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03/07/2007 | FRANCE | N°05/06580

France | France, Cour d'appel de Paris, 03 juillet 2007, 05/06580


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B


ARRÊT DU 03 Juillet 2007
(no, pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 06580


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 02 / 02966




APPELANTE
SARL CENTRE DE LOISIRS ETOILE
64 route de Versailles
78430 LOUVECIENNES
représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 228



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INTIMÉ
Monsieur Faouzi X...


B...


C...

93200 SAINT DENIS
représenté par Me Régine DE LA MORINERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1433




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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B

ARRÊT DU 03 Juillet 2007
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 06580

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 02 / 02966

APPELANTE
SARL CENTRE DE LOISIRS ETOILE
64 route de Versailles
78430 LOUVECIENNES
représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 228

INTIMÉ
Monsieur Faouzi X...

B...

C...

93200 SAINT DENIS
représenté par Me Régine DE LA MORINERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1433

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRÊT :
-contradictoire
-prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

Exposé des faits et de la procédure

M. Faouzi X..., engagé par la société CENTRE DE LOISIRS ETOILE à compter du 1er décembre 1987, en qualité de portier réceptionniste, au dernier salaire mensuel brut de 1900,83 euros, a été licencié pour faute grave par lettre du 17 juillet 2003 énonçant le motif suivant :

"... Suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement du 5 juillet 1999 au cours duquel nous avons entendu vos explications sur les faits susceptibles de vous être reprochés, et à notre courrier du 9 juillet 1999 vous informant du maintien de la mise à pied à titre conservatoire jusqu'à ce qu'une décision de justice soit prise à votre encontre, vous avez été condamné le 11 juin 2003 pour les faits qui vous étaient reprochés.
En conséquence, nous vous informons de votre licenciement pour faute grave au motif suivant :
Coups et blessures volontaires en réunion dans l'exercice de vos fonctions de portier sur deux clients de la discothèque, les frères SORNAY, ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours.

Ces faits d'une extrême gravité ont occasionné une fermeture administrative de l'établissement... "

Par jugement du 15 février 2005, le Conseil de prud'hommes de PARIS, statuant en formation de départage, a dit que le licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, et a condamné la société CENTRE DE LOISIRS ETOILE au paiement d'indemnités de rupture.

La société CENTRE DE LOISIRS ETOILE en a relevé appel.

Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 25 mai 2007.

* *
*
Discussion

Sur la rupture

Argumentation de la société CENTRE DE LOISIRS ETOILE

La société CENTRE DE LOISIRS ETOILE soutient que les agissements du salarié ont rendu indispensable une mesure de mise à pied à effet immédiat. En l'espèce, les faits qui ont motivé la mise en examen de M.X..., à savoir les coups et blessures volontaires qu'il a portés sur deux clients, ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail de plus de 8 jours pour chacun d'eux et la fermeture administrative de l'établissement pendant 9 jours, ont été commis par ce dernier dans l'exercice de ses fonctions et constituent à l'évidence des agissements rendant indispensable son éloignement immédiat de l'entreprise. Cette mise à pied s'est prolongée jusqu'au prononcé du licenciement pour faute grave, intervenu à l'issue des poursuites pénales engagées à l'encontre de Monsieur X....
Dès lors et, peu important la longueur de la mise à pied, celle-ci était justifiée, ce qu'au demeurant Monsieur X... n'a jamais contesté pendant trois ans où il ne s'est jamais manifesté d'aucune façon auprès de son employeur, en dépit du fait que ce dernier ait pris son attache en novembre 2002.
En ce qui concerne l'existence de la faute grave, l'employeur expose que M.X... a été condamné par le Tribunal correctionnel de PARIS à une peine d'emprisonnement avec sursis de 8 mois et au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les deux victimes pour coups et blessures volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours et soutient que ces faits particulièrement graves justifiaient son licenciement. Par ailleurs, l'employeur souligne que l'établissement a fait l'objet d'une fermeture administrative de 9 jours consécutivement aux faits auxquels a participé le salarié. Selon l'employeur, ces faits se sont révélés préjudiciable à l'entreprise et justifient un licenciement pour faute grave
Sur le délai entre l'entretien préalable et le prononcé du licenciement, la société CENTRE DE LOISIRS ETOILE expose que la procédure pénale a suspendu la procédure de licenciement engagée par l'employeur et il indique qu'en tout état de cause, l'irrégularité de la procédure ne fait pas obstacle au bien fondé du licenciement.
Sur le fond, il fait valoir que, quelle que soit l'irrégularité procédurale, le licenciement pour faute grave est fondé, puisque prononcé à raison de la qualification retenue par le juge pénal.

Argumentation de M.X...

M.X... conteste la mesure de licenciement qui été prise à son encontre. Il soutient que le jour des faits, il est intervenu pour faire sortir des clients de la discothèque sur la demande de son employeur. Il fait valoir qu'il n'était pas le seul salarié à être impliqué et qu'un de ses collègues, M.Y..., n'a fait l'objet d'aucune mise à pied et travaillait toujours au sein du centre de loisirs à l'époque de l'audience correctionnelle. Il estime avoir, dès lors, fait l'objet d'une mesure discriminatoire.
Par ailleurs, le salarié expose que son licenciement pour faute grave n'est pas fondé, de même que sa mise à pied, et estime que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Il indique qu'il n'a pas été réglé de ses salaires à partir du 24 juin 1999 et que son licenciement n'est intervenu que le 17 juillet 2003.
Il rappelle que, compte tenu du montant de son salaire, de la date de sa mise en liberté et de la fermeture administrative de l'établissement, le conseil de prud'hommes a fixé à 91   239,84 euros la somme qui lui est due à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied ainsi que la somme de 9 123,98 euros au titre des congés payés afférents.
En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes qui a condamné l'employeur au versement de l'équivalent de six mois de salaire.L'intéressé sollicite en outre une somme au titre de l'indemnité de préavis ainsi que des congés payés afférents.

Position de la Cour

Sur la mise à pied

Il résulte de l'ensemble des éléments versés aux débats, et notamment de l'arrêt rendu par la 10ème chambre du tribunal de Grande instance de PARIS le 11 juin 2003 que, le 23 mai 1999, vers cinq heures du matin, une rixe éclatait dans les locaux de la discothèque " LE DUPLEIX ",... entre des clients et des employés de sécurité. Il a été établi que M.X... a participé à cette rixe au cours de laquelle deux personnes ont été blessées.M.X... a été mis en examen et a fait l'objet d'un mandat de dépôt en date du 25 mai 1999, puis a été mis en liberté le 9 juin 1999 sous contrôle judiciaire avec cautionnement préalable qui a été réglé par l'employeur. Le 23 juin 1999, M.X... est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour faute grave fixé au 5 juillet, et, par ce même courrier, il a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire dans ces termes : " en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous informons que cette mise à pied à titre conservatoire prend effet dès la présentation de ce courrier, jusqu'à ce qu'une décision soit prise. "
A la suite de l'entretien préalable, l'employeur a adressé au salarié le 9 juillet 1999 une lettre recommandée avec accusé de réception informant M.X... de son intention de poursuivre la mise à pied à titre conservatoire dans les termes suivants : " Suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement du 5 juillet 1999, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs susceptibles de vous être reprochés et après avoir entendu vos explications, nous vous informons que notre intention de poursuivre votre mise à pied à titre conservatoire jusqu'à ce qu'une décision de justice, concernant les faits susceptibles de vous être reproché, soit prise à votre encontre.
Dans le cas où celle-ci vous serait favorable, nous aurions le plaisir de vous reprendre à d'autres services. Dans le cas contraire, la procédure engagée de suivre et son cours.
Nous vous rappelons que grâce à notre intervention, tant administratives que financière (fourniture d'un avocat pour 15   000 F, paiement de votre caution libératoire pour 50   000 F), vous avez pu sortir de prison.
Vous comprendrez, nous l'espérons, que votre présence n'est pas possible actuellement dans l'établissement car celui-ci fait l'objet, d'ores et déjà, d'une demande de sanctions administratives et que, dans l'état actuel du dossier, nous ne pouvons prendre une décision définitive... "
Il résulte ainsi des pièces de la procédure que la mise à pied du salarié ne constituait pas une sanction disciplinaire mais une mesure conservatoire en vue d'un licenciement envisagé pour des motifs relevant de la faute du salarié. Cette mesure conservatoire était prise dans l'attente d'une décision de justice dans une procédure pénale en cours. Cette procédure pénale n'a pas été initiée par l'employeur qui n'a jamais porté plainte contre le salarié et il apparaît clairement que la mesure de mise à pied conservatoire a été prise tant pour préserver les intérêts du salarié que ceux de l'entreprise compte tenu de l'instruction en cours et de la présomption d'innocence du salarié mis en examen. Les circonstances particulières de cette affaire, qui allait entraîner une fermeture administrative et qui pouvait entacher la réputation de l'établissement, autorisaient en l'espèce l'employeur à surseoir à une décision de rupture du contrat de travail tout en prenant une mesure de mise à pied conservatoire qui était nécessairement à durée indéterminée.
Cette mise à pied pouvait légitimement durer jusqu'au prononcé de la mesure de licenciement consécutive à la décision de la juridiction pénale sur la culpabilité du salarié. La seule obligation de l'employeur, en termes de délai, consistait à respecter le délai de deux mois résultant de l'article L. 122-44 du code du travail à compter de sa connaissance parfaite des éléments le conduisant à prononcer une mesure de licenciement.
En ce qui concerne les conséquences de la mise à pied conservatoire, il résulte des éléments versés aux débats que, si M.X... n'a pas travaillé pour la société CENTRE DE LOISIRS ETOILE pendant cette longue période, M.X... n'est pas resté inactif et sans rémunération pendant quatre ans. Ainsi, l'intéressé a travaillé en qualité de portier au service d'une autre discothèque Le MOLOKO à PARIS, ainsi que cela est attesté par M.Z.... Cet élément n'est d'ailleurs pas contesté par M.X.... Par ailleurs, les pièces de la procédure établissent que l'employeur a tenté à plusieurs reprises de prendre contact sans résultat avec M.X... pour faire le point sur la situation. Ainsi, une lettre recommandée avec accusé de réception était adressée au salarié à cette fin le 7 novembre 2002. Ainsi, il est établi que M.X... ne s'est pas tenu à la disposition de son employeur durant cette période. Il a d'ailleurs attendu près de trois ans pour réclamer des salaires à son employeur.
Dans ces conditions, il résulte de l'ensemble des éléments de l'espèce que la mise à pied conservatoire de M.X... était régulière et justifiée jusqu'au licenciement consécutif à la décision pénale.C'est donc à tort que le Conseil de prud'hommes a condamné l'employeur au paiement du montant des salaires que M.X... auraient perçu pendant la période de mise à pied conservatoire s'il avait effectivement travaillé.M.X... sera donc débouté de sa demande à ce titre. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point.

Sur la rupture

Par décision du 11 juin 2003, le Tribunal Correctionnel de PARIS a condamné M.X... à une peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis pour les faits qualifiés de coups et blessures volontaires du 25 mai 1999. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2003, la société CENTRE DE LOISIRS ETOILE a alors licencié M.X... pour faute grave en raison de son comportement du 25 mai 1999. Il résulte ainsi des pièces de la procédure que M.X... a été licencié moins de deux mois après le jugement et donc, à compter de sa connaissance parfaite des éléments le conduisant à prononcer une mesure de licenciement. Dès lors, le délai prévu par l'article L. 122-44 du code du travail a ainsi été respecté.
En ce qui concerne les motifs du licenciement, nonobstant les allégations du salarié, il résulte du jugement du Tribunal Correctionnel de PARIS du 11 juin 2003 qu'il est inexact que M.X... a agi sur demande de son employeur, celui-ci ayant été clairement mis hors de cause dans le dossier pénal. De plus, les éléments versés aux débats permettent d'établir que M.X... n'a nullement fait l'objet d'une mesure discriminatoire, son collègue s'étant trouvé dans une situation différente au moment des faits et n'ayant jamais fait l'objet d'une incarcération.
Il résulte de la condamnation intervenue le 11 juin 2003 à l'encontre de M.X... pour coups et blessures volontaires en réunion dans l'exercice de ses fonctions de portier sur deux clients de la discothèque, les frères SORNAY, ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, que les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont établis. Ces faits ont été commis alors que M.X... exerçait ses fonctions et dans le cadre de son travail de portier réceptionniste. Ces faits de violence commis par M.X... ont motivé une fermeture administrative de l'établissement de neuf jours par arrêté du Préfet de police notifié le 13 septembre 1999. De plus, il résulte des pièces de la procédure que l'employeur avait déjà rappelé à l'ordre le salarié auparavant en lui indiquant expressément, notamment par courrier du 16 avril 1997, que " son travail consiste à recevoir la clientèle et assurer sa sécurité " et précisant " Votre emportement envers les clients est inadmissible ". Cinq mois plus tard, M.X... faisait l'objet d'un avertissement. Il lui était reproché un comportement agressif envers la clientèle et il lui était à nouveau rappelé que son travail consistait, en tant que portier réceptionniste, à recevoir la clientèle et à assurer sa sécurité.L'employeur lui demandait alors de faire preuve d'une amabilité constante avec la clientèle et de s'abstenir de toute agressivité.L'attention de M.X... avait donc été attirée sur ses obligations et le comportement qu'il devait adopter dans le cadre de son travail. Or les faits de violence commis sur des clients de la " boîte de nuit " à l'enseigne Le DUPLEX par M.X... qui assurait les fonctions d'agent de sécurité, en dehors de toute défense légitime, sont établis à l'encontre de M.X.... Ils constituent en l'espèce une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis. En conséquence, compte tenu de la faute grave imputable au salarié, celui sera débouté de ses demandes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité de préavis. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement,

DEBOUTE M.X... de toutes ses demandes,

LAISSE les dépens à la charge de M.X....

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 05/06580
Date de la décision : 03/07/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-07-03;05.06580 ?
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