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13/10/2007 | FRANCE | N°06/10229

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0115, 13 octobre 2007, 06/10229


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 13 novembre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/10229

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 mars 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG no 03/12883

APPELANTE

Madame Chantal X...

...

92100 BOULOGNE BILLANCOURT

comparante en personne, assistée de Me Patrick Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P586

INTIMEE

SA MON

OPRIX

Tour Vendôme

204, rond-Point du Pont de Sèvres

92100 BOULOGNE BILLANCOURT

représentée par Me Ronald LECUYER, avocat au barreau de PARIS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 13 novembre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/10229

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 mars 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG no 03/12883

APPELANTE

Madame Chantal X...

...

92100 BOULOGNE BILLANCOURT

comparante en personne, assistée de Me Patrick Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P586

INTIMEE

SA MONOPRIX

Tour Vendôme

204, rond-Point du Pont de Sèvres

92100 BOULOGNE BILLANCOURT

représentée par Me Ronald LECUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 331

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 juin 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Hélène IMERGLIK, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Michèle MARTINEZ, conseillère

Mme Monique CHADEVILLE-PRIGENT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Michèle MARTINEZ, conseillère, en ayant délibéré pour la présidente empêchée, et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme Chantal Z... épouse X... a été embauchée à compter du 4 décembre 1972 par la société Centrale d'achats, aux droits de laquelle se trouve la société Monoprix, en qualité d'attachée de direction. Elle a occupé en dernier lieu des fonctions d'acheteuse, classification cadre 2B avec une rémunération mensuelle brute de 4 013 euros, au rayon collant.

L'entreprise occupe à titre habituel au moins onze salariés et la convention collective des grands magasins régissait les relations de travail.

Le 25 septembre 2003, Mme X... a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2003, Mme X... a été licenciée. Elle était dispensée d'exécuter le préavis, qui lui était toutefois payé ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le 14 octobre 2003, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu à la nullité, subsidiairement à l'absence de cause réelle et sérieuse, de son licenciement, au paiement de dommages et intérêts pour préjudice résultant de l'exécution fautive du contrat de travail, discrimination et harcèlement moral, de dommages et intérêts pour préjudice résultant de la rupture, subsidiairement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des intérêts au taux légal et d'une allocation de procédure, ainsi qu'à la remise de documents sociaux.

La société Monoprix a réclamé reconventionnellement des dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de procédure.

Par jugement du 16 mars 2006, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a débouté Mme X... de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Monoprix 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme X... a fait appel. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Monoprix à lui payer :

- 170 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Monoprix conclut à la confirmation du jugement et sollicite une somme supplémentaire de 12 500 euros à titre de dommages et intérêts et une somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 12 juin 2007, reprises et complétées lors de l'audience.

Motifs de la décision

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 13 octobre 2003, qui fixe les limites du litige, énonce les motifs suivants :

"Dans le cadre de la réorganisation de la division textile, après avoir décliné l'offre de promotion interne qui vous a été faite, vous avez refusé l'affectation au poste d'acheteuse de la confection homme, notifiée une première fois le 12 mars 2003 puis une seconde fois le 26 mars 2003.

A titre subsidiaire, nous nous permettons de vous rappeler qu'afin de trouver une solution, les Galeries Lafayette ont été sollicitées et vous n'avez pas donné de suite favorable à la proposition écrite qui vous a été faite début septembre.

Si votre décision de décliner notre proposition d'évolution de carrière sur le poste de catégorie manager de la maille relevait bien de votre libre choix, en revanche, votre affectation d'acheteuse à la confection homme, relevait, elle, de notre pouvoir d'organisation et de direction et, dès lors qu'elle n'entraînait pas de modification de votre contrat de travail, elle s'imposait à vous. Votre refus réitéré d'occuper ce poste s'analysait alors en refus de travail.

Toutefois, souhaitant prendre en compte votre parcours professionnel au sein de l'entreprise, nous ne qualifions pas ce refus de faute privative du préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement".

Il ressort des pièces produites les faits qui suivent.

En octobre 2002, M. A... a été nommé comme nouveau directeur du département des achats textiles, dont dépendait Mme X..., avec mission de réorganiser le département, notamment par la mise en place de "category manager" destinés à prendre chacun en charge la gestion complète d'une catégorie de produits.

Mme X..., qui avait des fonctions d'acheteuse depuis février 1979 au rayon collant depuis décembre 1988, et qui avait indiqué en mai 2000, à l'occasion de l'entretien annuel d'appréciation concernant l'exercice 1999, qu'elle aspirait à "un changement si opportunité à examiner", s'est vu proposer verbalement fin novembre 2002, soit de devenir category manager du secteur sous-traitance maille, poste créé, ce qui constituait une promotion, soit de conserver son poste d'acheteuse au rayon collant en étant sous l'autorité d'un category manager lingerie-chaussant recruté en externe.

Le 5 décembre 2002, par mel, Mme X... a demandé à l'employeur de lui indiquer par écrit la classification et le salaire correspondant à sa promotion avant de donner sa réponse, elle indiquait en outre :

"Je ne peux, naturellement, que regretter pour moi-même ainsi que pour la société que vous m'annonciez qu'un recrutement extérieur d'un category manager unique a été lancé pour couvrir deux secteurs aussi totalement que la lingerie et le chaussant. Je vous rappelle que j'ai tenu le poste d'adjointe de la lingerie avec une large délégation ainsi que le poste d'acheteuse du chaussant avec les résultats que l'on sait. Dans le contexte actuel, cette décision de recrutement extérieur est, à mon humble avis, une décision sous-optimale pour la société".

Par mel du 16 décembre, se référant à un entretien du 12 décembre, Mme X... indiquait en préambule : "Je maintiens que la seule solution qui préserve actuellement la position de Monoprix sur le marché du chaussant réside dans ma promotion en tant que category manager de ce secteur, poste qui se justifie autant sinon davantage que ceux des category managers créés dans d'autres secteurs". Elle réservait sa réponse quant au poste de category manager sous-traitance maille, qui n'était toutefois pas "sans l'intéresser", et demandait des précisions, sur la catégorie et l'échelon de ce poste, le contenu détaillé de la fonction (fiche de poste), la rémunération (12% d'augmentation lui paraissant être un minimum) avec les mêmes conditions que les category manager recrutés en externe, le sort de sa prime POP.

Le 19 décembre 2002, la société Monoprix a présenté la nouvelle organisation, dans laquelle Mme X... figurait comme category manager sous-traitance maille, aux personnels concernés et au comité d'établissement.

Mme B... a été désignée comme acheteuse collant en remplacement de Mme X....

Par courriel du 27 janvier 2003, se référant à un entretien du 24 janvier au cours duquel avait été évoquée une période probatoire pour les fonctions de category manager, Mme X... a indiqué à la société Monoprix :

"Votre proposition de transformer maintenant ma fonction d'acheteuse, reconnue sur le marché du collant, en une fonction probatoire assortie d'une prime promotionnelle temporaire -après 30 ans de résultats positifs dans différents rayons- ne me permet plus, dans ces conditions, de vous confirmer mon accord pour une promotion à la sous-traitance maille". Elle demandait que lui soient précisées par écrit les conditions de cette promotion et ajoutait "dans l'attente, je reste naturellement titulaire de mon poste au collant".

Par lettre du 12 février 2003, M. A..., directeur marchandises textiles, a répondu à Mme X.... Il reprenait la chronologie des faits et échanges depuis la proposition de promotion au poste de category manager sous-traitance maille faite en novembre 2002 et ajoutait :

"Le 17/12/2003, vous avez opté pour le poste de category manager sous-traitance (...). Votre affectation à ce poste a été annoncée officiellement lors de la présentation des nouvelles structures aux équipes de la direction textile et au comité d'établissement siège, sans que vous manifestiez de réserves. Votre succession dans votre poste actuel a été organisée en conséquence et votre remplaçante a été nommée. Vous nous avez confirmé votre engagement déterminé dans ce choix le 24/01/2003, au cours d'un entretien que nous avons eu en présence de votre chef de département, Mme C C.... C'est la raison pour laquelle je suis surpris par votre note du 27/01/2003, dans laquelle vous paraissez remettre en cause l'orientation que vous aviez choisie".

M. A... rappelait les conditions exactes de la nouvelle affectation de Mme X... en se référant à des documents qui lui avaient déjà été remis ou à des réunions de category managers auxquelles elle avait participé, et notamment l'attribution d'une prime de fonction individualisée de 200 euros par mois, intégrée au salaire à la fin d'une période "intermédiaire" de janvier à septembre 2003.

