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21/09/2007 | FRANCE | N°05/06934

France | France, Cour d'appel de Paris, 21 septembre 2007, 05/06934


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



25ème Chambre - Section B



ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2007



(no , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 06/01667



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS (1ère ch. Sociale) - RG no 05/05938





APPELANT



Monsieur Jean-Michel X...


...


75012 PARIS
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représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assisté de Me AUDRAS, (cabinet LEVY) avocat au barreau de PARIS, toque : P 119







INTIMEE



Société KEUCO

prise en la personne...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

25ème Chambre - Section B

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2007

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/01667

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS (1ère ch. Sociale) - RG no 05/05938

APPELANT

Monsieur Jean-Michel X...

...

75012 PARIS

représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assisté de Me AUDRAS, (cabinet LEVY) avocat au barreau de PARIS, toque : P 119

INTIMEE

Société KEUCO

prise en la personne de ses représentants légaux

333 Avenue de Colmar

67100 STRASBOURG

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Me GUESNEROT (SCP SCHNEIDER) avocat au barreau de STRASBOURG

* * *

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 juin 2007 , en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur JACOMET, président

Monsieur LAURENT-ATTHALIN, conseiller

Madame DELMAS-GOYON, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame MARTEYN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Fabrice JACOMET, président et par Mme Marie-José MARTEYN, greffier.

* * *

Vu le jugement rendu le 13 décembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, qui a débouté Jean-Michel X... de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Keuco, en réparation du préjudice que lui aurait causé la dénonciation calomnieuse, ou à tout le moins téméraire, constituée par la plainte avec constitution de partie civile déposée contre lui par cette société, qui était son ancien employeur, des chefs de vol, abus de confiance et escroquerie, visant des primes d'ancienneté qu'il se serait octroyées sans son accord, le refus de restituer son véhicule de fonction ou de le racheter et de restituer les documents comptables ou sociaux en sa possession, motifs essentiellement pris que,

l'absence de démonstration probante par la société Keuco de ses accusations sur le paiement des primes d'ancienneté ne constitue pas un élément suffisant pour établir le caractère téméraire de la plainte déposée,

aux termes de cette plainte, la société Keuco reconnaît que Jean-Michel X... s'est finalement bien acquitté du prix du véhicule de fonction qu'il a conservé, ce grief étant en conséquence sans objet,

il est constant que Jean-Michel X... était en possession de documents comptables qu'il n'avait pas restitués à la société, et ce en dépit du fait qu'il lui avait indiqué les tenir à sa disposition,

l'ordonnance de non-lieu intervenue le 10 juin 2002, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 17 mars 2003, ne fournit pas d'éléments suffisants pour établir le caractère téméraire de la plainte ;

Vu les conclusions déposées le 24 mai 2006 par Jean-Michel X..., appelant, aux termes desquelles il fait essentiellement valoir que la plainte déposée contre lui par la société Keuco constitue une dénonciation calomnieuse ou à tout le moins téméraire dès lors que la fausseté des faits est établie et que la société Keuco savait que les faits dénoncés étaient inexacts, la chambre de l'instruction ayant notamment constaté que le versement de la prime d'ancienneté est intervenu hors de toute notion de clandestinité;

Il demande à la cour, infirmant ce jugement, de condamner la société Keuco à lui payer les sommes de 100.000 € en réparation de son préjudice moral et 6.123,52 € en réparation de son préjudice financier, outre 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 27 septembre 2006 par la société Keuco, intimée, par lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de Jean-Michel X... à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Sur ce, la cour,

Considérant que pour un exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement déféré et aux écritures ci-dessus visées ;

Considérant que la société Keuco a, le 31 août 2001, déposé une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de Jean-Michel X... pour des faits de vol, abus de confiance et escroquerie, expliquant, d'une part, que peu avant son départ à la retraite intervenu le 31 mars 2001, Jean-Michel X..., alors directeur général de la société, avait évoqué pour la première fois lors d'une réunion au siège les 6 et 7 mars 2001 le versement à son profit d'une prime d'ancienneté et s'était octroyé à ce titre en février et mars 2001 les sommes de, respectivement, 7.827,49 € et 21.471,13 €, ce qu'elle avait appris fortuitement au mois d'avril 2001, alors qu'elle ne s'était pas prononcée sur le bien fondé de sa revendication, d'autre part, que Jean-Michel X... n'avait pas restitué le véhicule de fonction qui lui avait été confié, enfin, qu'il n'avait pas restitué non plus des documents appartenant à la société, notamment des bulletins de paie, factures et autres pièces comptables ;

Considérant qu'il ressort de l'ordonnance de non-lieu et de l'arrêt confirmatif de la chambre de l'instruction que lors de son audition, Monsieur A..., collaborateur du cabinet d'expertise comptable de la société Keuco, a confirmé les dires de Jean-Michel X... sur le versement à son profit de la prime d'ancienneté, à savoir que la question avait été évoquée antérieurement au mois de mars 2001, et que c'est ce cabinet d'expertise comptable qui a calculé les montants des rappels de prime et établi les bulletins de salaire correspondants, à la suite desquels les virements ont été effectués;

Que Monsieur A... a de surcroît confirmé qu'il avait adressé à la société Keuco la consultation du 24 janvier 2001 reçue de Maître B... qui concluait que Jean-Michel X... avait bien droit à cette prime ;

Qu'il résulte du compte-rendu de la réunion du 7 mars 2001 établi par la société Keuco que le représentant de cette société a indiqué demander à Monsieur A... de lui remettre un avis écrit sur le paiement de la prime afin de déterminer "définitivement" si elle était soumise ou non à une obligation de paiement, ce qui signifie à tout le moins qu'il s'agissait de donner une solution définitive à une question déjà évoquée ;

Qu'en outre, l'arrêt de la chambre de l'instruction du 17 mars 2003 indique que Monsieur A... a adressé à la société Keuco le 14 mars 2001 un courrier relatif à la prime d'ancienneté des cadres supérieurs, l'essentiel du montant de la prime ayant été versé postérieurement avec le salaire du mois de mars, par virement du compte de la société préalablement approvisionné par elle et en exécution des bulletins de salaire établis par le cabinet d'expertise comptable ;

Que c'est ainsi que la chambre de l'instruction a pu préciser dans son arrêt que le versement de la prime obtenu par Jean-Michel X... est intervenu en dehors de toute notion de clandestinité ;

Que c'est en vain que la société Keuco fait valoir que les virements étaient faits de manière automatique et qu'elle n'en vérifiait pas le montant, faisant confiance à Jean-Michel X..., en sorte qu'elle ignorait que la somme virée aux mois de février et mars incluait le rappel de prime, dès lors que, outre qu'elle avait été informée par son expert comptable ainsi que précédemment évoqué, la somme virée au mois de mars était nettement plus importante qu'à l'habitude puisque le montant du rappel de prime versé en mars était de 21.471,13 € et n'avait pu manquer d'attirer son attention lorsqu'elle a du approvisionner le compte en conséquence ;

Considérant, ainsi, que quand bien même Jean-Michel X... aurait été le seul, selon la société Keuco, à donner des instructions à l'expert comptable pour l'établissement des bulletins de salaire, y compris du sien, il a pu agir en toute bonne foi en demandant au cabinet d'expertise comptable d'y faire figurer le rappel de prime et croire que son employeur en était informé, aucun détournement ni intention frauduleuse ne pouvant à l'évidence, en tout état de cause, lui être imputés ;

Que lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, la société Keuco ne pouvait ignorer que les griefs invoqués à cet égard ne pouvaient en aucune manière revêtir un caractère pénal ;

Considérant, par ailleurs, qu'en réponse a une mise en demeure du nouveau cabinet d'expertise comptable de la société Keuco du 27 avril 2001 de restituer les primes d'ancienneté perçues, les documents administratifs conservés dans son bureau parisien ainsi que le véhicule de fonction, sauf à en payer le prix, Jean-Michel X... a rappelé les faits en détail par lettre du 9 mai 2001, précisé qu'il tenait à la disposition de la société l'ensemble des documents dont il était dépositaire et les remettrait à la personne dûment mandatée par la société à cet effet contre décharge, et proposait un prix de rachat du véhicule de fonction, avec justificatif à l'appui, qui sera accepté par la société ;

Que cet expert comptable a maintenu ses positions par lettre du 22 mai 2001, exigeant, notamment, la transmission de l'ensemble des documents administratifs au siège de la société à Strasbourg ;

Que par lettre du 30 mai 2001, Jean-Michel X... a sollicité les coordonnées de l'établissement bancaire de la société Keuco afin de faire procéder au virement du prix du véhicule et réaffirmé qu'il tenait les documents à la disposition de toute personne mandatée par la société ;

Que par lettre du 12 juin 2001, le conseil de la société Keuco a indiqué à Jean-Michel X... qu'à défaut de paiement et de restitution des documents dans un délai de deux jours, il déposerait une plainte avec constitution de partie civile pour vol, escroquerie, abus de confiance et détournement de fonds, indiquant à titre d'information le maximum des peines encourues ;

Que par lettre du 15 juin 2001, le conseil de Jean-Michel X... a protesté contre le moyen de pression intolérable exercé contre une partie adverse que constituait cette lettre, qu'il dénonçait à l'ordre des avocats, souligné que dès réception du RIB qu'il avait sollicité à plusieurs reprises, Jean-Michel X... avait procédé au virement du prix du véhicule et attendait le certificat de vente, que Jean-Michel X... lui avait remis l'ensemble des documents administratifs encore en sa possession, dont la liste était jointe, et qui était à la disposition de son confrère, que le litige était d'ordre strictement prud'homal et qu'il invitait en conséquence son confrère à saisir la juridiction compétente, ce qu'au demeurant la société Keuco fera ultérieurement, étant précisé qu'elle sera déboutée de ses demandes par le conseil des prud'hommes de Paris et interjettera appel de ce jugement, procédure actuellement pendante devant la cour ;

Considérant, en conséquence, que l'accusation de vol, abus de confiance ou escroquerie s'agissant de la voiture de fonction est parfaitement abusive, alors qu'à la date de la plainte Jean-Michel X... en avait payé le prix et qu'au surplus, il ne ressort pas de la chronologie des faits précitée que Jean-Michel X... aurait manifesté une quelconque résistance à restituer son véhicule de fonction puisque la société Keuco avait agréé le prix de cession proposé par lui et qu'il avait du à plusieurs reprises demander le numéro du compte sur lequel virer le montant du prix convenu ;

Considérant, également, que Jean-Michel X... n'a jamais refusé de restituer les documents de la société mais au contraire n'a cessé d'affirmer qu'ils étaient à la disposition de la société et a seulement refusé de payer le transfert des cartons d'archives de Paris, où il avait son bureau, à Strasbourg, siège de la société, celle-ci ne pouvant non plus de bonne foi prétendre à une quelconque forme d'appropriation ou de détournement de ses documents par Jean-Michel X... ;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, caractérise une plainte abusive et téméraire l'obligeant à réparer le préjudice qui en résulte, la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Keuco au mois d'août 2001 à l'encontre de Jean-Michel X... visant des faits de vol, abus de confiance et escroquerie, dont elle savait pertinemment qu'ils étaient inexistants ou n'étaient en aucune façon susceptibles de caractériser une infraction pénale, l'intéressé n'ayant d'ailleurs pas été mis en examen, alors au surplus que l'attention de son conseil avait au préalable été attirée sur l'absence de tout aspect pénal et, le cas échéant, la nature seulement prud'homale du litige ;

Considérant à cet égard que Jean-Michel X... justifie avoir réglé à son conseil des honoraires d'un montant de 6.123,52 € ;

Qu'il a subi en outre un préjudice moral certain, d'autant plus important qu'atteint d'une tumeur cancéreuse en juillet 2001, il a du faire face, non seulement à cette pathologie, mais aussi à de graves accusations susceptibles d'entraîner de lourdes sanctions pénales, ainsi que le conseil de la société Keuco l'a souligné dans sa lettre de mise en demeure du 12 juin 2001 ;

Que la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 30.000 € le montant des dommages et intérêts qu'il convient de lui allouer toutes causes de préjudice confondues ;

Considérant, enfin, qu'en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, il convient de condamner la société Keuco à payer à Jean-Michel X... une indemnité de 3.000 € ;

Que la société Keuco sera également condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Keuco à payer à Jean-Michel X... la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une indemnité de 3.000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Keuco aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 05/06934
Date de la décision : 21/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-21;05.06934 ?
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