La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2007 | FRANCE | N°05/19435

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 21 septembre 2007, 05/19435


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2007

(no 07/ , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/19435

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2005 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2001013839

APPELANT

Maître Winfrid ANDRES

es qualité de liquidateur judiciaire de la Société BVH Bank Für Vermögensanlagen und Handel AG, société de droit Allemand

demeuran

t Neueer Zollhof 3

40221 DUSSELDORF (ALLEMAGNE)

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assisté de Me Marc HENRY, ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre - Section B

ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2007

(no 07/ , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/19435

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2005 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2001013839

APPELANT

Maître Winfrid ANDRES

es qualité de liquidateur judiciaire de la Société BVH Bank Für Vermögensanlagen und Handel AG, société de droit Allemand

demeurant Neueer Zollhof 3

40221 DUSSELDORF (ALLEMAGNE)

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assisté de Me Marc HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : J 33, de Lovells LLP

INTIMES

S.N.C. BGCL

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social 57 rue d'Amsterdam

75008 PARIS

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Me Julien TURCZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, de la SELARL DTA

Monsieur Erick A...

demeurant ...

75008 PARIS

représenté par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assisté de Me Gérard DE BEAUREPAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A 487

Monsieur Gilles C...

demeurant ...

75007 PARIS

représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Patrice D..., avocat au barreau de PARIS, toque : P47

S.A. LE BOURGUIGNON

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social 57 rue d'Amsterdam

75008 PARIS

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Me Julien E..., avocat au barreau de PARIS, de la SELARL DTA

Monsieur Bruno F...

demeurant 31 avenue Charles de Gaulle

92200 NEUILLY SUR SEINE

représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assisté de Me Julien TURCZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, de la SELARL DTA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mai 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président

Madame Claire DAVID, Conseiller

Madame Evelyne DELBES, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du nouveau Code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Mlle Céline G...

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Mlle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire

****

Par acte du 16 novembre 1994 la banque de droit allemand Bank Für Vermogensanlagen und Handel AG, BVH, a prêté au taux annuel de 9,5% pour une durée de trois mois renouvelable la somme de 20 millions de francs à la SNC BGCL dont l'objet social est les opérations immobilières et assimilées. Un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 8 novembre 1994 mentionne l'approbation de cet emprunt par les associés, la société Le Bourguignon, M. F..., M. C..., M. A.... Le prêt a été prorogé jusqu'au 31 mars 1996. Des intérêts ont été payés mais une dette a été réclamée.

Par jugement du 14 juin 2005 le tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré recevable l'action du mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société BVH

- et, appliquant la loi française, a écarté des débats la copie certifiée conforme du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la société en nom collectif BGCL réunie extraordinairement le 8 novembre 1994, ainsi que les documents se rapportant aux assemblées réputées avoir statué sur les comptes des exercices 1994 et 1995,

- mis MM Henri H... et Jacques Marcel Sylvain I... hors de cause,

- débouté la société BVH représentée par son liquidateur judiciaire de ses demandes,

- mis Me Jean-Claude J... en qualité de liquidateur de la société Thinet et Cie hors de cause,

- condamné la société BVH représentée à payer à MM I... la somme de 530€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- et, sur ce fondement, condamné M. C... à payer au liquidateur de la société Thinet la somme de 1000€.

Le tribunal de commerce a considéré que le gérant avait le pouvoir d'engager la société mais que la copie du procès-verbal du 8 novembre 1994, seule produite aux débats, n'avait pas de valeur probante de la présence des associés à l'assemblée générale et qu'il n'était pas démontré de lien de l'emprunt litigieux avec la réalisation d'opérations immobilières.

La déclaration d'appel du liquidateur judiciaire de la société BVH a été remise au greffe de la Cour le 28 septembre 2005.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 3 mai 2007 la société BVH représentée demande de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le droit français applicable au litige, jugé que le gérant de la société BGCL avait le pouvoir de conclure le prêt du 16 novembre 1994, dit qu'il n'était pas établi que la cause de l'obligation de remboursement fût illicite

- l'infirmer pour le surplus, en ce qu'il a, notamment, écarté des débats la copie certifiée conforme du procès-verbal de l'Assemblée Générale Ordinaire de la société BGCL réunie extraordinairement le 8 novembre 1994, jugé que le liquidateur de la BVH Bank ne rapportait pas la preuve de la conformité à l'intérêt social du prêt litigieux et rejeté en conséquence les demandes

- condamner solidairement la société BGCL, la société Le Bourguignon, Monsieur Bruno F..., Monsieur Gilles C... et Monsieur Erick A... au paiement de la somme de 3.676.567,75 euros en principal et intérêts, outre les intérêts de droit au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2000

Subsidiairement, si la nullité des engagements était prononcée,

- condamner la société BGCL à restituer la somme de 3.048.980,35 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du prêt

- constater les fautes commises au préjudice de la BVH Bank par la société Le Bourguignon, en sa qualité de gérant de la société BGCL, Monsieur Bruno F..., Monsieur Gilles C... et Monsieur Eric A... et les condamner in solidum au paiement à titre de dommages et intérêts, de la somme de 3.676.567,75 euros, outre le montant égal aux intérêts de droit au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2000

- débouter les intimés de leurs demandes et les condamner in solidum au paiement de la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 3 mai 2007 la SNC BGCL, la SARL Bourguignon et M. F... demandent de :

- confirmer le jugement avec substitution de motifs

- juger que l'acte du 16 novembre 1994 dont se prévaut la BVH à l'encontre des défendeurs révèle une cause simulée établissant une présomption d'illicéité de la cause véritable de l'acte litigieux et que l'acte du 16 novembre 1994 n'est pas opposable à la BGCL, non bénéficiaire des fonds litigieux

- rejeter les demandes et condamner l'appelant à payer à chacun des trois concluants la somme de 15.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 30 mars 2007, M. A... demande de :

- confirmer le jugement, sauf en sa motivation sur les pouvoirs du gérant

- le décharger de toute éventuelle condamnation en l'absence de faute de sa part

Subsidiairement

- le décharger de toute condamnation sur le fondement de l'article 2037 du Code civil

- si une condamnation à payer la somme de 3.676.567,75€ était prononcée en principal et intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2000, condamner Me Andres ès qualités à lui payer la même somme au titre de la mauvaise foi et des fautes de la BVH Bank et ordonner la compensation judiciaire

Subsidiairement

- dans l'hypothèse d'une quelconque condamnation, lui substituer la société le Bourguignon selon les termes de l'acte de cession de parts sociales intervenu le 7 novembre 1997

Subsidiairement

- condamner la société Le Bourguignon et M. Bruno F... à le garantir de toute condamnation

- condamner Me Andres ès qualités au paiement de la somme de 7000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 24 janvier 2007 M. C... demande de :

- confirmer le jugement

Subsidiairement

- le décharger de toute condamnation sur le fondement de l'article 2037 du Code civil

Subsidiairement

- condamner Maître Winfrid Andrès, ès-qualités, à titre de sanction des défaillances et négligences de BVH Bank, à l'indemniser dans la mesure du préjudice subi et ordonner la compensation

Subsidiairement

- condamner, en ses lieu et place, la société Le Bourguignon, expressément substituée dans toutes ses obligations financières dans l'acte de cession de parts intervenu le 7 novembre 1997

Subsidiairement

- condamner la SARL Le Bourguignon et Monsieur Bruno F..., in solidum à la garantir

- condamner l'appelant à lui verser la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR,

Sur la procédure

Considérant que M. C... demande d'écarter des débats les conclusions que la SNC BGCL, M. F... et la société Bourguignon ainsi que le liquidateur judiciaire lui ont signifié la veille de l'ordonnance de clôture intervenue le 4 mai 2007 au motif qu'il n'a pas pu y répondre ; mais qu'il ne précise pas en quoi ces conclusions nécessitaient une réponse et porteraient atteinte aux droits de la défense ;

Considérant que les parties avaient été informées le 2 avril 2007 de la date reportée de la clôture de l'instruction ; que les conclusions en cause ont été déposées en réplique aux écritures adverses et ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles, de telle sorte qu'elles n'appellent pas de réponse ; qu'aucune atteinte n'ayant été ainsi portée aux droits de la défense, la demande de M. C... ne peut être accueillie ;

Sur l'objet et la cause du prêt

Considérant que l'application de la loi française n'est plus discutée ;

Considérant que la société BGCL, société en nom collectif, est soumise aux dispositions des articles L221-1 et suivants du code de commerce, que les associés ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ;

Considérant que la lettre du 16 novembre 1994 de la société BVH Bank, accordant le prêt de 20MF pour une durée de trois mois renouvelable, ne précise pas l'objet de ce prêt et mentionne : "nous mettons à votre disposition, par le crédit de votre compte, un prêt à terme fixe..." ;

Considérant que la banque fait état du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement le 8 novembre 1994 de la société BGCL selon lequel "il est apparu opportun de mettre en place un financement extérieur destiné à permettre le remboursement des avances réalisées par les associés afin de permettre à la société de faire face aux échéances de remboursement des prêts immobiliers" ;

Mais considérant que ce procès-verbal n'a été produit qu'en copie certifiée conforme à l'original par le secrétaire de séance M. K..., représentant la société Le Bourguigon, gérante de la société BGCL ;

Considérant que, selon la banque, cette copie apporte, à tout le moins, un élément de fait dont il appartenait aux premiers juges de tenir compte et non d'écarter des débats ; qu'à défaut de constituer la preuve de la conformité à l'objet social du prêt, il constitue un commencement de preuve par écrit conformément à l'article 1347 du Code civil ; que l'existence de l'original est affirmée par la société Le Bourguignon et M. F... ; que cet original aurait été emporté par la société Thinet lors de la mise en liquidation judiciaire du groupe Thinet ;

Mais considérant que les autres parties mettent en cause la force probante de cette copie ; que les associés MM A... et C... dénient avoir été convoqués et s'être rendus à une assemblée générale le 8 novembre 1994 et qualifient l'acte produit en copie de faux ;

Considérant que seule la production de l'original du procès-verbal permettrait d'examiner le document ; qu'en l'absence de toute indication sur les conditions de cette production et la conservation de l'original, cette copie doit être écartée, non pas des débats, mais en tant que preuve ou même commencement de preuve à l'égard de ceux qui la contestent ; qu'il est statué sans tenir compte du document litigieux à l'égard de MM C... et L... de Lauwe ;

Considérant que l'objet social de la société BGCL est défini dans l'article 2 des statuts de la société :

"- L'acquisition, par tous moyens, de tous biens et droits immobiliers bâtis ou non bâtis,

- La vente de tous biens et droits immobiliers bâtis ou non bâtis, acquis par la Société ou apportés, ainsi que leur échange,

- Toutes opérations d'aménagement ou de lotissement de terrains en vue de leur revente sous forme de lots ou de droits à construire,

- La souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution d'immeubles bâtis en jouissance ou en propriété,

- La gestion de biens qui sont sa propriété en attente ou en vue de leur revente ou location,

- Toutes opérations de démolition et/ou constructions d'immeubles,

- Toutes opérations de marchand de biens,

- Toutes opérations de promotion immobilière,

- La conclusion de tous emprunts avec ou sans garantie hypothécaire,

- Et, plus généralement, toutes opérations commerciales, financières, industrielles, mobilières ou immobilières se rattachant directement à l'un des objets énumérés ci-dessus" ;

Considérant que la non conformité du contrat de prêt à l'objet social ainsi que sa cause fausse ou illicite ou contraire à l'objet social sont soutenues par les intimés ;

Considérant que la société BGCL, son gérant, la société Le Bourguignon et M. F... soutiennent qu'il s'agissait de prêter les fonds à la société mère de la banque, la société Thinet ; qu'ils font état d'un faisceau d'indices démontrant que l'acte a une cause fausse ou illicite dont le fait qu'il soit sous seing privé, qu'il n'y ait eu qu'une promesse d'affectation hypothécaire sans véritables garanties, que le taux d'intérêt soit faible, que le contrôle des comptes de la société BGCL par la société BVH ait eu lieu après le prêt, que les reports d'échéance du prêt n'aient pas été formalisés ; que, selon ces parties, les dispositions de la loi allemande sur le crédit -interdisant à une société de prêter à la société mère- conduisent à considérer que l'opération réelle a été la suivante : la société Socofra cède à BGCL 10% du capital de Thinet et Cie, la société BGCL finance cette acquisition grâce aux 20 MF prêtés par BVH puis elle règle le prix de cession à la société Socofra qui apporte ce montant en compte courant à la société Thinet et Cie, ce qu'attestent les relevés de comptes du 18 novembre 1994 ; que la société BGCL était insolvable au jour du prêt ainsi que le montre le bilan de 1995 dont la situation nette était débitrice de 24,5MF ; qu'il s'agit ainsi d'une convention de portage dont le véritable débiteur est soit la société Socofra soit la société Thinet ;

Considérant que l'article 1131 du Code civil dispose que "l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet" ; qu'il appartient à celui qui soutient que la cause du prêt est fausse, illicite ou contraire à l'objet social de le démontrer ; que l'absence d'objet défini dans l'acte de prêt n'est pas, en elle-même, irrégulière ;

Considérant que le relevé de compte de la société BGCL à la SDBO montre un crédit de la somme de 19.999.911,05F, valeur au 18 novembre 1994 "d'ordre de BVH Bank", établissant la réalité de la remise des fonds ; que le 17 novembre 1998 la banque BVH avait confirmé à M. F... avoir effectué le transfert du montant du prêt au compte de la BGCL ouvert à la SDBO ; que par courrier du 12 mars 1996 adressé à M. K... la banque rappelait la date d'échéance et le montant du capital et des intérêts dus ;

Considérant que le relevé du compte de la société BGCL ouvert à la SDBO, comporte à la ligne suivant le crédit examiné un virement débiteur de 20MF du 18 novembre 1994 en faveur d'un compte no 04040310025 ; que le relevé de compte de la société Thinet dans le même établissement montre, toujours au 18 novembre 1994, un virement créditeur "d'ordre 04040310025" de 20MF ; qu'il ne peut toutefois être conclu que le montant du prêt litigieux a été transféré, via ce compte, de la société BGCL à la société Thinet en l'absence de précision sur ce compte, d'autres transferts du même montant, ayant une cause différente, étant possibles ; qu'aucun autre indice ne vient corroborer la thèse du transfert des fonds à la société Thinet ;

Considérant, en outre, que rien n'établit que la banque BVH ait connu cette opération de transfert ; qu'elle ne peut se voir opposer des dispositions extérieures à la convention passée avec la société BGCL, nonobstant le fait qu'elle soit une société filiale de la société Thinet ;

Considérant que la forme sous seing privé de l'acte de prêt, la limitation des garanties à deux promesses d'affectation hypothécaire, comme le taux d'intérêt de 9,5% alors que le taux d'intérêt légal était de 8,40%, et la demande, avec l'acceptation du prêt par l'emprunteur, des trois derniers bilans et comptes de pertes et profits, ne démontrent pas que la banque savait que les fonds ne resteraient pas dans les comptes de la société BGCL ;

Considérant, par ailleurs, que la situation financière difficile de la société BGCL, alléguée par les intimés comme participant des indices d'une fausse cause du prêt, est démontrée par la perte de 2,9MF de l'exercice 1994 et par l'augmentation de cette perte au cours de l'exercice de l'année 1995 ;

Mais considérant que les bilans des années postérieures révèlent une augmentation de la dette bancaire, d'environ 20MF, à la ligne "emprunts et dettes auprès des établissements de crédit" du passif ; que les assemblées générales d'approbation des comptes ont pris acte de cette augmentation ; qu'en juin 1995 il a été constaté par l'assemblée générale que la dette bancaire était passée de 11 à 36MF, le constat étant en juin 1996 que la dette bancaire était de 35MF ; que d'une part, la société n'a pas cessé ses activités, ce qui interdit de considérer qu'elle était dans une situation irrémédiablement compromise lorsqu'elle a souscrit l'emprunt ; que d'autre part, les bilans produits ne confirment pas la thèse d'un portage ;

Considérant, en revanche, qu'un décompte des intérêts dûs à la société BVH, arrêté au 17 février 1998, est produit par la banque ainsi qu'une sommation de payer, signifiée le 30 novembre 2000 à sa demande à la BGCL, dans les formes de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, mentionnant la somme de 21.149.947,91F représentant le montant du prêt plus les intérêts échus capitalisés au 10 janvier 1998 jour de la résiliation de la relation contractuelle ; que ce décompte fait apparaître que la somme de 4.098.977,25F à titre d'intérêts échus et frais a été payée par la société BGCL ; que la preuve de ce paiement d'intérêts ne ressort pas de documents émanant de la société débitrice elle-même mais que la preuve apportée par le décompte de la banque est corroborée par une lettre du 12 mars 1996 adressée à la société BGCL dans laquelle la banque réclamait les intérêts, alors de 247.860,19F et par un autre courrier en date du 24 juin 1997 la mettant en demeure de rembourser la somme de 20.248.037,30F en principal et intérêts ;

Considérant ainsi que la preuve d'une fausse cause ou d'une cause illicite ne sont pas démontrées ; qu'il n'est pas, non plus, établi que le prêt soit contraire à l'objet social, notamment en ce que cet objet prévoit : "la conclusion de tous emprunts avec ou sans garantie hypothécaire" ;

Considérant que l'article L221-5 du Code de commerce dispose que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social, règle que reprend l'article 14 des statuts de la société BGCL ;

Considérant que la banque devait vérifier les pouvoirs du gérant signataire de l'acceptation du prêt consenti et leur accord avec l'objet social ;

Considérant que si le procès-verbal du 8 novembre 1994 est écarté en tant que preuve de l'objet du prêt dans le présent débat, en l'absence de l'original du document produit, la banque n'avait aucune raison de suspecter le document qui lui a été produit et de le considérer comme un faux ce qui n'était pas invoqué devant elle ; qu'ainsi il convient de se référer à ce procès-verbal afin de rechercher si la banque a pu considérer que le prêt était conforme à l'objet de la société ; qu'il stipule que le financement est destiné : "à permettre le remboursement des avances réalisées par les associés afin de permettre à la Société de faire face aux échéances de remboursement des prêt immobiliers" ; que les documents comptables versés aux débats dont la banque a pu disposer, à tout le moins avec le retour de l'acceptation de son offre de prêt, n'indiquent pas le montant des comptes courants d'associés ; que toutefois les comptes de résultat traduisent des charges financières variant de 2 à 4 millions de francs, ce qui ne permet pas d'affirmer que la banque devait se convaincre de l'absence d'objet réel ; qu'ainsi la banque n'avait pas à remettre en cause les pouvoirs du gérant de la société BGCL ;

Considérant par ailleurs que le rapport présenté par la gérance à l'assemblée générale ordinaire annuelle du 6 juin 1995 à laquelle, selon le procès-verbal non contesté du 6 juin 1995, assistaient M. C... et M. A..., fait état de l'augmentation de la dette bancaire passée de 11MF à 36MF ; que cette indication leur permettait de rechercher le motif de cette augmentation susceptible d'être provoquée par le prêt litigieux ;

Considérant que l'objet social comporte la conclusion de tous emprunts avec ou sans garantie hypothécaire ; qu'en l'absence de preuve d'un prêt contraire à l'objet social, le gérant a engagé la société ;

Considérant que la société, mise en demeure le 15 novembre 2000, n'a pas payé ; que les associés peuvent être poursuivis, solidairement tenus aux termes de l'article L221-1 du Code de commerce ; qu'ils "répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales" et restent, en principe, tenus des dettes antérieures à leur départ ;

Considérant que M. A... et M. C... rappellent qu'a été versée aux débats une promesse d'affectation hypothécaire en date du 16 novembre 1994 en premier ou en second rang, des biens appartenant à la société Le Bourguignon et situés à Senlis et à Paris mais que la BVH Bank a négligé de prendre les inscriptions hypothécaires se rapportant tant aux biens propres de la BGCL, à Paris qu'aux biens de la société Le Bourguignon ;

Mais considérant que les associés ne sont pas caution et ne peuvent se prévaloir de dispositions de l'article 2037 devenu 2314 du Code civil ;

Considérant que M. C... soutient que la banque a commis une faute en n'utilisant pas les promesses d'affectation hypothécaire qui lui ont été accordées ;

Mais considérant qu'il s'agissait de promesses dont le créancier était libre de disposer ;

Considérant que M. A... invoque la mauvaise foi de la banque qui détournait la législation allemande ;

Mais considérant que ce détournement, au préjudice de la SNC, n'est pas démontré ;

Considérant qu'en l'absence de faute prouvée contre la société BVH, la condamnation solidaire des associés de la SNC au paiement de la somme de 3.676.567,75 euros en principal et intérêts est fondée ; que les intérêts de droit au taux légal sont dus à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2000 ;

- sur la substitution ou la garantie de M. C... et de M. A... par la société Le Bourguignon

Considérant que la demande de garantie est subsidiaire à celle de substitution mais que celle-ci constitue une demande de garantie ; qu'elle est considérée par les sociétés BGCL et Le Bourguigon et M. F... comme nouvelle donc irrecevable devant la Cour ; mais que déjà en première instance des demandes de garantie avaient été présentées ;

Considérant que MM. A... et C... ont, chacun, dans un acte distinct cédé leurs 20 parts respectives à la SARL Le Bourguigon le 7 novembre 1997, cession qui a été publiée ainsi qu'il est justifié ; que l'extrait Kbis postérieur de la société BGCL en tient compte ;

Considérant que ces actes stipulent, chacun dans les mêmes termes que : "le Cessionnaire se substitue dans les droits et obligations du Cédant, et le dégage de tout engagement financier qui aurait pu ou pourrait naître de la participation du Cédant à la Société, et ceci tant vis à vis des tiers que vis-à-vis de la Société elle-même et des autres associés à quelque titre que ce soit" ;

Considérant que la société BGCL, son gérant et M. F... soutiennent que la clause est inapplicable faute d'objet déterminable dans les conditions exigées par les articles 1129 du Code civil et L221-14 Code de commerce ; qu'en outre la demande de garantie présentée par M. A... est nouvelle en cause d'appel ;

Considérant que l'article 1129 du Code civil prévoit qu'il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce et que la quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée ;

Considérant que la clause litigieuse ne précise pas les obligations visées ;

Mais considérant, d'une part, que la société Le Bourguignon n'était pas un nouvel associé de la SNC du fait de la cession mais augmentait par celle-ci ses parts dans la SNC ; qu'en outre elle était gérante de la SNC ; qu'il s'en déduit que la société Le Bourguignon avait accès à tous les documents sociaux et connaissait la vie de la société ; que, d'autre part, l'engagement de la SARL Le Bourguignon, cessionnaire, pouvait être déterminé par elle puisqu'elle n'a pas mis en cause l'existence de l'assemblée générale du 8 novembre 1994 ni le procès-verbal établi mais a discuté l'objet et la cause du prêt ;

Considérant qu'il est fait droit à la demande de substitution ;

Considérant que le jugement est infirmé, les dépens étant supportés par la SNC et ses associés ; qu'il est équitable de laisser à la charge de la BVH Bank ses frais non répétibles ;

PAR CES MOTIFS

Déboute M. C... de sa demande de rejet des débats de conclusions

Infirme le jugement déféré

Condamne solidairement la société BGCL, la société Le Bourguignon, Monsieur Bruno F..., Monsieur Gilles C... et Monsieur Erick A... au paiement de la somme de 3.676.567,75 euros en principal et intérêts, outre les intérêts de droit au taux légal à compter du 15 novembre 2000

Condamne la SARL Le Bourguignon à garantir MM. A... et C... de cette condamnation

Rejette toutes autres demandes

Condamne les sociétés BGCL, Le Bourguignon et MM. F..., C... et L... de Lauwe aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 05/19435
Date de la décision : 21/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Paris, 14 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-09-21;05.19435 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award