La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2007 | FRANCE | N°05/19781

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 16 novembre 2007, 05/19781


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2007

(no07/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/19781

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/07092

APPELANTE

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL "CIC" prise en la personne de ses représentants légaux

6 avenue de Provence

75009 PARIS

représentée par la

SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour

assistée de Maître Michel RASLE (SCP CARBONNIER LAMAZE RASLE et associés) avocat au barreau ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2007

(no07/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/19781

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/07092

APPELANTE

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL "CIC" prise en la personne de ses représentants légaux

6 avenue de Provence

75009 PARIS

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour

assistée de Maître Michel RASLE (SCP CARBONNIER LAMAZE RASLE et associés) avocat au barreau de Paris, toque P 298

INTIMES

Madame Christiane Y...

prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de madame Gilberte Z...

...

75008 PARIS

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Arnaud MOQUIN (Association VATIER et associés) avocat au barreau de Paris, toque P 82

Monsieur Gérard Y...

pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de madame Gilberte Z...

...

95170 DEUIL LA BARRE

représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Arnaud MOQUIN (Association VATIER et associés) avocat au barreau de Paris, toque P 82

Société TRANSFINANCE, prise en la personne de ses représentants légaux

45 rue Médéric

92110 CLICHY

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Maître Frédéric ENTREMONT avocat au barreau de Paris, toque R196

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président

Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseiller

Madame Evelyne DELBES, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté dans les conditions de l'article 785 du nouveau code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Hélène ROULLET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

****

Madame Christiane Y... a ouvert dans les livres de l'agence Malesherbes du CIC un compte chèques et un compte titres le 27 octobre 1981, un compte PEA le 28 octobre 1992 ainsi qu'un Codevi. Jusqu'en 1999 elle a géré ses valeurs mobilières. Le 12 mai 1999 elle a ouvert un compte chèques et un compte titres dans l'agence de Clichy et y a fait transférer ses autres comptes chèques, titres et PEA.

Par actes des 23 avril et 11 mai 1999, Madame Christiane D... a donné procuration à la société Transfinance, dont elle connaissait les dirigeants, pour "passer tous ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières" sur son compte titres et sur son PEA.

Mme Gilberte Y..., mère de Christiane, a fait ouvrir des comptes dans la même agence de Clichy et, par actes des 13 juillet et 20 octobre 1999 elle a donné procuration à la société Transfinance de "passer tous ordres d'achat et de vente" sur son compte titres et son PEA. Décédée le 30 avril 2003, ses enfants, Christiane et Gérard, ont repris l'instance.

Par jugement du 6 juillet 2005 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris, rejetant l'exception de transaction, a :

- annulé les opérations réalisées sur les comptes titres et sur les PEA de Mesdames D... sur lesquels la société Transfinance détenait un mandat au motif que cette société a exercé illégalement la profession de prestataire de services d'investissement, cette nullité étant opposable au CIC

- condamné in solidum le CIC et la société Transfinance à supporter les conséquences de cette annulation

- dit que les comptes des consorts D... doivent être mis dans l'état où ils se trouvaient avant ces opérations

- désigné M. E... en qualité d'expert pour l'évaluation des conséquences de l'annulation

- sursis à statuer sur les demandes relatives au solde des comptes chèques et aux PEA, sur celles tendant à la restitution d'actifs, à la levée de l'inscription de Madame Christiane D... au FICP, à l'octroi de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral de la banque et du chef de l'inscription au FICP et sur celles formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- condamné in solidum le CIC et la société Transfinance à payer à Mme Christiane D... la somme de 11.839,68€ et à la succession de Mme Gilberte D... celle de 12.507,34€, montant des honoraires versés à la société Transfinance, ces sommes portant intérêts légaux à compter du 9 mars 2005

- déclaré irrecevable la demande formée au titre de la saisie conservatoire

- rejeté la demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'immobilisation des avoirs des consorts D...

- rejeté les demandes formées par le CIC et par la société Transfinance tendant à être garanties.

La déclaration d'appel de la société Crédit Industriel et Commercial a été remise au greffe de la Cour le 4 octobre 2005.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 13 juin 2007 la société Crédit Industriel et Commercial demande de :

- infirmer le jugement

- débouter les consorts D... de leurs demandes

* les procurations données par Mesdames D... à la société Transfinance n'étant pas des mandats de gestion

* la banque ayant respecté les dispositions de l'article L421-6 du Code Monétaire et Financier et n'ayant commis aucune faute

* mesdames D... étant à l'origine de leur propre préjudice

- condamner Mme Christiane D... à lui payer la somme de 39.520,84 € avec intérêts au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 17 mai 2003

- condamner in solidum Christiane et Gérard D..., en leur qualité d'héritiers de leur mère Gilberte, à lui payer la somme de 46.693,72€ avec intérêts au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 17 mai 2003

Subsidiairement, si une condamnation devait être prononcée

- condamner la société Transfinance à la garantir de toute condamnation

- condamner in solidum les consorts D... à lui payer la somme de 15.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 29 mars 2007 la société Transfinance demande :

- infirmer partiellement le jugement

- déclarer l'action irrecevable en vertu de l'autorité de la chose jugée par la transaction du 4 décembre 2002

Subsidiairement,

- déclarer régulières les opérations alors qu'elles ne constituent pas des opérations de prestataire de services d'investissement au sens de l'article L321-1 du Code monétaire et financier

Subsidiairement,

- juger que la méconnaissance de l'exigence d'un agrément n'entraîne pas de nullité des opérations effectuées, la désignation d'un expert étant inutile

Subsidiairement, si la nullité était confirmée

- reprendre les soldes et rejeter les demandes

- condamner les héritiers de Mme Gilberte D... à lui payer la somme de 1481€

Subsidiairement, sur la responsabilité contractuelle

- ordonner la restitution des sommes de 11.839,68€ et de 12.507,34€ ainsi que la moitié (avec le CIC) de la somme de 24.635,55€, en l'absence de faute dans l'exécution de la mission alors que Mme Christiane D..., opérateur avertie, a choisi de gérer ses actifs et ceux de sa mère de manière risquée

Evoquant,

- débouter les consorts D... de leurs demandes

- condamner la société CIC à la garantir de toutes condamnations

- condamner les consorts D... à lui payer la somme de 12.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 7 août 2007 les consorts D... demandent de :

- confirmer partiellement le jugement et évoquer

- condamner solidairement le CIC et la société Transfinance à payer à Mme Christiane D... les sommes de 39.000€ et de 6.743,05€ aux fins de la rétablir dans ses droits au regard des valeurs que devraient présenter les comptes de chèques et de titres après annulation des opérations effectuées par la société Transfinance

- condamner solidairement le CIC et la société Transfinance à payer aux consorts D... la somme de 74.925,50€ aux fins de la rétablir dans ses droits au regard des valeurs que devraient présenter les comptes de chèques, de titres et le PEA de Mme Gilberte D... après annulation des opérations effectuées par la société Transfinance

- condamner le CIC à restituer aux consorts D... la somme de 5611,76€ au titre du solde espèces du compte PEA de Mme Gilberte D...

- débouter le CIC de ses demandes

Subsidiairement, si la nullité n'est pas confirmée mais en raison des fautes commises

- condamner solidairement la société Transfinance et le CIC à payer à Madame Christiane D... et à la succession de Madame Gilberte D... la totalité des montants sollicités ci-dessus, majorés du solde débiteur des comptes et de la restitution des honoraires et ordonner en tant que de besoin la compensation de ces sommes et le paiement par le CIC et Transfinance, après compensation, de la somme de 45.743,05 € au profit de Madame Chistiane D... et de celle de 80.537,26€ (soit 74.925,50+5611,76€) au profit de la succession de Madame Gilberte D..., outre les sommes de 11.839,68, € et 12.507,34 €,

- condamner solidairement Transfinance et le CIC à payer à Madame Christiane D... et à la succession de Madame Gilberte D... les sommes de 11.245 € et 18.419 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi depuis le 8 novembre 2002 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir à raison de l'indisponibilité des sommes et des pertes de chance en résultant, les restitutions résultant des annulations des opérations réalisées par le CIC et Transfinance étant calculées en valeur au 8 novembre 2002 et subsidiairement, juger que les sommes dont Transfinance et le CIC seront débiteurs porteront intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2002 et capitalisation des intérêts à compter du 8 novembre 2003

Par ailleurs,

- condamner le CIC à payer à Madame Christiane D... et à la succession de Madame Gilberte D... la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'inscription au FICP et ordonner la radiation de cette inscription sous astreinte de 500 € par jour de retard commençant à courir 8 jours après signification de l'arrêt à intervenir

- condamner solidairement Transfinance et le CIC à payer à Madame Christiane D... et à la succession de Madame Gilberte D... une somme de 15.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR,

sur l'irrecevabilité liée à l'autorité de la chose jugée par la transaction

Considérant que le 4 décembre 2002 Mesdames Christiane et Gilberte D... ont signé avec la société Transfinance une "convention de transaction" par laquelle la société Transfinance les indemnisaient du préjudice subi du fait du retard apporté par cette société à exécuter l'instruction verbale donnée de vendre leurs positions à terme ; que les préjudices étaient évalués, pour Mme Christiane D..., à hauteur de 2.126,71€ et, pour Mme Gilberte D..., à hauteur de 5.594,66€, montants de l'écart de cours entre la date de l'ordre de vente du 30 juillet 2002 et les dates de vente les 17 octobre et 15 novembre 2002 ; que la convention ajoutait "en contrepartie de ces règlements, Mme Christiane D... renonce, tant pour son compte que pour celui de sa mère, à exercer tous recours de quelque nature que ce soit dans le cadre de leurs relations avec la société Transfinance" ;

Considérant que la société Transfinance soutient que les parties, dont la commune intention doit être recherchée, ont entendu renoncer à agir contre elles et à engager toute action de quelque nature que ce soit en raison de leurs relations passées ; qu'elle fait état des correspondances avec les consorts D... pour démontrer ces "relations" et de l'existence de découverts importants à la date de la transaction, outre que Mesdames D... n' ignoraient pas à l'époque que d'autres actions étaient possibles ayant fait état d'autres préjudices ;

Mais considérant que l'article 2048 du Code civil, déjà cité par le tribunal de grande instance, dispose que : "les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite ... ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu" ; que la transaction a précisé la question tranchée, ce que la formule générale employée à la fin de la convention ne peut occulter ; que la transaction n'a pas autorité de chose jugée au delà de son objet ;

sur l'existence d'un mandat de gestion de titres

Considérant que la société Transfinance ne voit dans les pouvoirs qui lui ont été confiés que de simples procurations et non des mandats au sens de l'article L321-1 du Code monétaire et financier, que Mme Christiane D... a continué à gérer ses comptes et ceux de sa mère ; qu'elle fait valoir en outre que cette procuration n'était pas conforme aux dispositions de l'article 322-68 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers qui exige que le mandat de gestion mentionne les objectifs assignés à la gestion, les opérations autorisées au mandataire, les modalités d'information du mandant sur l'évolution de son portefeuille et le mode de rémunération du mandataire ;

Mais considérant que les pouvoirs avaient pour objet de "passer tous ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières", qu'ils donnaient lieu à rémunération de la société Transfinance laquelle a effectivement passé des ordres à la banque ; que la directrice d'agence a confirmé à un huissier de justice intervenant le 11 avril 2003 en exécution d'une ordonnance présidentielle "que tous les ordres étaient passés par téléphone par la société Transfinance" ; que cette société a reçu directement du Crédit Industriel et Commercial le 6 août 2002 une demande de régularisation du solde débiteur des comptes de Mesdames D... ; que ce mandat n'excluait pas que Mme D... donne à son mandataire des instructions et suive la gestion des comptes ; qu'au contraire le fait que Mme Christiane D... se soit adressée à la société Transfinance le 30 juillet 2002 pour vendre les titres, et non directement à la banque, confirme l'existence du mandat ; que ses irrégularités au regard des prescriptions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ne modifient pas la nature de l'acte, ni le fait que Mme D... ait continué à recevoir du Crédit Industriel et Commercial les relevés de compte et avis d'opéré ;

sur la nullité des opérations pour défaut d'agrément de la société Transfinance

Considérant que l'objet social de la société Transfinance comporte : "Toutes activités de conseil, d'assistance et d'opérations d'intermédiaires au profit des entreprises en matière d'acquisition - cession d'entreprises, prise ou cession de participations, de gestion financière" ; qu'il n'est pas contesté que la société n'était pas agréée pour effectuer des opérations relevant des activités de prestataire de services d'investissement ;

Considérant que les dispositions de l'article L531-10 du Code monétaire et financier prévoient qu'il est "interdit à toute personne autre qu'un prestataire de services d'investissement de fournir à des tiers des services d'investissement, à titre de profession habituelle" ;

Considérant qu'il résulte du constat d'huissier du justice du 11 avril 2003 que la société Transfinance gérait d'autres comptes, ce qui établit l'infraction aux dispositions citées ;

Considérant que les consorts D... demandent de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des opérations exécutées par le prestataire non agréé ; qu'ils invoquent la cause illicite de leur obligation et la violation d'une règle d'ordre public ;

Mais considérant que la nullité du mandat confié à la société Transfinance n'est pas demandée mais celle des opérations effectuées par cette société ; que l'examen de la cause de l'engagement contractuel de Mesdames D... est sans portée ; que la violation d'une règle d'ordre public ne conduit à la nullité des opérations illicites que si un texte le prévoit, ce qui n'est pas le cas ; que la demande de nullité des opérations n'est pas fondée ;

sur les fautes commises par la société Transfinance et par le CIC

Considérant que la société Transfinance fait valoir qu'aucune faute commise n'est démontrée, le préjudice invoqué étant exclusivement lié à la baisse des cours de la Bourse ; qu'elle ajoute que Mme Christiane D... a investi elle-même et qu'elle aurait dû vérifier si elle s'adressait bien à un établissement autorisé à gérer les portefeuilles pour compte de tiers alors qu'elle est elle-même un opérateur averti ;

Considérant que la banque souligne aussi que Mme Christiane D... était avertie des questions de bourse et estime, en outre, que les éventuelles fautes de la société Transfinance ne lui sont pas opposables ; qu'elle rappelle avoir elle-même effectué les opérations de négociation et cession sur des instruments financiers prévues par les dispositions de l'article L421-6 du Code monétaire et financier ;

Mais considérant que la société Transfinance s'est manifestée en tant que prestataire de services d'investissement à titre de profession habituelle auprès du Crédit Industriel et Commercial qui, dès lors en sa qualité de professionnelle agrée, ne devait pas ignorer que la société Transfinance n'était pas une entreprise d'investissement au sens de l'article L.321-1 du Code Monétaire et Financier ;

Considérant que si Mme D... avait géré ses titres et ceux de sa mère avant d'en confier la gestion à la société Transfinance, rien n'établit qu'elle ait su que cette société n'était pas habilitée ni surtout qu'elle avait reçu d'autres mandats ; qu'il n'est pas fondé de reprocher à Mmes D... d'être à l'origine, même en partie, de leur préjudice ;

Considérant que les consorts D... reprochent à la société Transfinance d'avoir pratiqué une gestion hasardeuse et de les avoir exposés à des risques inconsidérés au point de conduire leurs avoirs à une perte importante de leur valeur initiale ;

Considérant que la société Transfinance a commis une faute à l'origine d'une perte de chance de Mesdames D... de faire gérer leurs avoirs par un professionnel agréé et de confier à un prestataire de services d'investissement un mandat conforme aux dispositions évoquées, permettant ainsi l'expression de leurs objectifs de gestion et des catégories d'instruments financiers que les portefeuilles pouvaient comporter ;

Considérant, en outre, que la société Transfinance a perçu des rémunérations indues puisque portant sur des opérations qu'elle n'était pas autorisée à accomplir ; qu'elle a reçu les sommes de 11.839,68€ et 12.507,34€ au titre de la gestion des comptes de Mme Christiane D... et de Mme Gilberte D... ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la banque et la société Transfinance à payer ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2005 ;

Considérant que le compte PEA de Mme Christiane D... avait au 11 mai 1999 une valeur de 33.228€ selon l'expert mais de 42.398,85€ selon Mme D... qui fait valoir que l'expert a omis le solde espèces précédent de 8782,90€, soit au 30 avril 1999, dont elle justifie par la production du relevé du 31 mai 1999 ; que la valeur de ce compte était de 35.656€ au 8 novembre 2002 ; qu'en outre l'expert a indiqué que le compte présentait un solde négatif de 47.411€ alors que ce compte aurait été de 39.000€ sans les opérations litigieuses, soit un écart de 86.411€ ;

Considérant que le compte PEA de Mme Gilberte D... avait au 21 juillet 1999 une valeur de 36.464,50€ selon l'expert mais de 138.638,50€ selon les consorts D... qui relèvent que l'action AXA a été évaluée par l'expert 28,34€ au lieu de 119€, l'erreur venant d'opérations de division du titre par 4 en mai 2001 ; que cette valeur est confirmée par la vente effectuées par la société Transfinance des 1127 actions en août 1999 pour la somme de 136.060€ ; que l'expert n'a pas infirmé ces données dont il a eu connaissance avant de déposer son rapport et a expliqué que sa mission n'était pas de rechercher "la perte d'opportunité" mais de décrire les conséquences de l'annulation des opérations ; mais que la recherche d'une perte de chance doit prendre en considération ce qui avait des chances certaines de se produire si les titres en question avaient été conservés ; que la valeur du PEA était au 8 novembre 2002 de 34.077€ ; qu'en outre l'expert a indiqué que le compte présentait un solde négatif de 45.423€ alors que ce compte aurait été de négatif de 31.186€ sans les opérations litigieuses, soit un écart de 14.237€ ;

Considérant que les circonstances des investissements critiqués et ces valeurs en cause permettent d'apprécier le préjudice constitué, outre des frais de gestion, par la perte de chance de faire fructifier de façon prudente les actifs, soit une indemnité de 30.000€ pour Mme Christine D... et de 30.000€ pour les consorts D..., étant rappelé que ce préjudice lié à une perte de chance ne répare pas les pertes dues aux variations boursières dont les sociétés en cause ne sont pas débitrices ;

Considérant qu'il ne peut être fait droit aux autres demandes des consorts D..., toutes fondées sur l'annulation des opérations ;

sur les demandes reconventionnelles du CIC

Considérant qu'à compter du mois de juin 2002 les comptes chèques de Mesdames Christiane et Gilberte D... étaient débiteurs ; que par courrier en date du 18 juin 2002, le Crédit Industriel et Commercial les a informées ; que par deux lettres recommandées avec accusé de réception en date du 20 mars 2003 la banque les a mises en demeure de payer :

39.520,84 € au titre du solde débiteur exigible du compte chèque de Gilberte D...,

46.693,72 € au titre du solde débiteur exigible du compte chèque de Christiane D... ;

que ces sommes sont dues avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2003, date de la mise en demeure à laquelle la banque se réfère ;

sur l'inscription au FICP

Considérant qu'à compter du 20 mars 2003, le Crédit Industriel et Commercial a adressé plusieurs lettres de mise en demeure de payer le solde débiteur de chaque compte ; que cinq lettres de mise en demeure ont informé Mesdames D... "qu'à défaut de régularisation de sa situation, le CIC sera tenu de vous déclarer auprès de la Banque de France" ; que l'inscription effectuée en novembre 2003 n'est pas critiquable ; que les consorts D... sont déboutés de leurs demandes de ce chef ;

sur les recours réciproques en garantie

Considérant que les condamnations à payer des dommages et intérêts sont prononcées in solidum entre la société Transfinance à l'égard des consorts D... mais que la demande de garantie de la banque est fondée en ce que les frais ont été perçus par la société Transfinance, à l'origine de la perte de chance ;

sur les autres demandes

Considérant que la demande de restitution de solde d'espèces de compte PEA, intégrée dans l'examen du préjudice subi causé du fait de la perte de chance, n'est pas autrement fondée ;

Considérant que la société Transfinance n'est pas fondée en sa demande d'honoraires ;

Considérant que la compensation est ordonnée entre créances réciproques ;

Considérant que le jugement est partiellement confirmé ; qu'en son principe la créance des consorts D... est confirmée mais qu'il est fait droit à la demande reconventionnelle de la banque ; que les dépens sont dus par la société Transfinance dont les fautes sont à l'origine du litige ; qu'il est équitable de mettre à la charge de cette société la somme de 5000€ au titre des frais non répétibles de première instance et d'appel ; qu'il est équitable de laisser à la charge de la banque ses frais non répétibles ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a annulé les opérations réalisées sur les comptes titres et PEA de Mesdames Y...

Statuant à nouveau quant à ce, évoquant et ajoutant,

Condamne in solidum la société Transfinance et la société Crédit Industriel et Commercial à payer à Mme Christiane Y... la somme de 30.000€ et à la succession de Mme Gilberte Y... la somme de 30.000€ à titre de dommages et intérêts

Condamne Mme Christiane Y... à payer à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 39.520,84€ avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2003 au titre du solde du compte

Condamne la succession de Mme Gilberte Y... à payer à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 46.693,72€ avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2003 au titre du solde du compte

Ordonne la compensation entre créances réciproques

Condamne la société Transfinance à payer à Mme Christiane Y... et à la succession de Mme Gilberte Y... la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Condamne la société Transfinance à garantir la société Crédit Industriel et Commercial des condamnations prononcées in solidum au profit des consorts D... de Favières

Rejette toutes autres demandes

Condamne la société Transfinance aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 05/19781
Date de la décision : 16/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 06 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-16;05.19781 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award