Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 16 NOVEMBRE 2007
(no07/ , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/01711
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Décembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 05/12239
APPELANTE
SOCIETE DE GESTION D'HOTELS ET DE RESTAURANTS (SOGERES), prise en la personne de ses représentants légaux
42 Rue de Bellevue
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour
assistée de Maître Jean X... (SCP SUR X... et Associés) avocat au barreau de Paris, toque P319
INTIMEE
SOCIETE LOCAFIMO, prise en la personne de ses représentants légaux
20-22 rue de la Ville l'Evêque
75008 PARIS
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Raffaella Y... (SCP BIGNON, LEBRAY et associés) avocat au barreau de Paris, toque P 370
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseillère
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté dans les conditions de l'article 785 du nouveau code de procédure civile
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Hélène Z...
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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Le 22 décembre 1986, la Ville de Villepinte a conclu avec la Société de gestion d'hôtels et de restauration - SOGERES- un contrat de concession portant sur l'exploitation du service public de restauration scolaire et périscolaire de la ville. L'article 4 du contrat accordait à SOGERES la possibilité de recourir à un mécanisme de crédit-bail pour le financement de la construction de la cuisine centrale relative à ce service.
Par acte authentique du 9 août 1988, un contrat de crédit-bail immobilier, venant à expiration le 30 septembre 2003, a ainsi été conclu entre la SOGERES et la société FRANKOBAIL, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SAS LOCAFIMO.
Le même jour, la ville de Villepinte a signé un bail-emphytéotique d'une durée de trente ans avec la société FRANKOBAIL à l'effet de conférer à la crédit-bailleresse les droits réels et d'occupation sur le terrain destiné à accueillir la cuisine centrale. Par ailleurs, aux termes d'une convention tripartite signée le même jour, la ville de Villepinte, la société SOGERES et FRANKOBAIL sont convenues que la ville garantirait les obligations financières de SOGERES envers les crédit-bailleurs en cas de défaillance de celle-ci.
Le contrat de crédit-bail est venu à expiration le 30 septembre 2003. Considérant être propriétaire de la cuisine centrale après cette date, en l'absence d'option d'achat de la SOGERES et de conclusion d'un contrat de location pouvant se substituer à celui de crédit-bail, la SAS LOCAFIMO a assigné la société SOGERES, par acte du 15 septembre 2004, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny afin d'obtenir la libération des lieux et le paiement d'une indemnité d'occupation. Elle a été déboutée de ses demandes par ordonnance du 25 février 2005, au motif qu'il n'y avait pas lieu à référé, notamment en ce qui concernait l'appréciation de la compétence judiciaire pour trancher le litige.
Entre-temps, la ville avait résilié le bail emphytéotique par courrier du 13 octobre 2004. En suite de cette décision, la SAS LOCAFIMO a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'un recours en annulation et indemnitaire à l'encontre de cette décision.
Elle a par ailleurs, le 28 septembre 2005, assigné la société SOGERES devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour obtenir paiement d'une indemnité d'occupation allant du 1er octobre 2003 au 19 octobre 2004. Elle a abandonné la demande tendant à l'expulsion de la société SOGERES n'ayant plus de droits, en l'état, sur le terrain de la cuisine centrale depuis le 19 octobre 2004, date de prise d'effet de la résiliation unilatérale du bail emphytéotique.
La société SOGERES a saisi le juge de la mise en état du tribunal de grande instance soulevant à titre principal l'incompétence de cette juridiction au profit du juge administratif, demandant à titre subsidiaire qu'il soit sursis à statuer en l'attente de la décision du tribunal administratif.
Par ordonnance du 21 décembre 2006, le juge de la mise en état a rejeté ces demandes et déclaré le juge judiciaire compétent au motif que le litige concerne l'application d'une clause stipulée dans un contrat de crédit-bail, convention de droit privé conclue entre des personnes privées, qui n'a fait naître entre celles-ci que des rapports de droit privé et n'a pas elle-même pour objet l'occupation du domaine public.
La SA SOGERES a interjeté appel de cette décision par déclaration du 29 janvier 2007.
Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 2 mai 2007, elle demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 21 décembre 2006 ;
- constater que le tribunal de grande instance de Bobigny est incompétent pour connaître du présent litige, en ce qu'il porte sur l'occupation d'un bien du domaine public de la ville de Villepinte ;
- subsidiairement, de prononcer le sursis à statuer dans l'attente du jugement au fond du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Dans ses conclusions du 22 juin 2007, la SAS LOCAFIMO demande à la cour, au vu de l'arrêt du tribunal des conflits du 21 mars 2005 de confirmer l'ordonnance déférée et de condamner la SA SOGERES à lui régler 6.000 € en application de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Sur l'incompétence du juge judiciaire :
Considérant que le juge de l'ordre judiciaire est compétent pour connaître d'un litige lorsqu'il a pour seul objet l'inexécution de clauses d'un contrat de droit privé conclu entre des personnes privées et n'ayant fait naître entre les parties que des rapports de droit privé ;
Considérant que la SA SOGERES conclut à l'incompétence du juge judiciaire soutenant qu'en l'espèce le litige ne porte pas sur l'exécution ou l'inexécution du financement des travaux de construction de la cuisine centrale de restauration scolaire et la jouissance des locaux réalisés dans le cadre du contrat de crédit-bail, mais sur le droit d'occupation du domaine public de la ville de Villepinte sur lequel est édifié cette cuisine que la SA LOCAFIMO prétend tirer dudit contrat alors que cette convention est arrivée à son terme et a été parfaitement exécutée ;
Considérant cependant que la SAS LOCAFIMO sollicite la condamnation de la SA SOGERES à lui verser une indemnité d'occupation, sur le fondement des dispositions du contrat de crédit-bail immobilier conclu entre elles le 9 août 1988 ; que le litige porte donc bien sur l'application de cette convention ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par les parties que le contrat de crédit-bail immobilier litigieux est par nature un contrat de droit privé ; que conclu entre deux sociétés commerciales, personnes privées, il a fait naître entre elles des rapports de droit privé dont l'étendue relève de l'appréciation de la juridiction de l'ordre judiciaire, laquelle en l'espèce devra statuer sur la licéité du maintien dans les lieux du crédit-preneur, en vertu dudit contrat, et sur les conséquences financières de cette situation au regard des droits du crédit-bailleur ;
Considérant, par voie de conséquence, que le juge de la mise en état a, par d'exacts motifs, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA SOGERES ;
Sur la demande de sursis à statuer
Considérant que la demande subsidiaire de sursis à statuer formée par la SA SOGERES dans l'attente de la décision au fond du tribunal administratif de Cergy-Pontoise saisi du recours de la SAS LOCAFIMO contre la décision prise par la ville de Villepinte d'annuler le bail emphytéotique qu'elle lui avait consenti est recevable dès lors qu'elle a été formulée avant tous débats au fond, l'examen préalable de l'exception d'incompétence s'imposant ;
Considérant qu'il n'est pas, en l'espèce, de bonne administration de la justice de surseoir à statuer au cours de la mise en état ;
Considérant que la SA SOGERES doit supporter les frais non répétibles et les dépens afférents à l'incident ; qu'elle versera à la SAS LOCAFIMO la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Condamne la SA SOGERES à régler à la SAS LOCAFIMO la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société SOGERES aux dépens de l'incident et de l'appel de cet incident ;
Dit que les dépens seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 dudit code.
LE GREFFIER LE PRESIDENT