La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2006 | FRANCE | N°04/14462

France | France, Cour d'appel de Paris, 17 novembre 2006, 04/14462


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre-Section B


ARRET DU 17 NOVEMBRE 2006

(no 286,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04 / 14462

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 07 Juin 2004 par la 1ère chambre / 3ème section du Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 02 / 5785



APPELANT


Monsieur Mohamed Lakehal Y...

demeurant ...-ALGERIE-

représenté par la SCP RIBAUT, avoués Ã

  la Cour
assisté de Maître Samia BENZINE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 300

INTIMEE

LA FONDATION HOPITAL SAINT JOSEPH
dont le siège...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre-Section B

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2006

(no 286,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04 / 14462

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 07 Juin 2004 par la 1ère chambre / 3ème section du Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 02 / 5785

APPELANT

Monsieur Mohamed Lakehal Y...

demeurant ...-ALGERIE-

représenté par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour
assisté de Maître Samia BENZINE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 300

INTIMEE

LA FONDATION HOPITAL SAINT JOSEPH
dont le siège est sis 185 rue Raymond Losserand
75764 PARIS CEDEX 14

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Maître David MIGNECO, avocat au barreau de PARIS, toque C 1613, plaidant pour le Cabinet LACAN, toque : E490

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2006, le rapport préalablement entendu conformément aux dispositions de l'article 785 du nouveau Code de procédure civile, en audience publique, devant la Cour composée de :

Michel ANQUETIL, Président
Michèle BRONGNIART, Conseiller
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Régine TALABOULMA

ARRET :

-CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par Michel ANQUETIL, Président
-signé par Michel ANQUETIL, Président
et par Régine TALABOULMA, greffière présente lors du prononcé.

* * *
Monsieur Mohamed Lakehal Y...(Monsieur Y...) a subi une fibroscopie et une coloscopie les 22 et 24 septembre 1986 à l'HÔPITAL INTERCOMMUNAL DE MONTFERMEIL ;
Une échographie pratiquée le 2 octobre 1986 montrait des " microlithiases sans signe cholécystite ni de dilatation des voies biliaires " ;
Le 3 octobre suivant, le Docteur B..., son médecin traitant, adressait Monsieur Y...au Docteur C...en raison des micro-lithiases associées à l'existence d'une " masse dure de Douglas " ;
C'est ainsi que le 16 octobre de la même année, le Docteur C...opérait Monsieur Y...à la CLINIQUE OUDINOT à Paris ;
Un compte rendu d'anatomopathologie de la vésicule biliaire et un compte rendu d'anatomopathologie du nodule de l'intestin grêle étaient établis par le Docteur D...et transmis au Docteur C...;
Sur la base des ces documents, le Docteur C...a diagnostiqué une carcinose péritonéale généralisée, affection qui ne laisse qu'une espérance de vie de 6 à 18 mois, et en a informé le Docteur B...par courrier du 19 octobre 1986 ;
Retourné en Algérie, Monsieur Y...sera néanmoins revu par le Docteur C...à la FONDATION HÔPITAL SAINT JOSEPH (HÔPITAL SAINT JOSEPH) pour la mise en place, le 9 août, d'un " cathéter péridural relié à une petite pompe sous cutanée qui le soulage totalement et lui permet d'avoir une vie quasi normale grâce à des injections quotidiennes de Dolosal ou de Morphine sans conservateur " ;
Monsieur Y...est retourné ensuite en Algérie et ne reverra plus son médecin ;
Le 9 novembre 2000, soit plus de 13 ans plus tard, Monsieur Y...a fait délivrer une assignation devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris aux fins d'expertise médicale.
Par ordonnance du 1er décembre 2000, le juges des référés désignait le Docteur E...en qualité d'expert, et par ordonnance du 6 avril 2001, dispensait l'expert de procéder à l'examen clinique de Monsieur Y..." compte tenu des circonstances très spécifiques de ce dossier " et l'autorisait " à se livrer à une analyse sur dossier, de la situation médicale de celui-ci au vu des pièces médicales qui lui seront remises par les personnes ayant eu à traiter de son cas " ;
L'expert déposait son rapport le 13 novembre 2001 ;
Estimant avoir été victime d'une grave faute médicale, Monsieur Y...a alors saisi le Tribunal de Grande instance de PARIS par acte du 28 mars 2002 aux fins de condamnation de l'HÔPITAL SAINT JOSEPH et d'indemnisation de son préjudice ;
***

Vu le jugement du 7 juin 2004 du Tribunal de grande instance de PARIS qui a :
-déclaré Monsieur Mohamed Lakehal Y...mal fondé en toutes ses demandes et l'en a débouté ;
-dit n'y avoir lieu a exécution provisoire, ni à application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
-débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;
-condamné Mohamed Lakehal Y...aux entiers dépens de l'instance incluant ceux du référé et les frais d'expertise ;

Vu l'appel formé le 30 juin 2004 par Monsieur Mohamed Lakehal Y...

Vu les dernières conclusions déposées le 2 novembre 2004 par Monsieur Mohamed Lakehal Y..., qui demande à la Cour de :
-le recevoir en son appel et le dire bien fondé,
-infirmer la décision querellée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
-vu le rapport d'expertise du Professeur E...,
-condamner la FONDATION HOPITAL SAINT-JOSEPH à lui verser la somme de 609 796 € toutes causes de préjudice confondues,
-condamner la FONDATION HÔPITAL SAINT-JOSEPH à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi directement par la SCP RIBAUT, avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile,
Subsidiairement,
-ordonner une nouvelle expertise en présence de Monsieur Y...et désigner tel expert qu'il plaira à la cour,
-surseoir à statuer sur les demandes de Monsieur Y...;

Vu les dernières conclusions déposées le 10 janvier 2005 par la FONDATION HÔPITAL SAINT JOSEPH, qui demande à la Cour de :
-confirmant le jugement entrepris,
A titre principal,
-constater que la concluante n'a pas eu communication du dossier médical de l'hôpital TENON que l'expert a eu en mains,
-constater que le principe essentiel du contradictoire n'a pas été respecté par l'expert sur un élément fondamental du dossier,
-dire en conséquence que Monsieur Mohamed Y...était atteint d'une carcinose péritonéale généralisée qui est une forme de cancer gravissime dont l'issue est systématiquement la mort après quelques mois,
-constater que le rapport de l'expert E...est incompréhensible pour expliquer la survie d'un patient atteint de ce cancer 18 ans après le diagnostic,
-désigner au besoin un expert cancérologue avec la mission habituelle en matière de responsabilité médicale et dire que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la mission de l'expert judiciaire sera complétée pour comporter les chefs de mission suivants :
" Dire si le diagnostic de carcinose péritonéale généralisée posé en 1986 par le Docteur C...est ou non erroné ? "
" Et si ce diagnostic n'est pas erroné, expliquer comment un patient atteint en 1986 d'un cancer gastrique en situation métastatique aurait pu survivre jusqu'à aujourd'hui alors que la littérature mondiale sur le sujet ne rapporte aucun cas de survie sur une période aussi longue de 18 ans. ",
A titre subsidiaire, et si la Cour devait dire que le rapport de l'expert E...est opposable à la concluante sans désigner un nouvel expert en cancérologie,
-constater que M. Y...est reparti en Algérie en 1986 avec une prescription de produits morphinique du Docteur C...valable 7 jours puisque la prescription de produits stupéfiants n'est légalement possible au-delà de ce délai,
-constater en conséquence que la fondation Hôpital Saint Joseph ne peut dans tous les cas de figure être rendue responsable d'une accoutumance du demandeur à la morphine et à d'autres drogues,
-constater que le demandeur qui réclame la somme de 606 796,00 € ne fait pas la preuve de son préjudice à hauteur d'un pareil montant,
-en conséquence, débouter le demandeur de toutes ses demandes de condamnation dirigées contre la fondation Hôpital Saint Joseph,
-condamner le demandeur à payer à la concluante la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 Nouveau code de procédure civile,
-condamner le demandeur en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP C. BOMMART FORSTER, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 29 septembre 2006 ;

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant qu'aux termes des articles 32 à 34 du Code de déontologie médicale, que dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents (article 32),
qu'il doit également toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés (article 33), enfin, qu'il doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution (article 34) ;

Considérant que Monsieur Y...rappelle qu'il est tombé malade en 1987, a été soigné par le Docteur C...qui avait diagnostiqué un cancer généralisé lui laissant tout au plus six mois de survie et lui avait prescrit de la morphine afin d'atténuer la douleur et l'aider à vivre cette dernière période, mais que, toujours vivant à ce jour, il est devenu dépendant à la morphine, ce qui a entraîné de graves conséquences tant pour lui que pour sa famille ;

Considérant qu'en l'espèce il n'est pas contesté que, quelle que soit sa qualification scientifique, la maladie dont souffrait Monsieur Y...qui semble y avoir survécu contre toute explication scientifique, entraînait effectivement des douleurs constantes considérables ;

Que, pour cette raison, le Docteur C...ne voyant " malheureusement aucun traitement complémentaire à lui proposer " a procédé à la pose d'un " cathéter péridural relié à une petite pompe sous cutanée qui le soulage totalement et lui permet d'avoir une vie quasi normale grâce à des injections quotidiennes de Dolosal ou de Morphine sans conservateur " sur Monsieur Y...et qu'aucune erreur de diagnostic n'est relevée sur ce point, étant précisé que la Morphine était prescrite non par voie générale mais par voie purement locale ;

Qu'en outre, il n'est pas contestable ni contesté que la prescription du Docteur C...était limitée dans le temps comme le fait justement remarquer la Fondation Hôpital Saint Joseph ;

Qu'ainsi, la poursuite de ce traitement supposait un suivi médical en Algérie dès lors que le patient avait choisi de retourner y vivre, le Docteur C...ne pouvant plus le faire non sans avoir établi les certificats médicaux nécessaires pour permettre à un médecin du nouveau domicile de prendre un relais efficace selon l'évolution de la maladie ;

Que dès lors, la dépendance à la morphine invoquée par l'appelant ne peut résulter d'une seule et unique prescription de morphine ou Dolosal, limitée à sept jours le 18 juillet 1987, c'est-à-dire treize ans auparavant, d'autant que les pièces versées aux débats par l'appelant soulignent son état antérieur et / ou concomitant d'alcoolique et de toxicomane ;

Considérant en conséquence, que le lien de causalité entre cette prescription liée à un cancer et l'état de dépendance invoqué n'est pas établi par l'appelant qui sera donc débouté sans qu'il soit besoin d'examiner les autres chefs de demandes ; ***

Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;

Considérant que succombant en son appel, Monsieur Mohamed Lakehal Y...devra supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE Monsieur Mohamed Lakehal Y...:

-au paiement de la somme de 3 000 € (TROIS MILLE EUROS) à la FONDATION HÔPITAL SAINT JOSEPH au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

-aux entiers dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP BOMMART FORSTER, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 04/14462
Date de la décision : 17/11/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-11-17;04.14462 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award