Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE - SECTION N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 3 OCTOBRE 2007
No du répertoire général : 06/00040
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Marie-José PERCHERON, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée au greffe le 23 décembre 2005 par Maître Laurene LIVERTOUX, du cabinet ROSSINI, avocat de Monsieur Richard Y..., demeurant ... ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 5 septembre 2007 ;
Vu l'absence de Monsieur Richard Y... ;
Ouï Maître Stéphanie Z... A..., avocat plaidant pour la B... ROSSINI, substituant Maître Xavier C..., avocat représentant Monsieur Richard Y..., Maître Carole D..., avocat plaidant pour la SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT ET ASSOCIES, avocat représentant l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 5 septembre 2007, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Richard Y..., mis en examen du chef d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme le 4 octobre 1999 et placé le même jour en détention provisoire a été mis en liberté sous contrôle judiciaire le 25 janvier 2000 après avoir subi une détention de 3 mois et 22 jours ; que renvoyé devant la cour d'assises de Paris, il a été réincarcéré le 19 mai 2005 suite à un mandat d'arrêt décerné par le président de la cour d'assises, avant d'être acquitté par un arrêt du 29 juin 2005 qui n'a fait l'objet d'aucun recours, sa libération intervenant le 30 juin 2005, après une détention de 1 mois et 11 jours ;
Attendu que Monsieur Y... sollicite la somme de 1.678,45 € en réparation de son préjudice matériel, celle de 15.000 € en réparation de son préjudice moral et celle de 3.000 € "sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale" ; que l'Agent Judiciaire du Trésor conclut au rejet de la demande s'agissant du préjudice matériel, à l'allocation de la somme de 6.500 € au titre du préjudice moral ou à tout le moins à la réduction de la demande, et au rejet de la demande de frais irrépétibles en ce qu'elle est fondée sur l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, inapplicable, et en toute hypothèse à sa réduction à de plus justes proportions ;
SUR CE :
Attendu que la demande, déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu de l'article 149 du Code de Procédure Pénale seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes ou des mesures autres que la détention prises en cours d'instruction, ou qui sont subis par des tiers ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que Monsieur Y... fait valoir qu'avant d'être placé en détention provisoire il était à la recherche d'un emploi et percevait la somme de 335,69 € par mois au titre du revenu minimum d'insertion, dont il a été privé pendant les 5 mois de sa détention, soit la somme de 1.678,45 € au total ;
Qu'il ne produit cependant aucune pièce au soutien de ses allégations et doit en conséquence être débouté de sa demande à ce titre ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que Monsieur Y... invoque au soutien de sa demande le fait qu'il n'avait jamais connu la prison auparavant et a souffert d'un régime carcéral particulier en raison de la nature de l'infraction fondant la poursuite, aggravé par l'isolement dû à l'éloignement de son lieu de détention, qui n'a pas permis à sa famille et à ses amis de lui rendre visite ; que lors de sa seconde incarcération les conditions ont été rendues plus difficiles en raison d'audiences quotidiennes pendant un mois au cours duquel les repas étaient constitués de sandwichs ; qu'à l'issue de sa première incarcération l'appartement qu'il louait avait été réaffecté ; que la seconde incarcération a mis à néant la précaire reconstruction qu'il avait établie et l'a contraint à quitter Lorient, où les rumeurs circulent vite, et le département du Morbihan ;
Attendu que Monsieur Y... était âgé de 35 ans lors de son placement initial en détention, qui constituait une première incarcération, et de 40 ans lors du second ; que, célibataire, il vivait à Lorient dans un appartement dont il n'a été expulsé qu'en juillet 2002, alors qu'il était en liberté, à la suite de nombreux problèmes de voisinage ; qu'il a effectivement été coupé de sa famille et de ses amis en raison de l'éloignement de son lieu de détention ; qu'eu égard à ces circonstances - le fait qu'il ait dû suivre son procès au cours de sa seconde détention ne pouvant être pris en considération - et compte tenu de la durée de la détention, subie à deux périodes distantes de 5 ans, il convient d'allouer à Monsieur Y... la somme sollicitée de 15.000 € en réparation de son préjudice moral ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Y... les frais irrépétibles qu'il a exposés dans la présente instance, sur le fondement non de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, inapplicable, mais sur celui de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, à hauteur de la somme de 1.500 € en l'absence de justificatifs (facture) d'un montant supérieur ;
PAR CES MOTIFS,
Allouons à Richard Y... une indemnité de 15.000 € et la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ainsi fait, jugé et prononcé par le magistrat délégué soussigné, le 3 octobre 2007, où étaient présents : Madame Marie-José PERCHERON Conseillère, Madame Lydia GORGEN, Avocat Général et Monsieur Gilles DUPONT, Greffier.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE