Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 19 JANVIER 2007
(no 16 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07097
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Mars 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2006004375 rendue par Monsieur CHATIN
APPELANTE
LA SOCIÉTÉ TOEI ANIMATION Co Ltd (société de droit japonais), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
2-10-5 Higashi Ohizumi
Nerima-Ku
TOKYO 178-8567
JAPON
représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
assistée de Me Bernard CAHEN, avocat au barreau de PARIS, R109
INTIMÉE
S.A.S. TOKYO BUSINESS CONSULTANT "TBC", agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
33 Avenue de l'Opéra
75002 PARIS
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Marie-Line PABAN, avocat au barreau de Paris (BAKER et Mc KENZIE)
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COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 novembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FEYDEAU, président
Mme PROVOST-LOPIN, conseiller
Mme DARBOIS, conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme DARBOIS
Greffier : lors des débats, Mme TURGNÉ.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par Mme FEYDEAU, président, laquelle a signé la minute de l'arrêt avec Mme TURGNÉ, greffier présent lors du prononcé.
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Vu l'appel formé le 14 avril 2006 par la société de droit japonais TOEI ANIMATION Co Ltd de l'ordonnance de référé rendue le 31 mars 2006 par le président du tribunal de commerce de PARIS qui a :
- dit l'exception d'incompétence territoriale recevable mais mal fondée et s'est retenu compétent,
- dit que le droit français est applicable à l'affaire,
- condamné la société TOEI ANIMATION Co Ltd à verser à la société TOKYO BUSINESS CONSULTANT, à titre de provision, la somme de 248 469,81 € HT en principal, sans pénalités de retard,
- enjoint à la société TOEI ANIMATION Co Ltd de remettre à la société TOKYO BUSINESS CONSULTANT l'état des recettes et des dépenses pour le quatrième trimestre 2004, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard, pour trois mois et s'est réservé le droit de liquider ladite astreinte,
- débouté la société TOKYO BUSINESS CONSULTANT de sa demande de provision à valoir sur les commissions pour le quatrième trimestre 2004,
- condamné la société TOEI ANIMATION Co Ltd à verser à la société TOKYO BUSINESS CONSULTANT la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et l'a déboutée du surplus de ses demandes,
- condamné la société TOEI ANIMATION Co Ltd aux dépens ;
Vu les conclusions en date du 22 novembre 2006 par lesquelles la société TOEI ANIMATION Co Ltd demande à la cour :
- de la déclarer tant recevable que bien fondée en son appel et de constater que le jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS le 31 mai 2006 n'a pas l'autorité de la chose jugée,
- in limine litis, de dire que le tribunal de commerce de PARIS est incompétent ratione loci au profit du tribunal du district de TOKYO et que le droit japonais est seul applicable,
- en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- subsidiairement, vu l'article 484 du nouveau code de procédure civile, de dire que le juge du fond est saisi par la demande effectuée par la société TBC devant le tribunal de commerce de PARIS et constater que le président du tribunal de commerce de PARIS ne pouvait que constater l'irrecevabilité de l'action ainsi engagée en référé,
- vu les articles 2 du code civil et 441-3 et suivants du code de commerce, de constater que la société TOEI ANIMATION Co Ltd n'ayant pas été mise en demeure de payer les commissions des 2ème et 3ème trimestres 2004, aucun taux d'intérêt ne pourra être appliqué à ces montants, en conséquence, débouter la société TOKYO BUSINESS CONSULTANT de sa demande de paiement au titre des commissions dues pour les 2ème et 3ème trimestres 2004 assortie d'intérêts à un taux de 9 %,
- de condamner la société TBC au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;
Vu les conclusions en date du 23 novembre 2006 par lesquelles la S.A.S TOKYO BUSINESS CONSULTANT (ci-après TBC) demande à la cour de :
- sur l'exception d'incompétence, à titre principal, dire et juger irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société TOEI ANIMATION Co Ltd et, subsidiairement, confirmer l'ordonnance en ce que le juge des référés s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige,
- sur le surplus, confirmer l'ordonnance en ce que la loi française a été déclarée applicable au contrat du 1er décembre 1998 et en ce que la société TOEI ANIMATION Co Ltd a été condamnée à verser une provision de 248 469,81 € HT, à remettre l'état de recettes et dépenses pour le 4ème trimestre 2004, à verser une indemnité de procédure et à supporter les dépens,
- y ajoutant, infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande de pénalités de retard portant sur les factures correspondant aux commissions des 2ème et 3ème trimestres 2004 et condamner la société TOEI ANIMATION Co Ltd à lui verser la somme de 8 010,82 € à ce titre,
- condamner la société TOEI ANIMATION Co Ltd au paiement d'une indemnité de 10 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société de droit japonais TOEI ANIMATION Co Ltd, spécialisée dans la commercialisation de films d'animation japonais et produits de merchandising y afférents, a conclu avec la société TOKYO BUSINESS CONSULTANT le 1er décembre 1998 un contrat intitulé "convention de collaboration" aux fins de promouvoir et de distribuer les produits Toei en Europe, à effet au 1er janvier 1999 pour une durée initiale de deux ans, renouvelable pour des périodes successives d'une année sauf dénonciation ;
Que la société TOEI ANIMATION Co Ltd a, par lettre du 28 juin 2004, informé la société TBC de sa décision de mettre fin au contrat à effet au 31 décembre suivant ;
Que par acte du 12 avril 2005, la société TBC a assigné la société TOEI ANIMATION Co Ltd devant le tribunal de commerce de PARIS statuant au fond en paiement, notamment, de dommages-intérêts en réparation de ses agissements déloyaux, d'une somme de plus de 16 millions d'euros au titre des commissions qui lui sont dues sur les recettes générées par les transactions conclues directement par ladite société avec des clients relevant du territoire attribué à TBC du 2ème trimestre 2003 au 4ème trimestre 2004 inclus, de la somme de 284 469,81 € HT en principal au titre des commissions exigibles et non contestées pour les 2ème et 3ème trimestres 2004 outre les intérêts de retard au taux de 9 % et d'une indemnité de fin de contrat fixée provisoirement à 19 930 404,98 € HT ;
Qu'elle a, parallèlement, initié une procédure de référé afin d'obtenir le paiement, par provision, des commissions des 2ème et 3ème trimestres 2004 ainsi que l'état des recettes et dépenses permettant le calcul des commissions dues au titre du 4ème trimestre 2004 et d'une provision à valoir sur lesdites commissions ;
Que c'est dans ces conditions qu'a été rendue l'ordonnance entreprise faisant partiellement droit à ses demandes ;
Considérant que par jugement du 31 mai 2006, le tribunal de commerce de PARIS, statuant sur la seule exception d'incompétence soulevée par la société TOEI ANIMATION Co Ltd, a dit cette exception recevable mais mal fondée et s'est déclaré compétent ;
Que ce jugement rendu dans le cadre de l'instance au fond ayant dès son prononcé, par application de l'article 480 du nouveau code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée relativement à la question qu'il tranche, ladite société n'est pas recevable à soulever devant le juge d'appel des référés la même exception ;
Considérant que pour prétendre à l'application de la loi japonaise au présent litige, la société appelante soutient d'une part que la Convention de La Haye ne peut être retenue, dès lors que cette dernière n'a pas été signée par le Japon et que la qualification du contrat fait débat et d'autre part que, le droit applicable n'ayant pas fait l'objet d'un choix déterminé par les parties, il y a lieu de rechercher la commune intention de celles-ci, laquelle a été de façon constante de soumettre leurs relations commerciales au droit japonais ;
Considérant qu'il est constant que le contrat du 1er décembre 1998 ne contient aucune clause relative à la loi applicable ni aucun élément qui pourrait révéler l'intention des parties de soumettre leurs rapports à une loi particulière et, plus particulièrement à la loi japonaise ou qui ferait référence implicitement à ladite loi ;
Que les contrats de licence conclus entre les parties entre 1993 et 2001 étant totalement étrangers au contrat précité, puisqu'ils sont relatifs aux droits d'exploitation des films d'animation, la référence qu'ils font à l'application de la loi japonaise ne saurait être transposée en l'espèce alors même que les parties n'ont pas cru devoir reproduire une clause spécifique en ce sens dans le contrat relatif à l'activité d'intermédiaire ;
Que l'usage de la langue japonaise dans les échanges épistolaires et oraux ne constitue pas davantage un élément pertinent dans la recherche de la commune intention des parties dès lors que, s'agissant de la langue maternelle des dirigeants des deux sociétés, les parties y ont naturellement recours ;
Que l'obligation du contrat consistant en la promotion et la distribution de produits japonais sur le territoire français et dans différents pays d'Europe, il s'ensuit qu'à défaut de loi d'autonomie, la loi française doit à l'évidence s'appliquer comme étant celle du lieu principal d'exécution de la prestation de services, seul élément sérieux de rattachement susceptible d'être retenu en l'espèce ;
Que pour ce motif se substituant à celui du premier juge, l'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a retenu l'application de la loi française ;
Considérant que l'article 873 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés d'accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ;
Que, sauf cas limitativement prévus par la loi dont il n'est pas prétendu que la présente demande fasse partie, le juge des référés commerciaux reste compétent pour accorder une provision même lorsque le juge du fond est déjà saisi ;
Que le moyen tiré des dispositions de l'article 484 du code précité manque donc de pertinence et la décision dont appel sera confirmée en ce que l'action en référé a été déclarée recevable ;
Considérant que la créance de la société TBC pour un montant de 248 469,81 € HT en principal au titre des commissions des 2ème et 3ème trimestres 2004 n'est pas contestée par l'appelante ; qu'il convient de confirmer l'ordonnance de ce chef ;
Qu'en revanche, l'exigibilité de pénalités de retard mérite un débat devant le juge du fond, de sorte que la cour, infirmant la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société TBC de cette demande, dira n'y avoir lieu à référé de ce chef ;
Que l'ordonnance n'étant pas autrement critiquée, sera confirmée en ses autres dispositions ;
Considérant que l'appelante, qui succombe, supportera les dépens et, pour des motifs tirés de l'équité, sera condamnée à verser une indemnité de procédure à l'intimée pour les frais que cette dernière a été contrainte d'exposer en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare la société TOEI ANIMATION Co Ltd irrecevable en son exception d'incompétence ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté la S.A.S TOKYO BUSINESS CONSULTANT de sa demande en paiement des pénalités de retard afférentes aux commissions dues pour les 2ème et 3ème trimestres 2004 ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de pénalités de retard ;
Condamne la société TOEI ANIMATION Co Ltd à payer à la S.A.S TOKYO BUSINESS CONSULTANT la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la société TOEI ANIMATION Co Ltd aux dépens d'appel dont recouvrement dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT