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25/10/2007 | FRANCE | N°06/6441

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 25 octobre 2007, 06/6441


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 25 Octobre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/06441

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES section commerce RG no 05/00157

APPELANT

1o - Monsieur Grégory X...

...

94000 CRETEIL

représenté par Mme Cécile SERRANO, délégué syndical ouvrier,

INTIMEE

2o- S.A.R.L. ACPVF


ZA PONROY

16, rue Clément Ader

94420 LE PLESSIS TREVISE

représentée par Me Aurélie ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : R.132,

COMPOSITION DE ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 25 Octobre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/06441

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES section commerce RG no 05/00157

APPELANT

1o - Monsieur Grégory X...

...

94000 CRETEIL

représenté par Mme Cécile SERRANO, délégué syndical ouvrier,

INTIMEE

2o- S.A.R.L. ACPVF

ZA PONROY

16, rue Clément Ader

94420 LE PLESSIS TREVISE

représentée par Me Aurélie ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : R.132,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseiller

Mme Hélène IMERGLIK, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats,

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :

M Grégory X... a été engagé le 22 juillet 2003 par la SARL ACPVF en qualité de technicien assainissement-poids-lourds, suivant contrat à durée indéterminée. Il prétend toutefois avoir commencé à travailler pour la SARL ACPVF dès le 9 juillet 2003, et avoir été amené entre juillet 2003 et août 2004 à effectuer de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées.

Le 8 septembre 2004 le salarié était convoqué un entretien préalable. Lors de cet entretien son employeur le rappela à l'ordre "notamment en ce qui concerne son refus systématique de se soumettre aux directives de sa hiérarchie".

M Grégory X... n'ayant pas, selon son employeur changé d'attitude la société le convoquait une seconde fois pour un nouvel entretien préalable le 22 septembre 2004.

Par LRAR du 27 septembre 2004 il était licencié pour cause réelle et sérieuse aux motifs suivants : refus des directives de la hiérarchie, des astreintes et des permanences.

M Grégory X... saisissait alors le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges.

Celui-ci par jugement du 26 janvier 2006, section commerce, retenant le caractère réel et sérieux les motifs invoqués dans la lettre de licenciement et considérant qu'il y avait un doute quant aux preuves rapportées par le salarié concernant les heures supplémentaires, le déboutait de l'ensemble de ses demandes.

M Grégory X... a régulièrement fait appel de cette décision. Il demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes, de constater le non-paiement des heures supplémentaires, de constater que la SARL ACPVF l'a employé sans le déclarer du 9 au 21 juillet 2003 de dire en conséquence que l'employeur a dissimulé l'emploi de M Grégory X... et que son licenciement est abusif.

Il demande à la cour de lui allouer les sommes suivantes :

- 4.528,79 Euros au titre des heures supplémentaires et 453,88 Euros pour congés payés afférents ;

- 931,91 Euros à titre d'indemnité pour repos compensateur non pris et 93,19 Euros pour congés payés afférents ;

- 12.008,13 Euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 12.008,13 Euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 1.000 Euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL ACPVF a régulièrement formé appel incident. Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer 2.000 Euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'entreprise compte moins de 11 salariés.

Le salaire brut moyen des six derniers mois de M Grégory X... est de 2.001,36 Euros.

LES MOTIFS DE LA COUR :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les heures supplémentaires :

L'article 5 du contrat de travail signé par les parties le 21 juillet 2003 précise : "la durée hebdomadaire de travail de Grégoire X... est de 35 heures effectuées selon l'horaire en vigueur dans l'entreprise. Le cas échéant, des heures supplémentaires pourront toutefois être demandées à M Grégory X... en fonction des nécessités de l'entreprise et dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles".

En application de l'article L.212-1-1 la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement ni à l'une ni à l'autre partie. Si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties.

M Grégory X... prétend avoir, de fait, accompli de nombreuses heures supplémentaires, sans jamais en avoir été réglé. Il fournit à l'appui de sa demande des copies de disques chronotachygraphes ainsi qu'un décompte précis et complet des heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies à partir du 9 juillet 2003 jusqu'à la date de son licenciement. L'employeur conteste ces heures supplémentaires, soutenant que le salarié aurait subtilisé les disques chronotachygraphes, et n'en présenterait à l'appui de ses demandes que des copies qu'il estime "douteuses", notamment du fait d'une part que selon lui le salarié n'était pas encore entré dans l'entreprise entre le 9 et le 19 juillet 2003, dates pour lesquelles sont versés des disques, et par ailleurs parce que le numéro de plaque d'immatriculation du camion figurant sur toutes les copies de disques versées au débat par M Grégory X... est celui d'un camion acheté par la SARL ACPVF le 30 juillet 2003".

Il verse à l'appui de ses dires une "confirmation de certificat de travail" délivré par le précédent employeur du salarié et qui dit que celui-ci a été sous contrat avec lui jusqu'au 21 juillet 2003.

M Grégory X... explique, sans l'établir, que l'employeur refusant de régler les heures supplémentaires, il aurait été contraint de soumettre ses disques à l'inspection du travail, mais les aurait ensuite restitués après en avoir fait copies à l'employeur qui aurait refusé d'en signer décharge.

La cour relève toutefois, qu'aucune suite pénale n'a été donnée concernant l'éventuelle subtilisation des disques et que par ailleurs il est à tout le moins étonnant que l'employeur, en plus de 18 mois de coopération, ne se soit jamais inquiété des disques chronotachygraphes, ceux-ci étant le moyen le plus sûr pour lui de vérifier les heures de travail effectué par le personnel, et n'ait jamais réclamé ceux ci, avant la lettre de licenciement adressée le 25 septembre 2004 à M Grégory X....

La cour note également que l'affirmation selon laquelle tous les disques porteraient depuis le 9 juillet 2003 un numéro d'immatriculation de camion 963 PRE 75, alors que ce camion n'a été acheté que le 30 juillet, ce qui est établi, est inexacte. En effet la consultation des disques produits par le salarié fait apparaître que les 15,19 et 22 juillet le numéro de camion porté est le 596 PRE 75, puis il à partir du 25 juillet jusqu'au 31 juillet le numéro est le 563 PRE 75, pour devenir à partir du 1er septembre effectivement le 963 PRE 75.

D'autre part, le certificat de travail rédigé par l'ancien employeur, ne permet pas de savoir si le salarié était effectivement resté en poste jusqu'au 20 juillet, ou a bénéficié en fin de contrat d'un certain nombre de jours de congés payés, ce qui expliquerait qu'il s'est trouvé libre dès le 9 juillet.

Une embauche antérieure au 22 juillet 2003, est également accréditée par la consultation du bulletin de salaire délivré au salarié pour la période du 22 juillet 2003 au 31 juillet 2003, soit sept jours ouvrés qui fait apparaître un salaire brut de 609,46 Euros, pour un salaire mensuel brut prévu de 1.257,52 Euros, montant qui s'explique par 56 heures travaillées annoncées au bulletin de salaire et une prime exceptionnelle de 145,16 Euros. Or la cour relève que 56 heures effectuées en sept jours révèlent nécessairement soit des heures supplémentaires, soit un nombre de jours travaillés plus importants, et qu'une telle prime exceptionnelle, versée dès le premier mois, ne se retrouve ensuite pas sur les autres bulletins de salaire.

La cour considère, qu'il ne ressort de ces constats, aucun élément sérieux permettant de mettre en doute la sincérité des photocopies disques chronotachygraphes produits par le salarié à l'appui de ses demandes. Elle considère donc que M Grégory X... a effectivement été embauché le 9juillet 2003.

En outre, après avoir procédé à un certain nombre de vérifications afin de comparer les relevés d'heures supplémentaires tels qu'établis, de manière précise par le salarié, avec les copies des disques produits, il en ressort que les décomptes et calculs fournis par le salarié, sont conformes aux relevés des disques et ne font l'objet, en l'absence de tout élément précis apporté par l'employeur pour les contredire, d'aucune contestation sérieuse quant à leur détail par l'employeur.

La cour fait donc droit à la demande du salarié relative au paiement des heures supplémentaires et congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour repos compensateurs non pris et congés payés afférents :

Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateurs visée à l'article L.212-5-1 du code du travail (laquelle doit correspondre à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait accompli son travail) et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.

M Grégory X..., compte tenu des éléments développés ci-dessus au titre des heures supplémentaires justifie avoir droit, pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 180 heures, à un repos compensateur pour une durée de 132,25 heures, repos compensateur qui ne lui a jamais été notifié en annexe de ces fiches de paie. En conséquence la cour fait droit à sa demande à ce titre pour un montant de 931,91 Euros outre les congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail de M Grégory X... :

La lettre de licenciement adressée à M Grégory X... est rédigée comme suit : "après plusieurs remarques orales et une première mise au point lors de l'entretien du 8 septembre dernier, vous refusez encore à ce jour systématiquement :

- les directives de votre hiérarchie (cf. affectation avenant)

- les astreintes (cf. Article V de votre contrat de travail)

- les permanences exceptionnelles (cf. Article V de votre contrat)

de plus nous avons à déplorer vos retards injustifiés et répétitifs...".

Lors de notre entretien vous nous avez fait part de la régularisation de vos «heures supplémentaires» nous vous rappelons par la présente que nous ne sommes en aucun cas opposés à vous indemniser ces heures. Afin de chiffrer cette indemnité, nous vous demandons de rapporter les disques de votre véhicule, cette requête était déjà d'actualité lors de notre entretien du 8 septembre dernier, à ce jour nous ne sommes toujours pas en possession de ces pièces...".

Il ressort des éléments ci-dessus, que le salarié, conformément à ce que prévoyait d'ailleurs son contrat de travail, avait accompli jusqu'en septembre 2004, pendant plus de 14 mois, un nombre conséquent d'heures supplémentaires, pour lesquelles il n'apparaît aucune déclaration ni aucun paiement sur les bulletins de salaire jusqu'à cette date.

Dès lors le reproche formulé à l'appui de ce licenciement, consistant à refuser les directives les astreintes et les permanences exceptionnelles, alors même que l'employeur, en dépit de ses obligations contractuelles et légales, ne les payait pas à son salarié, ne saurait fonder un licenciement qui, dès lors, apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi du salarié, de son âge lors du licenciement et du préjudice qu'il établit avoir subi à la suite de celui-ci, la cour fixe à 6.000 Euros la somme due en application de l'article L.122-14-5 du code du travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé :

Le fait pour l'employeur d'avoir exigé de son salarié pendant toute la durée du contrat de travail que celui-ci effectue des heures supplémentaires pour répondre aux demandes des clients, sans que jamais, avant le mois d'octobre 2004, aucun bulletin de salaire ne mentionne le paiement de telles heures supplémentaires est constitutif en lui-même de travail dissimulé au regard de l'article L.324-9 du code du travail, et ouvre droit pour le salarié à l'indemnité de six mois prévue par l'article L.324-11-1 du même code.

En conséquence la cour alloue au salarié une somme de 12.008,13 Euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M Grégory X... la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 1.000 Euros, à ce titre pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes,

Et statuant à nouveau :

Condamne la SARL ACPVF à payer à M Grégory X... les sommes suivantes :

- 6.000 Euros (SIX MILLE EUROS) à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L.122-14-5 du code du travail ;

- 4.528,79 Euros (QUATRE MILLE CINQ CENT VINGT HUIT EUROS et SOIXANTE DIS NEUF CENTIMES) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 453,88 Euros (QUATRE CENT CINQUANTE TROIS EUROS et QUATRE VINGT HUIT CENTIMES) pour congés payés afférents ;

- 931,91 Euros (NEUF CENT TRENTE ET UN EUROS et QUATRE VINGT ONZE CENTIMES) à titre d'indemnité pour repos compensateur non pris et 93,19 Euros pour congés payés afférents ;

- 12.008,13 Euros (DOUZE MILLE HUIT EUROS et TREIZE CENTIMES) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Déboute M Grégory X... du surplus de ses demandes ;

Déboute la SARL ACPVF de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la SARL ACPVF à régler à M Grégory X... la somme de 1.000 Euros (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 06/6441
Date de la décision : 25/10/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, 26 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-10-25;06.6441 ?
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