Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
25ème Chambre - Section B
ARRET DU 09 NOVEMBRE 2007
(no , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/17794
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2004 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY (5ème ch.) - RG no 03/1054
APPELANTE
Société ALLIED SIGNAL AEROSPACE SERVICE CORPORATION
agissant en la personne de son représentant légal
100 West Tenth Street Wilmington Country Of New Castle
DELAWARE - ETATS UNIS
prise en son établissement permanent en France la succursale HONEYWELL AEROSPACE dont le siège est 44 avenue Georges Pompidou 92307 LEVALLOIS PERRET
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : l 215
INTIMEES
Société TRANS HELICOPTERE SERVICE
prise en la personne de ses représentants légaux
4 avenue de la Porte de Sèvres
HELIPORT
75015 PARIS
représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour
assistée de Me SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : A 778
Société EADS SECA
prise en la personne de ses représentants légaux
Aéroport du Bourget BP 132
93352 LE BOURGET CEDEX
représentée par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour
assistée de Me BOUAZIZ TORRON, avocat au barreau de PARIS, toque : T 09
* * *
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur JACOMET, président
Monsieur LAURENT-ATTHALIN, conseiller
Madame DELMAS-GOYON, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame MARTEYN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Fabrice JACOMET, président et par Mme Marie-José MARTEYN, greffier.
* * *
La société Trans Hélicoptère Service, ci-après THS, qui assure des transports publics à la demande par avions et hélicoptères, exploite, notamment, un avion Falcon équipé de deux moteurs construits par la société Honeywell, devenue aujourd'hui la société Allied Signal mais que, pour une meilleure compréhension du litige, sera appelée, ci-après, Honeywell.
Mis en circulation par la société Honeywell, en 1982, ces moteurs ont été installés sur l'avion de la société THS en 1989.
Jusqu'en mai 1998, la société THS était liée à la société Honeywell par un contrat d'entretien.
Ce contrat a été résilié le 19 mai 1998 par la société Honeywell et la société THS n'a pas renouvelé le contrat.
En juin 1998, l'avion a dû se poser avec un seul moteur à la suite d'une rupture des ailettes de la turbine d'un des moteurs.
Le moteur a été confié à la société EADS SECA, habilitée par la société Honeywell, à entretenir et réparer ses moteurs.
Le moteur a été reposé sur l'avion le 25 juin 1999. Entre temps, la société THS avait pris un moteur en location.
Par lettre recommandée adressée le 10 septembre 1999, à la société EADS SECA, la société THS s'est plainte que la température du moteur était supérieure à celle recommandée par le constructeur et que le moteur n'avait pas les performances données par le constructeur.
Le 19 mai 2000, la société THS a demandé à la société EADS SECA d'intervenir sur le moteur.
Le 21 juillet 2000, la société EADS SECA a adressé un devis non définitif à la société THS qui, le 25 août 2000 a passé commande de la réparation du moteur.
Le 29 novembre 2000, la société EADS SECA a proposé à la société THS un devis définitif de 1 166 373 F qui a été accepté.
Le 25 janvier 2001, la société EADS SECA a fait savoir à la société THS que le moteur était à sa disposition mais que, compte tenu des interventions nécessaires à la mise au point du moteur, et à la suite d'un excès de poussée, entraînant une élévation de la température, elle avait procédé à un changement des ailettes de fan d'origine par des ailettes de fan "cutt back" représentant un coût supplémentaire de 43.565 F qui a été réglé par la société THS.
Le moteur a été reposé sur l'avion, le 23 février 2001.
La société THS a continué à se plaindre de l'élévation de la température du moteur alors que les relevés effectués par la société EADS SECA lui paraissaient satisfaisants.
C'est dans ces conditions que le 2 août 2001, la société THS a assigné, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, la société EADS SECA et la société Honeywell aux fins de faire désigner un expert.
Par ordonnance du 18 septembre 2001, le juge des référés a ordonné une expertise.
L'expert a déposé son rapport, le 21 juin 2002.
Le 25 septembre 2002, la société THS a réassigné la société EADS SECA et la société Honeywell devant le juge des référés tribunal de commerce de Paris aux fins de voir ordonner à ces deux sociétés de procéder aux réparations préconisées par l'expert avec la mise à sa disposition d'un moteur.
Par ordonnance du 17 octobre 2002, le juge des référés a demandé à l'expert de préciser la partie de sa mission relative à la détermination du préjudice subi par la société THS.
L'expert a répondu qu'il ne pouvait répondre à cette question sans se prononcer sur les responsabilités encourues, ce qui ne relevait pas de sa compétence.
La société THS a assigné les sociétés EADS SECA et Honeywell en paiement de 530.464 euro.
La société EADS SECA a réclamé reconventionnellement à la société THS 379.743,39 euro au titre des factures impayées.
La société Honeywell a demandé au tribunal de condamner la société THS à lui verser 271.401,20 US $ en réparation du préjudice qu'elle lui a causé en ne réglant pas les factures de location de moteur à la société EADS SECA et de condamner cette dernière à lui payer cette somme au titre des factures non réglées.
Par jugement du 3 juin 2004, le tribunal a :
- dit que la société Honeywell est responsable des dysfonctionnements du moteur et des délais avant qu'une solution n'y soit apportée,
- condamné la société Honeywell à payer à la société THS la somme de 313.239,95 euro avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- condamné la société THS à payer à la société EADS SECA la somme de 379.743,39 euro,
- condamné la société EADS SECA à payer à la société Honeywell la contre valeur en euro de la somme de 271.401,20 US $,
- rejeté toute autre demande,
- condamné la société Honeywell à payer à la société THS 4.000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné la société THS à payer à la société EADS SECA la même somme sur le même fondement,
- condamné la société Honeywell aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu que :
- il résultait du rapport d'expertise que les problèmes rencontrés par la société THS avaient pour origine un défaut de conception du moteur, pour lequel la société Honeywell n'a été en mesure de préconiser une solution qu'à partir du deuxième trimestre 2001 et que le préjudice subi par la société THS s'élevait à 313.239,95 euro,
- la société THS restait redevable envers la société EADS SECA de la somme de 379.743,39 euro correspondant à des frais de location du moteur et à deux interventions,
- il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de la société Honeywell à l'encontre de la société THS en paiement de la somme de 1.592,64 euro qui correspondait à des tests effectués dans le cadre de l'expertise,
- la société EADS SECA ne contestait pas avoir cessé, à compter de mars 2001, de régler les loyers correspondant au moteur de remplacement de sorte qu'elle était redevable de la somme de 271.401,20 US $.
La société Honeywell a relevé appel. Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société EADS SECA à lui verser 271.401,20 US $ et à son infirmation pour le surplus et demande à la Cour de débouter la société THS de ses demandes et de la condamner à lui verser 1.592,64 euro.
Elle réclame 50.000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir que seuls deux moteurs parmi les 2601 produits depuis 1982 ont connu un incident comparable à celui survenu sur le moteur de l'avion de la société THS et que sur les 2601 moteurs produits, 2509 sont encore en service de sorte qu'un défaut de conception ne peut être retenu.
Elle ajoute que la société THS a vendu le moteur en cause, en février 2004 à une société américaine et que le moteur fonctionne normalement.
Elle affirme que les problèmes rencontrés par la société THS résultent de sa négligence qui a consisté à retarder les demandes de travaux tant avant que pendant l'expertise et qu'aujourd'hui, il n'est plus possible de déterminer l'origine d'un défaut de performance du moteur.
La société EADS SECA conclut à la confirmation du jugement en faisant valoir que la société THS ne lui impute pas la moindre faute au titre des travaux qu'elle a effectués, qu'aucun grief ne peut lui être reproché quant à ces travaux qu'elle a effectués sur le moteur de l'avion de la société THS et que si les interventions effectuées n'ont pas résolu le problème, sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'elles se sont limitées à des travaux qui ont été validés par la société Honeywell.
Elle sollicite 50.000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société THS requiert la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Honeywell, et l'a condamnée à lui verser 313.239,95 euro, et, formant appel incident, demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société EADS SECA, de condamner in solidum la société Honeywell et la société EADS SECA à réparer le préjudice qu'elle a subi, fixer ce préjudice à la somme de 530.464,34 euro et de condamner in solidum la société Honeywell et la société EADS SECA à lui payer cette somme.
Elle réclame 20.000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
S'agissant de la responsabilité de la société EADS SECA, elle expose que l'expert a relevé que la société EADS SECA n'avait pas suffisamment analysé le problème rencontré par la société THS et que les deux passages en atelier n'avaient pas permi la résolution du problème du moteur.
CELA EXPOSE, LA COUR :
Considérant qu'il est constant que pendant neuf ans, le moteur Honeywell équipant l'avion de la société THS a fonctionné normalement ;
Que la société Honeywell fait valoir, sans être contredite utilement, que seuls deux moteurs parmi les 2601 produits depuis 1982 ont connu un incident comparable à celui survenu sur le moteur de l'avion de la société THS et que sur les 2601 moteurs produits, 2509 sont encore en service ;
Que l'expert a relevé que le moteur de l'avion en cause, avait, à la date du 29 juin 1998, 5.387 heures de vol ;
Qu'en outre, la société THS n'était plus liée à la société Honeywell par un contrat d'entretien dit MSP lorsque l'incident est survenu au moteur de sorte que la société Honeywell ne pouvait intervenir sur le moteur ;
Qu'enfin la société THS a vendu le moteur à une société américaine en février 2004 et qu'il n'est fait état d'aucun dysfonctionnement du moteur de la part du nouveau propriétaire ;
Que ces éléments excluent que l'incident survenu le 29 juin 1998 puisse être imputable à un problème inhérent au type de moteur comme l'a retenu l'expert ;
Qu'en effet, l'expert, pour retenir cette appréciation ne s'est fondé que sur une déclaration verbale d'un représentant de la société Honeywell, au cours d'une réunion d'expertise, ces propos sortis de leur contexte, eussent-ils été tenus, pouvant être interprétés dans un autre sens ;
Que, si véritablement le problème, survenu le 29 juin 1998, était inhérent à ce type de moteur, selon cette déclaration verbale, alors il aurait affecté un nombre important de moteurs et non pas seulement deux comme l'indique la société Honeywell ;
Que l'expertise n'a pas mis en évidence un défaut de fonctionnement du moteur lié à une erreur de montage ou à vice de fabrication ;
Que, dès lors, la panne survenue le 29 juin 1998 ne peut être imputée à un vice inhérent au moteur et engager la responsabilité de la société Honeywell ;
Considérant que les réparations ont été effectuées par la société EADS SECA ;
Considérant que la société THS recherche la responsabilité de la société EADS SECA, en faisant valoir qu'elle n'a pas su résoudre le problème du moteur ;
Considérant que l'expert a relevé que :
- la réparation du moteur a été effectuée par la société EADS SECA entre juillet 1998 et le 23 juin 1999,
- à la suite de la pose du moteur sur l'avion à cette date, les équipages de l'avion ont rapporté des écarts de température entre les deux moteurs de l'avion ; que les mesures effectuées par la société EADS SECA révèlent en mai 2000, une dégradation importante de la marge de température,
- le moteur a été déposé le 19 mai 2000 et adressé à la société EADS SECA qui a proposé, le 21 juillet 2000, une remise en état qui a été effectuée ;
- le moteur a été posé sur l'avion, le 23 février 2001, et les mêmes remarques des équipages, relatives à des températures trop élevées du moteur sont faites, bien que l'intégralité des travaux proposés par la société EADS SECA aient été réalisés, la société Honeywell en ayant été informée,
- le moteur est déposé, le 2 mai 2001 ;
- ainsi, la société THS a été privée de son moteur entre le 29 juin 1998 et le 23 juin 1999, puis entre le 19 mai 2000 et le 23 février 2001 et depuis le 2 mai 2001 ;
Que si l'expert a retenu que les travaux d'expertise n'avaient pas mis en évidence d'anomalies dans les travaux d'atelier exécutés par la société EADS SECA, lors de la réparation du moteur, il a relevé, après cette appréciation, que les échanges en réunion d'expertise laissaient à penser que l'équilibre thermodynamique du moteur existant avant 1998 avait été perturbé par les interventions en atelier ;
Qu'en conclusion, l'expert a estimé que la société EADS SECA n'avait pas suffisamment analysé le problème rencontré par la société THS et que les deux passages en atelier n'avaient pas permis la résolution du problème du moteur ;
Considérant qu'en sa qualité de professionnelle, la société EADS SECA était tenue, soit de résoudre le problème qui lui était soumis, soit de reconnaître qu'elle ne le pouvait pas et diriger, alors, la société THS vers un autre professionnel ou vers la société Honeywell ;
Qu'il lui appartenait, notamment, de restituer un moteur en parfait état de marche le 23 juin 1999 ou à défaut de le restituer dès qu'elle s'était rendue compte de l'impossibilité de le réparer ;
Que, faute de l'avoir fait, elle sera déclarée seule responsable du préjudice subi par la société THS en raison de son incapacité à réparer parfaitement le moteur qui lui avait été confié, étant observé que la société EADS SECA ne réclame aucune somme à la société Honeywell sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil ;
Considérant que l'expert a chiffré le préjudice subi par la société THS à la somme de 430.282,97 euro hors taxe, soit 514.618,43 euro TTC ;
Que ces frais sont constitués par les factures de la société EADS SECA pour des travaux sur le moteur, des frais de location d'un moteur de remplacement à partir de mai 2000, des frais de transport du moteur, entre le siège de la société EADS SECA et le siège de la société THS, des frais de déplacement, des frais exposés lors de vols de contrôle et des frais de dépose du moteur ;
Que cette évaluation fixée par l'expert n'est pas discutée dans son montant par la société EADS SECA ;
Considérant que la société THS réclame, en sus, des frais de location d'un moteur à la société américaine Bizjet pour un montant de 48.756,70 euro et une indemnité au titre de son manque à gagner d'un montant de 68.000 euro ;
Que la société THS ne démontre pas que les frais de location du moteur auprès de la société Bizjet était destinés à équiper l'avion dont le moteur était défectueux ;
Que la somme réclamée au titre du manque à gagner, en revanche, sera accueillie; qu'en effet, les tracas causés par les multiples pannes du moteur, les périodes d'immobilisation de l'avion qu'elles ont entraînées ont causé un préjudice qui a été estimé par l'expert à 60.000 euro et qui sera estimé par la Cour à 68.000 euro en raison de la poursuite de l'immobilisation du moteur après le dépôt du rapport d'expertise ;
Considérant qu'il sera déduit de ces sommes les factures de location impayées par la société THS à la société EADS SECA pour un montant de 379.743,39 euro, la société THS ne justifiant pas avoir réglé la totalité des factures émises à son encontre par la société EADS SECA ;
Que, par suite, il sera alloué à la société THS la somme de 202.875,04 euro à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que les sommes versées en exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire ne porte intérêts qu'à compter de la signification de l'arrêt infirmatif ;
Considérant que la société EADS SECA sera condamnée à verser à la société Honeywell la contre valeur en euro de la somme de 271.401,20 US $ ;
Considérant que la somme de 1.592,64 euro réclamée par la société Honeywell correspond à des frais exposés par elle à l'occasion de l'expertise et que la société EADS SECA qui sera condamnée aux dépens devra lui régler cette somme ;
Considérant que les circonstances de la cause commandent d'allouer 15.000 euro à la société THS en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société THS à payer à la société EADS SECA la somme de 379.743,39 euro,
- condamné la société EADS SECA à payer à la société Honeywell la contre valeur en euro de la somme de 271.401,20 US $,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne la société EADS SECA à verser à la société THS la somme de 202.875,04 euro à titre de dommages et intérêts,
Condamne la société EADS SECA à verser à la société Honeywell à la somme de 1.592,64 euro,
Condamne la société EADS SECA à verser à la société THS la somme de 15.000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Met les dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et les dépens d'appel à la charge de la société EADS SECA et dit que ceux-ci pourraient être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT