conditions plus favorables que celles faites aux autres associés ; qu'il ne saurait enfin soutenir qu'il bénéficie d'un engagement " lui garantissant au minimum le remboursement de son investissement en valeur actualisée assortie d'intérêts moratoires " ; que le pacte d'actionnaire du 9 / 2 / 1998 qu'il invoque, et auquel M. E...est tiers, ne comporte aucune garantie de remboursement à son profit ; qu'il fait simplement obligation aux actionnaires de proposer leurs actions aux autres actionnaires en cas de cession et prévoit la faculté pour les actionnaires en cas de cession de leurs actions par Messieurs F...et A...de céder leurs actions au même prix ;
Considérant en conséquence que M. Y...doit être débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Considérant qu'en 2002, soit douze ans après l'acquisition litigieuse, cinq ans après l'assemblée générale qui a pris acte du caractère définitif de la décision des autorités espagnoles rendant les terrains inconstructibles, deux ans après avoir acquis une partie des lots relatifs à cette opération, M. Y...a assigné au nom de l'étude notariale dans laquelle il est associé, Messieurs A..., E..., la société SGPCI puis la société Jacques E...et associés ; qu'après que la SCP, assignée en intervention forcée, ait fait valoir que la procédure avait trait à ses seuls intérêts personnels, il a invoqué l'erreur matérielle et conclut à titre personnel contre les personnes physiques et les deux sociétés susnommées (la société Jacques E...étant partie à l'instance ne pouvant dès lors utilement solliciter sa mise hors de cause) ; qu'au mépris de toute cohérence, il s'est abstenu d'assigner la succession F...et d'incriminer les conditions dans lesquelles il avait cédé ses actions en décembre 2001 ; qu'alors qu'il a intimé l'ensemble des parties de première instance, il n'a formulé de demandes qu'à l'encontre de Messieurs A...et E...; qu'aussi bien dans ses assignations que dans ses conclusions devant la cour, non seulement il ne précise pas le fondement juridique de ses demandes mais ne mentionne pas les faits tangibles qu'il impute aux personnes qu'il accuse de malversations ; qu'il n'hésite pas à faire état de faits matériellement inexacts et à dissimuler le rôle déterminant qui a été le sien au sein de la société SGPCI et aux côtés de son dirigeant M. Weil ;
Considérant que M. Y...est un professionnel du droit averti ; qu'il ne peut se méprendre sur l'inanité de ses écritures et l'absence de sérieux de son argumentation ; qu'il sait pertinemment qu'il ne poursuit, par cette action en justice, aucun but légitime ni la défense d'intérêts juridiques ; qu'il instrumentalise la justice et est manifestement animé d'intention de nuire ;
Considérant que la faute de M. Y..., qui a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice est patente ; que le préjudice qui en a découlé est indiscutable ; que la cour estime devoir allouer 20. 000 € à Monsieur A..., Monsieur E...ainsi qu'aux Etablissements Bellaby à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que l'équité commande également qu'il soit condamné au paiement de la somme de 15. 000 € à Monsieur A..., Monsieur E...ainsi qu'aux Etablissements Bellaby et 2. 000 € à la société Jacques E...et Associés ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déclare l'action de M. Y...recevable,
Le déboute de toutes ses demandes,
Le condamne à payer la somme de 20. 000 € à M. A..., celle de 20. 000 € à M. E..., celle de 20. 000 € aux Etablissements Bellaby à titre de dommages-intérêts,
Le condamne à payer la somme de 15. 000 € à M. A..., celle de 15. 000 € à M. E..., celle de 15. 000 € aux Etablissements Bellaby, celle de 2. 000 € à la société Jacques E...et associés,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
M. C HOUDIN B. CHAGNY