Il lui était demandé de préciser en urgence sa position ferme et définitive : soit de confirmer son engagement sur la nouvelle affectation pour laquelle elle avait donné son accord, soit son maintien sur un poste d'acheteur, dans un secteur produits différent de celui qu'elle gérait jusque là (désormais pourvu par sa remplaçante) et qui ne pouvait pas encore être déterminé.

Par courriel du 19 février 2003, Mme X..., estimant que l'employeur n'avait pas négocié de bonne foi avec elle, lui a notifié qu'elle faisait "définitivement l'option" de rester sur son poste actuel.

Le 21 février 2003, Mme X... a adressé à la directrice des ressources humaines de la société un courrier dans lequel elle accusait M. A... de manoeuvres qui "détruisaient" son moral et d'avoir transformé ce qui devait être une promotion en "peau de chagrin et en marché de dupes". Ce courrier était accompagné d'une "note confidentielle" de huit pages, dans laquelle la salariée commentait phrase par phrase la lettre de M. A... du 12 février 2003, dont elle demandait qu'elle soit versée à son dossier.

A partir de là et jusqu'au licenciement, de très nombreux entretiens ont eu lieu entre les responsables de la société Monoprix et Mme X..., laquelle a adressé à la société des "comptes -rendus" pour la plupart de ces entretiens ; un échange de correspondances entre les parties s'est instauré, essentiellement alimenté par un nombre conséquent de très longs courriers ou courriels de la salariée, laquelle s'ancrait progressivement dans une attitude revendicative et de soupçon systématique envers tout ce qui était proposé par la société Monoprix, qu'elle accusait de manoeuvres, de dol et de discrimination. L'employeur a également été destinataire de correspondances dans les mêmes termes de M. X..., époux de la salariée.

Mme X... a persisté dans son refus du poste de category manager maille, bien que dès le 3 mars 2003 la condition d'une période probatoire avait été levée. Elle a postulé au poste de category manager lingerie-chaussant, puis indiqué qu'elle préférait rester sur son poste (alors attribué à Mme B...), vanté son expérience et ses compétences techniques, inégalées selon elle dans ce rayon, et critiqué les modalités de gestion de la réorganisation du secteur adoptées par l'entreprise.

Le 12 mars 2003, la société Monoprix a notifié à Mme X... que, dans la mesure où elle refusait la promotion proposée, et conformément à ce qui était annoncé dans la note du 12 février, elle était mutée au poste d'acheteuse de la confection homme, au sein du département bébé-enfant-homme, sous l'autorité de Mme D..., category manager, à compter du 24 mars 2003. Il était indiqué que les mesures d'accompagnement : fixations d'objectifs, actions de formation, seraient mises en oeuvre le plus rapidement possible pour permettre son adaptation et que les conditions de son contrat de travail demeuraient inchangées.

Le 16 mars 2003, après un nouvel entretien, Mme X... a refusé cette "mutation-punition" dans un rayon moitié moins important à ses dires. Elle accusait la société Monoprix de l'avoir manipulée au sujet de la promotion proposée, se disait discriminée par rapport à Mme B... sa remplaçante dans son poste d'origine et maintenait sa candidature au poste de category manager lingerie-chaussant.

Le 26 mars 2003, M. A... constatant que la salariée n'avait pas pris en considération le changement d'affectation notifié le 12 mars 2003, a rappelé que cette affectation intervenait après "une période d'écoute active et de nombreux échanges" :

- quatre entretiens personnels en fin novembre 2002 et fin février 2003,

- deux réunions d'information collectives,

- des rendez-vous individuels d'information avec la DRH,

- un rendez-vous avec le directeur général exécutif le 24 mars 2003,

- un délai de réflexion supplémentaire.

Il lui demandait de réexaminer une nouvelle fois les deux propositions qui lui avaient été faites : category manager sous-traitance maille et acheteur confection homme, et de donner sa réponse pour le 27 mars 2003 au soir au plus tard.

Le même jour, Mme X... a refusé ces deux propositions et a indiqué qu'elle restait titulaire de son poste "au collant".

Mme X... a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail pour dépression pour une période pratiquement ininterrompue du 28 mars au 16 août 2003.

Le 19 mai 2003, la société Monoprix a proposé à Mme X... un poste d'acheteur senior collant et chaussant aux Galeries Lafayette qui devait se libérer fin août.

Le 4 août 2003, la société Monoprix a adressé à Mme X... un courrier, dans lequel, après avoir évoqué les deux refus de postes opposés par celle-ci, elle indiquait :

"Au cours d'un entretien avec notre directeur général, vous avez exprimé le souhait que votre expérience soit mise au service des Galeries Lafayette. Nous nous sommes rapproché du groupe Galeries Lafayette afin d'étudier la possibilité d'une mutation et les conditions afférentes à celle-ci.

Nous sommes maintenant en mesure de vous en communiquer le contenu, et nous répondons ainsi à vos courriers datés du 8 juillet et du 17 juillet 2003. Cette proposition reprend les termes de notre entretien du 22 juillet 2003, elle ne deviendra définitive qu'après la validation de la direction des ressources humaines des Galeries Lafayette, qui devrait nous être communiquée après le 15 août prochain.

Les conditions de cette mutation seraient les suivantes :

- votre date de prise de poste se situerait entre le 7 et le 15 septembre prochains.

- vous occuperez le poste d'acheteur senior collant et chaussant,

- votre rémunération fixe mensuelle et votre statut restent inchangés et vous garderez l'ancienneté acquise au sein du groupe Monoprix.

Afin de pouvoir disposer d'autres informations, notamment sur le contenu de cette fonction et sur d'autres conditions de travail, vous aurez la faculté de rencontrer votre future hiérarchie et les représentants de la direction des relations humaines des Galeries Lafayette après leur retour de congés, fin août.

Nous espérons avoir ainsi satisfait votre demande et vous demandons de nous communiquer votre réponse sur cette mutation dans les meilleurs délais".

Le 11 août 2003, Mme X... a envoyé à la société Monoprix un courrier de quatre pages dans lequel elle analysait la chronologie des événements depuis novembre 2002 à la lumière des manoeuvres déloyales et discriminatoires, des menaces et pressions dont elle disait avoir été victime de la part de l'employeur. Elle estimait par ailleurs avoir subi une modification unilatérale de son contrat de travail, indiquait que les renseignements fournis sur son "passage" aux Galeries Lafayette étaient insuffisants en particulier sur la rémunération et sur la pérennité de l'emploi et réclamait un dédommagement pour les frais de procédure exposés. Elle proposait à la société Monoprix d'élaborer entre elles un compromis afin de mettre un terme à la situation.

A l'issue de ses congés annuels, Mme X... s'est présentée, le 2 septembre 2003, au rayon lingerie collant du magasin Monoprix, où son ancien poste était occupé par Mme B.... La direction lui a demandé de rentrer chez elle dans l'attente d'une nouvelle proposition puisqu'il y n'y avait pas d'autre poste disponible que celui d'acheteur rayon confection homme qu'elle avait refusé.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le licenciement de la salariée le 13 octobre 2003.

Il résulte des pièces produites, et en particulier de celles analysées ci-dessus, qu'à la faveur de la réorganisation du département des achats textiles notamment par la création de postes de "category manager" à la tête de chaque filière de produits intervenue en novembre 2002, il a été proposé à Mme X..., qui avait fait connaître son souhait de changement, une promotion au poste créé de category manager du secteur sous-traitance maille. A défaut, elle pouvait conserver son poste d'acheteuse au rayon collant mais serait sous l'autorité du category manager du rayon lingerie-chaussant, poste créé et recruté en externe.

Mme X..., manifestement déçue que le poste de category manager du rayon lingerie-chaussant ne lui ait pas été proposé en dépit de son ancienneté et de ses compétences qu'elle estimait supérieures dans ce domaine, a atermoyé avant d'accepter le poste de category manager sous traitance maille.

En effet, seule une telle acceptation explique, d'une part qu'elle n'a formulé ni protestation ni réserve lorsque, le 19 décembre 2002, l'employeur a présenté la nouvelle organisation, dans laquelle elle figurait comme titulaire de ce poste, et, d'autre part, que dans son courriel du 27 janvier 2003, elle disait ne plus pouvoir confirmer son accord pour une promotion à la sous-traitance maille, formule supposant qu'un accord avait été donné.

L'employeur, agissant dans un plan de réorganisation d'ensemble, assuré du consentement de Mme X... à la promotion offerte, a pourvu à son remplacement au poste d'acheteuse au rayon collant qu'elle quittait, de sorte que, lorsque la salariée est revenue sur son acceptation le 27 janvier 2003, la marge de manoeuvre est devenue étroite.

Les pièces produites démontrent, ainsi que cela apparaît ci-dessus, que l'employeur a bien eu envers la salariée une attitude "d'écoute active", que de nombreux échanges ont eu lieu et que les supérieurs hiérarchiques de Mme X... ne se sont dérobés à aucun des nombreux entretiens qu'elle a sollicités et ont constamment tenté de trouver une solution pour la sortir, au mieux des possibilités existantes, de l'impasse dans laquelle elle s'était engagée elle-même en retirant un accord qu'elle avait donné au prétexte de l'existence d'une période probatoire rapidement abandonnée sans que cela modifie sa position, alors qu'en réalité, ainsi que cela transparaît dans ses correspondances, elle n'avait pas renoncé à obtenir le poste de category manager au rayon lingerie-chaussant qu'elle estimait lui être dû.

Dans ces conditions, la société Monoprix n'a commis ni manquement contractuel ni acte déloyal en offrant à Mme X..., qui, de son propre fait ne pouvait plus revenir sur son ancien poste, les postes de category manager sous-traitance maille et acheteur confection homme, puis en lui proposant un poste recherché pour elle auprès des Galeries Lafayette.

Il ne peut par ailleurs être reproché à la société Monoprix d'avoir modifié unilatéralement le contrat de travail de Mme X..., d'abord parce qu'aucun des postes offerts n'entraînait une diminution de la rémunération de la salariée, un changement radical de lieu de travail ou de nature du travail à accomplir, ensuite parce que les propositions faites n'excédaient pas le cadre du pouvoir d'organisation et de direction de l'employeur, et enfin parce que, en tout état de cause, Mme X... est elle-même à l'origine de son changement de poste et des difficultés afférentes.

En licenciant Mme X... dans ces conditions, la société Monoprix a tiré les conséquences de la situation de blocage instaurée par les refus successifs opposés par la salariée aux propositions de poste qui lui étaient faites. Le licenciement de l'appelante repose donc sur une cause réelle et sérieuse.

Mme X... ne peut utilement opposer la prescription de deux mois applicable aux faits fautifs en matière disciplinaire. En effet, le refus du poste d'acheteuse confection homme en mars 2003 n'a pas donné lieu à lui seul à l'engagement de la procédure de licenciement, l'employeur n'ayant pas après ce refus rompu le dialogue et ayant continué à chercher une solution qui satisfasse la salariée. C'est la persistance de l'attitude d'opposition ou les atermoiements de la salariée face à toute proposition de poste, en particulier à celle du poste concerné, qui a contraint l'employeur à la licencier.

C'est par conséquent à juste titre que le premier juge a débouté Mme X... de ses demandes relatives au licenciement et plus particulièrement de celle en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral

Cette demande se fonde sur le comportement de l'employeur pour la période postérieure à novembre 2002 dans le processus analysé ci-dessus ayant conduit au licenciement. La cause réelle et sérieuse du licenciement a été reconnue ci-dessus ainsi que l'absence de faute de l'employeur dans son attitude envers la salariée.

Dès lors, en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles pièces, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge, constatant que salariée ne rapportait pas la preuve de faits pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement à son encontre, a débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé à cet égard.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'action de Mme X... n'excède pas les limites admissibles du droit d'ester en justice et d'exercer les recours légalement prévus.

C'est donc à tort que le premier juge a alloué à la société Monoprix des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement sera par conséquent infirmé à ce titre et la société Monoprix sera déboutée de ce chef de demande en ce qu'il intéresse la procédure d'appel.

Sur les frais irrépétibles

Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont réunies. Il convient de confirmer le jugement sur ce point sans qu'il y ait lieu d'augmenter le montant alloué par le premier juge.

Par ces motifs

La cour

Infirme le jugement déféré en sa disposition relative aux dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

Déboute la société Monoprix de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Ajoutant,

Déboute la société Monoprix de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en ce qu'elle est relative à la procédure d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme X... aux dépens.

LE GREFFIER POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0115
Numéro d'arrêt : 06/10229
Date de la décision : 13/10/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 16 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-10-13;06.10229 ?
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