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26/10/2007 | FRANCE | N°06/02138

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 26 octobre 2007, 06/02138


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 26 OCTOBRE 2007

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/02138

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/00012

APPELANTE

Madame Frida X...

...

00151 ROME ITALIE

représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Jean Michel Y...,

avocat au barreau de PARIS, toque : D 2070

INTIMEE

S.A. CREDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 26 OCTOBRE 2007

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/02138

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/00012

APPELANTE

Madame Frida X...

...

00151 ROME ITALIE

représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Jean Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D 2070

INTIMEE

S.A. CREDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège central ...

75002 PARIS

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Frédérique Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P110

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Juin 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président

Madame Claire DAVID, Conseiller

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du nouveau Code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

Mme X..., descendante par sa mère de la branche souabe de la famille princière de A..., avait transféré tous les avoirs qu'elle détenait à la Banque San Paolo pour les placer, au moyen d'un chèque de banque de 6 540 000 francs, dans les livres du Crédit Lyonnais, agence des Champs Elysées à Paris, dans des comptes ouverts au nom de Mme Scitan A....

Elle a vécu quelques mois avec M. B..., qui a été condamné le 7 octobre 2002 à 4 ans d'emprisonnement avec mandat d'arrêt par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir établi deux fausses procurations au nom de Mme X... en sa faveur le 10 mars 1999 par imitation de signature, pour être l'auteur d'une fausse lettre demandant la vente de titres appartenant à Mme X... le 22 avril 1999 et pour s'être faire remettre du compte de Mme X... deux chèques de banque de 175 000 francs et de 130 000 francs, des espèces à hauteur de 80 000 francs et trois virements de 35 600 francs, 100 000 francs et 158 000 francs, ainsi qu'un chèque de 605 021,68 .. Par même jugement, M. B... a été condamné à verser à Mme X... la somme de 1 067 143,12 € à titre de dommages et intérêts et au Crédit Lyonnais la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts. M. B... a été retrouvé et interpellé, mais il est décédé le 8 juillet 2004, après avoir fait opposition au jugement, de sorte que l'action publique est éteinte.

Estimant que le Crédit Lyonnais avait commis des fautes, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 18 janvier 2006, a condamné le Crédit Lyonnais, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer :

- la somme de 730 040,23 € en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 1999 et capitalisation des intérêts,

- la somme de 37 500 € en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts,

- la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 3 février 2006, Mme X... a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 30 avril 2007, Mme X... demande à la Cour :

- de réformer le jugement entrepris,

En conséquence,

- de condamner la Crédit Lyonnais à lui payer les sommes de 1 032 079,80 € pour son préjudice matériel, de 1 050 000 € pour le préjudice lié à l'absence de rentabilité des capitaux perdus du fait des négligences du Crédit Lyonnais, de 1 067 143 € pour le préjudice économique, de 200 000 € pour le préjudice né de la vente des objets mobiliers de valeur, de 60 980 € au titre du remboursement des agios et intérêts bancaires et de 450 000 € pour son préjudice moral, le tout avec intérêt à compter de l'assignation du 5 octobre 1999 et capitalisation des intérêts,

- de condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la 1ère instance et celle de 15 000 € pour la procédure d'appel.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 29 mai 2007, le Crédit Lyonnais demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de débouter Mme X... de ses demandes,

A titre subsidiaire, au cas où une faute serait retenue,

- de prononcer un partage de responsabilité par moitié,

- de débouter Mme X... de ses demandes au titre des préjudices qui ne sont pas établis,

- de condamner Mme X... à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,LA COUR,

Considérant que Mme X... fait grief au Crédit Lyonnais d'avoir remis sans son accord des fonds provenant de son compte à M. B..., d'avoir pris en compte les procurations qui lui ont été remises par M. B... qui avait imité grossièrement sa signature, sans même l'avoir convoquée ou avoir pris contact avec elle, d'autant que le compte venait d'être ouvert le 16 février 1999 et que les deux procurations sont datées du 10 mars 1999 ; qu'elle reproche également au Crédit Lyonnais de ne pas avoir réagi, lorsqu'il a appris le 17 mars 1999 que la carte d'identité, présentée par M. B... sous l'identité de O'Neal, était une fausse carte provenant d'un lot de cartes d'identité vierges qui avait été volé ;

Considérant que l'expert en écritures désigné par le juge d'instruction conclut le 4 septembre 2001 que M. Franck B... est bien le signataire des pouvoirs datés du 10 mars 1999 et de la lettre du 22 avril 1999 et que ces signatures contrefaites sont des imitations plus ou moins bien réussies des signatures sincères de Mme X... ;

Considérant que la directrice de l'agence du Crédit Lyonnais, Mme C..., a été entendue par les services de police le 17 juin 1999 et a expliqué qu'après avoir reçu ensemble M. B..., sous l'identité de O'Neal, et Mme X..., elle a revu M. B... qui lui a apporté seul un chèque de la Banque Sanpaolo de 6,5 MF à déposer sur le compte ouvert au nom de Mme Scitan A... ; qu'elle a reconnu avoir remis à M. B... seul la carte bancaire et le chéquier de Mme X..., avant même l'établissement d'une procuration et avoir effectué un versement à son profit de 80 000 francs le 9 mars 1999 ; qu'elle a indiqué que M. B... s'étant toujours présenté comme s'occupant des affaires de "son épouse", elle a accepté les procurations qu'il lui a remises, sans vérifier le consentement de la mandante et sans même vérifier la conformité de la signature ; qu'elle a également reconnu, qu'alertée par le service des fraudes du Crédit Lyonnais que la carte d'identité présentée par M. B... au nom de O'Neal était peut-être fausse, elle n'a effectué aucune démarche, faute d'instruction à ce sujet ; qu'elle a précisé au juge d'instruction le 22 novembre 2001 que M. D..., du service des fraudes, lui avait dit de ne rien faire ; qu'elle a encore reconnu avoir établi deux chèques de banque du compte de Mme E... de Ardebril, sans aucun ordre, les 8 et 9 mars 1999 de 130 000 francs et de 175 000 francs, qui ont ensuite été émis au profit des sociétés ANSA et PAX, qui se sont révélées être des sociétés de vente de voitures de haut de gamme ; qu'elle a ensuite expliqué que M. B... lui avait demandé d'établir un chèque en livres sterling de la somme se trouvant encore sur le compte de Mme X..., au motif qu'ils déménageaient pour Londres ; que c'est dans ces conditions qu'elle a établi un chèque de banque de 605 021,68 . remis à M. B..., en exécution d'une lettre d'instruction datée du 22 avril 1999 signée au nom de Mme Scitan A... ; qu'elle a expliqué avoir ensuite adressé le chèque au service du Crédit Lyonnais qui traite de toutes les opérations en devises à Paris 12ème et avoir prévenu Mme X... qu'elle pouvait aller le chercher ;

Considérant que M. de F... de Régie, préposé du Crédit Lyonnais dans ce service à Paris 12ème, a indiqué aux services de police le 24 juin 1999, que sur présentation du document émanant de Mme C... autorisant Mme E... à retirer le chèque, il l'a remis à M. B... qui s'est présenté, précisant qu'il n'avait pas été étonné qu'il s'agisse d'un homme et non de la personne visée dans le courrier comme étant Mme E... ;

Considérant que Mme C... a admis avoir ensuite fait signer deux procurations à Mme X... le 4 mai 1999 après le dépôt de plainte de cette dernière ;

Considérant que pour expliquer le déroulement des faits ci-dessus relatés, le Crédit Lyonnais se fonde sur le mandat apparent dont disposait M. B..., qui s'était présenté comme étant son époux, ce que Mme X... a reconnu devant les services de police n'avoir pas pensé à démentir, et sur le train de vie de sa cliente qui pouvait légitimement effectuer toutes les dépenses en litige ; qu'il indique au surplus que Mme X... avait laissé les préposés du Crédit Lyonnais visiter son appartement aux fins d'effectuer une estimation de celui-ci qui avait été demandée par M. B... ; qu'il en tire comme conséquence que sa cliente ne pouvait pas ignorer les agissements de son compagnon ;

Mais considérant que tous les éléments ci-dessus relatés révèlent les fautes commises par la banque ; que le fait que le Crédit Lyonnais pouvait croire que M. B... et Mme X... étaient mariés ne l'autorisait pas à effectuer des opérations sur le compte de sa cliente sans disposer d'une procuration régulière et ne le dispensait pas de l'obligation de vérifier le pouvoir qui lui a ensuite été présenté, obligation qui était d'autant plus importante que la procuration n'a pas été signée dans ses services et lui a été remise des mains du mandataire ; que Mme C... a d'ailleurs reconnu devant les services de police qu'elle n'a pas pensé à vérifier la signature de la mandante ; que si elle avait pris la précaution de le faire, elle se serait alors rendue compte que le spécimen de signature déposé à la banque indique FScitanHohenzollern, alors que M. B... signait simplement A... ;

Considérant par contre que le grief de Mme X... selon lequel la somme de 358 000 francs a été débitée de son compte à son insu le 11 mars 1999 est sans conséquence, dès lors que cette somme a été virée sur son autre compte ouvert à son nom à la même agence du Crédit Lyonnais ; qu'il en est de même pour les autres virements litigieux ;

Considérant que Mme X... reproche encore au Crédit Lyonnais de lui avoir imposé de donner une adresse en Italie, alors qu'elle demeurait à Paris, ce qui l'a privée de la possibilité de prendre rapidement connaissance de ses relevés de compte, ce à quoi la banque répond que les comptes ouverts aux non-résidents portent une adresse à l'étranger pour des raisons fiscales ;

Mais considérant que Mme C..., entendue par les services de police le 17 juin 1999, a reconnu que Mme X... lui avait demandé de lui adresser toute la correspondance à Paris et non en Italie, le Crédit Lyonnais n'ignorant pas que sa cliente demeurait à Paris ;

Considérant que ces deux exigences n'étant pas contradictoires, la banque aurait pu satisfaire la demande de sa cliente, tout en maintenant l'adresse italienne sur les papiers officiels et sur les chéquiers ;

Considérant que Mme X... en tire comme conséquence qu'elle aurait pu être informée plus rapidement des agissements de M. B... et aurait pu y mettre fin, si elle avait reçu ses relevés de compte à Paris ;

Mais considérant que le 4 mai 1999, Mme X... a déclaré aux services de police qu'elle a reçu un premier relevé de compte portant au débit les sommes de 130 000 francs, 80 000 francs et plusieurs sommes de la même importance et qu'ayant demandé des explications à M. B..., ce dernier lui a répondu qu'il disposait d'une procuration, ce qu'elle a contesté devant lui ;

Considérant que Mme X... était ainsi informée par l'intéressé lui-même qu'il était en possession d'une procuration sur son compte bancaire ; qu'en ne contestant pas immédiatement les opérations effectuées, elle a été négligente et a elle-même concouru à la réalisation de son préjudice ultérieur ;

Considérant cependant que le Crédit Lyonnais a concouru à la réalisation du dommage pour une part plus importante, dans la mesure où toutes les opérations litigieuses se sont déroulées sur un laps de temps très court entre le 9 mars et le 22 avril 1999 ;

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que les fautes commises par Mme X... ont concouru à la réalisation de son préjudice dans une proportion d'1/4 ;

Considérant que le préjudice de Mme X... consiste, en 1er lieu, en tous les retraits effectués à son insu pour 6 millions de francs, 130 000 francs, 175 000 francs et 80 000 francs, ce qui représente la somme de 973 386,98 € (6 385 000 francs) ; que, compte-tenu du partage de responsabilité, la somme de 730 040,23 € doit lui être allouée à ce titre ;

Considérant que Mme X... demande à la Cour, en 2ème lieu, de compenser la perte de rentabilité de ses capitaux dans une proportion de 12,50 % ;

Mais considérant qu'il n'est pas démontré que le Crédit Lyonnais se serait engagé envers sa nouvelle cliente à lui assurer une telle rentabilité ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, le préjudice découlant de la perte de rentabilité des sommes prélevées étant compensé par l'allocation des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 octobre 1999 capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que Mme X... demande, en 3ème lieu, la réparation du préjudice économique lié à la vente de son appartement ..., rendue nécessaire par le fait qu'elle ne disposait plus d'argent ; qu'elle conclut qu'elle a perdu le bénéficie de la hausse de l'immobilier sur 4 ans, ce qui représente 50 % de la valeur du bien, soit 1 067 143 € ; qu'elle demande également la réparation du préjudice lié à la perte de ses objets mobiliers qui ont été vendus pour les 4/5èmes de leur valeur ;

Mais considérant que le lien de causalité entre les fautes du Crédit Lyonnais et la vente des biens immobilier et mobiliers de Mme X... n'est pas établi ;

Considérant que Mme X... sollicite, en 4ème lieu, le remboursement des agios prélevés par la Banque San Paolo qui lui a consenti un prêt ;

Mais considérant que là encore, il n'est pas démontré que la situation financière de Mme X... était telle qu'elle était dans l'obligation de recourir à un prêt, dans l'attente de l'issue de la présente procédure ; que le lien de causalité entre les fautes du Crédit Lyonnais et la souscription de ce prêt n'est pas démontré ;

Considérant que Mme X... demande enfin la réparation de son préjudice moral ;

Que c'est à bon droit que le tribunal a fixé à 50 000 € le montant de ce préjudice ; que compte-tenu du partage de responsabilité, la somme de 37 500 € doit lui être allouée à ce titre ;

Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie leurs frais irrépétibles au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel ; que la demande de modification du montant de l'indemnité allouée par les premiers juges n'est pas justifiée ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Rejette les autres demandes,

Condamne le Crédit Lyonnais aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 06/02138
Date de la décision : 26/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 18 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-10-26;06.02138 ?
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