RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre C
ARRET DU 11 Octobre 2007
(no1, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/04126
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2004 par le conseil de prud'hommes de Melun RG no 04/00117
APPELANTS
Monsieur Chedli X...
9, place de Lattre de Tassigny
93220 GAGNY
Monsieur Laurent Y...
...
77150 LESIGNY
Monsieur Nicolas Z...
...
77380 COMBS LA VILLE
comparants en personne, assistés de Me Nicole PREVOST BOBILLOT, avocat au barreau de MELUN
Monsieur Antonio A...
...
94500 CHAMPIGNY SUR MARNE
Monsieur Rosbert B...
Appartement 8 - 1er étage
3, square Saint Martin
91150 ETAMPES
Monsieur Joachim C...
...
77515 POMMEUSE
SYNDICAT CFDT CONSTRUCTION ET BOIS INTERDÉPARTEMENTAL DE FRANCE
...
75010 PARIS
représentés par Me Nicole PREVOST BOBILLOT, avocat au barreau de MELUN
INTIMÉE
S.A. SOCIÉTÉ NOUVELLE D'INSTALLATION ELECTRIQUE
... -BP 31
77251 BRIE COMTE ROBERT CEDEX
représentée par Me Jean Paul RICHON, avocat au barreau de VAL DE MARNE, PC341
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
Madame Catherine MÉTADIEU, Conseillère
Madame Catherine BÉZIO, Conseillère
Greffière : Mademoiselle Céline D..., lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline D..., Greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par Chedli X..., Antonio A..., Rosbert B..., Laurent Y..., Nicolas Z..., Joachim C... d'une ordonnance rendue le 15 juillet 2004 par le conseil de prud'hommes de MELUN, en sa formation de référé qui a dit n'y avoir lieu à référé, réservé la cause et les dépens ;
Vu l'ordonnance ordonnant une médiation en date du 13 octobre 2005 ;
Vu la lettre en date du 7 février 2007 de M. E... constatant l'absence d'accord entre les parties ;
Vu les dernières écritures et observations orales de Chedli X..., Antonio A..., Rosbert B..., Laurent Y..., Nicolas Z..., Joachim C... et du syndicat CFDT-CONSTRUCTION qui demande à la Cour de :
- constater que leurs demandes entrent dans la compétence du juge des référés
En conséquence,
- dire la formation des référés compétente et réformer l'ordonnance entreprise
- condamner la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à payer à chacun des salariés appelant la somme de 35,60 € de prime de panier
- condamner la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à payer par provision, les sommes de :
au titre des indemnités de trajet :
• 3 228,56 € à Chedli X...
• 3 726,81 € à Antonio A...
• 2 543,21 € à Rosbert B...
• 2 579,10 € à Laurent Y...
• 3 945,81 € à Nicolas Z...
• 3 726,81 € à Joachim C...
au titre des indemnités de transport
• 3 860,80 € à Chedli X...
• 3 158,92 € à Antonio A...
• 2 316,63 € à Rosbert B...
• 2 071,03 € à Laurent Y...
• 3 776,10 € à Nicolas Z...
• 1 992,08 € à Joachim C...
- condamner la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à produire sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la signification du présent arrêt :
• l'intégralité des lieux de chantiers auxquels ils ont été affectés et leur durée (pour chacun des salariés appelants)
• la composition du parc automobile et la liste des attributions de véhicule (leur durée, leur cause de retrait)
- condamner la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à payer par provision, au titre des heures supplémentaires les sommes de :
• 31 129,48 € à Chedli X...
• 117 710,48 € à Antonio A...
• 7 301,62 € à Rosbert B...
• 59 432,35 € à Laurent Y...
• 118 542,35 € à Nicolas Z...
• 18 268,75 € à Joachim C...
- condamner la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à produire sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la signification du présent arrêt tout document de nature à corréler le prix de tâche payé avec le temps d'exécution accompli
Subsidiairement,
- ordonner toute mesure expertale
- condamner la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à payer aux appelants la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières écritures et observations orales de la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique qui demande à la Cour de :
- constater que les appelants et le syndicat CFDT-CONSTRUCTION ne justifient en aucune manière avoir été privés de leurs droits incontestables
- constater qu'en vertu des articles R.516-30 et R.516-31 du code du travail leurs demandes ne relèvent pas de la compétence du juge des référés
- les dire mal fondés en leur appel et les débouter en conséquence de leurs demandes
- les condamner solidairement à lui rembourser la moitié des honoraires et frais correspondant à la mission de médiation, soit la somme de 10 864,71 € TTC (9 084,25 €)
- condamner chacun des demandeurs au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Les appelants dont deux seulement sont encore en poste au sein de la société, à savoir
Chedli X... et Nicolas Z... ont tous été engagés en qualité d'électricien par la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique, entreprise spécialisée dans l'électricité du bâtiment.
Leurs contrats de travail sont régis par la convention collective du bâtiment et le protocole Seine et Marnais.
Ils exposent avoir droit au paiement de l'indemnité de petits déplacements, de l'indemnité de transport, et la prime de panier et font valoir que pour le calcul de leurs droits, il est nécessaire que l'employeur soit contraint de produire les documents permettant de déterminer les chantiers d'affectation de chacun d'eux, la durée de cette affectation pour la détermination des zones correspondantes par rapport à la distance entre ces chantiers et leur domicile habituel respectif.
Ils sollicitent en outre le versement de provision au titre de ces différentes primes.
Ils demandent ensuite le paiement intégral de leur temps de travail, estimant effectuer des heures supplémentaires qui ne leurs sont pas rémunérées.
Sur l'intervention de la CFDT
Il convient de dire le syndicat CFDT Construction et Bois Interdépartemental d'Ile de
France recevable en son intervention, en application de l'article L.135-4 du code du travail.
En effet ce syndicat intervient aux côtés de salariés qui invoquent les dispositions d'une convention collective du travail et dont la solution du litige soumis à la Cour est de nature à présenter un intérêt collectif pour ses membres liés par cette convention.
Sur les indemnités de trajet
Les appelants sollicitent le paiement de l'indemnité de trajet prévue par le protocole Seine et Marnais qui a pour objet d'indemniser le temps nécessaire au salarié pour se rendre et revenir du chantier.
Il a été prévu aux termes de l'accord d'entreprise signé le 11 juin 2003 :
"L'indemnité de trajet ... est incluse dans le barème des prix des tâches sur la base duquel est calculée la prime de rendement.
Après discussion et analyse des salaires effectivement pratiqués dans l'entreprise, les partenaires sociaux confirment reconnaître l'intégration de cette indemnité dans le salaire au rendement (indemnité comprise dans les prix de tâches).
Ils sollicitent toutefois une régularisation de la présentation du bulletin de paye avec mention distincte du montant de ladite prime.
Il est ainsi convenu qu'à compter du 01/06/2003, l'indemnité de trajet sera extraite du montant de la prime de rendement pour figurer sur une ligne distincte du bulletin de paye.
La direction a décidé d'augmenter sur trois ans la prime de rendement du montant de l'indemnité de trajet".
Le montant de cette prime a été arrêté à 78,75 € bruts sur la base de 22 jours ouvrés par mois.
La prime de rendement a donc été augmentée ainsi qu'il suit :
- au 1er juin 2003 du 1/3 du montant de l'indemnité de trajet
- au 1er juin 2004 de 2/3
- au 1er juin 2005 de la totalité.
Il n'est pas sérieusement contestable que jusqu'à la signature de l'accord, l'indemnité de trajet n'a pas été réglée aux appelants, la S.A. SNIE ne pouvant de bonne foi soutenir qu'elle était intégrée dans le montant du salaire au rendement, alors qu'elle devait être versée de manière distincte, notamment au regard de sa nature spécifique, expressément définie dans le protocole d'accord Seine et Marnais et ci dessus rappelé.
Il sera donc fait droit à la demande de provision formée par les salariés, l'employeur n'élevant pas de contestation quant aux bases et modalités de calcul retenues.
Sur les indemnités de transport
Les appelants estiment qu'en décidant de rembourser les frais de carburant sur justificatifs pour les ouvriers qui utilisent leur véhicule personnel ou en mettant à leur disposition des véhicules de société, l'employeur n'a pas respecté le protocole Seine et Marnais, en ce qu'il prévoit le versement d'une indemnité forfaitaire destinée à indemniser les frais de transports engagés quotidiennement par l'ouvrier pour se rendre sur le chantier avant le début du travail et pour en revenir quel que soit le moyen de transport utilisé.
Aucun élément pertinent n'est versé permettant de démontrer, avec l'évidence requise en matière de référé, que la S.A. SNIE a failli à ses obligations en n'indemnisant pas les frais de transports engagés par les salariés.
Il n'y a pas lieu à référé de ce chef.
Sur la prime de panier
La S.A. Société Nouvelle d'installation électrique ne conteste pas expressément devoir les sommes réclamées au titre de la prime de panier.
Il convient donc de la condamner à payer à chacun des salariés la somme de 35,60 € ;
Sur les heures supplémentaires
Les salariés de la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique sont rémunérés pour partie à la tâche et pour partie en "régie".
Le salaire à la tâche correspond aux tâches effectives (appareils posés) multipliés par le prix de chaque opération.
Chaque type d'appareil et d'opération est répertorié dans un barème avec les prix correspondants, réactualisés chaque année.
Le salaire en "régie" correspond à un décompte d'heures attaché à des opérations qui ne peuvent être quantifiés à l'unité (travaux de reprise par exemple).
Le montant du salaire est ainsi calculé en ajoutant salaire à la tâche et salaire en régie.
Si le montant obtenu est inférieur au minimum conventionnel correspondant à la classification du salarié, le montant du salaire garanti est alors payé à l'intéressé.
Dans le cas d'un salaire supérieur au minimum garanti, il est ajouté à ce minimum, une prime, correspondant à la différence obtenue et intitulée prime de rendement.
Il en résulte que dans tous les cas le salarié est rémunéré au minimum sur la base du salaire minimum garanti.
En l'espèce, les appelants soutiennent qu'ils exécutent des heures supplémentaires que le paiement à la tâche ne permet pas de rémunérer justement, notamment en tenant compte des majorations prévues pour tout travail supplémentaire.
Ils demandent donc que soit faite la corrélation entre temps et rémunération, les tâches étant rémunérées de manière forfaitaire sans que soit pris en compte le temps de réalisation effectif.
La S.A. Société Nouvelle d'installation électrique réplique que les barèmes tiennent "évidemment" compte du temps normal nécessaire à la réalisation de chaque opération, et qu'une rémunération à la tâche ou au rendement est par nature indépendante du temps de travail effectivement accompli puisqu'elle est déterminée en additionnant le prix des différentes tâches effectuées.
Selon l'article L.212-1-1 du Code du Travail, la preuve de l'exécution d'heures supplémentaires n'incombe pas spécialement à l'une des parties.
L'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction après avoir ordonné le cas échéant toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le salaire au temps est déterminé en fonction de travail, le salaire à la tâche est fonction du rendement du salarié, et varie selon le nombre d'opérations effectuées.
Le choix de l'un ou l'autre de ces modes de rémunération est, sauf dispositions conventionnelles contraires, libre, le salarié à la tâche devant en tout état de cause percevoir la rémunération minimale garantie à laquelle il peut prétendre.
De plus, la convention collective autorise en son article 1.2.3 la rémunération à la tâche sous réserve que les ouvriers ne soient pas privés des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles.
Il n'est pas contesté, et de plus il est établi que des barèmes annuels des prix des différentes tâches sont établis annuellement par la S.A. SNIE.
Le seul fait que ces barèmes ne comportent aucune référence à un temps de travail ne suffit pas à constituer les "indices", selon la terminologie retenue par les appelants, qu'ils ont nécessairement effectué des heures supplémentaires.
A cet égard, le tableau établi à la demande du médiateur, en cours de médiation faisant apparaître une "référence temps forfaitaire par tâche" en date du 1er janvier 2006, sera écarté des débats, comme étant produit en violation des dispositions de l'article 131-14 du nouveau code de procédure civile.
Aucun élément, relevé d'heures ou attestations, n'est produit permettant d'établir, de manière incontestable, que chacun des appelants a accompli un temps de travail supérieur à l'horaire collectif de référence ou que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de rémunération des salariés de l'entreprise.
Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande en paiement d'heures supplémentaires.
Par ailleurs, rien ne justifie tant la demande d'expertise sollicitée que la demande de production sous astreinte de pièces, dont une partie a d'ores et déjà été communiquée par l'employeur, en l'absence du moindre élément faisant ressortir une quelconque absence de corrélation entre le prix fixé à la tâche et le temps d'exécution du travail accompli.
Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que sur les frais et dépens
Il y lieu en considération de l'équité de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur des appelants et de laisser les frais de la médiation à la charge de la S.A. SNIE.
PAR CES MOTIFS
REÇOIT le SYNDICAT CFDT CONSTRUCTION ET BOIS INTERDÉPARTEMENTAL D'ILE DE FRANCE en son intervention
INFIRME partiellement l'ordonnance entreprise
STATUANT à nouveau,
CONDAMNE la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à payer, par provision, les sommes de :
- au titre de la prime de trajet,
• 3 228,56 € (trois mille deux cent vingt huit euros et cinquante six centimes) à Chedli X...
• 3 726,81 € (trois mille sept cent vingt six euros et quatre vingt un centimes) à Antonio A...
• 2 543,21 € (deux mile cinq cent quarante trois euros et vingt et un centimes) à Rosbert B...
• 2 579,10 € (deux mille cinq cent soixante dix neuf euros et dix centimes) à Laurent Y...
• 3 945,81 € (trois mille neuf cent quarante cinq euros et quatre vingt un centimes) à Nicolas Z...
• 3 726,81 € (trois mille sept cent vingt six euros et quatre vingt un centimes) à Joachim C...
- au titre de la prime de panier,
• 35,60 € (trente cinq euros et soixante centimes) à Chedli X..., Antonio A..., Rosbert B..., Laurent Y..., Nicolas Z..., Joachim C...
CONFIRME l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé du chef des autres demandes, heures supplémentaires et indemnité de transport
DÉBOUTE les appelants du surplus de leurs demandes
CONDAMNE la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique à payer aux appelants ensemble (salariés et CFDT) la somme de 2 100 € (deux mille cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
CONDAMNE la S.A. Société Nouvelle d'installation électrique aux entiers dépens, frais de médiation compris.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE