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25/10/2007 | FRANCE | N°06/11103

France | France, Cour d'appel de Paris, 25 octobre 2007, 06/11103


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



1ère chambre - section F



ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2007



AUDIENCE SOLENNELLE



(no 61 , 6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 06/11103



Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 27 janvier 2005 par la 1ère chambre, section F



Sur appel d'une résolution du Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau du Val de Marne

en date du 10 juin 2004







DEMANDEUR AU RECOURS :



Mme Anne-Marie X...
Y...


...


94410 ST MAURICE



Comparante



Assistée de Maître Bérengère LONG, avocat au Barreau de Paris
...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère chambre - section F

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2007

AUDIENCE SOLENNELLE

(no 61 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/11103

Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 27 janvier 2005 par la 1ère chambre, section F

Sur appel d'une résolution du Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau du Val de Marne en date du 10 juin 2004

DEMANDEUR AU RECOURS :

Mme Anne-Marie X...
Y...

...

94410 ST MAURICE

Comparante

Assistée de Maître Bérengère LONG, avocat au Barreau de Paris

substituant Maître Eve DREYFUS, avocat au Barreau de Paris

73, rue Caumartin

75009 PARIS

Toque E 1814

DÉFENDEUR AU RECOURS :

LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU VAL DE MARNE

Palais de Justice de Créteil

17-19, rue Pasteur Valléry-Radot

94011 CRETEIL

Représenté par Maître Arnauld BERNARD,

avocat au Barreau du Val de Marne

30, avenue Carnot

94100 SAINT MAUR DES FOSSES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 septembre 2007, en audience publique à la demande de Madame Anne-Marie X...
Y... , devant la Cour composée de :

- Monsieur Jean-Claude MAGENDIE, Premier Président

- Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président

- Monsieur André DELANNE, Président

- Monsieur Pierre-Alain WEILL, Président M.A.S

- Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mlle Sabine DAYAN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au Procureur Général, représenté lors des débats par Monsieur Olivier LAMBLING, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

DÉBATS : à l'audience tenue le 20 septembre 2007, à la suite du rapport de M. Jean-Claude MAGENDIE, Premier Président, ont été successivement entendus :

- Maître Bérengère LONG, avocat de Madame Anne-Marie X...
Y..., en sa plaidoirie,

- Maître Arnauld BERNARD, avocat représentant le Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau du Val de Marne , en ses observations,

- M. Olivier LAMBLING, Avocat Général, en ses observations,

- Maître Bérengère LONG, avocat de Madame Anne-Marie X...
Y..., en ses observations,

- Madame Anne-Marie X...
Y..., en ses observations.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par M. Jean-Claude MAGENDIE , premier président et par Mlle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par Monsieur Le Premier Président.

* * *

Le 7 mars 2004, Madame Anne-Marie A... a sollicité son inscription au tableau de l'Ordre des avocats au barreau du Val de Marne en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article 98-3 du décret du 27 novembre 1991 régissant la profession d'avocat. Le 10 juin 2004, le Conseil de l'ordre des avocats du barreau du Val de Marne a rejeté cette demande. Madame A... a alors formé un recours contre cette décision. Sur appel de Madame A..., la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 27 janvier 2005, rejeté son recours.

Cet arrêt a été cassé le 21 février 2006 par la première chambre civile de la Cour de cassation en raison de la "dénaturation de termes clairs et précis d'une attestation" qui avait été produite aux débats par l'appelante pour justifier de sa qualité de juriste d'entreprise, la cour d'appel ayant pour sa part considéré, pour rejeter la demande - au vu notamment de cette attestation -, que l'activité de Madame A... correspondait en réalité celle d'une assistante juridique.

L'affaire a été renvoyée devant la même cour autrement composée.

LA COUR :

Vu la déclaration de saisine déposée le 22 juin 2006 par Madame Anne-Marie A... et ses conclusions en date du 20 septembre 2007 ;

Vu les conclusions déposées le 20 septembre 2007 par l'Ordre des avocats au barreau de Créteil qui demande à la cour de rejeter la demande présentée par Madame A... sur le fondement de l'article 98 du décret no 91-1197 du 17 novembre 1991 ;

À l'audience publique du 20 septembre 2007, ont été entendus en leurs observations orales :

- Madame Anne-Marie A... et son conseil, qui ont notamment fait valoir que cette dernière satisfaisait, en considération de sa qualité de juriste au sein du Crédit Lyonnais depuis 1984, aux critères retenus par la jurisprudence, à savoir le caractère permanent de l'activité juridique exercée au sein de l'entreprise, une activité juridique effective exercée au sein d'un service structuré et spécialisé au seul bénéfice de l'entreprise ;

- le représentant de l'Ordre des avocats au barreau de Créteil qui a insisté sur le fait que l'attestation de Monsieur B... ne faisait à aucun moment état des responsabilités qui auraient pu être celles de Madame Reig Y... dans l'organisation et le fonctionnement de la banque, ni même du service dont le rédacteur de l'attestation était le responsable ; que cette personne ne faisant état dans son attestation que d'une mission d'assistance juridique, et les autres attestations produites aux débats par la candidate à l'inscription au barreau du Val de Marne ne l'établissant pas davantage, elle ne remplit pas la condition exigée par le troisième point de l'article 98 du décret de 1991 ;

- le ministère public en la personne de Monsieur Olivier Lambling, avocat général, qui a conclu oralement au rejet de la demande, a soutenu que Madame A... n'établissait pas de manière évidente qu'elle exerçait son activité au service exclusif de son employeur, de nombreuses pièces du dossier faisant état des rapports qu'elle entretenait avec la clientèle de l'établissement ;

Madame A... a été invitée à répliquer en dernier.

SUR CE :

Considérant que, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui a conféré le législateur pour fixer les conditions dans lesquelles les personnes qui justifient de certains titres ou activités peuvent être dispensées de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, le pouvoir réglementaire a dressé, en vue de diversifier les modes d'accès à la profession d'avocat, une liste de différentes catégories de personnes susceptibles de bénéficier d'une dispense, en définissant pour chacune d'elles des conditions particulières ; qu'ainsi, l'article 98-3 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 édicte une dispense au profit des "juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises" ;

Considérant que cette dernière disposition doit être strictement interprétée ; qu'en effet, pour prétendre au bénéfice des dispositions dérogatoires du texte précité, le juriste d'entreprise doit avoir exercé ses fonctions dans un service spécialisé et structuré exclusivement chargé, au sein de l'entreprise, des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ; que les prestations juridiques à la clientèle sont exclues du champ d'application de la dispense prévue à l'article 98-3 du décret de 1971 ; qu'ainsi, un juriste employé par une société d'assurances et dont les prestations se sont rapportées tantôt au fonctionnement de la société, tantôt à la protection juridique et au contentieux de la clientèle ne saurait se prévaloir de la qualité de juriste d'entreprise ;

Considérant qu'il appartient à la cour de renvoi, à la lumière de ces principes et au vu des éléments de preuve figurant au dossier de Madame A..., de dire si elle remplit effectivement les conditions lui permettant d'être admise au barreau qu'elle souhaite rejoindre, en recherchant la nature exacte des activités qu'elle a réellement exercées ;

Considérant qu'il est constant que Madame Anne-Marie A..., titulaire d'une maîtrise en sciences juridiques et politiques et d'une maîtrise en droit privé, mention "carrières judiciaires", est salariée du Crédit Lyonnais, société au sein de laquelle elle a occupé différents postes et en particulier, depuis juillet 1994, celui de "juriste conseil chargée d'assurer la maîtrise des risques juridiques" ;

Considérant que, de l'attestation détaillée établie dans la perspective du recours contre la décision de l'Ordre des avocats au barreau de Créteil, au profit de Madame A... par Monsieur B..., responsable du service juridique de la Direction Ile de France du Crédit Lyonnais, le 21 juillet 2004, il résulte que l'intéressée a, depuis 1984, exercé au Crédit Lyonnais les fonctions suivantes :

- de novembre 1984 à décembre 1992, "recouvrement judiciaire des créances bancaires, et, dans ce cadre, en concertation avec les avocats de l'établissement, les procédures judiciaires et les argumentaires les plus appropriés, et d'assurer leur mise en oeuvre" ;

- de décembre 1985 à novembre 1986, "recherches et documentation juridiques" ;

- de janvier 1993 à juin 1994, "activité de conseil et de rédaction d'actes dans la section «Financements spéciaux de l'immobilier de la DAJ» " ;

- de septembre 1994 à avril 1996, "affectée, en qualité de juriste, au service juridique de la Direction Centrale des Agences de France composé de dix juristes, sa mission étant d'apporter un soutien juridique aux collaborateurs des agences du Crédit Lyonnais tant pour la rédaction d'actes non standard que pour les assister dans les difficultés rencontrées" ;

- "d'avril 1996 à juillet 2000, une décentralisation l'a amenée à exercer cette même mission dans une direction régionale située à Vincennes au sein d'une unité juridique composée de cinq à six juristes" ;

- "de juillet 2000 à juillet 2003, différents services juridiques, dont celui de Vincennes, ont été regroupés pour former une unité d'une quinzaine de juristes, toujours avec une mission d'assistance juridique et de conseil au réseau bancaire de l'Île de France" ;

- "à partir de juillet 2003, dans le cadre d'un regroupement des juristes du Crédit Lyonnais, ce service a été intégré à la DAJ (plus de 50 juristes), Madame A... conservant sa mission de juriste spécialiste en conseil en matière de droit bancaire" ;

Que Monsieur B... précise dans la même attestation que "ces différentes missions ont parfois nécessité des contacts avec des tiers (autres banques, mandataires judiciaires, avocats, notaires) mais que l'activité de Madame A..., comme celle de tous les juristes du Crédit Lyonnais, s'exerce exclusivement au profit du Crédit Lyonnais pour les besoins de son activité bancaire" ;

Considérant qu'il apparaît cependant clairement, à l'examen des activités professionnelles successivement exercées par Madame A..., que si elle a effectivement toujours exercé une fonction de juriste exclusivement en rapport avec l'activité bancaire de l'établissement, celle-ci n'a en revanche jamais été affectée dans un service spécialisé et structuré exclusivement chargé, au sein de l'entreprise, des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ;

Qu'il est avéré en effet que Madame Reig Y... avait des contacts habituels avec la clientèle de l'établissement ; que ses évaluations - notamment, pour la période des huit années précédant sa demande d'intégration au barreau, celle du 9 janvier 2003 signée par le même Monsieur B... - apportent le témoignage de la réalité des prestations juridiques aux clients de son employeur, faisant référence à la satisfaction de la clientèle interne et externe ;

Considérant que les attestations établies par Maîtres Danielle C... et Jean-François Molas , avocats du Crédit Lyonnais, au profit de Madame A..., manifestent bien la réalité de l'activité de l'intéressée, dont les avis juridiques concernaient des contentieux et des montages financiers réalisés dans l'intérêt de clients de la banque et non dans ceux de la banque elle-même ; qu'il importe peu à cet égard que Madame A... ait veillé à l'amélioration de ses connaissances juridiques et soit demeurée attentive aux évolutions législatives et jurisprudentielles, dans la mesure où elle ne peut raisonnablement prétendre avoir été chargée spécifiquement de l'étude des problèmes posés par l'activité de l'entreprise ;

Considérant que, dans ces conditions, l'on ne peut que dénier à Madame A... sa qualité de juriste d'entreprise, le critère restrictif concernant la spécialisation du service ayant pour effet de refuser le bénéfice de cette dispense à tous les juristes salariés d'une entreprise qui consacrent leur activité à la prestation de services juridiques ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 21 février 2006 ;

Rejette le recours de Madame Anne-Marie A... ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé ;

Le greffier : Le premier président :

Sabine Dayan Jean-Claude Magendie


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/11103
Date de la décision : 25/10/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-25;06.11103 ?
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