RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRÊT DU 23 Octobre 2007
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02722
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 1er Décembre 2005 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL RG no 04/01424
APPELANTE
Madame Sylvie X...
...
91630 GUIBEVILLE
représentée par Me Florence REBUT DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 112
INTIMÉE
SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉ FRANCE
1 rue Jean Mermoz
ZAE Saint Guénault
91002 EVRY CEDEX
représentée par Me Laurent THIERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : C 236
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par Sylvie X... d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Créteil en date du 1er décembre 2005 ayant condamné la société CARREFOUR à lui verser :
- 9 112,50 euros à titre de rappel de primes
- 911,25 euros au titre des congés payés
- 395,74 euros au titre des jours de fractionnement
et débouté la salariée du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 10 septembre 2007 de Sylvie X... appelante ainsi que sa note en délibéré en date du 1er octobre 2007, qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui verser :
- 109 350 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 10 septembre 2007 de la société CARREFOUR HYPERMARCHE FRANCE intimée ainsi que sa note en délibéré en date du 25 septembre 2007, qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelante à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que Sylvie X... a été embauchée à compter du 5 août 1988 par la société EUROMARCHE par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef de rayon adjoint ; que le contrat de travail a été repris par la société intimée en 1992 ; qu'elle relevait de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et percevait une rémunération mensuelle brute de
6 075,25 euros à la date de son licenciement ; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés ;
Que l'appelante a été convoquée par lettre remise en main propre le 10 mai 2004 à un entretien le 17 mai 2004 en vue de son licenciement ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 mai 2004 ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
« Nous vous rappelons les faits qui ont motivé l'entretien préalable qui s'est déroulé le lundi 15 mai dernier dans les locaux de l'Exploitation Ile de France à Rungis :
Nous vous avons informé en juillet 2003 de notre intention de supprimer le poste de Relais en charge du recrutement dans l'exploitation Ile de France.
Au cours de l'entretien, nous vous avions proposé une mutation au magasin d'Athis Mons pour assurer les fonctions de Responsable du secteur textile. Vous aviez alors refusé le poste et exprimé le souhait d'occuper un poste fonctionnel sur les métiers suivants :
- Responsable marchandises ou achat textile à Evry,
- Responsable Ressources Humaines ou Formation sur le site d'Evry,
Afin de répondre à vos attentes, nous avons recherché une fonction pouvant répondre à vos souhaits sur les sites d'Evry et de Levallois. Aucun besoin spécifique n'a été découvert, jusqu'au lancement du projet Mercure en Ile de France.
Le 11 février dernier nous avons proposé un poste de Responsable Ressources Humaines en charge du projet Mercure. Vous avez été reçue par Monsieur Frédéric Y..., Directeur en charge du projet, qui vous a détaillé, au cours de cet entretien, la fonction et le périmètre géographique de votre future intervention.
Vous avez une nouvelle fois, refusé ce poste pour diverses raisons, notamment le fait que vous deviez exercer en Région Paris Ouest et vous souhaitiez exercer en Région Paris Sud.
Nous avons donc poursuivi nos recherches avec la volonté de répondre au mieux à vos souhaits exprimés une nouvelle fois.
Le vendredi 26 mars, au cours de l'entretien annuel d'analyse de performance, il vous a été proposé une mutation au magasin des Ulis en Région Paris Sud pour assurer les fonctions de Responsable du secteur textile.
Vous avez refusé ce poste.
Au cours de l'entretien en date du 17 mai dernier, vous nous avez confirmé ne plus souhaiter retravailler en magasin pour occuper les fonctions de Responsable de secteur.
Votre décision remettant en cause vos obligations contractuelles, réaffirmées dans un avenant que vous avez signé le 1er mars 2003 dans les termes suivants:
"Cette nouvelle affectation ne saurait avoir un caractère permanent. Il est en effet expressément convenu que la nature de vos fonctions peut vous amener à exercer vos responsabilités dans une autre agglomération. Le refus d'une telle mutation constituerait une inexécution de vos obligations professionnelles."
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Vous pourrez prétendre à un préavis de 3 mois. Nous entendons vous dispenser de l'exécution de ce préavis et vous libérer dès réception de la présente de toutes obligations à notre égard.
Vous cesserez donc votre activité à notre service dès réception de la présente » ;
Que l'appelante a saisi le Conseil de Prud'hommes le 11 juin 2004 en vue de contester la légitimité du licenciement ;
Considérant que le différend opposant les parties est limité au seul licenciement ;
Considérant que Sylvie X... expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que les différents postes qu'elle occupait ont été systématiquement supprimés et qu'elle a toujours accepté ceux qui lui étaient offerts ; qu'en septembre 2002 elle a été affectée en qualité de responsable régionale des ressources humaines à Rungis avec trois autres personnes ; que son employeur lui a proposé de reprendre le poste de chef de secteur textile en magasin, qu'elle occupait auparavant ; qu'elle a refusé cette affectation qui constituait une rétrogradation ; qu'elle souhaitait conserver un poste du même type avec les mêmes intérêts et les mêmes responsabilités ; que son refus est justifié car le nouveau poste entraînait une modification de son contrat de travail ; qu'en outre le poste qu'elle occupait n'avait pas été supprimé ; que la clause de mobilité n'était pas conforme à l'article 5 de l'annexe de la convention collective concernant le personnel d'encadrement ; qu'elle a subi un grave préjudice matériel et moral ;
Considérant que la société CARREFOUR soutient que le licenciement de l'appelante est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que celle-ci était tenue à respecter la clause de mobilité prévue à son contrat de travail ; que la mise en oeuvre de cette clause relève du pouvoir de direction de l'employeur ; que les postes qui lui étaient proposés n'entraînaient pas une modification du contrat de travail ;
Considérant conformément aux articles 1134 du code civil, L120-4 et L121-1 du code du travail que le refus par le salarié de se soumettre à de nouvelles conditions de travail décidées par son employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue, dès lors qu'il est établi, une faute que ce dernier est en droit de sanctionner par un licenciement ;
Considérant que la Cour ne doit pas rechercher si le poste qu'occupait l'appelante a été supprimé, le licenciement de celle-ci n'ayant pas un motif économique ; qu'il lui appartient de vérifier si la mutation proposée par l'intimée entraînait une modification du contrat de travail et dans la négative si elle était conforme à la clause de mobilité contractuelle et pouvait constituer un abus du pouvoir de direction reconnu à l'employeur ;
Considérant que l'appelante occupait l'emploi de responsable des ressources humaines niveau VIII au sein de la direction d'exploitation de l'Ile-de-France, sis à Rungis, depuis le 1er mars 2003 ; qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'en février 2004, la société CARREFOUR lui a proposé le poste de responsable des ressources humaines au sein de l'équipe chargée de la mise en place du projet "Mercure"; qu'après avoir manifesté son intérêt pour une telle mutation comme le démontre le courrier électronique en date du 6 février 2004, celle-ci l'a refusée ; que les motifs avancés par l'appelante pour justifier une telle décision, à savoir des horaires de travail jugés incompatibles avec sa situation familiale, ne sont énoncés que dans ses écritures ; que toutefois il n'est pas contesté que sa journée de travail aurait dû débuter à quatre heures ou cinq heures du matin ; qu'à la suite de ce refus, la société lui a proposé en mars 2004 le poste de responsable du secteur textile du magasin des Ullis ; que ce dernier poste n'entraînait aucune modification de la rémunération de l'appelante ; que selon la convention collective il relevait également du niveau VIII ; qu'il impliquait l'exercice de responsabilités similaires ; que le simple fait qu'elle ait pu occuper l'emploi de chef de secteur dans le magasin d'Evry entre 1998 et 2001 ne peut donc constituer une rétrogradation ;
Considérant que la mutation de l'appelante s'inscrivait dans le cadre d'une politique générale de l'entreprise, rappelée dans la clause de mobilité insérée dans les différents avenants conclus avec l'appelante lors de ses mutations ; que l'article 5.4 alinéa 1er de l'annexe IV, relative au personnel d‘encadrement, de la convention collective ne fait obligation à l'employeur que d'insérer dans le contrat de travail une clause de mobilité, lorsqu'il la requiert ; que ledit article ne subordonne pas la validité de cette clause à l'existence d'un règlement spécifique au sein de l'entreprise, celui-ci n'ayant pour objet que de préciser les conditions de sa mise en oeuvre et ne pouvant remettre en cause son existence, conformément aux dispositions de l'article L122-35 du code du travail ; qu'au demeurant, le poste de chef de secteur se trouvait dans la région parisienne et donc dans le même secteur géographique que l'emploi qu'occupait l'appelante ; que celle-ci ne démontre ni que cette mutation avait été envisagée pour des motifs étrangers à l'intérêt de l'entreprise ni qu'elle soit la manifestation d'une exécution de mauvaise foi par son employeur du contrat de travail ;
Considérant en conséquence que le refus de l'appelante de se soumettre à de simples modifications de ses conditions de travail constitue un motif légitime de licenciement ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de débouter les de leur demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
DEBOUTE Sylvie X... de sa demande,
LA CONDAMNE aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE