RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS 22ème Chambre B
ARRET DU 30 Janvier 2007 (no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 06479
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2005 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU RG no 03 / 01485
APPELANTE Madame Christine X...... comparant en personne, assistée de Me Sandra GUERINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1783
INTIMEE Société DISQUE ET SILICE 8 rue Ampère ZA du Pied-BP 224 67727 HOERDT CEDEX représentée par Me Sébastien BENDER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Décembre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Brigitte BOITAUD, Présidente Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller qui en ont délibéré
Greffière : Mme Isabelle PIRES, lors des débats
ARRÊT :
-contradictoire-prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mme Isabelle PIRES, greffière présente lors du prononcé
Exposé des faits et de la procédure
Mme Christine X..., engagée par la société anonyme DISQUE ET SILICE le 2 avril 2002, en qualité de cadre commercial itinérant, au dernier salaire mensuel brut de 2880 euros auquel s'ajoutait une partie variable, a été licenciée pour faute grave par lettre du 2 décembre 2003 énonçant les motifs suivants :
" En ce qui concerne vos refus de vous déplacer à notre siège de Hoerdt conformément à votre contrat de travail, et ce, en dépit de nos demandes téléphoniques et de nos relances écrites. (Demande du jeudi 25 septembre pour un déplacement du lundi 2 octobre, relance le mercredi 8 octobre pour un déplacement le mercredi 5 novembre, demande du lundi 10 novembre pour un déplacement le mercredi 12 novembre, demande du vendredi 14 novembre pour un déplacement sans délai, soit lundi le 17 novembre.)
Par ailleurs, mis à part votre absence pour maladie pour le déplacement du 2 octobre, vous ne nous avez fourni aucune explication acceptable. Vous vous permettez même de nous imposer par courrier avec AR le vendredi 21 novembre comme possibilité de vous déplacer.
C'est dans le même état d'esprit que vous vous êtes manifestement placée lorsque vous m'avez adressé plusieurs courriers électroniques sur un ton indigne d'un collaborateur, fusse t'il cadre, et en adressant à dessein une copie à vos collègues (" Mail " du 1er octobre)...
Enfin, le troisième point concerne votre absence totale de travail depuis le 13 octobre. En effet, depuis cette date, et en parfaite contradiction avec nos demandes, vous n'avez absolument fourni aucune prestation en rapport avec vos obligations contractuelles. Nous n'avons réceptionné aucun rapport d'activité hebdomadaire. Nous n'avons, contrairement à ce que vous avez insinué dans l'un de vos courriers, retracé aucun fichier reprenant la mise en place d'une prospection, et la facturation de votre ligne téléphonique a fait état de 13 appels téléphoniques du 14 octobre au 3 novembre, et une vingtaine d'appels pour la période du 5 au 27 novembre, dont pour les deux périodes, une majorité à destination de téléphones mobiles, ce qui est moin de correspondre au travail de prospection que nous vous avons confié en date du 13 octobre... "
Par jugement du 27 mai 2005, le Conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU, a débouté Mme X... de ses demandes d'indemnités de rupture.
Mme X... en a relevé appel.
Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 22 décembre 2006.
* * *
Discussion
Argumentation
La société DISQUE ET SILICE reproche trois séries de faits à Mme X... : en premier lieu, une absence totale d'activité depuis le mois d'octobre 2003.L'employeur fait valoir que la salariée a été en congé maladie jusqu'au 13 octobre et qu'elle n'a pas donné de nouvelles par la suite, n'a fait aucun effort de prospection et n'a pas rendu compte à son employeur de l'exécution de ses missions. La société ajoute que l'activité téléphonique de la salariée pendant la période considérée a été très faible par rapport à une activité normale d'un commercial de la société.L'employeur considère comme fort probable le fait que la salariée a utilisé le temps écoulé entre octobre et novembre 2003 pour retrouver un nouvel emploi et indique que la salariée a retrouvé un emploi moins d'un mois après l'envoi de la lettre de licenciement dans une société spécialisée dans la vente de lecteurs de sauvegarde, activité concurrente de la société DISQUE ET SILICE. En second lieu, la société DISQUE ET SILICE reproche à la salariée une attitude agressive et irrespectueuse vis à vis de sa hiérarchie. Elle expose que la salariée s'est entretenue à plusieurs reprises avec son employeur sur un ton inadmissible et, par ailleurs, fait état d'un courriel adressé à M.Z... traitant ouvertement M.A..., dirigeant de la société DISQUE ET SILICE, de " pauvre type " et a fait preuve d'une attitude insultante en adressant un courrier électronique à ce dernier le 1er octobre 2003 diffusé aux proches collaborateurs de l'intéressé en réponse aux reproches qui lui étaient faits. En troisième et dernier lieu, l'employeur reproche à la salariée d'avoir commis des actes d'insubordination répétés consistant dans son refus répété de se présenter au siège de l'entreprise situé à HOERDT.
Position de la Cour
Il résulte des éléments versés au dossier que la rupture du contrat de travail est intervenue dans le contexte suivant : Mme X... est partie en congé maternité le 9 juin et a repris le travail le 13 octobre à la suite de ce congé qui a été suivi d'un arrêt de travail pour maladie. Lorsque la salariée a fait part de son retour de congé à son employeur, celui-ci lui a indiqué qu'il envisageait une baisse de sa rémunération et lui a adressé le 10 septembre une lettre recommandée lui proposant une diminution de son salaire qui devait alors passer de 2880 euros à 1040 euros et la suppression de son statut de cadre. La salariée a refusé ces nouvelles conditions le 8 octobre 2003. Par courrier du 8 octobre 2003, la salariée a été convoquée au siège de la société par son supérieur hiérarchique, M.A..., pour que soient précisés les objectifs de reprise, puis la salariée a été convoquée le 10 octobre 2003 pour un entretien préalable à son licenciement pour motif économique fixé au 20 octobre. Par message électronique du 13 octobre, la salariée a confirmé qu'elle avait bien repris son poste et a demandé sur quels produits elle devait travailler. Par un courriel du même jour, M. A... a confirmé les produits sur lesquels la salariée devait porter ses efforts tout en confirmant l'entretien préalable prévu pour le 20 octobre.L'entretien préalable a eu lieu le 20 octobre et a été suivi par des échanges de messages entre la salariée et M. A.... Puis, le 19 novembre, la salariée est convoquée pour un nouvel entretien préalable pour le 28 novembre 2003 qui va conduire à sa mise à pied conservatoire et son licenciement pour faute grave. Ce contexte particulier qui a précédé le licenciement apporte un éclairage sur les circonstances de la rupture du contrat de travail et, en particulier, sur les reproches formulés par l'employeur. En ce qui concerne les refus de la salariée de se déplacer au siège de l'entreprise, l'employeur reconnaît lui-même dans la lettre de licenciement qu'un des refus était justifié par son arrêt de travail pour maladie du 2 au 13 octobre. Pour ce qui est des autres refus, il convient de souligner que ces demandes réitérées de l'employeur ont été faites alors que la salariée rentrait de son congé maternité et que dans le même temps son employeur tentait de lui imposer une diminution substantielle de sa rémunération puis un licenciement pour motif économique. En outre, les convocations étaient adressées de telle manière que la salariée ne disposait que d'un laps de temps très court, voire trop court entre la réception de la convocation et la date à laquelle elle devait se rendre au siège de l'entreprise. Le siège de la société est situé à Hoert en Alsace et la salariée avait son domicile à Nozay dans l'Essonne et travaillait sur Paris et la région parisienne où elle visitait les clients pour le compte de l'employeur et la salariée a d'ailleurs fait savoir à son employeur le 6 novembre 2003 qu'elle ne refusait pas de se rendre au siège social mais indiquait : " je vous demande uniquement le temps nécessaire à l'organisation de ce déplacement. " Ce grief ne présente pas un caractère suffisamment sérieux pour justifier un licenciement. En ce qui concerne le deuxième grief consistant dans des actes d'insubordination, il n'est nullement établi par les éléments versés au dossier : ainsi le message du 1er octobre visé dans la lettre de licenciement est ainsi libellé : " Merci de me laisser gérer ma messagerie professionnelle. Jusqu'à nouvel ordre, je fais toujours partie de l'effectif de l'entreprise ". Par ce courrier, la salariée demandait ainsi le déblocage de sa messagerie afin de pouvoir se servir de son outil de travail.S'agissant, enfin du troisième et dernier grief consistant dans l'absence de travail de la salariée, celui-ci n'est nullement établi.A cet égard, la salariée a d'ailleurs expliqué à son employeur par lettre du 14 novembre que, pendant la semaine précédant son entretien préalable du 20 octobre, elle avait travaillé sur la mise en place des fichiers de prospection dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par son employeur. Il est en outre compréhensible que la salariée, qui reprenait son activité dans un contexte particulièrement difficile ait eu un temps de réadaptation dans son travail de prospection, ce qui explique le niveau faible des appels téléphoniques. Dans ces conditions, les griefs formulés par l'employeur étant pour partie non établis et, pour le reste, non suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, le jugement du Conseil de prud'hommes sera infirmé. La Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 15 000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L. 122. 14. 5 du code du travail. En outre, au vu des éléments versés aux débats, il y a lieu de condamner l'employeur au paiement de 1 056 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied ainsi qu'aux congés payés afférents,8 640 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents,1995 euros à titre de salaire d'octobre 2003 et les congés payés afférents,1 824 euros à titre de salaire du 1er au 19 novembre 2003 ainsi que les congés payés afférents.
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Mme X... ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement,
CONDAMNE la société DISQUE ET SILICE à payer à Mme X... les sommes de :
-1 056 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied-105,60 euros à titre de congés payés afférents au rappel de salaire-8 640 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis-864 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis-15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse-1 995 euros à titre de salaire d'octobre 2003-199,50 euros à titre de congés payés afférents au salaire d'octobre 2003-1 824 euros à titre de salaire du 1er au 19 novembre 2003-182,40 euros à titre de congés payés afférents au salaire du 1er au 19 novembre 2003
Y ajoutant,
CONDAMNE la société DISQUE ET SILICE à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
ORDONNE à la Société anonyme DISQUE ET SILICE de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage. DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;
LAISSE les dépens à la charge de la société DISQUE ET SILICE.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE