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17/10/2007 | FRANCE | N°9

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0133, 17 octobre 2007, 9


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre A

ARRET DU 17 Octobre 2007

(no 9 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02501

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section Commerce RG no 04/01375

APPELANTE

SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC

...

ZAC de la Villette aux Aulnes

77290 MITRY MORY

représentée par Me Benoît VANDENBULCKE, avocat au barreau de SEINE MARITIM

E

INTIMEE

Madame Francine Z... épouse A...

...

77178 ST PATHUS

représentée par Me Marjorie MORISE, avocat au barreau de SEINE SAINT DENI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre A

ARRET DU 17 Octobre 2007

(no 9 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02501

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section Commerce RG no 04/01375

APPELANTE

SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC

...

ZAC de la Villette aux Aulnes

77290 MITRY MORY

représentée par Me Benoît VANDENBULCKE, avocat au barreau de SEINE MARITIME

INTIMEE

Madame Francine Z... épouse A...

...

77178 ST PATHUS

représentée par Me Marjorie MORISE, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque BOB 68

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain CHAUVET, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Alain CHAUVET, Président

Monsieur Bernard SCHNEIDER, Conseiller

Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur Alain CHAUVET, Président

- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Evelyne MUDRY, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame Francine A..., entrée au service de la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE le 3 janvier 1994 comme personnel administratif, a saisi le conseil de prud'hommes de MEAUX le 22 octobre 2004 d'une demande de rappel de prime, puis de différentes demandes indemnitaires suite à son licenciement intervenu pour faute grave le 2 février 2005.

Par jugement du 29 novembre 2005 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a:

-condamné la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE à payer à Madame A... les sommes suivantes :

-2853 euros à titre d'indemnité de préavis.

-285,30 euros au titre des congés payés afférents.

-4882,63 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

-7317 euros au titre de la prime pour les périodes de novembre 2002 à février 2003 et de juillet à février 2005.

-731,70 euros à titre de congés payés afférents au rappel de salaire,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2004 date de la convocation devant le conseil de prud'hommes.

-1000 euros au titre du préjudice financier sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.

-1000 euros au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.

-12 838,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

-condamné la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE à rembourser aux organismes sociaux un mois d'indemnité de chômage.

-débouté Madame A... du surplus de ses demandes.

-débouté la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SA CADILLAC PLASTIC FRANCE a relevé appel du jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 janvier 2006.

Vu les écritures régulièrement visées par le greffier et oralement soutenues à l'audience du 10 septembre 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, par lesquelles la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE conclut :

-à l'infirmation du jugement sauf en ses dispositions rejetant les demandes de Madame A....

-au débouté de Madame A... de l'intégralité de ses prétentions.

-à l'allocation de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions régulièrement visées par le greffier et oralement soutenues à l'audience du 10 septembre 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, par lesquelles Madame A... demande à la cour :

-de débouter la SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC de son appel.

-de faire droit à son appel incident et de condamner la SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC à lui verser les sommes suivantes :

-7337,20 euros à titre de rappel de salaires et subsidiairement à titre de prime.

-733,72 euros au titre des congés payés afférents.

-2000 euros à titre de préjudice financier du fait du non paiement l'augmentation de salaire et subsidiairement de prime.

-3453 euros à titre d'indemnité de préavis étant précisé que son salaire brut mensuel était de 1726,50 euros.

-345,30 euros au titre des congés payés afférents.

-5746,28 euros à titre d'indemnité de licenciement.

-20 718 euros (1 an de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame A... comptant plus de onze ans d'ancienneté au moment de son licenciement.

-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

-2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

-d'ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes à l'arrêt à intervenir.

A l'audience le conseil de Madame A... a remis une fiche entreprise tirée d'Infogreffe, faisant apparaître que la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE s'appelle désormais SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC.

MOTIFS

Sur la dénomination de la société appelante

Considérant que la fiche remise à l'audience montre que la forme et la dénomination de la société appelante ont changé.

Considérant que ce document est suffisamment probant, les numéros siret des deux sociétés étant identiques.

Sur le licenciement

Considérant qu'aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, Madame A... a été licenciée en substance pour les motifs suivants :

-manque d'intérêt aux tâches qui lui sont confiées depuis son retour de congé parental en 2001.

-nombreuses insuffisances professionnelles, non respect des horaires de travail avec des retards réguliers, abus d'appels téléphoniques personnels et maintien de ce comportement malgré plusieurs sanctions antérieures (avertissements, mise à pied).

-propos agressifs et dénigrement de la société auprès des fournisseurs, l'ensemble de ces faits étant constitutifs de d'une faute grave.

Considérant que la société appelante fait valoir essentiellement :

-que le conseil a écarté à tort des débats un certain nombre d'attestations concordantes ainsi qu'un courrier de la société MBS établissant tant les insuffisances professionnelles reprochées à la salariée que son attitude de dénigrement systématique de la société vis à vis des tiers.

-que les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment précis et étayés par les pièces produites.

-que les accusations de harcèlement moral portées par la salariée sont dénuées de tout fondement ou contredites par les témoignages d'autres employés.

-que les actes de dénigrement de la salariée, dont elle ne dénie pas sérieusement la réalité, sont constitutifs d'une faute grave dès lors qu'ils se situaient dans le prolongement d'agissements fautifs répétés manifestant une volonté délibérée de s'affranchir de ses obligations les plus élémentaires.

Considérant que la demanderesse soutient de son côté en substance :

-que les retards systématiques en 2001, puis en 2003, tels qu'évoqués dans la lettre de rupture ne peuvent plus motiver un licenciement, car ayant déjà donné lieu à sanctions disciplinaires.

-qu'elle a fait l'objet de plusieurs avertissements et d'une mise à pied injustifiés, ainsi que d'actes discriminatoires (privation de tickets restaurant) et agressifs de la part de l'employeur, qui ont entraîné une dégradation de sa santé psychologique et un état dépressif.

-que son licenciement intervenu suite à des faits de harcèlement moral est nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse.

-que l'insuffisance professionnelle invoquée ne peut justifier le licenciement.

-que le grief relatif à la tenue de propos agressifs est imprécis ou fait référence à des faits prescrits.

-que les lettres de la société MBS dont se prévaut l'employeur à l'appui de son reproche de dénigrement, ont été rédigées pour les besoins de la cause, alors qu'elle reprenait son travail après plusieurs mois d'arrêt de maladie.

Considérant qu'au soutien de la nullité de son licenciement, Madame A... se prévaut des attestations de trois anciens salariés de l'entreprise (B..., GUILBAULT, C...) qui auraient été victimes comme elle de harcèlement moral ou de remontrances injustifiées de la part de la responsable du personnel Madame D....

Qu'elle invoque également le témoignage d'une employée, Madame E..., dont il ressort en substance que le directeur général de la société ne venait plus la saluer lorsque Madame A... se trouvait avec elle dans son bureau et qu'une nouvelle procédure de distribution de tickets restaurant avait été mise en place depuis que ceux ci avaient été refusés

à Madame A... suite à son absence pour maladie.

Considérant cependant que les témoignages de Madame B... et de Madame F... ne caractérisent pas de faits concrets de harcèlement concernant la demanderesse.

Que l'attestation de Monsieur C... ne mentionne pas son lien d'alliance (concubinage) avec l'appelante, ce qui la prive de caractère véritablement probant.

Que celle de Madame E... ne révèle pas de faits réellement discriminatoires et se trouve en tout état de cause formellement contredite par les déclarations d'autres salariés (cf attestations LE THOER, LESCANNE, POINCENOT, COLSON, FRITZINGER, CZARNUCH, BERTHOU) qui démentent toute attitude discriminatoire ou de harcèlement de la part de responsable du personnel.

Considérant par contre, que c'est à tort que les premiers juges ont écarté des débats les témoignages de huit salariés de l'entreprise, responsables d'agence ou de services, motif pris de leur statut au sein de la société et de l'absence de garantie de leur impartialité.

Considérant qu'une telle décision outre qu'elle est contraire au libre exercice des droits de la défense, n'est justifiée par aucun texte, rien n'interdisant aux salariés d'une entreprise quelques soient leurs attributions, de témoigner sous réserve de préciser leur lien de subordination vis de celle ci.

Considérant que la plupart de ces témoignages (attestations BELLIARD, FRANCOIS, LETHOER, BERTHOU ) concordent pour confirmer la réalité des insuffisances reprochées à la demanderesse (écarts de stocks, inventaires erronés, erreurs de saisie, manque de suivi, tâches non réalisées ou effectuées avec retard, reliquats de commandes oubliés, retards répétés à la prise de fonctions, temps de pause exagéré, abus d'appels téléphoniques privés).

Considérant que ces déclarations sont confortées par d'autres documents tels que listing, notes internes, relevés d'appels téléphoniques, courriels.

Considérant que ces faits se sont répétés à plusieurs reprises au cours des années précédant le licenciement, et que leur réitération est constitutive des insuffisances et manquements invoqués par l'employeur.

Considérant encore que les courriers adressés les 20 décembre 2004 et 7 janvier 2005 à la SA CADILLAC PLASTIC FRANCE par un fournisseur, la société MBS, même s'ils émanent d'une société dont le représentant légal est le gérant de la SCI propriétaire des locaux occupés par l'appelante, ne peuvent être privés de ce seul fait de toute force probante comme l'a estimé le conseil.

Considérant que ces courriers dénoncent tout à la fois un comportement habituel de dénigrement de CADILLAC PLASTIC de la part de Madame A... ainsi qu'une "incompétence volontaire" et "une baisse importante dans la qualité de son travail sur nos produits, perturbant le travail au sein de notre entreprise", ce qui conduit le responsable de la société à refuser catégoriquement tout contact avec Madame A... à son retour de congé de maladie, sous peine de rupture de leurs relations de travail.

Considérant que ces derniers faits, ajoutés aux autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais ne présentent pas un caractère de gravité tel qu'ils empêchaient le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Considérant que les sommes allouées par le conseil à titre d'indemnités de préavis et de congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement sont conformes aux pièces produites, ce qui justifie la confirmation du jugement sur ce point.

Considérant qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ni à remboursement au profit de l'ASSEDIC.

Que le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande pour harcèlement moral

Considérant que Madame A... produit un certificat médical du Dr G... du 12 avril 2005 qui indique qu'il l'a soignée en raison "d'une dépression sévère occasionnée par le harcèlement exercé au niveau de son travail " et qu'elle a du être "traitée médicalement et mise en arrêt de travail du 30 mars au 31 décembre 2004".

Considérant toutefois que ce seul avis médical ne permet pas de caractériser le harcèlement invoqué, faute d'être corroboré par des éléments matériels précis, ainsi que cela résulte des constatations figurant plus haut et de l'examen des pièces communiquées sur ce point.

Que pour les motifs énoncés plus haut , la salariée sera donc débouté de ses prétentions de ce chef et le jugement infirmé en ce qu'il lui a accordé des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

Sur les demandes au titre du rappel de salaire ou de prime

Considérant que Madame A... a perçu de septembre 2001 à octobre 2002 puis de mars à juin 2003, soit pendant 17 mois au total, une prime dite exceptionnelle qui a finalement été définitivement supprimée suite à un avertissement du 22 juillet 2003.

Considérant cependant que cette suppression est intervenue sans dénonciation régulière et alors la prime avait comme l'a justement relevé le conseil, un caractère de fixité, de constance et de généralité et pouvait s'analyser comme un avantage acquis.

Considérant que c'est à bon droit et par de justes motifs que la cour fait siens, que les premiers juges ont fait droit à la demande de la salariée.

Que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Considérant que la société appelante devra remettre à la demanderesse un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes au présent arrêt dans le mois de sa signification sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Considérant que la somme de 800 euros allouée par le conseil à la demanderesse au titre de ses frais irrépétibles sera confirmée.

Que par contre il n‘y a pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel, chacune des parties succombant partiellement.

Considérant que la société appelante qui succombe au moins partiellement supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA CADILLAC FRANCE PLASTIC devenue la SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC :

-à payer à Madame A... les sommes de :

-1000 euros à titre de préjudice financier sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.

-1000 euros à titre de préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.

-12 838,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-à rembourser à l'ASSEDIC un mois d'indemnité de chômage.

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant

Condamne la SA CADILLAC FRANCE PLASTIC, devenue la SAS THYSSENKRUPP CADILLAC PLASTIC à remettre à Madame A... un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes dans le mois de la signification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société appelante aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0133
Numéro d'arrêt : 9
Date de la décision : 17/10/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Meaux, 29 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-10-17;9 ?
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