Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section B
ARRET DU 19 OCTOBRE 2007
(no 239 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/04375
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2005 par la 2ème Chambre/1ère section du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 02/11957
APPELANTE
Association SUKYO MAHIKARI FRANCE
ayant son siège 7 rue des Reims
75013 PARIS
représentée par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour
assistée de Maître Alain GRASSAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : L.235
INTIME
MONSIEUR LE CHEF DES SERVICES FISCAUX CHARGE DE LA DIRECTION NATIONALE DES VERIFICATIONS DE SITUATIONS FISCALES "D.N.V.S.F."
Ayant ses bureaux 34 rue Ampère-75017 PARIS, agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Impôts, 92 Allée de Bercy-75012 PARIS
représenté par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
et à l'audience, par Monsieur Christophe LABEDAYS, Inspecteur dûment mandaté
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Septembre 2007, en audience publique, le rapport préalablement entendu conformément à l'article 785 du nouveau Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Anne-Marie GABER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Régine TALABOULMA
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé en audience publique par Jacques BICHARD, Président
- signé par Jacques BICHARD, Président
et par Régine TALABOULMA, greffière présente lors du prononcé.
* * *
L'association SUKYO MAHIKARI FRANCE, qui a fait l'objet d'un rappel de droits d'enregistrement, a saisi le Tribunal de grande instance de Paris par exploit d'huissier du 29 juillet 2002 aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation le 31 mai précédent (date d'AR non précisée);
Par jugement contradictoire du 24 janvier 2005, le Tribunal de grande instance de PARIS a :
- déclaré régulière la procédure de redressement,
- débouté l'association SUKYO MAHIKARI FRANCE de toutes ses demandes,
- condamné cette association aux dépens;
Par déclaration du 24 février 2005, l'association SUKYO MAHIKARI FRANCE a interjeté appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions déposées le 3 juillet 2007, demande à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- infirmer la décision de l'administration fiscale, objet de la présente procédure,
- dire et juger que les droits d'enregistrement réclamés à l'association SUKYO MAHIKARI constituent une violation des articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- dire et juger en conséquence que l'association SUKYO MAHIKARI n'est pas redevable des droits d'enregistrement contestés et, en conséquence, l'en décharger en totalité y compris des intérêts de retards et pénalités,
En toutes hypothèses,
- condamner la Direction Générale des impôts à lui verser la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- condamner la Direction Générale des Impôts aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile;
Dans ses dernières conclusions déposées le 29 juin 2007, le Chef des Services Fiscaux Chargé de la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales -D.N.V.S.F., demande à la Cour de :
- dire et juger l'association SUKYO MAHIKARI mal fondée en son appel du jugement rendu le 24 janvier 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris,
- l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
- rejeter la demande de l'association SUKYO MAHIKARI de remboursement des frais irrépétibles et de condamnation au dépens sur le fondement des articles 699 et 700 du Nouveau code de procédure civile,
- condamner l'association SUKYO MAHIKARI aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile;
L'ordonnance de clôture était rendue le 6 juillet 2007;
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Considérant que l'association SUKYO MAHIKARI FRANCE (association SUKYO MAHIKARI), créée en France le 20 septembre 1973, qui a pour activité l'enseignement de l'art Mahikari (technique de transmission de la lumière divine par la paume de la main), est également implantée au Japon, dans de nombreux pays européens, en Afrique et aux Etats Unis;
Qu'en 1995, l'association mère SUKYO MAHIKARI (Japon) a créé la Société LH FRANCE S.A.R.L.(société LH) afin de gérer la partie commerciale des activités de l'association SUKYO MAHIKARI FRANCE;
Que cette dernière, qui a acquis en France et dans les départements d'Outre Mer (DOM) un important patrimoine immobilier (évalué à 5 192 307,58 €), dispose également d'importantes liquidités (estimées à 33 M de francs soit 5 030 817,69 € au 31 décembre 1997) ainsi que 27 centres qui ont fusionnés cette même année 1995 pour être rattachés au Siège situé à 13, rue Charcot, Paris XIIIème ;
Que l'association SUKYO MAHIKARI, dont les ressources proviennent des cotisations mensuelles et offrandes de ses membres ainsi que des placements financiers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 révélant des dons importants que l'Administration fiscale estimait taxables au titre des droits d'enregistrement;
Que le 13 octobre 1999 (AR du 14 octobre suivant), l'Administration fiscale a notifié les rappels correspondants selon la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article 55 du Livre des procédures fiscales;
Que l'association SUKYO MAHIKARI a présenté ses observations par courrier du 8 novembre 1999 auxquelles l'Administration fiscale a partiellement fait droit par courrier du 15 décembre 1999 (AR du 16 décembre suivant) en accordant une réduction de 30 % sur la totalité des droits liquidés, correspondant à des donateurs âgés de 65 ans révolus et 75 ans, à charge pour l'association d'établir que des donateurs avaient moins de 65 ans pour obtenir une réduction de 50 % en application de l'article 790 du Code général des impôts ;
Que par courrier du 13 janvier 2000, l'association SUKYO MAHIKARI a sollicité la saisine de la commission départementale de conciliation ainsi que le bénéfice du recours hiérarchique;
Que le 24 octobre 2000 (avis notifié le 18 décembre 2000, AR du 19 décembre suivant), la Commission s'est déclarée incompétente pour examiner un litige relatif à une omission de déclaration de dons manuels;
Que le 27 juin 2000 (AR du 29 juin suivant), en réponse au recours hiérarchique, l'Administration fiscale a admis un pourcentage de 38 % de donateurs de plus de 65 ans;
Que les rappels des droits d'enregistrement pour non-déclaration de dons manuels ont été mis en recouvrement (AMR no 010100339) par la Recette Principale du XIIIème le 7 février 2001 (AR du 9 février suivant) pour la somme de 10 774 208 frs. (1 642 517 €) en principal, 727 259 frs. (110 870 €) en intérêts de retard et 1 077 421 frs. (164 252 €) de majoration;
Que par courrier du 22 février 2001, l'association SUKYO MAHIKARI a formé une réclamation qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 31 mai 2002 (AR ignoré);
***
Considérant que l'association SUKYO MAHIKARI soutient que la révélation des dons manuels, dont elle conteste la taxation, s'est effectuée dans le cadre d'une vérification de comptabilité irrégulière au motif que l'Administration fiscale :
- n'avait pas connaissance de l'importance du patrimoine avant cette vérification,
- n'établit pas qu'elle disposait antérieurement à cette vérification d'autres indices justifiant la régularité de ce contrôle,
- ne peut prétendre disposer d'indices sérieux en se basant sur l'unique élément tiré de l'importance du patrimoine dont il n'est pas démontré qu'il est le signe d'une activité économique d'autant qu'il n'est pas destiné à procurer des revenus à l'association mais à abriter ses activités;
Considérant qu'il est acquis aux débats que :
- l'Administration fiscale est en droit de vérifier la comptabilité d'une association dès lors qu'elle dispose d'indices sérieux selon lesquels l'activité exercée est susceptible d'entraîner l'assujettissement à la TVA et à l'impôt sur les sociétés et, que par voie de conséquence, elle peut notifier un redressement en matière de droits d'enregistrement et de taxes assimilées en se fondant sur des renseignements recueillis lors d'une vérification de comptabilité effectuée régulièrement au titre d'une période au cours de laquelle les droits rappelés étaient estimés dûs;
- que le raisonnement de l'Administration fiscale selon lequel ces droits et taxes annexes ont été révélés, au sens de l'article 757 du Code général des impôts, par la présentation, au cours des opérations de vérification et sur demande de l'Administration, de sa comptabilité comportant l'enregistrement de dons manuels, n'est pas contesté par l'association SUKYO MAHIKARI;
Qu'en l'espèce, lors de la notification de l'avis de vérification du 23 novembre 1998, dont la régularité n'est pas remise en cause par l'association SUKYO MAHIKARI, l'Administration fiscale disposait d'indices sérieux préalables à cette vérification faisant présumer que l'association exerçait tout ou partie de son activité dans un but lucratif, comme elle l'énonce dans l'annexe de 5 pages agrafée à cet avis;
Qu'en effet, il ressort de ce document que ces indices découlent de l'analyse des pièces présentes au dossier de l'association (statuts, réponses faites aux demandes de renseignements des services fiscaux) ainsi que des pièces portées à la connaissance de l'Administration fiscale dans le cadre du dossier de la société LH FRANCE S.A.R.L. dont il résulte que l'association SUKYO MAHIKARI était susceptible d'agir dans l'intérêt de cette société dans laquelle ses dirigeants pouvaient avoir directement ou indirectement des intérêts en lui fournissant des débouchés ou une activité complémentaire conséquents de nature à caractériser une collusion d'intérêts entre les deux structures (par exemple, ventes d'objets cultuels par la société LH à la seule association SUKYO MAHIKARI qui en supporte le surcoût alors qu'elle peut fournir directement ces objets à ses adhérents, emploi par la Société LH de salariés imposés par l'association auprès de laquelle ils sont détachés pour l'enseignement de sa discipline dans les divers dojos, tout en gérant directement ce personnel - fiche et paiement des salaires - et en re-facturant, moyennant une marge, ces prestations de services qui constituent son activité principale, l'association SUKYO MAHIKARI apparaissant comme sa seule source de débouchés);
Qu'en outre, l'Administration fiscale relève l'existence d'un patrimoine immobilier important ainsi que l'identité de personnes entre le gérant de la société LH et le président de l'association SUKYO MAHIKARI, celui-ci figurant toujours comme gérant statutaire de la société malgré sa démission le 2 mai 1995;
Que dès lors, l'Administration fiscale, disposait d'indices sérieux l'autorisant à lancer une procédure de vérification de comptabilité de l'association SUKYO MAHIKARI, vérification seule à même d'infirmer ou de confirmer la réalité des éléments de lucrativité présumés, le fait que les services fiscaux n'aient pas conclu au caractère lucratif de l'activité de l'association étant sans incidence sur la validité des présomptions recueillies avant l'engagement de la vérification;
Qu'en conséquence, le moyen n'est pas fondé;
Considérant que l'association SUKYO MAHIKARI, qui se présente comme une association dont l'objet est de pratiquer une religion, estime que les impositions mises à sa charge représentant plus de la moitié de ses ressources, portent une atteinte manifeste et injustifiée à l'exercice du culte Mahikari, au principe d'égalité devant la loi et à la liberté d'association, violant ainsi les dispositions des articles 9, 14 et 11 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme;
Considérant, le juge n'étant pas tenu par l'autoqualification cultuelle que se donne une association, qu'il y a lieu d'observer que le droit commun des libertés du droit interne français, par les lois de 1905 et 1901, assure à l'association SUKYO MAHIKARI le bénéfice de la liberté de conscience individuelle, de la liberté d'expression des convictions religieuses et de la liberté de réunion et d'association, notamment d'association cultuelle qui n'est pas liée à l'existence d'une association du même nom, et de ce fait n'est pas contraire aux dispositions précitées de la Convention Européenne des Droits de l'Homme;
Que s'agissant de la pratique discriminatoire alléguée, résultant des dispositions de l'article 795-10 du Code général des impôts, accentuée par le tri opéré par l'Administration fiscale quant aux associations contrôlées, il doit être noté :
- qu'il ne saurait y avoir discrimination en droit que si des situations étant comparables, un statut juridique différent est appliqué, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, la situation d'une association déclarée selon la loi de 1901 n'étant en rien comparable à celle d'une association cultuelle dont le statut particulier résulte de la loi de 1905;
- que la vérification de comptabilité ne peut être considérée comme discriminatoire puisqu'elle s'appuie sur des indices sérieux antérieurs et spécifiques à l'association SUKYO MAHIKARI;
- que l'association SUKYO MAHIKARI ne justifie pas qu'elle participe à une oeuvre de bienfaisance et d'assistance ou d'intérêt général, dont la détermination ultime appartient à l'Etat, susceptible de lui permettre de bénéficier d'une déduction fiscale de ses dons, cet avantage fiscal n'étant pas, en tout état de cause, nécessaire à l'exercice de sa liberté de conviction;
- qu'enfin, étant observé qu'elle a bénéficié des dégrèvements de droit commun applicables en la matière, l'association SUKYO MAHIKARI n'établit pas que le paiement des impositions fixées selon les règles de droit commun en matière de dons manuels porte atteinte, notamment au regard de l'importance de son patrimoine, à son fonctionnement, son développement et son existence;
Qu'en conséquence, le moyen n'est pas fondé;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE l'association SUKYO MAHIKARI FRANCE aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT