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08/11/2007 | FRANCE | N°07/00253

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0130, 08 novembre 2007, 07/00253


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre B

ARRÊT DU 08 Novembre 2007

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00253

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Décembre 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG no 20500171MN

APPELANT

Monsieur Pascal X...

Ferme de la Borde

Route de Chevry

77170 Y... ROBERT

représenté par Me Dominique LAURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1418>
INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77)

Rubelles

77951 MAINCY CEDEX

représentée par Mademoiselle LANGLOIS e...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre B

ARRÊT DU 08 Novembre 2007

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00253

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Décembre 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG no 20500171MN

APPELANT

Monsieur Pascal X...

Ferme de la Borde

Route de Chevry

77170 Y... ROBERT

représenté par Me Dominique LAURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1418

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77)

Rubelles

77951 MAINCY CEDEX

représentée par Mademoiselle LANGLOIS en vertu d'un pouvoir général

SAS Z... FRANCE

Zone Industrielle

B.P. 40

77220 TOURNAN EN BRIE

représentée par Me Christian HUNZINGER, avocat au barreau de COLMAR

Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales de la Région d'Ile-de-France (DRASSIF)

...

75019 PARIS

Régulièrement avisé - non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2007, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Bertrand FAURE, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller

Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller

Greffier : Monsieur Krishna KANTÉ, lors des débats.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Claire AUBIN- PANDELLÉ, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Pascal X..., salarié de la société Z... en qualité de monteur service après-vente, a été victime le 4 juillet 2002 à 15 heures d'un accident du travail alors qu'il procédait au nettoyage d'une pelleteuse. A la suite d'un incendie, il a été brûlé, ce qui a nécessité trois anesthésies générales pour pansements et un arrêt de travail de deux mois.

Un taux d'incapacité de 6% lui a été notifié par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne et a été confirmé par le tribunal de l'incapacité de Paris en son jugement en date du 18 octobre 2004.

Le 21 février 2004, Monsieur Pascal X... a saisi la C.P.A.M. de Seine et Marne aux fins que soit reconnue la faute inexcusable de l'employeur comme étant à l'origine de l'accident dont il a été victime.

Après échec de la conciliation, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun qui, par jugement en date du 18 décembre 2006, l'a débouté de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les circonstances de l'accident étaient indéterminées, Monsieur Pascal X... n'en apportant pas la preuve de la cause réelle.

Par déclaration reçue au Greffe le 7 février 2007, Monsieur Pascal X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions reçues au Greffe le 26 septembre 2007 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur Pascal X... demande à la Cour, infirmant le jugement entrepris, de :

- dire que l'accident dont il a été victime le 4 juillet 2002 est du à la faute inexcusable de son employeur, la société Z... France,

- ordonner la majoration maximale de la rente d'accident du travail qui lui est versée,

- ordonner une expertise médicale aux fins de voir caractérisés et évalués les chefs de préjudices qu'il a subis, évaluer le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, dire s'il résulte un déficit fonctionnel permanent, un préjudice esthétique, un préjudice d'agrément et donner toutes indications sur son état,

- condamner la société Z... France à lui verser une provision de 5 000 € à valoir sur son préjudice,

- condamner la société Z... France à lui payer une indemnité de procédure de

4 000 €.

L'appelant soutient que les circonstances de l'accident sont parfaitement connues et établies à la lecture non seulement du plan qu'il produit aux débats mais aussi de la propre déclaration d'accident établie par l'employeur : les postes de travail étaient rapprochés, l'un de ses collègues était en train de procéder à des opérations de meulage projetant des étincelles.

Il fait dès lors valoir que l'organisation du travail était dangereuse en méconnaissance des règles élémentaires de sécurité, les paravents n'étant pas de hauteur suffisante pour des postes de travail situés à une distance chacun de moins de deux mètres d'autant plus que les opérations de nettoyage nécessitaient la manipulation de produits inflammables. Il ajoute que les extincteurs n'étaient pas en état de marche et il sollicite la production aux débats par la société intimée de la fiche de renseignements établie à la suite de cet accident conformément aux dispositions de l'article L 236-2-1 du code du travail et de l'arrêté du 8 août 1986.

Dans ses dernières conclusions reçues au Greffe le 12 septembre 2006 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la S.A.S. Z... France demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'appelant au paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 €.

La société intimée soutient que :

- le plan produit n'a aucune valeur probante,

- l'appelant ne démontre pas qu'il utilisait des produits inflammables,

- le témoin n'a pas assisté à l'accident mais il a seulement vu l'appelant sortir d'entre deux pelles en criant alors qu'il était en feu,

- le témoin, Monsieur B..., atteste non pas avoir cherché un extincteur mais avoir ôté le bleu de travail de Monsieur X...,

- l'employeur était libre de procéder ou on à une enquête,

- Monsieur X..., comme en première instance, ne démontre pas que l'un de ses collègues se trouvait affairé à meuler sur l'engin situé à côté du sien,

- on ignore les causes de cet accident, une cigarette pouvant en être à l'origine,

- il n'existe pas de CHSCT à l'agence de TOURNAN EN BRIE, l'effectif de cet établissement étant inférieur à 50 salariés,

La Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne dûment représentée s'en rapporte à justice sur la reconnaissance d'une faute inexcusable commise par l'employeur et ses conséquences, si celle-ci est reconnue, et déclare se réserver le droit de récupérer auprès de l'employeur le montant des sommes allouées.

A l'audience, la Cour a demandé à la S.A.S. Z... France de produire, en cours de délibéré, la fiche technique permettant d'apprécier la hauteur de la machine sur laquelle travaillait l'appelant ainsi que la fiche de travail concernant celui-ci.

Par lettre reçue au Greffe le 17 octobre 2007, le conseil de la société intimée produit une documentation technique concernant le modèle A 310 B "qui semble correspondre à celui qui a été dessiné par Monsieur X..." et informe la Cour qu'il n'a pas été possible de retrouver l'ordre de montage de l'époque de l'accident tout en faisant observer que Monsieur X... a lui-même déclaré penser qu'il n'existait pas.

Par lettre reçue au Greffe le 23 octobre 2007, le conseil de Monsieur Pascal X... fait valoir que la notice du descriptif technique de la pelle hydraulique produite n'est pas celle sur laquelle il travaillait et qu'un "ordre de réparation" lui a nécessairement été donné le jour de l'accident. Par lettre reçue le 26 octobre 2007, il produit la documentation concernant la pelle A 316 sur laquelle il affirme avoir travaillé au moment de l'accident.

SUR CE

Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il suffit que cette faute soit une cause nécessaire de l'accident du salarié pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée ;

Considérant que cette faute ne se présume pas et doit être démontrée par le salarié victime ;

Considérant que, dans la déclaration d'accident du travail établie, sans réserve, par la société Z... France le 5 juillet 2002, les circonstances de l'accident dont Monsieur Pascal X... a été victime la veille à 15 heures sont ainsi décrites : "Mr X... nettoyait une pelle avec un dégraissant. Une opération de meulage était en cours sur une autre machine. Malgré les paravents qui séparent les postes de travail, un grain de meule a été projeté dans la zone de travail de Mr X.... Il y a eu inflammation." ;

Considérant, au regard de cette déclaration et comme le fait valoir l'appelant, que la société Z... France a admis d'emblée et sans aucune réserve que c'est l'opération de meulage sur le poste de travail voisin qui a provoqué la projection d'un grain de meule sur le poste de Monsieur X..., et que l'inflammation a pour origine cette projection alors même que celui-ci manipulait un produit dégraissant, produit dont aujourd'hui la société ne peut contester l'utilisation ;

Considérant que l'hypothèse, évoquée par l'employeur, d'une cigarette allumée par Monsieur Pascal X... n'est pas corroborée par les documents médicaux établis lors de l'hospitalisation d'urgence et mentionnant expressément qu'il n'est pas fumeur ;

Considérant que la société Z... France soutient que l'appelant ne démontre pas que le produit de dégraissage qu'il utilisait était inflammable ; que, cependant, elle produit aux débats, sur injonction de l'appelant, les fiches techniques des produits utilisés ; que, si certains sont sans risque d'inflammation pour autant d'autres le sont ; qu'ayant reconnu le phénomène de l'inflammation, la société admet par là même l'utilisation d'un produit dégraissant inflammable lors de l'accident litigieux ;

Considérant, en conséquence, que les circonstances de l'accident ne sont pas indéterminées comme l'a retenu à tort le tribunal ;

Considérant que Monsieur Pascal X... produit aux débats un plan qu'il a certes établi lui-même mais que la société Z... France se borne à contester sans émettre de critiques précises et circonstanciées si ce n'est d'affirmer que ce plan est erroné dès lors qu'il n'indique qu'un seul paravent ; que cette critique est sans fondement alors même que la société a admis l'existence de plusieurs paravents dans la déclaration d'accident ;

Considérant que l'existence de ces paravents montre que l'employeur avait conscience du danger que représentaient certaines opérations de maintenance des engins de sa marque ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les paravents avaient une hauteur de 1,60 m environ ; que la fiche technique produite en cours de délibéré concerne la machine A 310 B alors que l'appelant estime avoir travaillé sur une pelle 316 à pneus de plus grande hauteur ; que, cependant, peu importe que la fiche corresponde ou non dès lors elle démontre que la hauteur de 1,60m ne pouvait protéger suffisamment une personne travaillant à sa maintenance que jusqu'à la cabine qui se situe à 1,50 m du sol environ ; que la personne intervenant pour toute opération effectuée plus haut n'était donc pas protégée ;

Considérant que l'insuffisance de la protection assurée par les paravents entre des postes de travail très rapprochés de 2 mètres entre eux alors même que l'employeur n'ignorait pas les risques d'inflammation d'un poste à l'autre constitue une faute à l'origine de l'accident dont a été victime Monsieur Pascal X... ;

Considérant, de surcroît, que les fiches d'entretien des extincteurs démontre que ceux-ci n'avaient pas subi de contrôles de maintenance depuis septembre 1999 ; que s'il n'est certes pas démontré que l'utilisation d'un extincteur en état de marche ait été recherchée, il n'en demeure pas moins que l'absence de contrôle annuel des extincteurs dans un environnement professionnel nécessitant l'usage de produits inflammables démontre la négligence de l'employeur en matière de sécurité de ses salariés ;

Considérant, pour ces motifs, que la société Z... France qui avait conscience du danger qu'elle faisait encourir à son salarié n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ce qui constitue une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont a été victime Monsieur Pascal X... ; que le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant, en conséquence, que la majoration de la rente à son maximum sera ordonnée ;

Que, pour les autres préjudices, il y a lieu de faire droit à la demande d'expertise médicale formée par Monsieur Pascal X... aux fins de les voir appréciés ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le versement d'une provision à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis par l'appelant ;

Considérant qu'il est équitable que Monsieur Pascal X... n'assume pas les frais qu'il a dû engager en cause d'appel ; que la S.A.S. C... France sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant de nouveau,

DIT que la S.A.S. Z... France a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont a été victime le 4 juillet 2002 Monsieur Pascal X...,

ORDONNE, en conséquence, la majoration à son maximum de la rente servie par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne,

Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices subis par Monsieur Pascal X...,

ORDONNE une expertise médicale judiciaire confiée au Docteur Chantal CHABAUX Hôpital Fernand D... .... Tel : 01 40 05 42 98,

Avec pour mission de :

1/. Convoquer toutes les parties en cause qui pourront se faire assister ou représenter par un médecin de leur choix,

2/. Examiner Monsieur Pascal X... et recueillir ses doléances,

3/. Se faire remettre l'ensemble du dossier médical de Monsieur pascal X...,

4/. Caractériser et évaluer les préjudices subis par Monsieur Pascal X... :

- le préjudice fonctionnel temporaire et son retentissement sur la vie quotidienne,

- le préjudice fonctionnel permanent éventuel et son retentissement sur l'activité professionnelle,

- les souffrances endurées,

- le préjudice esthétique,

- le préjudice d'agrément,

DIT que l'expert devra remettre son rapport au Greffe de la Cour dans les trois mois de sa saisine,

CONDAMNE la S.A.S. Z... France à payer à Monsieur Pascal X... la somme de mille euros (1 000 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

RENVOIE l'examen de l'affaire à l'audience qui sera tenue le 4 juin 2008 à 9h00 et dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties devant la Cour pour cette date.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0130
Numéro d'arrêt : 07/00253
Date de la décision : 08/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun, 19 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-08;07.00253 ?
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