RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre B
ARRÊT DU 08 Novembre 2007
(no 1 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 04/30212
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Novembre 2003 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 02/11623
APPELANTE
S.A. SANTE-VIE
28 rue François 1er
75008 PARIS
représentée par Me Pierre LUBET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 134 substitué par Me Sylvie MOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : P.0134
INTIMÉE
Madame Brigitte Y...
...
75016 PARIS
représentée par Me Anne-Judith LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : L15
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Mary VEILLE, PRESIDENT
M. Thierry PERROT, Conseiller
Madame Edith SUDRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Mary VEILLE, PRESIDENT
- signé par Monsieur Jean-Mary VEILLE, président et par Madame Nadine LAVILLE, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame Brigitte Y... a été embauchée le 29 août 2000 par la société Santé - Vie en qualité d'animatrice d'une émission intitulée " Témoignages Santé Vie " dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du11 septembre 2000 au 30 juin 2001.
Le 29 décembre 2000 Mme Y... était engagée par la S.A. Santé - Vie dans le cadre d'un autre contrat à durée déterminée, en qualité d'animatrice d'une émission appelée " Santé Vie Plus " pour la période du 3 janvier 2001 au 30 juin 2001.
Le 20 août 2001 Mme Y... était embauchée dans le cadre d'un troisième contrat à durée déterminée en qualité d'animatrice de l'émission " Témoignages Santé Vie " pour la période du 20 août 2001 au 28 juin 2002.
A l'issue de ce dernier contrat la S.A. Europe 1 Télécompagnie a fait savoir à Mme Y... qu'elle n'entendait pas poursuivre la diffusion de cette émission pour la prochaine saison radiophonique 2002-2003.
Par requête reçue le 17 septembre 2002 Mme Y... a saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris d'une demande tendant :
- à se voir appliquer la Convention Collective des Journalistes Professionnels et le statut de cadre,
- à voir requalifier ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,
- à voir qualifier la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
- à voir en conséquence condamner avec exécution provisoire et intérêts au taux légal, la S.A. Santé - Vie à lui verser les sommes suivantes :
- 6 860,21 € à titre d'indemnité de requalification,
- 25 154,00 à titre de rappel de salaire,
- 18 293,89 € à titre de rappel de congés payés,
- 20 580,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2 058,10 € à titre congés payés sur ce préavis,
- 13 720,42 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-82 322,40 € à titre dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure vexatoire ,
- 20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation des droits de la personnalité,
- 2 000,00 € par application de l'article 700 du NCPC ,
- à voir ordonner la remise des documents sociaux ( attestation ASSEDIC et certificat de travail )
- la régularisation de sa situation auprès de la Caisse des Cadres.
Par jugement en date du 6 novembre 2003 le Conseil des Prud'hommes de Paris statuant en formation de départage a :
- dit que Mme Y... ne peut prétendre au statut de journaliste professionnel cadre,
- requalifié la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2001,
- dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamné en conséquence la S.A. Santé - Vie à lui verser les sommes suivantes :
- 6 860,21 € à titre d'indemnité de requalification,
- 6 860,21€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 686,02 € à titre de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2002 et exécution provisoire ,
- 30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
- 2 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation des droits de la personnalité, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ,
- ordonné l'exécution provisoire pour les condamnations qui n'en bénéficient pas de droits,
- ordonné la remise des documents sociaux conformes,
- condamné la S.A. Santé - Vie à payer à Mme Y... la somme de 1 000,00 € par application l'article 700 du NCPC ,
- débouté Mme Y... du surplus de ses demandes ,
- condamné la S.A. Santé - Vie aux entiers dépens de la procédure.
Le 5 décembre 2003 cette dernière a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 28 novembre 2003.
Elle demande à la Cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande relative à la qualification de journaliste cadre, et de sa demande en dommages et intérêts pour procédure vexatoire,
- de la débouter pour le surplus de l'ensemble de ses prétentions,
- de la condamner à lui rembourser les sommes réglées au titre de l'exécution provisoire du jugement du Conseil des Prud'hommes de Paris outre les intérêts au taux légal à compter de leur règlement intervenu le 12 janvier 2004 pour la somme de 12 597,25 et 14 406,44 € et le 4 mars 2004 pour 19 214,86 €,
- de condamner Mme Y... à lui verser la somme de 1 500,00 € par application de l'article 700 du NCPC , ainsi qu'aux dépens.
Mme Y... a maintenu de son côté l'intégralité de ses demandes initiales.
Elle sollicite par ailleurs que les condamnations prononcées interviennent avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 septembre 2002 et la condamnation de la S.A Santé - Vie à lui verser la somme de 1 914,00 € au titre des frais occasionnés par la procédure d'exécution forcée du jugement outre celle de 9 000,00 € par application de l'article 700 du NCPC.
La cour se réfère aux conclusions des parties visées par le greffier le 20 septembre 2007 dont elles ont repris les termes à l'audience des débats.
Sur ce
Motivation
Sur la qualité de journaliste cadre
Attendu qu'en application de l'article L 761-2 du Code du Travail " est un journaliste professionnel celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ".
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que de 1994 à 2001 Mme Y... a travaillé en qualité de salariée intermittent au sein de la société France Télévision totalisant en sept ans 1283 jours de travail.
Attendu que les trois contrat à durée déterminée signés les 29 août 2000, 29 décembre 2000 et 20 août 2001 entre Mme Y... et la S.A Santé - Vie précisent que l'intéressée est embauchée en qualité d'animatrice et que ses fonctions relèvent du régime des intermittents du spectacle.
Attendu que la mission de Mme Y... consistait à animer une émission interactive relative aux questions de société, de famille et de psychologie.
Attendu que Mme Y... qui a été embauchée pour exercer des fonctions spécifiques d'animatrice dans le cadre d'une émission précise, limitée dans le temps et non pour effectuer de manière constante et générale l'ensemble des émissions de la S.A Santé - Vie ne justifie d'aucune activité de collaboratrice chargée de la rédaction et de la mise en forme d'informations.
Attendu que Mme Y... dont les bulletins de salaire mentionnent sa seule qualité d'animatrice sans même faire référence à un quelconque coefficient de rémunération ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'elle exerçait des fonctions d'encadrement ou de direction relevant du statut de cadre,
Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré quia débouté Mme Y... de sa demande tendant à se voir attribuer la qualification de journaliste cadre et de sa demande en paiement de congés payés liés à ce statut..
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée
Attendu que l'article L 122-1-1 du Code du Travail dispose que " le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants :
3o) emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ".
Attendu que des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié ,
Que l'office du juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée est seulement de rechercher par une appréciation souveraine si pour l'emploi concerné et, sauf si une Convention Collective prévoit en ce cas le recours au contrat à durée indéterminée , il est effectivement d'usage de ne pas recourir à un tel contrat, l'existence de l'usage devant être vérifié au niveau du secteur d'activité défini par l'article D 121-2 du Code du Travail ou par une convention ou un accord collectif étendu.
Attendu en l'espèce que l'article D121-2 du Code du Travail définit le secteur de l'audio-visuel comme l'un des secteurs d'activité où il est d'usage de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée.
Attendu que l'accord interbranche sur le recours aux contrats à durée déterminée d'usage dans le spectacle du 2 octobre 1998 définit l'activité radio , et dans l'activité radio celle d'animateur, comme une activité dans laquelle peuvent être mis en place des contrats à durée déterminée d'usage.
Attendu qu'il s'ensuit que l'emploi occupé par Mme Y... , par nature temporaire du fait qu'il concerne une émission déterminée, se déroulant à certaines heures sur un sujet précis relatif à la santé ou au bien-être sur lequel elle intervenait en sa qualité de médecin, s'inscrit dans un secteur d'activité où il est d'usage constant de ne pas recourir à des contrat à durée indéterminée,
Qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme Y... de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et de sa demande d'indemnité de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire
Attendu que pour l'émission " Témoignages Santé Vie " la relation de travail s'est formalisée par la succession de deux contrats de travail signés les 29 août 2000 et 20 août 2001.
Attendu que le premier contrat prévoyait une rémunération sous forme d'un cachet mensuel forfaitaire brut de 30 000,00Francs soit 4 574,85 €, tandis que le second contrat fixait sa rémunération sous forme d'un cachet mensuel forfaitaire brut de 15 000,00 francs soit 2 287,43 €.
Attendu toutefois que Mme Y... ne saurait se prévaloir de la règle " à travail égal salaire égal " dès lors que s'agissant d'un nouveau contrat elle en a accepté les conditions sans rapporter la preuve de ce que son consentement aurait été vicié lors de sa conclusion ,
Qu'en outre elle ne produit aucune pièce établissant qu'un autre salarié placé dans les mêmes conditions de travail et effectuant les mêmes tâches qu'elle aurait été mieux rémunéré,
Qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire.
Sur la rupture du contrat de travail
Attendu que le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties a été rompu par l'arrivée du terme ,
Qu'il convient dès lors de constater qu'en l'absence de faute grave ou de force majeure, cette rupture ne saurait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter Mme Y... de ses demandes en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure vexatoire et remise de documents sociaux conformes.
Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice lié à l'image
Attendu qu'il est établi que postérieurement à la fin du contrat de travail et alors même qu' une autre animatrice a été choisie pour participer à l'émission , la S.A Santé - Vie a continué à faire figurer le patronyme de Mme Y... sur le site internet comme intervenant aux côtés de la nouvelle animatrice.
Attendu qu'une telle situation, de nature à laisser croire aux employeurs potentiels de Mme Y... qu'elle continuait à travailler pour la S.A Santé - Vie, lui a manifestement causé un préjudice qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 2 000,00 € à titre de dommages et intérêts,
Qu'ainsi le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur la demande en remboursement des frais de procédure d'exécution
Attendu que la décision du Conseil des Prud'hommes de Paris assortie de l'exécution provisoire a été notifiée à la S.A Santé - Vie le 28 novembre 2003.
Attendu que dès le 17 décembre 2003 Mme Y... a fait délivrer à la S.A Santé - Vie un commandement aux fins de saisie-vente, puis le 22 décembre une saisie-attribution sur son compte bancaire.
Attendu que la demande de la S.A Santé - Vie tendant à voir subordonner les effets de l'exécution provisoire d'une garantie bancaire de Mme Y... ne saurait en l'absence d'autre élément constituer une résistance abusive de sa part et correspond à un souci légitime de préserver ses droits en cas d'infirmation du jugement ,
Qu'en tout état de cause la S.A Santé - Vie justifie avoir le 12 janvier 2004 procédé au règlement des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit puis le 4 mars 2004 au solde.
Qu'il y a lieu dès lors de débouter Mme Y... de sa demande en remboursement des frais d'exécution forcée qu'elle a estimé utiles d'engager.
Sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire
Attendu que la S.A Santé - Vie demande le remboursement des sommes qu'elle a versées ( 12 597,25 € et 14 406,44 € le 12 janvier 2004 et 19 214,86 € le 4 mars 2004 ) à Mme Y... en vertu du jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Paris assorti de l'exécution provisoire avec intérêts au taux légal à compter de leur versement.
Attendu que Mme Y... a été déboutée en cause d'appel de l'ensemble de ses prétentions à l'exception de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice lié à son image.
Attendu qu'il s'ensuit que le présent arrêt partiellement infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement les sommes devant être restituées portant intérêts au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution,
Qu'il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur la demande en restitution sollicitée.
Sur l'article 700 du NCPC et les dépens
Attendu qu'il convient d'infirmer le jugement déféré sur l'application de l'article 700 du NCPC et de débouter Mme Y... et la S.A Santé - Vie de leurs demandes respectives d'indemnité de ce chef formée en première instance et en cause d'appel
Qu'il convient par ailleurs de condamner Mme Y... aux entiers dépens de la procédure.
Par ces motifs
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme Y... de sa demande en requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ,
Déboute Mme Y... de ses demandes d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de remise des documents sociaux conformes,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Y... de ses demandes tendant à se voir reconnaître la qualification de journaliste cadre et à se voir allouer une indemnité conventionnelle de licenciement, un rappel de congés payés liés au statut de journaliste , un rappel de salaire et des dommages et intérêts pour procédure vexatoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A Santé - Vie à verser à Mme Y... la somme de 2 000,00 € à titre dommages et intérêts pour préjudice lié à son image,
Y ajoutant ,
Déboute Mme Y... de sa demande en remboursement des frais d'exécution forcée qu'elle a engagés,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en restitution des sommes versées par la S.A Santé - Vie à Mme Y... en exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire,
Déboute les parties de leurs demandes respectives d'indemnité fondée sur l'article 700 du NCPC formées en première instance et en cause d'appel,
Condamne Mme Y... aux entiers dépens de la procédure.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT