Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2007
(no , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/08072
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 02/10303
APPELANTES
La société MAASLAND,
société de droit néerlandais,
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux.
Ayant son siège 110 Weverskade
3155 PD-MAASLAND
Pays Bas
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,
assistée de Maître MONEGIER du SORBIER, avocat au Barreau de Paris,
La société LELY INDUSTRIES,
société de droit néerlandais
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux.
Ayant son siège 10 Weverskade
3155 PD-MAASLAND
Pays Bas
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,
assistée de Maître MONEGIER du SORBIER, avocat au Barreau de Paris,
La société C.VAN DER LELY NV
société de droit néerlandais
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège 10 Weverskade
3155 PD-MAASLAND
Pays Bas
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,
assistée de Maître MONEGIER du SORBIER, avocat au Barreau de Paris,
INTIMÉE
La S.A.S. KVERNELAND GROUP FRANCE,
anciennement dénommée KVERNELAND FRANCE,
prise en la personne de ses représentants légaux.
Ayant son siège 55, avenue Ampère
45800 SAINT JEAN DE BRAYE
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour,
assistée de Maître Geoffroy GAULTIER, avocat au Barreau de Paris,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 septembre 2007, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame REGNIEZ , conseiller,
Monsieur MARCUS, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société de droit néerlandais Maasland , venant aux droits de la société C.Van der Lely, est propriétaire du brevet européen no 238 078 , désignant la France, déposé le 7 mars 1988 sous priorités hollandaises des 10/03, 25/09, et 9/10 /1987 .
Délivré le 14mai 1997, il fut frappé d'une opposition rejetée par la division d'opposition de l'O E B le 5 juillet 2000 . Le 2 juin 2002, l'opposante se désista du recours qu'elle avait formé à l'encontre de la décision de rejet .
Le brevet a alors été maintenu tel que délivré.
La société Lely Industries précise que, par acte sous seing privé inscrit le 14 janvier 1997 sous le no 101 219, il lui fut consenti une licence d'exploitation de ce brevet .
Le 27 février 1997, la société C.Van der Lely a fait procéder , au parc des expositions de Villepinte (93), à des opérations de saisie contrefaçon à l'encontre de la société Kverneland France, devenue Kverneland Groupe France SAS, ci-après société Kverneland, qui commercialise en France des machines agricoles vendues sous la marque Kverneland.
Puis, par acte du 13 mars 1997, les sociétés C.Van der Lely et Lely Industries ont fait assigner la société Kverneland France en contrefaçon des revendications 1 et 2 de ce qui était alors la demande du brevet européen précité, ainsi qu'en contrefaçon de revendications du brevet français no84 11 982 .
Au terme de son jugement en date du 15 mars 2000, le tribunal prononça la nullité des revendications no1, 2 , 4, 5, 6 ,7, 8 et 9 du brevet français et sursit à statuer sur la contrefaçon du brevet européen, dans l'attente de la décision de l'Office Européen des Brevets .
Après la clôture de la procédure d'opposition devant l'office, l'instance, à laquelle intervint volontairement la société Maasland , fut rétablie .
Le tribunal, par jugement du 26 janvier 2005, débouta la société Kverneland de sa demande en nullité des revendications 1 et 2 du brevet européen, dit que les sociétés demanderesses pouvaient opposer rétroactivement ces revendications dans la forme modifiée lors de la procédure d'examen, à des actes commis avant la délivrance du brevet européen, et estima que les dispositifs incriminés des machines agricoles commercialisées par les défenderesses , ne réalisaient pas la contrefaçon des revendications précitées . Il condamna in solidum les sociétés C. Van der Lely et Lely Industries à verser à la société Kverneland Groupe France la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
Les sociétés Van Der Lely, Maasland et Lely Industries interjetèrent alors appel de ce jugement dont elles demandent l'infirmation en ce qu'elles ont été déboutées de leur demande en contrefaçon .
La société Kverneland Groupe France releva appel incident des autres dispositions de ce jugement .
Aux termes de leurs écritures , les sociétés C. Van der Lely , Lely Industries et Maasland, demandent à la cour de :
- dire que la société Kverneland s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet européen no0 238 078 , en commercialisant des herses rotatives de référence PHB11, PHB 13, PHB 18, PHB 25, PHB 18 S , PHB 25 S, FOLD 400, FOLD 450 , FOLD 500 , FOLD 600 , NG 12 , NG 14 , NG 18, et NG 25
- prononcer les mesures d'interdiction et de publication d' usage ,
- condamner la société Kverneland à leur verser , pour les faits commis depuis temps non prescrits et jusqu'à la date du dépôt du rapport d'expertise, une somme provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur le montant des dommages et intérêts à fixer à dires d'expert ,
- la condamner en outre à leur verser la somme de 75000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC. .
La société Kverneland demande à la cour de réformer le jugement et de :
- dire que les sociétés appelantes ne peuvent opposer aux machines décrites au procès-verbal de saisie-contrefaçon, les revendications ultérieurement modifiées du brevet délivré,
- prononcer la nullité, pour défaut d'activité inventive des revendications 1 et 2 du brevet,
- débouter les appelantes de leur appel,
et , subsidiairement, de :
- dire que la machine Kverneland faisant l'objet du procès -verbal de saisie contrefaçon, ne reproduit pas les revendications opposées,
- dire que la demande incidente des appelantes formée par conclusions du 10 septembre 2004, est irrecevable car prescrite, et, subsidiairement, qu'elle n'est pas fondée,
- dire que l'action en contrefaçon est abusive et de condamner les appelantes à lui verser la somme de 50.000 euros, outre 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
Sur ce, la cour,
SUR LA PORTÉE DU BREVET EUROPEEN No O 283 078
Considérant que le brevet a trait à une machine à cultiver le sol, telle qu'une machine pour préparer un lit de semis, dotée d'une pluralité d'organes de travail disposés en une rangée, chacun d'eux étant muni de deux dents s'étendant vers le bas et destinés à s'enfoncer dans la terre ; que selon les termes de la description, ces organes de travail sont rotatifs autour d'axes dirigés vers le haut, et sont placés en une rangée aux deux extrémités de laquelle est fixée une plaque, disposée parallèlement au sens de la marche du travail ; que cette plaque coopère avec les dents de l'organe de travail du sol situé le plus à l'extérieur de la rangée , de manière à obtenir un émiettage du sol .
Que l'état de la technique antérieure comprenait des plaques placées pareillement à l'extérieur de la rangée, et susceptible de se mouvoir vers le haut et vers l'arrière ou bien vers le bas et vers l'avant en s'adaptant aux variations éventuelles de la profondeur et de la surface du sol et notamment à la présence de pierres ; qu'en d'autres termes, il existait des plaques dont le mouvement vers l'avant ou vers l'arrière, était couplé respectivement à un mouvement vers le bas ou vers le haut ; que cette dépendance entraînait une limitation de la bonne utilisation de la machine ; qu'ainsi, selon la description, s'il s'agit de cultiver le sol à une grande profondeur, " il se forme un talus de terre relativement grand en avant de la machine, et ce talus fait que la terre peut s'échapper sur les côtés de la machine, ce qui forme des bourrelets ou des amas de terre qui sont indésirables dans un lit de semis" ; que par ailleurs, lorsqu'il s'agit de travailler des sols lourds, des mottes se forment également sur le côté postérieur des organes de travail et il est alors souhaitable de disposer d'une plaque latérale qui couvre une partie plus importante à l'arrière de la machine , pour empêcher la formation de bourrelets ;
Que l'invention tend à répondre à ces situations par la construction d'une plaque latérale, non sur dimensionnée, fixée sur une plaque de support, et dotée d'un moyen de guidage dirigé vers l'intérieur, et de moyens de réglages permettant d'obtenir une pluralité de positions vers l'avant ou vers l'arrière indépendamment du réglage vertical .
Que la revendication no1 est ainsi rédigée :
"Machine pour cultiver le sol comprenant une pluralité d'organes de travail du sol disposés en une rangée, chacun d'eux étant muni de deux dents s'étendant vers le bas, qui sont entraînées par un moteur au moyen d'engrenages disposés dans une partie de châssis en étant placés côte à côte en une rangée qui s'étend transversalement au sens de la marche du travail de la machine, lesquels organes de travail du sol sont rotatifs autour d'axes dirigés vers le haut, tandis que sur chacune des deux extrémités de la rangée d'organes de travail du sol est prévue une plaque s'étendant vers le haut , disposée au moins sensiblement parallèlement au sens de la marche du travail, laquelle plaque coopère avec les dents de l'organe de travail du sol situé le plus à l'extérieur de la rangée, de manière à obtenir un émiettage du sol, laquelle plaque peut être écartée dans son ensemble par rapport à la partie du châssis, la plaque ayant , en étant vue transversalement au sens de marche du travail de la machine, une largeur excédant celle de l'organe de travail avec lequel coopère ladite plaque, la plaque étant mobile verticalement et horizontalement par rapport au reste de la machine, la machine étant munie d'un rouleau support afin de changer la profondeur de travail de la machine, ladite machine étant munie en outre d'un variateur de vitesse par lequel la vitesse des dits organes de travail du sol peut-être changée, caractérisée en ce que la plaque est montée sur une plaque de support et est réglable verticalement par rapport à ladite plaque de support dans un plan vertical ou sensiblement vertical, des moyens de réglage étant prévus, au moyen desquels la plaque qui est munie sur son côté postérieur d'un moyen de guidage dirigé vers l'intérieur, peut aussi être réglée par rapport à ladite plaque de support en une pluralité de positions et y être fixée, vers l'avant ou vers l'arrière, indépendamment de ladite possibilité de réglage vertical, parallèlement ou sensiblement parallèlement au sens de marche du travail".
Que la revendication no2 a la portée suivante :
"Machine pour cultiver le sol selon la revendication no1 , caractérisée en ce que la plaque de support est munie d'un certain nombre d'ouvertures situées en une rangée s'étendant dans le sens de la marche".
SUR LA VALIDITÉ DES REVENDICATIONS No 1 ET 2
Considérant que la société Kverneland soutient que la revendication no 1 est nulle, pour défaut d'activité inventive, au vu des deux antériorités combinées dont disposait l'homme du métier, à savoir :
- la demande de brevet Van der Lely no 78 11884 publiée le 21 avril 1978 , qui enseignait l'existence d'une plaque verticale placée à chaque extrémité de la rangée, et mobile aussi bien verticalement qu'horizontalement pour l'adapter au travail du sol, mais les deux mouvements n'étant pas indépendants l'un par rapport à l'autre ;
- le brevet européen no0 203 474, dit Amazone Werke, déposé le 14 mai 1986, relatif à une herse rotative, qui, selon la société Kverneland, divulgue une plaque de support fixée sur le châssis et comportant des "boutonnières", c'est à dire des trous oblongs orientés les uns verticalement et les autres horizontalement, permettant d'assurer un réglage indépendant dans le sens vertical ou dans le sens horizontal ;.
A) sur le brevet 78 11884 Van der Lely
Considérant que ce brevet a trait à une machine pour travailler le sol, dotée d'organes de travail montés à rotation autour d'axes dirigés vers le haut et disposés en une rangée aux extrémités de laquelle est fixée de part et d'autre une plaque dirigée vers le haut qui coopère avec l' organe de travail extérieur ; que le brevet enseigne un montage de la plaque à débattement sur un support mobile par rapport au châssis, en sens horizontal et pratiquement parallèlement au sens de la machine ;
Qu'ainsi, dans ce document, les moyens de réglage verticaux et horizontaux sont totalement dépendants et aucun moyen de guidage n'est placé à l'arrière de la plaque, laquelle est accrochée à des bras mobiles et non pas à une plaque rigide ;
B) sur le brevet européen no 0 203 474 Amazone Werke
Considérant que ce brevet est relatif à une herse qui comprend deux rangées de dents montées verticalement, animées d'un mouvement non pas rotatif mais de va et vient ou d'aller et retour, transversalement par rapport à la direction de déplacement de la herse, tandis que derrière la herse est disposé un cylindre suiveur ; qu'aux extrémités du cylindre est fixée une plaque rigide appelée soc, destinée à aplanir les remblais se formant de chaque côté au voisinage de la herse alternative, ce soc étant positionné obliquement par rapport au sens de la marche et s'ouvrant vers l'extérieur pour que les projections du sol provoquées par le mouvement de la herse, soient ramenées vers la zone de travail ; que le soc est doté de boutonnières de réglage dont la figure 11 permet d'entrevoir la possibilité d' un réglage horizontal indépendant du réglage vertical ;
Que par ailleurs, le soc comporte sur sa partie arrière un pliage orienté vers l'arrière permettant d'amener dans la zone du cylindre suiveur, les parties du sol entraînées vers l'extérieur ;
Considérant que la société Kverneland soutient que l'homme du métier qui avait connaissance de l'antériorité précitée no 78 11 884, laquelle identifiait l'avantage de pouvoir modifier les plaques d'extrémité en fonction des conditions du travail du sol, trouvait dans l'antériorité Amazone Werke les enseignements pertinents ;
Considérant ceci étant rappelé , que selon sa description, l'objectif de l'invention objet du brevet attaqué est "d'aboutir à une construction dans laquelle il n'est pas nécessaire de construire une plaque latérale sur dimensionnée", mais qui a l'avantage de pouvoir travailler le sol en profondeur et de pouvoir travailler des sols lourds ;
Considérant qu'il est constant que le brevet no78 11 884, constitue l'antériorité la plus proche de l'invention, s'agissant d'une herse rotative comportant une rangée d'organes de travail aux extrémités de laquelle est fixée une plaque ; qu'il ne renseignait nullement l'homme du métier sur les moyens de parvenir à un réglage horizontal et vertical indépendant ;
Considérant que le brevet européen Amazone Werke a trait quant à lui à une herse alternative et non pas rotative ; que sa description précise ( page 3 , lignes 8 à11 ) qu' il a pour objet, " une machine ....qui évite la formation de remblais latéraux", alors que dans le brevet attaqué, il s'agit de ramener vers la zone de travail les projections générées dans tous les sens, par le mouvement rotatif des dents ;
Considérant que l'homme du métier qui recherchait le moyen de prévenir et de corriger la formation de bourrelets à l'avant, à l'arrière et sur les côtés d'une machine dotée de dents à mouvements rotatifs, trouvait dans l'antériorité Amazone Werke la description d'un soc rigide, disposé sur le châssis du cylindre suiveur et sous un angle de 45o par rapport à la direction de déplacement ;
Qu'il n'y trouvait donc pas la préconisation de plaques disposées parallèlement au sens de marche du travail, d'une taille non sur-dimensionnée mais d' une largeur excédant celle de l'organe de travail avec lequel elle oeuvre et dotée d'un moyen de guidage vers l'intérieur, qui coopère avec les dents de l'organe de travail du sol situé le plus à l'extérieur dans la rangée ; que s'il pouvait percevoir que la plaque ou soc était dotée de boutonnières permettant un ajustement horizontal et vertical indépendant, cette indication était insuffisante pour lui permettre de concevoir, sans faire preuve d'activité inventive, la combinaison des moyens ci-dessus, objets de la revendication no1, aptes à prévenir la formation de bourrelets non seulement latéralement mais aussi en avant et en arrière de la machine ;
Que la demande d'annulation de la revendication no1 pour défaut d'activité inventive sera rejetée tout comme celle de la revendication no2 qui est placée dans la dépendance de la revendication No1 ;
SUR L'OPPOSABILITÉ DU BREVET
Considérant que la société Kverneland fait valoir que le brevet fut déposé le 7 mars 1988 et n'a été délivré que le 14 mai 1997, après que ses revendications eurent été modifiées tant dans leur portée que dans leur objet ;
Que ces modifications sont intervenues postérieurement à l'assignation en contrefaçon devant le tribunal, laquelle est datée du 13 mars 1997 et vise notamment des actes décrits par le procès verbal de saisie contrefaçon du 27 février 1997 ;
Qu'elle fait grief au jugement d'une part d'avoir affirmé que l'article L615-4 du CPI n'était pas applicable à un brevet européen, et d'autre part d'avoir méconnu les termes de cet article qui dispose que le brevet n'est opposable que dans la mesure où les revendications n'ont pas été étendues ;
Considérant que les appelantes lui opposent en substance que les modifications apportées au cours de la procédure d'examen, ont consisté bien au contraire à limiter l'étendue des revendications par l'ajout de caractéristiques ;
Considérant cependant que s'agissant des dispositions applicables à un brevet européen, il sera rappelé que l'article 64 de la Convention de Munich énonce que le brevet européen confère à son titulaire les mêmes droits qu'un brevet national et que toute contrefaçon du brevet européen est appréciée conformément aux dispositions de la législation nationale ; qu'il suit que le contenu du droit attaché au brevet et la sanction de l'atteinte qui y est portée relève du droit national ; que s'agissant de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen, il convient d' appliquer, avec son protocole d'interprétation, l'article 69 de la CBE , lequel stipule que cette protection est déterminée par la teneur des revendications ;
Considérant s'agissant de l'opposabilité des modifications apportées à la demande de brevet, que ce même article dont les dispositions sont d'ailleurs reprises à l'article L 615-4 du Code de la propriété intellectuelle, énonce que :
" le brevet européen tel que délivré ou modifié au cours de la procédure d'opposition détermine rétroactivement cette protection pour autant que celle-ci n'est pas étendue";
Considérant en l'espèce que la revendication no 1 de la demande de brevet européen ne portait dans sa partie caractérisante que sur la préconisation de "moyens d'ajustement à l'aide desquels la plaque peut-être ajustée parallèlement ou substantiellement parallèlement à la direction de travail de la machine en une pluralité de positions par rapport au châssis";
Considérant qu'en l'état de la technique et notamment du brevet Van der Lely no78 11884 qui prévoyait déjà un réglage à la fois vertical et horizontal de la plaque, ces deux réglages n'étant pas indépendants, la demande de brevet a été modifiée pour revendiquer des moyens d'ajustement de la plaque permettant un réglage vers l'avant ou vers l'arrière indépendamment de la possibilité d'un réglage vertical, ainsi qu'un moyen de guidage ;
Qu'il est constant que cette nouvelle combinaison était, comme le souligne la société Kverneland, nécessaire à l'obtention du résultat industriel recherché , à savoir : une plaque non sur dimensionnée qui puisse être déplacée horizontalement en fonction de l'état de la terre, et verticalement pour éviter tout bourrage ;
Qu'ainsi l'indépendance des moyens d'ajustement et la préconisation d'un moyen de guidage dirigé vers l'intérieur, ne constituent pas des caractéristiques qui viennent préciser le champ de l'invention mais constituent bien au contraire une nouvelle combinaison de moyens qui permet d'atteindre le résultat industriel recherché ;
Considérant qu' il n'est pas contesté que la description contenait en substance les moyens objets de la revendication telle que modifiée ;
Que cependant si une revendication doit s'interpréter à la lumière de la description, encore faut-il, conformément à l'article 84 de la C.B.E, que la revendication contienne les caractéristiques essentielles de l'invention revendiquée ;
Que pour les motifs sus exposés, tel n'était pas le cas de la revendication no 1 dans sa rédaction initiale ;
Qu'il suit que le brevet européen considéré qui prend naissance rétroactivement à compter de la demande qui en a été faite, n' est cependant opposable à la société Kverneland non pas à compter de la publication de cette demande mais à compter de celle de sa délivrance ;
SUR LA CONTREFACON
Considérant que les appelantes estiment apporter la preuve de la contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet, par la production du procès verbal de saisie-contrefaçon dressé le 27 février 1997, sur le stand de la société Kverneland au salon de la machine agricole de Villepinte, ainsi que par la production d'un tarif Kverneland du 1o décembre 1998, d'un extrait du tarif Kverneland au juillet 1998, du prospectus Kverneland "Des combinaisons de semis repliables pour des rendements de chantier élevés", et de la brochure Kverneland "Bien préparer pour semer mieux";
Que la société Kverneland leur oppose en substance que les faits de contrefaçon allégués figurant dans l'assignation du 13 mars 1997 et reprenant ceux énoncés dans le procès- verbal de saisie-contrefaçon du 27 février 1997, ne peuvent constituer des actes de contrefaçon car ils sont antérieurs à la publication des nouvelles revendications et que les demandes formées le 10 septembre 2004, se fondant sur le tarif du 1o décembre 1998, ne pouvaient pas être visées par l'assignation et constituent dès lors des demandes incidentes, prescrites par application de l'article L 615-8 du CPI, car les demanderesses n'étaient pas investies de l'action en contrefaçon en 1997 ; qu ‘à cette argumentation les appelantes opposent que l'assignation englobe bien l'ensemble des faits de contrefaçon constatés et à venir, et que leurs écritures du 10 septembre 2004 n'avaient pour objet que de répondre à celles de la société Kverneland en date du 1o mars 2000 par lesquelles celle-ci contestait que la preuve de la contrefaçon fût rapportée pour des actes postérieurs au 14 mai 1997 ;
a ) sur les opérations de saisie contrefaçon et sur la validité de l'assignation :
Considérant que l'article L 614-9 du CPI, relatif à l'effet en France des brevets européens énonce que le droit de faire procéder à des opérations de saisie contrefaçon comme celui d'agir en contrefaçon peut-être exercé par le titulaire d'une demande de brevet dûment publiée ; que l'article L 615-4 du même code précise toutefois que le tribunal saisi d'une action en contrefaçon sur le fondement d'une demande de brevet doit surseoir à statuer jusqu'à la délivrance du brevet ;
Qu'il suit que la société C Van der Lely était en droit de faire procéder à des opérations de saisie comme elle le fit le 27 février 1997 et que la modification de la rédaction des revendications intervenue au cours de la procédure d'examen n'a pas eu pour effet d'invalider les opérations considérées ;
Que de même, l'action en contrefaçon des revendications a été régulièrement engagée par l'acte du 13 mars 1997 ;
Que cet acte vise aussi bien les faits prétendument commis au jour de la saisie que ceux commis postérieurement à l'introduction de l'instance ; que la demande est ainsi rédigée :
"dire et juger que les herses rotatives fabriquées et commercialisées par la société Kverneland comportant des dispositions telles que celles décrites au procès verbal de saisie contrefaçon du 27 février 1997 ou des dispositions comparables ou analogues, constituent la contrefaçon ......................des revendications no 1 et 2 du brevet européen no 0 283 078" ; que la demande de dommages et intérêts couvre "les faits de contrefaçon commis depuis temps non prescrit jusqu'à la date du rapport d'expertise" et préconise encore que pour la détermination de l'entier préjudice, il soit "tenu compte des faits commis jusqu'à la date décision définitive à intervenir";
Qu'en conséquence , les conclusions des appelantes du 10 septembre 2004 , fondées sur des pièces nouvelles (tarif Kverneland du 1o décembre 1998) ne constituent pas des demandes nouvelles mais viennent apporter des précisions complémentaires pour caractériser la contrefaçon alléguée ;
