RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre C
ARRET DU 13 Septembre 2007
(no3, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01616
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris RG no 04/08128
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur Michaël X...
"Ancien Presbytère"
76119 STE MARGUERITE SUR MER
comparant en personne, assisté de Me Bruno DE PREMARE, avocat au barreau de PARIS, C 1176
DÉFENDERESSES AU CONTREDIT
MANPOWER FRANCE
5,7 et 9 rue Jacques Bingen
75017 PARIS
MANPOWER INC
5301 North Ironwood Road
Milwaukee, Wisconsin 53217 - EtatsUnis
représentées par Me Antoine VIVANT, avocat au barreau de PARIS, R0059
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juin 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
Madame Catherine MÉTADIEU, Conseillère
Madame Catherine BÉZIO, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur le contredit formé par Michaël X... d'un jugement rendu le 4 janvier 2006 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, qui s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce de PARIS ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 7 juin 2007 de Michaël X... qui demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- juger la juridiction prud'homale compétente pour connaître du présent litige, en raison du contrat de travail l'ayant lié aux sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC - juger nulle et inopposable la lettre d'accord non datée, transmise en original le 5 juin 2000 à Michaël X...
Évoquant le fond,
- condamner solidairement les sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC à lui payer les sommes de :
• 336 813 € d'indemnité brute de licenciement
• 33 681 € de congés payés afférents
• 398 784 € de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence
• 1 576 270 € d'indemnité conventionnelle de licenciement
• 673 626 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
• 1 347 252 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral
Subsidiairement,
Si la Cour considère que la cessation du contrat est valablement intervenue le 30 août 2001 par sa mise à la retraite
- faire application de la convention collective, visée expressément au contrat du 22 octobre 1998
En conséquence
- condamner solidairement les sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC à lui payer les sommes de :
• 449 084 € d'indemnité de départ à la retraite
• 398 784 € au titre de la clause de non- concurrence
• 1 347 252 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral
En toutes hypothèses,
- ordonner au plus tard dans les 10 jours de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, la publication du dispositif dans deux quotidiens nationaux, l'un d'information générale, l'autre d'information économique, outre deux journaux étrangers de son choix et solidairement aux frais des sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC à concurrence d'un maximum de 3 000 € l'insertion
- ordonner au plus tard dans les 10 jours de la notification du présent arrêt l'affichage de l'intégralité de la décision sur le panneau d'information du personnel à l'usage de l'employeur tant au siège de la S.A.S. MANPOWER FRANCE à Paris qu'au siège de la MANPOWER INC à Milwaukee aux USA, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard
- dire que l'affichage et son retrait après l'expiration du délai de deux semaines, sera constaté par un huissier de justice de son choix et solidairement aux frais des sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC
- condamner solidairement les sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux éventuels dépens d'exécution ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 7 juin 2007 de la S.A.S. MANPOWER FRANCE et de la MANPOWER INC, qui demandent à la Cour de :
À titre principal,
- constater que Michaël X... n'a jamais été salarié de la S.A.S. MANPOWER FRANCE
- constater que Michaël X... n'a jamais été salarié de la MANPOWER INC
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris
- renvoyer Michaël X... à mieux se pourvoir
À titre subsidiaire,
- constater que le contrat de travail que Michaël X... prétend avoir eu le cas échéant avec MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC a cessé par l'effet de la rupture d'un commun accord intervenue en juin 2000
- constater que Michaël X... a démissionné de sa propre initiative de son mandat social de gérant le 30 août 2001
- constater que Michaël X... ne justifie d'aucun préjudice
- le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En tout état de cause
- condamner Michaël X... au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
SUR CE, LA COUR,
Michaël X... expose que de mai 1957 à août 2001, il a occupé la fonction de
directeur-gérant non associé de la S.A.R.L. MANPOWER FRANCE, entreprise de travail temporaire, filiale française de MANPOWER INC, société mère américaine du groupe MANPOWER, qu'il est l'initiateur en France des règles professionnelles du travail temporaire, qu'il est président ou vice-président de diverses structures syndicales ou professionnelles en charge des affaires sociales, que néanmoins, pendant toutes ces années, il a été placé sous le contrôle de MANPOWER INC.
Il soutient que profitant du fait qu'il a rencontré d'importants problèmes de santé entre 1998 et 2001, l'employeur conjoint, MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC, a obtenu de lui, par un acte non daté intitulé «lettre d'accord» transmis le 5 juin 2000 à la faveur d'un conseil commun sa renonciation au dernier contrat de travail du 22 octobre 1998, mais que nonobstant cet accord inopposable en droit, les conditions de fait durant sa période d'activité caractérisent la réalité d'un contrat de travail.
Il indique qu'il a seulement démissionné le 30 août 2001 de son mandat de gérant, démission inhérente à la transformation de la société en S.A.S, et non du contrat de travail, et que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il invoque la succession de contrats de travail au nombre de sept qui ont été signés entre 1957 et 1998 et qui confirment qu'il était investi d'un pouvoir limité de représentation et de gestion vis-à-vis des tiers, qu'il dirigeait la société sous l'autorité et le contrôle de MANPOWER INC, qu'il était rémunéré par un salaire fixe et variable et lié par une clause de non-concurrence.
Les sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC répliquent que Michaël X... n'a jamais été salarié ni de MANPOWER FRANCE ni de MANPOWER INC mais seulement gérant de MANPOWER FRANCE, qu'il ne rapporte pas la moindre preuve de l'existence d'un contrat de travail, qu'aucun des critères généralement admis par la jurisprudence pour caractériser un lien de subordination n'est caractérisé, que les seuls éléments dont il justifie relèvent simplement de l'exercice normal du pouvoir de direction des associés sur le gérant d'une S.A.R.L.
Elles soulignent que les bulletins de paie établis par MANPOWER FRANCE mentionnent bien qu'il s'agit de la rémunération versée en contrepartie d'un mandat social, la fonction mentionnée étant de surcroît celle de gérant.
***
La S.A.R.L. MANPOWER FRANCE créée en 1957, sous le nom de MAS, est une filiale des sociétés MANPOWER INC, société de droit américain, et MANPOWER LTD, société de droit anglais.
Michel X... a été nommé co-gérant de cette société le 1er juin 1957 et en est devenu associé concomitamment.
Il a cédé ses parts à MANPOWER INC le 1er octobre 1965.
Il est reconduit dans ses fonctions de gérant jusqu'au 30 août 2001, aux termes de différents contrats rédigés en langue anglaise, qui selon Michel X... doivent recevoir la qualification de contrats de travail, notamment depuis le 22 mars 1994, date à laquelle sont redéfinies de manière précise ses fonctions de gérant.
Michel X... invoque également le dernier contrat en date du 22 octobre 1998, à effet au 1er janvier 1998 et devant prendre fin le 1er janvier 2001, date de son départ à la retraite.
Quand bien même ces différents documents ne sont pas expressément qualifiés de contrats de travail, il convient de rappeler que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs
Par ailleurs, si tant est que Michel X... ait été lié aux sociétés MANPOWER FRANCE et MANPOWER INC par un contrat de travail, il n'est ni contesté ni contestable qu'il avait la qualité de gérant, ce qui implique qu'il assumait des fonctions techniques nettement différenciées de celles de gestion et de direction telle que résultant de son mandat social et qu'il percevait une rémunération distincte.
Sur les relations contractuelles entre Michel X... et MANPOWER INC
Il ne ressort pas de l'analyse des conventions successives signées par les parties que Michel X... occupait d'autres fonctions que celles de gérant, ou selon la dénomination figurant sur ses bulletins de salaire de "directeur-gérant", étant relevé que nombre de ces conventions portaient sur la fixation du montant de la rémunération de l'intéressé.
Le fait qu'il lui soit fait obligation de soumettre à l'approbation de la société de droit américain, les actes de gestion les plus importants, telle que l'acquisition d'une entreprise, par le biais d'achat ou fusion, de céder l'un des biens de la société, conclure un bail ou un contrat, ou une acquisition ou une vente impliquant un dédommagement supérieur à cinq millions de francs, (762 245 euros), contracter un emprunt autres que ceux pour lesquels il a reçu une autorisation, soumettre les budgets à l'approbation de la société mère, ne permettent pas de caractériser une relation de travail, les relations ainsi définies, restant dans les limites du contrôle assuré par l'associé majoritaire, et conformes de surcroît aux statuts de la S.A.R.L.
Il en est de même des rapports à caractère financier que Michel X... devait adresser, à sa demande, à la société américaine.
Si Michel X... verse aux débats deux attestations émanant de son assistante et du directeur financier de la société MANPOWER FRANCE, faisant état des nombreuses demandes émanant de MANPOWER INC, force est de constater qu'il ne justifie cependant d'aucune consigne ou directive précise directe concernant ses fonctions de gérant et la direction de la filiale française, corroborant ces deux pièces.
Les lettres de félicitations qui pour la majorité d'entre elles font référence à sa bonne gestion de l'entreprise ou lettres de demandes de renseignements concernant la rémunération des cadres de l'entreprise française ne permettent pas plus de mettre en évidence un quelconque lien de subordination de Michel X... à l'égard de la société MANPOWER INC, dont il n'a jamais perçu de rémunération.
Le bénéfice de stock-options n'est pas plus déterminant dès lors que toute entreprise peut conventionnellement consentir à ses dirigeants les avantages prévus pour les titulaires de contrat de travail, MANPOWER faisant observer et démontrant que Michel X... a de surcroît été crédité d'un nombre d'options sur actions supérieur aux cadres salariés de la société (exemple 200 000 options en 1993, 13 100 à un cadre ayant le rang le plus élevé dans la hiérarchie de la société, 300 000 en 1998, 13 100 à ce même cadre).
La preuve de la qualité de salarié de Michel X... à l'égard de la société MANPOWER INC n'est pas rapportée.
Sur les relations contractuelles entre Michel X... et MANPOWER FRANCE
Outre le fait que Michel X... n'allègue et encore moins ne démontre avoir exercé des fonctions techniques distinctes de son mandat social, il résulte des pièces intitulées "FLASH", dont il était l'auteur qu'il intervenait uniquement comme dirigeant de la société et se présentait comme tel.
Il écrit ainsi :
- en septembre 1999 :
"Au départ d'André B..., en octobre dernier, j'avais prévu de reprendre moi-même la direction du réseau pendant une période transitoire car la promotion de Jean-Pierre C... était déjà décidée. Les aléas - non prévisibles - de mes opérations successives, et ma trop longue convalescence m'ont empêché de le faire. Bertrand Denis qui devait assurer mon intérim pendant environ un mois a donc dû pendant un an assumer simultanément les fonctions les lourdes fonctions de la DGO direction générale des opérations et de la DGA. Je lui exprime ma reconnaissance...",
- en mai 2000, concernant l'implantation de MANPOWER dans les pays de l'Est :
" Pour la mener à bien, nous venons de créer une direction générale des filiales extérieures confiées à René E.... Membre du comité de direction, il continuera de me rapporter".
Michel X... de manière générale, dans ces documents de communication interne présentait aux salariés de la société, les projets en cours, les résultats de l'entreprise, apparaissait comme responsable de manière générale de la stratégie économique, voire financière de la société, et terminait systématiquement ces "flash" par des mots d'encouragement ou de remerciement d'un dirigeant à ses subordonnés.
Il est également établi que Michel X... présidait le comité central d'entreprise de la S.A.R.L. MANPOWER FRANCE.
Par ailleurs, il doit être souligné que la rémunération de Michel X... en qualité de gérant était très élevée, supérieure à la rémunération d'un cadre fut-il dirigeant, variant pour la plus basse en 2000 de 676 686 € à 4 025 051 € en 1998, et s'établissant plus généralement à une somme moyenne de 1 200 000 € et qu'il ne peut être déduit des mentions figurant sur ses bulletins de paie relative aux horaires de travail applicables qu'il avait la qualité de salarié, ces bulletins étant établis sous son autorité et selon ses propres indications.
Rien ne permet donc d'établir que ce dernier était dans un lien de subordination à l'égard de la S.A.R.L. MANPOWER FRANCE.
C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes de PARIS s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige opposant Michel X... aux sociétés MANPOWER FRANCE d'une part et MANPOWER INC d'autre part, au profit du Tribunal de Commerce de PARIS.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
PAR CES MOTIFS
REJETTE le contredit
DIT que le tribunal de Commerce de PARIS est compétent
DIT que le dossier sera transmis à cette juridiction par le greffe de la Cour d'Appel
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
LAISSE les frais du contredit à la charge de Michel X...
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE