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19/01/2007 | FRANCE | N°05/22595

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0164, 19 janvier 2007, 05/22595


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre - Section B

ARRÊT DU 19 JANVIER 2007

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/22595

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 04/7385

APPELANTE

S.A.R.L. JUVENAGE

représentée par son gérant

dont le siège social est 9, rue du Faubourg Saint Honoré

75008 PARIS

représentée par la S

CP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour,

assistée de Maître Annabel BOCCARA, avocat au Barreau de Paris,

Cabinet SAVIN. K101.

INTIMEE

Société ALL...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre - Section B

ARRÊT DU 19 JANVIER 2007

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/22595

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 04/7385

APPELANTE

S.A.R.L. JUVENAGE

représentée par son gérant

dont le siège social est 9, rue du Faubourg Saint Honoré

75008 PARIS

représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour,

assistée de Maître Annabel BOCCARA, avocat au Barreau de Paris,

Cabinet SAVIN. K101.

INTIMEE

Société ALLERGAN INC

société de droit américain,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège social 2525 Dupont Drive

IRVINE

CALIFORNIE 92715

ETATS UNIS

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour,

assistée de Maître Isabelle LEROUX, avocat au Barreau de Paris, R255.

(BIRD et BIRD)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire, après rapport oral prévu par l'article 31 du décret no205 1678 du 28 décembre 2005, a été débattue le 6 décembre 2006, en audience publique, devant Madame PEZARD, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat, en application de l'article 786 du NCPC, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame PEZARD, président,

Madame REGNIEZ, conseiller,

Monsieur MARCUS, conseiller,

GREFFIER, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD

ARRÊT :

- contradictoire.

- prononcé publiquement par Madame PEZARD, président.

- signé par Madame PEZARD , président et par L.MALTERRE- PAYARD, greffier présent lors du prononcé.

La cour est saisie d'un appel interjeté par la société à responsabilité limitée JOUVE et AGE, anciennement dénommée JUVENAGE, à l'encontre d'un jugement rendu par la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris le 10 novembre 2005 qui a :

- Dit qu'en utilisant les dénominations "BOTOX", "BOTO CREAM" et "BOTO' LIKE MASK" sur son site internet et sa brochure publicitaire pour offrir à la vente ses produits, et en procédant le 13 janvier 2004 au dépôt de la marque "BOTO' LlKE" no04 3 267 317, la société JOUVE et AGE a commis des actes de contrefaçon par reproduction et par imitation de la marque no 00 3 071 043 dont la société ALLERGAN Inc. est titulaire,

- En conséquence, interdit à la société JOUVE et AGE la poursuite de ces agissements sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

- Condamné la société JOUVE et AGE à payer à la société ALLERGAN Inc. la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon, la somme de 10.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale ainsi que celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Autorisé la société ALLERGAN Inc. à faire publier le dispositif de la présente décision dans trois revues, journaux ou périodiques de son choix et aux frais de la défenderesse, sans que le coût total de ces insertions n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500 euros HT par insertion,

- Rejeté le surplus des demandes,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné la société JOUVE et AGE aux dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle LEROUX, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

*

Il convient de rappeler que la société ALLERGAN Inc., (ci-après ALLERGAN) commercialise de la toxine botulique de type A, une neurotoxine ayant pour effet de bloquer la contraction des muscles. Sa mise sur le marché a été autorisée par l'Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé en 1993 pour le traitement des troubles neuro-musculaires. La société ALLERGAN a reçu une seconde autorisation de mise sur le marché en 2003 sous le nom de VISTABEL pour le traitement des rides frontales et inter-sourcillières. La société est titulaire de la marque "BOTOX" qui a été déposée en France le 14 décembre 2000 et enregistrée sous le no3 071 043 pour désigner les produits suivants : "Préparations pour le traitement des troubles neurologiques, des dystonies musculaires, des troubles des muscles lisses, des troubles du nerf autonome, des céphalées, des rides, de l'hyperhydose, des blessures d'origine sportive, de l'infirmité motrice cérébrale, des spasmes, des tremblements et des douleurs" relevant de la classe 5.

La société JOUVE et AGE commercialise quant à elle des produits cosmétiques sous sa marque "BOTO LIKE", déposée le 13 janvier 2004 en classe 3 et 5 pour désigner les produits suivants : "Savons. Parfums. Huiles essentielles. Cosmétiques. Rouge à lèvres. Masque de beauté. Produits de rasage. Produits pharmaceutiques et vétérinaires. Substances diététiques à usage médical. Préparation chimique à usage médical ou pharmaceutique". L'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté l'opposition formée par la société ALLERGAN.

Le 4 mai 2004, la société ALLERGAN a assigné la société JOUVE et AGE devant le Tribunal de grande instance de Paris puis le 12 mai 2004, devant le Président du Tribunal de grande instance saisi en la forme des référés.

Par ordonnance du 5 octobre 2004 rendue en la forme des référés, il a été fait interdiction provisoire à la société JUVENAGE d'utiliser de quelque manière que ce soit, y compris sur son site internet, le signe BOTOX pour désigner des produits ou des services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque de la société demanderesse et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée.

*

Dans ses conclusions signifiées le 30 octobre 2006, la société JOUVE et AGE, appelante, demande à la cour de :

- Prononcer la déchéance des droits de ALLERGAN Inc. sur la marque "BOTOX" ;

- Constater que la société JOUVE et AGE n'utilise pas la dénomination "BOTOX" sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, pour tout produit identique ou similaire à ceux visés au libellé de la marque dont la société ALLERGAN Inc. est titulaire ;

- Constater en outre que le produit anti-rides de ALLERGAN Inc. n'est exploité en France que sous la dénomination « VISTABEL » ;

- Constater que la société JOUVE et AGE ne commet pas d'actes de contrefaçon, ni par reproduction, ni par imitation au sens des dispositions des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

- Constater que la société JOUVE et AGE n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire à rencontre de la société ALLERGAN Inc.;

- En conséquence, infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris le 10 novembre 2005 en toutes ses dispositions ;

- Condamner la société ALLERGAN Inc. à payer à la société JOUVE et AGE la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement des articles 32-1 du nouveau Code de procédure civile et 1382 du Code civil ;

- Condamner la société ALLERGAN Inc. à payer à la société JOUVE et AGE la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- Condamner la société ALLERGAN Inc. aux dépens de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, dont distraction au profit de la SCP Gérigny-Fréneaux, avoués à la Cour.

*

Dans ses conclusions signifiées le 2 novembre 2006, la société ALLERGAN Inc., intimée, prie la cour de :

- Constater qu'elle est titulaire de la marque française « BOTOX» no 00 3 071 043 déposée le 14 décembre 2000 pour désigner les produits relevant de la classe 5 ;

- Dire et juger que la marque "BOTOX", dont elle est titulaire, est notoire ;

- Dire et juger que la société JOUVE et AGE est irrecevable en sa demande reconventionnelle en déchéance faute de démontrer un intérêt à agir ;

- Si par extraordinaire la cour devait déclarer la société JOUVE et AGE recevable en sa demande reconventionnelle en déchéance, dire et juger que la marque "BOTOX", dont la société ALLERGAN Inc est titulaire, est dûment exploitée depuis son dépôt ;

- En conséquence, débouter la société JOUVE et AGE de sa demande reconventionnelle en déchéance ;

- En tout état de cause, confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a jugé que la société JOUVE et AGE avait commis des actes de contrefaçon par reproduction et par imitation de la marque "BOTOX" ;

- Confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a jugé que la société JOUVE et AGE avait commis des actes de concurrence déloyale ;

- Confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a fait interdiction à la société JOUVE et AGE de poursuivre les agissements litigieux et prononcer par conséquent une astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a autorisé la société ALLERGAN à faire publier le dispositif du jugement et autoriser en conséquence aux mêmes conditions la société ALLERGAN à faire publier la décision à intervenir ;

- Réformant le jugement et statuant à nouveau, condamner la société JOUVE et AGE à verser à la société ALLERGAN Inc la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit de marque ;

- Condamner la société JOUVE et AGE à verser à la société ALLERGAN Inc la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison des actes de concurrence déloyale perpétrés ;

- Dire et juger que chaque condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Condamner la société JOUVE et AGE à verser à la société ALLERGAN Inc. la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- Condamner la société JOUVE et AGE aux entiers dépens dont distraction aux profits de la SCP Fisselier Chiloux Boulay, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

* *

*

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

Sur la demande en déchéance de la marque "BOTOX"

Considérant que l'appelante demande à la cour de prononcer la déchéance des droits de la société ALLERGAN sur la marque BOTOX pour défaut d'exploitation en France ;

Considérant que l'intimée oppose que la société JOUVE et AGE ne justifie pas d'un intérêt légitime à exploiter les marques "BOTOX" ou "BOTO LIKE" ou encore la dénomination "BOTO CREAM" pour désigner aucun des produits visés, à savoir des "préparations pour le traitement des troubles neurologiques, des dystonies musculaires, des troubles des muscles lisses, des troubles du nerf autonome, des céphalées, de l'hyperhydose, des blessures d'origine sportive, de l'infirmité motrice cérébrale, des spasmes, des tremblements et des douleurs" ; qu'elle ne justifie pas non plus d'un intérêt à agir concernant les "préparations pour le traitement des rides" ;

Qu'elle verse par ailleurs aux débats de très nombreuses pièces par lesquelles elle entend démontrer que la marque "BOTOX" a fait l'objet d'une exploitation réelle et sérieuse ;

Considérant que la société JOUVE et AGE justifie nécessairement d'un intérêt légitime à demander la déchéance de la marque "BOTOX" dès lors que la société ALLERGAN lui reproche d'y avoir porté atteinte et qu'elle-même commercialise des produits destinés au traitement des rides ; qu'elle sera déclarée recevable en cette demande ;

Considérant qu'il ressort de très nombreux articles de presse communiqués par la société ALLERGAN que le signe "BOTOX" est couramment employé pour désigner le produit lui-même (la toxine botulique) et non l'origine du produit ; qu'ainsi il n'en est pas fait usage à titre de marque ;

Qu'au surplus, ladite toxine doit être exploitée pour ses indications esthétiques conformément à l'autorisation de mise sur le marché qui a été délivrée sous le nom de "VISTABEL" ; que la société ALLERGAN ne peut dès lors exploiter sous la marque "BOTOX" des produits à base de toxine botulique destinés au traitement des rides ; qu'il en résulte que les articles versés aux débats ne sont pas pertinents, dans la mesure où ils ne concernent que les propriétés cosmétiques de la toxine ;

Qu'en outre, la société ALLERGAN ne produit aucun échantillon, bon de commande ou facture prouvant des actes d'exploitation de la marque "BOTOX" ; qu'elle verse seulement un document comptable interne rédigé en anglais qui, s'il tend à faire état du succès commercial de ses produits, ne permet pas en tant que tel de prouver que le signe en cause a fait l'objet d'un usage réel et sérieux ; qu'elle verse enfin un document publicitaire édité en novembre 2005 sur lequel figure la marque "BOTOX" ; que compte tenu du succès du produit et de la notoriété de la marque invoqués par la société ALLERGAN, y compris pour la France, cette pièce à elle-seule ne suffit pas à démontrer un usage réel et sérieux ;

Qu'en conséquence, la société ALLERGAN ne rapporte pas la preuve d'une exploitation réelle et sérieuse de la marque "BOTOX" pour les produits visés au dépôt ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de déchéance formée par la société JOUVE et AGE à compter de l'expiration d'un délai de cinq ans après le dépôt, soit le 15 décembre 2000 ;

Sur la contrefaçon par reproduction de la marque BOTOX

Considérant que l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la contrefaçon de la marque BOTOX par reproduction, de constater qu'elle n'utilise pas la dénomination "BOTOX" sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, pour tout produit identique ou similaire à ceux visés au libellé de la marque dont la société ALLERGAN est titulaire et de constater que le produit anti-rides n'est exploité en France que sous la dénomination "VISTABEL" ; que la société JOUVE et AGE avait anticipé la mesure d'interdiction provisoire prononcée par ordonnance rendue en la forme des référés et qu'aucune mention relative au "BOTOX" dans le descriptif de ses produits n'était utilisée même avant l'audience de plaidoiries de référé ; que la société ALLERGAN aurait donc dû se désister de sa demande dans la procédure engagée au fond devant le Tribunal de grande instance de Paris ;

Considérant que la société ALLERGAN soutient au contraire que la marque "BOTOX" a été reproduite à l'identique et pour des produits identiques par la société JOUVE et AGE sur son site internet dans la phrase "crème aux effets anti-rides similaires au BOTOX" ;

Considérant en effet qu'il ressort des pièces versées aux débats que le site internet de la société JOUVE et AGE présentait le produit "BOTO CREAM" comme une "crème aux effets anti-rides similaires au Botox (seule et/ou complémentaire de Boto "Like" Mask, mais également destinée aux personnes ayant fait des injections)" ; qu'était également présenté sur le site un produit dénommé "BOTO LIKE MASK", décrit comme un "masque traitant des rides aux effets similaires aux injections" (70%) en cure ou en coup d'éclat" ;

Que le tribunal a justement retenu que la reproduction de la marque "BOTOX" pour une crème anti-rides concernait un produit identique à ceux désignés dans l'enregistrement, à savoir des "préparations pour le traitement des rides" ; qu'il s'ensuit que la contrefaçon par reproduction de la marque est caractérisée au sens de l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur la contrefaçon par imitation de la marque BOTOX

Considérant que l'appelante demande à la cour de constater que la société JOUVE et AGE ne commet pas d'actes de contrefaçon par imitation au sens des dispositions des articles L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'elle soutient que c'est la marque "VISTABEL", sous laquelle la société ALLERGAN exploite la toxine botulique pour des indications esthétiques qui doit être comparée à la marque "BOTO LIKE" ; que ces deux signes étant phonétiquement et visuellement distincts, il ne saurait y avoir de confusion possible ;

Que c'est par des motifs pertinents que le tribunal a estimé que le terme "cream" n'est pas distinctif dans la dénomination "BOTO CREAM", de sorte que le public percevra uniquement le terme "BOTO" ; que dans la dénomination "BOTO LIKE MASK", c'est également le premier terme qui est distinctif, le terme "LIKE" devant induire la comparaison avec le produit vendu et le terme "MASK" étant descriptif du produit ;

Qu'en dépit des différences relevées entre les signes en présence, les dénominations "BOTO CREAM" et "BOTO LIKE MASK" sont susceptibles, par l'imitation de la marque "BOTOX" dans la séquence d'attaque, d'être confondues par un consommateur d'attention moyenne avec cette dernière, d'autant plus que les produits en cause sont identiques et que la marque "BOTOX" bénéficie d'une relative notoriété ; qu'il résulte nécessairement de l'imitation de la marque "BOTOX" un risque de confusion dans l'esprit du public ; que les actes de contrefaçon par imitation au sens de l'article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle sont caractérisés ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que l'appelante prie la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu des actes de concurrence déloyale ; qu'elle fait valoir que l'INPI ainsi que le Tribunal de grande instance de Paris ont estimé qu'il n'existait aucun risque de confusion pour le consommateur entre les marques "BOTOX" et "BOTO LIKE", tant sur le plan visuel et phonétique que sur le mode de distribution des produits concernés ; que seul le produit VISTABEL a reçu une autorisation de mise sur le marché pour la correction des rides ; que ce produit ne pourra être commercialisé en France sous le nom de "BOTOX" ; que la société ALLERGAN ne peut se prévaloir d'aucun acte de concurrence déloyale ;

Considérant que l'intimée fait valoir que le produit connu sous la marque "BOTOX" a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché ; qu'il est par conséquent délivré uniquement sur ordonnance ; qu'aucun des produits commercialisés par la société JOUVE et AGE ne contient de toxine botulique ; que dès lors, la référence au produit "BOTOX" est non seulement constitutive de concurrence déloyale en ce qu'elle démontre la volonté de la société JOUVE et AGE de se placer dans le sillage de la société ALLERGAN en laissant croire que ces produits contiennent de la toxine botulique, mais encore est de nature à induire en erreur le consommateur quant à la nature et la composition du produit, ayant pour conséquence des risques en matière de santé publique ;

Considérant que l'usage des dénominations "BOTO CREAM" et "BOTO LIKE MASK" pour désigner des produits ne contenant pas de toxine botulique démontre une volonté de profiter indûment de la notoriété du produit développés par la société ALLERGAN ; que c'est à bon droit que le tribunal a retenu des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société JOUVE et AGE ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur le préjudice subi

Considérant que la société ALLERGAN soutient que la reproduction et l'imitation illicite de la marque porte atteinte non seulement aux droits privatifs que la société ALLERGAN détient sur sa marque, mais encore à son image de sérieux et de fiabilité ; que la marque subit un avilissement, les conditions de son usage n'étant nullement consenties ; que la somme de 50 000 euros allouée par le tribunal ne suffirait pas à réparer entièrement son préjudice dès lors que la société JOUVE et AGE a fait référence à la marque "BOTOX" pour plusieurs de ses produits et a poursuivi les actes de contrefaçon même après qu'une décision de justice a été rendue à son encontre ; qu'elle demande par conséquent à la cour de condamner la société JOUVE et AGE à lui verser la somme de100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Qu'elle sollicite également l'infirmation du jugement en ce qu'il ne lui a alloué qu'une somme de 10 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et demande la condamnation de la société JOUVE et AGE à lui verser la somme de 150 000 euros à ce titre ;

Que la société JOUVE et AGE ne peut prétendre que le paiement des sommes auxquelles elle a été condamnée en première instance impliquerait pour elle la cessation des paiements dans la mesure où elle est une société en pleine croissance ; qu'en tant que jeune société, elle a vu son chiffre d'affaires augmenter très nettement ; qu'elle ne peut faire face à ces condamnations ;

Considérant que l'appelante oppose que le Tribunal de grande instance de Paris l'a condamnée sans motivation et sans qu'aucune pièce ne vienne démontrer l'étendue du préjudice de la société ALLERGAN au paiement des sommes représentant 20% de son chiffre d'affaires annuel ; que de surcroît, les condamnations sont manifestement excessives dans la mesure où elle est une petite société à responsabilité limitée familiale au capital de 8.000 euros constituée en 2003 ; qu'elle a réalisé un faible bénéfice de 50.470 euros en 2004 et a dû emprunter pour s'acquitter des dommages-intérêts qui s'élevaient à 70.000 euros ; que son expert-comptable a estimé que l'exécution de sa condamnation entraînerait pour elle la cessation des paiements ;

Considérant que si l'atteinte à la marque "BOTOX"avant qu'elle ne soit frappée de déchéance est établie, la société ALLERGAN ne rapporte pas la preuve de son exploitation ; qu'elle ne saurait dès lors se prévaloir d'un préjudice de nature commerciale ; que dans ces conditions, la somme déjà allouée en première instance est suffisante à indemniser l'atteinte à la marque ; qu'il en va de même des dommages-intérêts déjà alloués en réparation des actes de concurrence déloyale dans la mesure où la société JOUVE et AGE a depuis lors mis un terme à ses agissements ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes

Considérant que compte tenu de la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société JOUVE et AGE pour des actes de contrefaçon, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par l'appelante pour procédure abusive ;

Considérant qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de confirmer les mesures de publication et d'interdiction ;

Que pour des raisons tirées de l'équité, il convient de condamner la société JOUVE et AGE à verser à la société ALLERGAN une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Prononce la déchéance de la marque "BOTOX" no3 071 043 à compter du 15 décembre 2005,

Ordonne la radiation de la marque "BOTOX" no3 071 043 du registre des marques,

Dit que l'arrêt sera transmis par le greffier à l'INPI aux fins d'inscription au Registre National des Marques ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Dit que la mesure de publication tiendra compte du présent arrêt ;

Condamne la société JOUVE et AGE à verser à la société ALLERGAN la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et admet la SCP d'avoués FISSELIER CHILOUX BOULAY au bénéfice de l'article 699 du NCPC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0164
Numéro d'arrêt : 05/22595
Date de la décision : 19/01/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 10 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-01-19;05.22595 ?
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