Que l'action en contrefaçon, régulièrement engagée par l'acte du13 mars 1997 qui a interrompu la prescription, s'étend ainsi à l'ensemble des faits de contrefaçon présents et à venir, relatifs à la commercialisation de herses rotatives présentant une structure identique ou similaire à celles décrites et photographiées au procès- verbal de saisie ; que celui-ci fait partie des éléments probatoires susceptibles de caractériser des actes de contrefaçon, dans la mesure où il n'est pas contesté que les machines qu'il décrit étaient toujours commercialisées après la délivrance du brevet ;
b) sur la contrefaçon de la revendication no1
Considérant que les appelantes, s'appuyant sur le procès verbal de saisie et les photographies annexées, font valoir que les herses rotatives Kverneland référencées PHB 11, 13, 18 et 25 sont pareillement dotées d'une pluralité d'organes de travail disposés en une rangée, chacun d'eux, muni de deux dents s'étendant vers le bas, étant rotatif autour d'un axe dirigé vers le haut ; qu'à chaque extrémité de la rangée est prévue une plaque s'étendant vers le haut disposée au moins sensiblement au sens de la marche du travail, laquelle plaque coopère avec les dents de l'organe de travail situé le plus à l'extérieur de la rangée de manière à obtenir un émiettage du sol ; qu' elle peut être écartée dans son ensemble par rapport au châssis ; qu'elle a une largeur excédant celle de l'organe avec lequel elle coopère et est mobile verticalement et horizontalement par rapport au reste de la machine ; que celle-ci est munie d'un rouleau de support afin de changer la profondeur de travail ainsi que d'un variateur de vitesse ; que, selon les appelantes, les caractéristiques visées dans la partie caractérisante de la revendication no1 sont également reproduites car :
- la plaque, montée sur une plaque support, est réglable verticalement par rapport à ladite plaque support dans un plan vertical ou sensiblement vertical ;
- sont prévus des moyens de réglage grâce auxquels la plaque peut aussi être réglée par rapport à la dite plaque de support en une pluralité de positions et y être fixée, vers l'avant ou vers l'arrière, indépendamment de la possibilité de réglage vertical, parallèlement ou sensiblement parallèlement au sens de la marche du travail ;
- la plaque est dotée en sa partie postérieure d'un moyen de guidage dirigé vers l'intérieur ;
Que les appelantes ajoutent qu'il en est de même pour les machines photographiées lors des opérations de saisie, à savoir celles référencées FOLD 600, ( et pour les autres de la même gamme Fold 400, 450, 500) et PHB 25 S (et pour celle de la même gamme PHB18S) ;
Considérant que la société Kverneland qui ne conteste pas la matérialité des constatations ci-dessus relatée, oppose en revanche que les plaques sus décrites présentent une différence de structure tenant à une première partie, supérieure, épaisse, et fixée élastiquement à une plaque de châssis, mais non réglable verticalement et horizontalement, et une seconde partie inférieure, mince, fixée à cette première partie de la plaque, et présentant une longueur très supérieure lui permettant de couvrir la zone de projection de la terre aussi bien vers l'arrière que vers l'avant , quelle que soit la nature du sol et les conditions de travail ;
Que ces différences de structure correspondent à une différence de fonction, car la longueur de la plaque inférieure amincie interdit toute projection latérale quelle que soit la nature du sol et son réglage vertical et horizontal ne vise qu'à permettre d'adapter l'extrémité arrière de la plaque au diamètre du rouleau ;
Considérant toutefois que les mêmes moyens que ceux qui figurent au préambule de la revendication no1 se retrouvent dans le dispositif incriminé présent sur les herses référencées ci-dessus ; que ceci n'est d'ailleurs pas contesté ;
Que pour ce qui concerne la différence de structure présentée selon l'intimée par la plaque litigieuse, force est de relever que la revendication ne définit pas la taille que peut avoir la plaque support par rapport à la plaque réglable horizontalement et verticalement ; qu'il est donc indifférent que la plaque support soit plus lourde et plus large que celle représentée à titre d'exemple sur les figures du brevet , dès lors d'une part qu'elle est elle même non réglable et d'autre part que c'est bien sur elle que va venir se fixer et s'ajuster la plaque mobile objet de la partie caractérisante de la revendication ;
Que pour ce qui concerne la prétendue différence de fonction, il sera relevé qu'elle n'est nullement démontrée ; qu'aucun document technique n'est produit pour asseoir la prétention selon laquelle ce serait la longueur de la plaque, plus mince et plus longue que son support, qui interdirait "toute projection latérale, quelle que soit la nature du sol, sec ou humide";
Qu ‘il convient en revanche de constater que la partie inférieure de la dite plaque est dotée d'un moyen de guidage intérieur, par pliure de la plaque sur son côté postérieur et de moyens qui permettent de l'ajuster horizontalement et/ou verticalement ; que ces caractéristiques permettent de résoudre les problèmes posés par les projections de terre en fonction de la nature du sol et d'adapter l'extrémité arrière de la plaque au diamètre du rouleau ;
Que si la plaque litigieuse est d'une longueur bien supérieure à l'organe de travail avec lequel elle coopère, elle n'en est pas pour autant sur dimensionnée, comme le préconise le brevet ;
Que la plaque dont sont dotées les diverses herses ci-dessus mentionnées, reproduit en conséquence l'ensemble des moyens objets de la revendication no1 ;
c ) sur la revendication no 2
Considérant qu'il en est de même pour la revendication no 2 dont la portée se limite à la préconisation d'un certain nombre d'ouvertures de fixation situées en une rangée s'étendant dans le sens de la marche du travail ;
SUR LES MESURES RÉPARATRICES
Considérant qu'il sera fait droit dans les termes du dispositif ci-après aux mesures d'interdiction et de publication sollicitées ; qu ‘en l'absence de tout élément permettant d'appréhender le nombre de machines commercialisées avec le dispositif contrefaisant, il sera également fait droit à la mesure d'instruction demandée ; qu'au regard du nombre de modèles de machine dotées du dispositif contrefaisant, la société Kverneland sera condamnée à verser aux appelantes la somme de 15 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son entier préjudice à fixer à dires d'expert ;
SUR L'ARTICLE 700 DU NCPC
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de condamner la défenderesse à verser aux appelantes la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du brevet européen no 0 283 078 pour défaut d'activité inventive,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Dit que le brevet n'est opposable à la société KVERNENLAND GROUP FRANCE SAS, ci-après Kverneland, qu'à compter du jour de la publication de sa délivrance,
Dit qu'en poursuivant la commercialisation des herses rotatives de référence PHB 11, 13, 18, 25, PHB 18 S, 25 S, FOLD 400, 450, 500, 600, NG 12, 14, 18 et 25, postérieurement au 14 mai 1997 la société KVERNELAND a commis des actes de contrefaçon des revendication no1et 2 du brevet,
En conséquence ,
Interdit à la société KVERNELAND la poursuite des actes de contrefaçon précités, sous astreinte de 1 000 000 000 d'euros par infraction constatée passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,
Autorise les appelantes à faire publier ce dispositif dans un magazine de leur choix, aux frais de la société KVERNELAND mais dans la limite de 4000 euros pour cette insertion,
Avant dire droit sur la fixation de la réparation du préjudice, ordonne une mesure d'instruction,
Désigne Monsieur B..., ... (01 47 27 15 85), en qualité d'expert avec mission d'entendre les parties et tous sachants, de compulser tous documents utiles afin de recueillir tous éléments permettant à la cour de déterminer le montant de la réparation du préjudice ;
Plus généralement, de répondre à tous dires des parties ;
Dit que les sociétés MAASLAND, LELY INDUSTRIES, et C. VAN DER LELY feront l'avance au greffe de cette cour (service des expertises) de la somme de 8.000 euros avant le 1er décembre 2007 et que l'expert devra déposer son rapport en double exemplaire au service de la mise en état de la cour avant le 1er avril 2008 ;
Dit que l'affaire sera appelée à l'audience de la mise en état du 17 janvier 2008 à 13 heures pour vérifier la consignation,
Condamne la société KVERNELAND GROUP FRANCE à verser aux appelantes la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT